
le rapxrt énoncé dans l ’adjcâif comparatif Mais
ce que l ’énergie fupprime dans la phra’fe ufuelle,
la rai .'on exige qu’on le rétabliffe dans la conftruc-
tion analytique qui doit tout exprimer. A in fi,
ocior vernis ( Hor. ) fignifie analytiquement ocior ;
præ vernis ( plus vite en comparaifon des vents ) ;
ce que.nous rendons par cette .phrafe, P lu s vite ;
que Les vents. De même , S i vicinus tuus me- !
liorem equum habet quam tuus eft {C ic . ) , doit
s’analyfer ainfi ; S i vicinus tuus habet equum
meliorem præ eâ ratione fecundum quam rationem
tuus equus eft bonus. Ego callidiorem homineni
quam Parmenonem vidi neminem ( T e r . ) , c’eft
à dire, ego vidi neminem callidiorem , præ eâ
ratione ..fecundum quam rationem vidi Parmenomem
callidum. Similior fum patri quam mat ri. ( M ine
rv. I I , x ) , e’eft à dire, fum fimilior p atri,
præ eâ ratione fecundum quam rationem fum
fimilis mat ri. Major fum quam cui poffit fortuna
nocere ( Gvid. ) , c’eft â dire, major fum præ eâ
ratione fecundum quam rationem ille homo cui
homini res eft ita ut fortuna poffit nocere eft magnus.
Major quam pro re loetitia ( L iv ..) , c’eft à dire ,
lætïtia major pxx eâ ratione fecundum quam rationem
læ.itid debuit elfe magna pro re. Cette néceflité de
fuppléer eft toujours la même, jufques dans lesphra-
fes où le comparatif fèmble être employé d’une manière
abfolue, comme dans ce vers de Virgile(Æ/t. I) 3
T rijiior , & lachrimis oculos fujfufà nitentes ;
c’eft à dire , trijiior præ habitu folito.
Ceux qui ne fe font jamais mis en peine d’apro-
fondir les raifons grammaticales du langage, les
grammairiens purement imitatores , ne manqueront
pas de s’élever contre ces fuppléments qui
leur paroitront des locutions infoutenables 8c non
autorifées par l ’ufage. Quoique j’aye déjà répondu
ailleurs aux fcrupules de cette faulfe & pitoyable
délicateffe, je tranferirai ici une réponfe de Péri-
zonius , qui concerne dire élément l ’eïpèce de fip -
plément dont i l s’agit ici ( Mine rv. I I I , x iv ,
no t. 7 ) ; Horridiora ea fu n t fæpe , fateor ,• fed.
6’ idcirco, feu elegantiæ majoris gratiâ, omijfa
funt. Nam f i -uteremur intègris femper & plenis
loauutionibus, quam maximê incomta & prorfus
abfona foret latina oratio. Et un peu plus bas :
Vides quam aliéna ab aurium voluptate & ora-
tiojiis concinnitate fin t hæc fuppLementa ; fed
'& idcirco etiam p raid [a f u n t , ut dix i -, retenta
tantum ilia voculâ, in quâ vis tranfitionis ii%
comparanda confiflit , fed quæ vis non nifi per
ilia fupplementa explicari , plané & ut oportet,
jpoteft.
Je reviens au comparatif, puifque.j’ai cette oc-
cafion d’en aprofondir la nature, ôc’que cela n’a
point été fait en fon lieu par du Marfais. Si l ’ad-
je d i f ou i ’ad/erbe comparatif, par la raifon qu’il
énonce un raport, fuppofe néceffairement une comparaifon
des deux termes 3 on peut dire réciproquement
que la prépofition p ræ , qui eft comparative
en foi, fuppofe pareillement que l ’adjeftif
ou l’adverbe énonce un raport découvert par la
comparaifon : ce raport eft en latin celui de Supériorité,
comme le ieul auquel l ’ufage ait deftiné
une terminaifon propre , & le feul peut-être auquel
i l ait été fait attention dans toutes les langues. De
là viennent, i° . ces locutions fréquentes, où la
comparaifon efl très7fenfible , quoique l ’adjeélif ou
l ’adverbe foit au pofitif 3 comme nous avons vu
plus haut, Præ nobis beatus , præ fe formofis,
parvampræ eâ-quæ conderetur.'Ùe là vient, i° . que
les hébreux ne connoiflent que la forme pofitive
des adjeftifs & des adverbes, 6c qu’ils n’expriment
leurs comparaifons que comme on le voit dans ces
exemples latins; ou par la prépofition jq ( men ) ou
O [m e ) , qui en eft l ’abrégé , ôc qui a la lignification
-extraclive de ex ou celle de præ ,* ou bien par la
prépofition [a l) , qui veut dite fuper : c’eft ainfi
qu’il faut entendre le lèns de ce paffage [ P f cxvij-,
,8, p ),- Bonum eft confidere in Domino quam
confidere in homine ; bonum eft fperare in Domino
quant Jperare in principibus ; le quam latin étant
ramené à fa valeur analytique , præ eâ ratione fe cundum
quam rationem bonum eft, rend la valeur
de la prépofition hébraïque, & prouve qu’avec
bonum il faut foufentendte magis , que les hébreux
n’expriment point : c’eft encore par un hébraïfme
femblable qu’i l eft dit ( P f exij, 4 ) : Excelfus
fuper omnes gentes Dominus'', pour excelfior
præ omnibus gentibus. De là vient, 30. que l ’on
trouve le Superlatif même employé dans des phrafes
comparatives , dont la comparaifon eft énoncée par
une prépofition , ou défignée par le régime nécef-
faire de la prépofition , fi elle eft foufentendue 3
Ante alios pulcherrimiis, famofi(ftma fuper cesteras
; inter omnes maximus, ex omnibus doc-
tiffimus , la prépofition eft exprimée ; Quod minimum
quidem eft omnibus feminibus. ( Matth. xii j,
3 z ) , la prépofition præ eft îndiquéedei par l ’ablatif,
qui en eft le régime néceffaire.
Réfumons ce premier argument. On trouve des
phrafes comparatives où l ’adjeétif eft au pofitif ; la
comparaifon n’y eft donc pas exprimée par l ’ad-
jeétif , c’eft uniquement par la prépofitiô-ri. On
trouve d’autres phrafes où la même prépofition comparative
eft exprimée ou clairement défignée par
fon régime néceffaire, , quoique l’adjëâit foit au
-comparatif ou au Superlatif, donc , dans ces ~eàs-
là même , l’adjeéüf n’a aucune lignification; comparative.
J’ai déterminé plus haut en quoi confifte
précifément la lignification du degré comparatif3
pour celle du Superlatif, nous l’examinerçms en
particulier , quand j’aurai ajoute , à ce que je viens
de .dire’, la fécondé preuve que j’ai prbmife d’après
Sanétius , & qui tombe direéïement fur ce degré.
C ’ eft que l ’on rencontre quantité de phrafes, où
ce degré eft employé de manière qu’i l n’eft pas
poflible d’y attacher la moindre idée de comparaifon
3 ce qui feroit aparemment impoffible , s’il étoiÉ
naturellement deftiné au fens comparatif. Quand
Cicéron., par exemple ,. écrit à fa femme Térence ,
Ego f in i miferior quam tu quæ es miferrima ;
la proposition «ft fans contredit fcomparalive , &
l ’adjeélif miferior, qui qualifie par un raport de
fupériorité, fuppofe nécelfairement cette comparaifon
, mais fans l ’exprimer : rien ne l ’exprime dans
cette phrafe, elle n’y eft qu’indiquée j & pour la
rendre fenfible, i l faut en venir à l ’analyfe, Ego
fum miferior præ eâ ratione fecundum quam rationem
tu , quæ es miferrima, es mifera. Or il ^
,eft évident que miferrima n’eft pas plus comparatif,
ou, fi l’on veut, pas plus relatif dans quæ
es miferrima, que mifera ne l ’eft lui-même dans
tu es mifera : au lieu du tour complexe que C icéron
a donné à cette propofition, il auroit pu la
décompofer de cette manière, où il ne refte pas
la moindre trace d’un fens relatif : Equidem tu
es miferrima ,• fed ego fum miferior - quam tu ,•
vous êtes malheureufe,. j’en conviens , & très-mal-
heureufe 3 cependant je le fuis encore plus que
vous.
Cette explication-là même nous met fur les voies
du véritable fens de la formé qu’on a nommée fu -
perlative ,* c’eft une fimple extenfion du1 fens primitif
& fondamental énoncé par laforme pofitive,
mais fans aucune comparaifon prochaine ou éloignée,
dkeéfe ou indireéle 3 c’eft une expreftion plus
énergique de la même idée 5 ou fi quelque chofe
eft ajouté à l ’idée primitive , c’eft une addition
réellement indéterminée, parce qu’elle fe fait fans
comparaifon : je dirois donc volontiers queT’ad-
jeélif ou l ’adverbe eft "pris alors dans un fens amp
lia t if, plus tôt que dans un fens fuperlatif, parce
que cette dernière dénomination fuppofant, comme
on l’a vil plus haut, une comparaifon de termes
qui n’a point lieu ic i, ne péut qu’occafionner bien
des erreurs & des difcuflïons , fouvent aüiïî nuifibies
aux progrès de la raifon que l ’erreur même.
Que ce foit en effet ce fens ampliatif qui carac-
•térife la forme particulière dont i l eft ici queftion ,
c’eft une vérité atteftée par bien des preuves de
fait.
i®. La langue hébraïque & fes dialeétes n’ont .
point admis cette forme 3 mais elle y eft remplacée
par un idiotifme qui préfente uniquement à l ’efprit
cette addition ampliative 3c abfolue 3 c’eft la répétition
de l ’adjeftif même ou de l ’adverbe. Cette
forte d’hébraïfme fe rencontre fréquemment dans la
verfion vulgate de l ’Écriture 3 & il eft utile d’en
être prévenu pour en fàifir le fens : Malum eft ,
malum e ft, dicit omnis emptor ( Prov. x x , 14)3
c’eft à dire, pefftmum eft ( Poye% Amen & Idiotisme
). La répétition même du verbe eft encore
un tour énergique que l ’Analyfe ne peut rendre que
par ce qu’on nomme Superlatif. Par exemple, !
ngnifie analytiquement cupio hoc ut res fia t ; mais
f i a t , fia t ! c’eft cupio vehementijftmê, & c.
1°. L ’idée de' cette répétition pour défigner le
fens ampliatif, & celle fur tout de la triple répétition,
n’étoit pas inconnue aux latins : le tergeminis
toile re honoribus d'Horace ( I. od. 1) j fon tobur
& as triplex ( I. od. n i ) ; le terveneficus de
Plaute, pour fignifier un grand empoifonneur ;
fon trifur, voleur confommé 3 fon triparcus, fort
mefquin j le mot de Virgile ( I. Æ n . 98 ) , O
terque quaterque beati j répété par T ib u lle , O
felicem ilium terque quaterque diem ; & rendu
encore par Horace fous une autre forme, Ftlices
ter & ampliùs ,* tout cela , & mille autres exemples
-démontrent affez que l ’ufage de cette langue
attachoit un fens véritablement ampliatif1 furtout a
la triple répétition du mot.
3°. Voffius ( D e Anal. I I , 13 ) nous fournit de
la même vérité une preuve d’une autre efpèce,
quoiqu’il en tire une conféquence affez différente 3
voici fes propres termes : Non parum hane fen-
tentiam juva t ( i l parle de fon opinion particulière,
& je l’applique à la mienne avec plus de jufteffe ,
fi je ne me trompe ) quod Superlativi , in and-
quis infcripdonibus , pojitivigeminatione exprimi
foleant : ita B B , in iis notât benè, benè, hoc
eft optimè : idem B B , bonis , bonis , hoc eft op-
timis 3 & F F , PP , F F , fôrlifîimi , piiffimi ,
feliciflîmi ; zre./?z LL*libentiffî me : MM, meritiffimo,
etiam malus , malus , hoc eft peftimus. Voflius cite
Gruter pour garant de ce qu’il avance, & j y renvoie
avec lui.
4°. Cet ufage de répéter le mot pour en amplifier
le fens n’étoit pas ignoré des grecs, non
qu’ils le répétaffent en effet, mais ils en indiquoient
la répétition 3 rfïs pcixctpis A «moi xj Tt\fctH.ts[Ody]f. $)
ter beati Dan ai & quater ; c’eft à dire , beatifftmi
Danaï. On peut obferver que le furnom de Mer-
cureTrifmégifte, Tpispéjifos, a, par emphafe, une double
ampliation, puifqu’il fignifie littéralement ter
maximus.
5°. Les-itàliens ont un Superlatif affez femblable
à celui des latins, de qui ils paroiffent
l ’avoir emprunté 3 mais i l n’a , dans leur langue,
que le fens ampliatif, que nous rendons par très ;
fapiente [ fage ) ; fapiendfftmo pour le màfculin ,
& fapientifftma pour le féminin, ( très-fage ). Jamais
il n’a le fens comparatif que nous exprimons
par p lu s précédé d’un article.» Le plus, ditVénéroni
[part. l,c h a p . ij ) , » s’exprime pav ilp ià : exem-
» pies : le plus beau , i l più. bello ; le plus grand ,
» i l plie grande ; la plus belle , la più. bella ; les
» plus beaux, i più belli; les plus belles, le più
» belle » : & de même, le plus fage , i l più fa piente
; la plus fage , la più fapiente ; les plus
fao-es , i più fa p ienti, m. ou le più fapienti , f.
I l&me femble que cette diftin&ion prouve affez
clairement que le Superlatif latin n’avoit de même
que le fens ampliatif, Ôc nullement le compas
ratif.
i l eft vrai, car il faut tout avouer, que les allemands
ont un Superlatif qui n’a au contraire que
le fens comparatif, & nullement le Cens ampliatif :
ils difent au pofitifweifs ( fage) &au Superlatif
ils difent weijfeft (le plus fage)} s’ils veulent donner