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» Mais, 'ajoute-t-on [part. I l , fuite du chap. ix),
» le Re latif perd quelquefois fa force de déraonf-
» tratit, & ne fait plus que l ’office de conjonction ;
» ce que nous pouvons confidérer en deux recontres
» particulières.
» La première eft une façon de parler fort ordi-
» naire dans la langue hébraïque , qui eft que ,
» lorfque le R e la t if n’eft pas le fujet de la pro-
» pofïtion dans laquelle il entre , mais feulement
» partie de l’attribut, comme lorfque l’on dit ,
» Pulvis Qu E M projicit ventus ; les hébreux
» alors ne lai fient au R e la t if que le dernier ufage,
» de marquer l’union de la propofition avec une
» autre ; & pour l’autre ufage , qui eft de tenir
» 1 $ place du nom , ils l’expriment par le pro-
» nom démonftratif, comme s’il n’y avoit point
» de R e la t if i de forte qu’ils rflfent quem pro-
» j ic ii EUM ventus . . . Les grammairiens, n’ayant
» pas bien diftingué ces deux ufages du R e la t if
» n orït pu rendre aucune raifon de cette façon
»> de parler, & ont été réduits à dire que c’étoit
» un pléonafme , c’eft à dire , une fupcrfluïté inu-
» tile »;
Quiconque lit ce paflage de Port-Royal i s’imagine
qu’il y a en hébreu un adjeCtif démonftratif
conjonCtif correfpondant au qui , quæ , quod
latin , & pouvant s’accorder en genre & en nombre
avec fan antécédent ; & dans ce cas il femble
en effet qu’il n’ y ait lien autre chofe à dire que
d’expliquer l ’hébraïfme par le pléonafme, qui eft
réellement très-fenfîble dans le paflage de S. Pierre,
V tS clvtv UtôjtTÉ ,. cujus livore ejus
fana ti efiis. Surpris d’un ufage fi peu raifonnabie
& fi difficile à expliquer , j’ouvre les Grammaires
hébraïques , & je trouve dans celle de l ’abbé Lad-
vocat \pug. 67 ) , que » le pronom relatif en
» hébreu eft , 8Çqu’il fert pour tous les gen-
» res, pour tous les nombres , pour tous les cas ,
» & pour toutes les perfonnes ». Je.paffe à celle
de Mafcfef ( tom. 1 -, cdp. i i j , n°. 4 , pag. 69 ) ,
& j’y trouve : Pronomen relativum ejl ,
quod omnibus generibus , cafibüs ,- ac numeris
infervit, fignificans, pro varia locorum exigea-
tiâ , q u i, quæ, quod, cujus , cui , quem, quorum,
quos, &c.
Cette indéclinabilité du prétendu pronom relatif
combinée avec i’ufage confiant des hébreux , d’y
joindre l ’adjeftif démonftratif iorfqu’il n’eft pas le
fujet de la propofition , m’â fait conjecturer que
Je mot hébreu n’eft en effet qu’une conjonction ,
que c’eft pour cela qu’i l eft eflenciellement indéclinable
; & que ce que les grecs, les latins, &
tant d’autres peuples expriment en un feul mot
coujonCtif & démonftratif tout à la fois, les hébreux
l’expriment en deux mots, la conjonction
dans l’un , & l ’idée démonftrative dans l’autre : je
trouve çn effet que Mafclef compte parmi les
pnjonCfious caufales 1 V? qu’i l traduit par quod•
Cette découverte me donne de là hatdiefle, & je
crois que cette conjonction eft indéfinie , & peut
fe rendre tantôt d’une manière & tantôt de l ’autre,
précifément comme celle du q u i, quæ, quod
des latins. Ainfi, je ne traduirois point le texte
hébreu par pulvis quem projicit, eum ventus, mais
par pulvis , & projicit ou quoniam projicit eum
ventus y & le pulvis quem projicit ventus de la
vulgate en e ft, fous la forme autorifée en latin ,
une autre traduction littérale & fidèle. De même
le paflage 'de S. Pierre , pour répondre fidèlement
à l ’hébraïfme, aùroit dû être : jçj t»/*«Aoe« clvtm
/aôvtTê, & livore ejus fanati efiis i ou'bien en
réduifant à un même mot la conjonction & l ’ad-
jeCtif démonftratif, § r« pA«®/ iaênn , cujus livore
fanati efiis : le texte grec ne préfente le
pléonafme , que parce que le traducteur n’avoit
pas faifi le vrai fens de l ’hébreu , ni connu
la nature intrinsèque du prétendu pronom relatif
hébraïque. Si les hébreux ne font pas ufage de
l ’adjeCtif démonftratif dans le cas ou il eft fujet,
c’eft que la terminaifon du verbe le défigne allez.
Pour ce qui eft des exemples tirés immédiatement
du latin , comme la même explication ne
peut pas avoir lieu , il faut prononcer hardiment
u’ii y a périffôlogie. On cite cet exemple de
’ite Live : Ut in tufçulanos animadverteretur ,
quorum eorum ope ac confilio veliterni populo
romano bellum feciffeiit ; qu’y a - t - i l de mieux
que d’adopter la correction propofée de quod ou
quoniam au lieu de quorum , ou la luppreflion
de eorum ? On ne peut pas plus rejeter en Grammaire
qu’ailieurs, le principe néceflaire de l'immutabilité
des natures. L ’adjeCtif que l ’on nomme
communément pronom relatif eft, dans toutes les
langues qui le déclinent, adjectif démonfiratif 8c
conjonctif ,• & l ’ufage , dans aucune , ne peut le dé.
pouilleren quelques cas de l ’idée démonftrative pour
ne lui laifler que l ’effet conjonCtif, parce qu’unç
conjonction déclinable eft un phénomène impoli*
fible.
Le grammairien de Port-Royal fe trompe donc
encore dans la manière dont il interprète le quod
de cette phrafe de Cicéron , Non tibi objicio QUOD hominem fpoliafii. » Pour moi , d it- il,
» je crois que c’eft le R e la t if qui a toujours ra-r
» port à un antécédent, mais qui eft dépouillé de
» fon ufage de pronom, n’enfermant rien dans
» fa lignification qui fafle partie ou du fujet ou
» de 1 attribut de la propofition incidente, & re-
» tenant feulement fon fgçond ufage d’unir la
» propofition ou il fe trouve à une autre....Car dans » ce paflage de Cicéron , Non tibi objicio QUOD
» hominem fp oliafii , ces derniers mots, hominem
» fp o lia fii, font une propofition parfaite , où le
» quod qui la précède n’ajoûte rien & ne fuppofe
» pour aucun nom ; ipais tout ce qu’il fait eft que cette
» même propofitio» où i l eft joint, ne fait plus
» partie que de la propofition entière, Non tibi
» objiçio QUOD hominem fpoliafii ; a» lieu que
» fan$
v fans le quod elle, fubfifteroit par elle - même,
» & fevoi t toute feule une propofition ». L e quod.
dont il s’agit e ft, dans cet exemple.& dans tous
les autres pareils, un vrai adjeCtir démonftratif &
conjonCtif, comme en toute .occurrence ; & pour
s’en affûrer, il ne faut que faire la conftruCtion
analytique du texte de Cicéron $ la voici : Non
tibi objicio crinien , QUOD. crimèn efi taie, fp o liafii
hominem ; ce qui peut, fe déco mpofer ainfi :
’Non tibi objicio hoc crimeti, E T h o c crimen efi
taie , fpoliafii hominem. La propofition fpoliafii
hominem eût un jièvelopement .déterminatif de l ’adjeCtif
indéfini , & peut être enyifagée comme
ne fefant qu’un avec taie : mais quod fait partie
du fujet dont l’attribut eft efi taie , fpoliafii hominem
, & conftitue par co.nféquent une partie.de l ’incidente.
P~oye^ Incidente.
Le même auteur prétend au contraire qu’il y a
des rencontres où cet adjeCtif ne conferve que fa
lignification démonftrative, & perd fa vertu .conjonctive.
» Par exemple , dit-il , Pline commence
» ainfi fon Panégyrique : Benè ac fapienter, P .
n C. majores infiituerunt, ut rerum agendarum,
» ita dicendi initium à precqtionibus capere,
» quod nihil rite nihilque providenter hommes,
» fine deorum immortaliunj. ope , 'confilio, ho-
» nore , aufpicarentur, Q u i mos, cui potiüs
» quam confuli , dut quando magis ufitrpandus
» colendufque efi ? I l eft certain que ce qui com-
» jnencc plus tôt une nouvelle période , qu’il
» ne joint celle-ci à la précédente ; d’où vient
» même qu’il eft précédé d’un point : & c’eft pôur-
» quoi ën tradùifant cela en François, on ne met-
» tfoït jamais, laquelle coutume, mais cette cou-
» tunte, commençant ainfi la fécondé période : E t
» par qui c e t t e coutume doit-elle être p lus tôt
p obfervée que par un confuli &c ».
Remarquez cependant que l ’auteur de la" Grammaire
générale conferve lui-même la conjonction
dans fa traduction : E t par qui c e t t e coutume ;
en forte qu’en difputant contré, il avoue'allez
clairement que lé qui latin eft la même chofe. que
& is ,* c’eft une vérité qu’il fentoit fans la .voir. Je
crois pourtant que la conjonction eft inal rendue
par 6* dans cet exemple : il ne s’agit pas d’aflocier
les deux propofitions confécutives pour une même
fin , & par conféquent la conjonction copulative y
eft déplacée y la première propofition eft un principe
de fait qui eft général, & la fécondé femble
être une cônelüfion que l ’on en déduit par cette
forte' de raifonnement que les rhéteurs appellent à
minori ad majus : ainfi , je çrbirois que la
conjonction qui convient ici doit être la conclu-
five igitur ( donc); qui mos pc’ eft.d dire , igitur
hic mos j & en françois, pour ne pas trop m’écarter
de la verfion de Port-Royal, par qui DON à
c e t t e coutume doit-elle être plus tôt obfervée ,
que par un conful 1 &c. !
On ajoute que Cicéron eft plein .de ferùblables
exemples y on auroit pu dire la même chofe de
G r a m m . e t L i t t ê r a t . Tome I I I .
tous les bons auteurs latins. O11 cite celui -ci
[Orat, V , in Verrem ) : Itaque alii cives romani,
ne cognofcerentur, capitibus obvolutis à carcere
âd palum arque ad necem rapiebanïur : alii ,
quum àmultis civibus romanis recognofeerentur,
ah omnibus âefende rentur,yfecuriferic b an tur. Q U O-
Rum ego de acerbijfimd morte crudeliff moque
cruciatu dicam, quum eunifocum tracîpre coepero.
Ce quorum, dit-on , fe traduiroit en françois comme
s’il y ’ avoit de illorum morte. Je n’en crois rien;
& je fuis d’avis que qui le traduiroit de la fc-rte >
n’en rendroit pas toute l’énergie & ôteroit l’âme
du difcôurs, puifqu’elle conlifte. furtout dans la
liaifon. Quelle eft cette liaifon ? Cicéron , remettant
â parler ailleurs de cet objet, femble par là
défapprouver le.peu qu’il en a-dit, ou du moins,
s’oppofer à l ’attente qu’il a pu faire naître dans
l ’efprit des auditeurs : il faut donc, pour entrer
d'ans'fes vues, décompofer le quprum par la conjonction
adverfâtive fed , 8c conftruire ainfi ; S ed
ego dicam de morte acerbiffimâ atque de cruciatu
crudeliffimo îÉ L OR U M ; ce qui me paroît être
d’une neceflîté indifpenfable , & prouver que , dans
l’exemple en question, quorum n’eftpas dépouillé de
fa vertu conjonClive , qu’en effet il ne perd nulle
part. WÊ
Is ( Neoclus ) ù.xôr.em , hallear 11a(fiant civem
dùxity ex quâ natus efi Themifiocles. Q u i quum
minus effet probants parentibus , quod & liberiùs
vivebat & rem familiarem negligebat, à pâtre
exheeredatus efi. Q u æ contumelia non frégit
eum ,fe d erexit ( Corn. Nep. in Themift. cap. j ).
_Voilà un qui & u.n quce qui commencent 'chacun
ûne phrafè. Il me femble qu’il faut interpréter le
premier comme s’il y avoit A T QUI I s quum mi-
Tiùs probatus , &c> ( Or CELUI-CI n’étant pas dans'
les bonnes grâces de fes parents ) : é’eft une remarque
que Fhifton.en veut joindre à ce, qui précède ,
par une tranfition. QuÆ contumelia non f régit
eum , fed erexit ; ,ç’eft à dire , V E R U M H Æ C
contumelia non f régit eum , fed e rexit; l’effet
naturel de l ’exhérédation devoit être d’affliger Thé-
miftocle & de\isabattre , ce. fut le contraire; i l
faut donc joindre cette remarque au récit du fait
par une çonjonCtiori adyerfative., de même que les
deux parties de la remarque pareillement oppofées
entre elles : ainfi , je traduirois ; Ma i s CET
affront, au lieu de Vabattre , lui èleva Vâme ;
la conjonCtion mais indique l ’oppofition qu’il y
a entre l ’effet & la caufe; 8c.au lieu de défigne
l ’oppofitiôn refpeÇtive de,l’effet attendu & de l ’effet
réel.
I l n’y a pas .une- feule occafion où le qui , quæ ,
quod ainfi: employé , ou de quelque autre manière
que ce foit, ne conferve & fa lignification démonstrative
& fa. vertu. conjonCtive. Outre qu’on vient
de le voir dans l ’explication analyfée des exemples
mêmes allégués par Lancelot en faveur de l ’opinioa
contraire ; c’eft une conséquence naturelle de l ’aveu
que fait cet auteur que qui, ru a , quod eft fouven$