
2 © V E R
inverfe de l ’autre : dans amo Deum , le raport
aélif fe porte vers le terme paflîf Deum ; dans amor à Deo , le raport paflîf eft dirigé vers le
terme a&if Deo : or Deo eft ici complément de
la prépofition à , qui dénote en général un raport
d’origine , pour faire entendre que l ’impreilion
paflive eft raportée à fa caufe ; pourquoi, dans la
phrafe active, Deum ne feroit-ii pas le complément
de la prépofition ad, qui dénote en générai un
raport de tendance, pour faire entendre que l ’aétion
eft raportée à i’objet paflîf ?
4°. On fupprime toujours en latin la prépofition
a d , j ’en conviens $ mais l ’idée en eft toujours
rappelée par l ’accufatif qui la fuppo'fe , de même
que l’idée de la prépofition à eft rappelée par
1 ablatif, lorfqu’elle eft en effet fupprimée dans
la phrafe paflive, comme compulfi f it i pour à f i ( i . .
D ’ailleurs cette fuppreflion de la prépofition, dans
la phrafe aélive , n’eft pas univerfelle : les efpa-
gnols difent amar à D io s , comme les latins au-
roient pu dire amare ad Deum ( être en amour
pour Dieu ) , & comme nous aurions pu dire aimer
à Dieu. Eh i ne trouvons - nous pas l’équivalent
dans nos anciens auteurs? E t pria A fe s amis que
c i l roules f u t mis fu r fort tombel , que cette inscription
fut mife fur fon tombeau ( Dictionn. de
Borel, verb. Roullet ). Que dis-je ? nous confervons
la prépofition dans plufiêurs phrafe_s , quand le
terme obje&if eft un infinitif ; ainfî , nous difons
j ]*aime à chajfer, & non pas fa im e chajfer, quoique
nous difions fans prépofition , fa im e la chajfe ,*
j e commence à raconter, j'apprends à chanter,
quoiqu’il faille dire, j e commence un récit, j 'a p prends
la Mufique. >
Tout femble donc concourir pour mettre dans la
dépendance d’une prépofition l ’accufàtif qui pafle
pour régime du verbe aétif relatif : l ’analogie latine
des cas en fera plus fimple & plus uniforme :
la fyntaxe du verbe aârif fera'plus raprochée de
celle du verbe paflîf ; & elle doit l ’être , puifqu’ils
lont également relatifs, & qu’il s’agit également
de rendre fenfîble de part ’& d’autre la relation au
terme conféquent : enfin les ufages des autres langues
autorifent cette efpèce de fyntaxe , & nous en trouvons
des exemples jufques dans l’ufage préfent de la
nôtre.
Je ne prétends pas dire que, pour parler latin,
i l faille exprimer aucune prépofition après le verbe
a<ftif; je veux dire feulement que, pour analyfer la
phrafe latine, il faut en tenir compte, & à plus
forte raifon après les noms & les adjeâifs verbaux»
(M . B e a u z é e .» )
V E R B E , f. m. Grammaire» En analyfant avec
Ja plus grande attention les différents ufages du
Verbe dans le difcours ( voye\ Mot, art, i ] , j’ai
cru devoir le définir , Un mot qui préfente àVef-
prit un être indéterminé, défigné feulement par
Vidée générale de V exijlence fous une relation à
prie modification»
V E R
L ’idée de mot eft la plus générale qui puiffe
entrer dans la notion du Verbe ,* c’eft, en quelque
forte , le genre fuprême : toutes les autres parties
d’oraifon font aufli des mots, -
Ce genre eft reftreint à un autre moins coni.
mun, par la propriété de préfenter à Vefprit un
être : cette propriété ne convient pas a toutes les
efpèces de mots; il n’y a que les mots déclinables
& fufceptibles furtout des inflexions numériques :
ainfî, l’idée générique eft reftreinte par là aux
feules parties d’oraifon déclinables , qui font les
noms, les pronoms, les adjectifs , & les Verbes; les prépofitions, les adverbes, les conjon&ions, & les
interjetions s’en trouvent exclus.
C’eft exclure encore les noms 8c les pronoms
& reftreindre de plus en plus l’idée générique, que /
de dire que le Verbe ejl un moi qui préfente à
Vefprit un être indéterminé ; car les noms & les
pronoms préfentent à l’efprit des êtres déterminés
( Voye\ Nom & Pronom). Cette idée générique
ne convient donc plus qu’aux ad je tifs & aux Verbes ;
le genre eft le plus reftreint qu’il foitpoflîble, puif-
qu’il ne comprend plus que deux efpèces , c’eft
le genre prochain. Si l’on vouloit fe rappeler les
idées que j’ai attachées aux termes de déclinable & d’indéterminatif ( voye\ Mot ) , on pourroit
énoncer cette première partie de la définition , en
difant que le Verbe ejl un mot déclinable indéterminatif:
& c’eft apparemment la meilleure manière
de l’énoncer.
Que faut-il ajouter pour avoir une définition
complète ? Un dernier caractère qui ne puifle plus
convenir qu’à l’efpèce que l’on définit; en un mot,
il faut déterminer le genre prochain par la différence
fpécifique. C’eft ce que l’on fait aufti, quand
on dit que le Verbe défigne feulement par Vidée
générale de V exijlence fous une relation à une
modification : voilà le caratère diftinétif & incommunicable
de cette partie d’oraifon.
De ce que le Verbe eft un mot qui préfente à
l’efprit un être indéterminé, ou, fi l’on veut, de
ce qu’il eft un mot déclinable indéterminatif, il
peut, félon les vûes plus ou moins précités de
chaque langue , fe revêtir de toutes les formes
accidentelles que les ufages ont attachées aux noms
& aux pronoms qui préfentent à l’efprit des fu-
jets déterminés : & alors la concordance des inflexions
correfpondantes des deux efpèces de mots,
fert à défîgner l’application du fens vague de l’un
au fens précis de l’autre & l’identité aétuelle des
deux fujets , du fujet indéterminé exprimé par le
Verbe, & du fujet déterminé énoncé par le nom
ou par le pronom ^ Voye\ Identité). Mais
comme cette identité peut prefque toujours s’apercevoir
fans une concordance exa&e de tous les accidents
, il eft arrivé que bien des langues n’ont
pas admis dans leurs Verbes toutes les inflexions
imaginables relatives au fujet* Dans les Verbes
de la langue françojfe, les genres ne font admis
V E R 6 2 1
qtfau participe a&if ; la langue latine & la langue
grèque les ont admis au participe aftif ;
la langue hébraïque étend cette diftinéfcion aux
fécondés & troifîèmes perfonnes des modes
perfbnnels. Si l’on excepte le chinois & la langue
franque, où le Verbe n’a qu’une feule forme immuable
à tous égards, les autres langues fe font moins
permis à l’égard, des nombres & des perfonnes ;
& le Verbe prend prefque toujours des terminai-
fons relatives à ces deux points de vue, fi ce
n’eft dans les modes dont l’eflence même les exclut
: l’infinitif, par exemple, exclut les nombres 8c les perfonnes , parce que le fujet y demeure
eflenciellement indéterminé : le participe admet
les genres & les nombres, parce qu’il eft adjeélif ;
mais il rejette les perfonnes , parce qu’il ne conf-
titue pas une propofîtion.. Voye\ I n f i n i t i f , P a r t
i c i p e * L’idée différend elle de l’exiftence fous une relation
à une modification, eft d’ailleurs le principe
de toutes les propriétés exclufiv.es du Verbe. I. La première & la plus frapante de toutes ,
c’eft qu’il eft en quelque forte l’âme de nos difcours
, & qu’il entre néceflairement dans chacune
des propofitions qui en font les parties intégrantes.
Voici l’origine de cette prérogative fîngu-
ïière.
Nous parlons pour tranfmettre aux autres nos
connoiflances ; & nos connoiffances ne font rien
autre chofe que la vue des êtres fous leurs attributs ,
ce font les réfultats de nos jugements intérieurs.
TJn jugement eft l’aéte par lequel notre efprit
aperçoit en foi l’exiftence d’un être fous telle ou
telle relation à telle ou telle modification. Si
un être a véritablement en foi la relation fous
laquelle il exifte dans notre efprit, nous en avons
une connoiflance vraie; mais notre jugement eft
faux, fi l ’être n*a pas en foi la relation fous laquelle
il exifte dans notre efprit. J7 ”. P r o p o s i t i o n . Une propofîtion doit être l’image de ce que
l ’efprit aperçoit par fon jugement ; & par conféquent
elle doit énoncer exaftement ce qui fe pafle
alors dans l’efprit , 8c montrer fenfîble ment un
fujet déterminé , une modification, & l’exiftencé
întelle&uelle du fujet fous une relation à cette
modification. Je dis exijlence intellecluelle , parce
qu’en effet il ne s’agit primitivement, dans aucune
propofîtion, de l’exiftence réelle qui fuppofe les
êtres hors du néant; il ne s’agit que d'une exif-
tencetelie que l’ont dans notre entendement tous
les objets de nos penfées , tandis que nous nous en
occupons. Un cercle carré, par exemple, ne peut
avoir aucune exiftence réelle ; mais il a dans
mon entendement une exiftence intelleétuelle ,
tandis qu’il eft l’objet de ma penfée 8c que je
vois quzz/z cercle carré e st impoffible. Les idées
abftraites & générales ne font & ne peuvent être
réalifées dans la nature ; il n’exifte réellement, 8c ne peut exifter nulle part un animal’en général qui ne foit ni homme ni brute : mais les objets de
Gramm» e t L it t é r a t . Tome III.
V E R
ccs idées fa&ices exiftent dans notre intelligence ,
tandis que nous nous en occupons pour découvrir
leurs propriétés.
Or c’eft précifément l'idée de cette exiftence
intelleéluelle fous une relation à une modification ,
qui fait le èaraétère diftinétif du Verbe : 8c de là
vient qu’il ne peut y avoir aucune propofîtion fans
Verbe, parce que toute propofîtion , pour peindre
avec fidélité l ’objet du jugement , doit exprimer
entre autres chofes l ’exiftence intellectuelle du
fujet fous une relation à quelque modification ; ce
qui ne peut être exprimé que par le Vsrbe.
De là vient le nom emphatique donné à cette
partie d’oraifon. Les grecs l’appeloient ,
mot qui caraCtérife le pur matériel de la parole
puifque fia , qui en eft la racine , fignifie_proprement
f lu o , 8c qu’il n’a reçu le fens'de dico que
par une catachrèfe métaphorique, la bouche étant
comme le canal par ou s’écoule la parole & ,
pour ainfî dire, la penfée dont elle eft l ’image.
Nous donnons à la même partie d’oraifon le nom
de Verbe, du latin Verbum , qui fignifie encore
la parole prife matériellement , c’eft à dire , en
tant qu’elle eft le produit de l’impuifîon de l’air
chaffé des poumons , & modifié tant par la difpo-
fition particulière de la bouche que par les mouvements
fubits & inftantanés des parties mpbiles der
cet organe. C ’eft Prifcien ( lib. v i n , de Verbo ,
init. ) qui eft le garant de cette étymologie :
VERBUM à verberatu aeris dicitur, quod commune,
accidens ejl omnibus partibus or adonis.
Prifcien a raifon : toutes les parties d’oraifon, étant
produites par le même méchanifme, pouvoient également
être nommées Verba , & elles l’étoient
effectivement en latin ; mais c’étoit alors un nom
générique, au lieu qu’il étoit fpécifique quand on
l ’appliquoit à Tefpèce dont il eft ici queftion \
PrcBcipuè in hac diélione quafi proprium ejus
accipitur quâ frequentiks utimur in oradone.
( Id.bid. ) T elle eft la raifon que Prifcien donne
de cet ufage : mais il me femble que ce n’eft l ’expliquer
qu à demi, puifqu’il refte encore à dire pourquoi
nous employons fi fréquemment le Vtrbe dans
tous nos difcours.
C’eft qu’il n’y a point de difcours fans propofîtion
; point de propofîtion qui n’ait à exprimer
l’objet d’un jugement ; point d’expreflion de cet
objet qui n’énonce un fujet déterminé , une modification
également déterminée , & l ’exiftence in-
tellettuelle du fujet fous une relation à cette modification
: or c’eft la défignation de cette exiftence
intelle&uelle d’un fujet qui eft le cara&ère diftin&if
du Verbe ,& qui en fait, entre tous les mots, le mot
par excellence.
J’ajoute que c’eft cette idée de 1*exijlence intellecluelle
qu entrevoyoit l ’auteur de la Grammaire
générale dans la lignification commune à tous les
Verbes 8c propre à cette feule efpèce, lorfqu’après
avoir remarqué tous les défauts des définitions
K k k k