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De fa magnificence.
Sa force l’a rendu le vainq leur des vainqueurs i
Mais c eft par fon amour, plus que par fa puiilance,
Qu’ il règne dans les coeurs.
Sa gloire étale aux ieux fes vifibles appas ;
ï-e foin qu’il prend pour nous fait connqître ici-bas
Sa prudence profonde 3
D e la main donc il forme & la fondre & l’éclair
L ’imperceptible appui foutient Ja terre & l’onde
Dans le milieu des airs.
De la nuit du chaos , quand l’audace des ieux
Ne marquoit point encor,dans le vague des lie u x ,
De zénith ni de zone-,
L immenfite de Dieu comprenoit tout en fo i:
Et, de tout, ce grand T o u t, Dieu feul étoit le trône,
Le royaume, & le roi.
On vante fon ode au comte de Bufly. Elle eft
toute phiiofophique : il invite ce feigneur à méprifer
la vaine gloire & a jouir de la vie*
. ®ufly, notre printemps s’en ya prèfque expiré j,
I l eft temps de jouir du repos afluré,
Où l ’âge nous convie.
. Fuyons donc ces grandeurs qu’infenfés nous fuivonsJ
! E t , fans penfer plus loin , jouïflbns de la vie ,
Tandis que nous l’avons.
Que te ferc de chercher les tempêtes de Mars,
Pour mourir tout en vie au milieu des hafards
Où la gloire te mène ?
Cette m o rt, qui promet un fi digne loyer
N'eft toujours que la mort qu’avecque moins de peine
L ’on trouve en fon foyer, &c,
Apres Malherbe & Racan , eft venu le célèbre
JR.ouJfeaUy qt:i, par la force de fes vers, la beauté
de fes rimes , la vigueur de les penïees, a fait
prefque- oublier nos anciens, furtout à. ceux dont
la deiicatefle s oftenfe d’un mot furanné. Le vieux
C o r^ ille pouvoit il tenir contre le jeune Racine?
Roufléau eft fans doute admirable dans fes vers ,
fon ftyle e ft fublime & parfaitement loutenu, les
penfees le lient bien : il pouffe fa verve avec la
meme force depuis le début jufqu’à la fin ; peut-
etre lui manque-t-il quelquefois un peu de cette
douceur qui donne tant de grâces aux écrits : mais
quel enthoufiafme, quelle harmonie, quelle richefle
de fty le , quel coloris règne dans fa Poéfie lyrique
profane & facrèe ! il eft le Pindare de la
France\ il a fini, comme lu i, fes jours hors de
fa patrie en 1741 , âgé de ans. Il ne publia
fes odes qu après la Motte; mais il les fit plus
belles, plus variées, plus remplies d’images. Voyez
Ode. ( Le chevalier de J a u court.) ~ -
P o è t e .sati u q u e , {Poéfie.) Poète
qui a écrit des fatires : tels ont été , chez les
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romains, Livius-Andronicus , Ennius , Pacuvius ^
Terentius-Varron, Lucilius, Horace, Juvénai , &
Perfe ; & parmi les françois, Regnier & Boileau»
On donnera le caractère de tous ces Poètes fiaù«
riques au mot Sa tire. {L e chevalier d e J a u -
c o u r t . )
P O. È TE T R A G I Q U E , ( Poéfie dramatique..)
Poète qui a compofé des tragédies :
tels ont été'Sophocle, Efchile , Euripide j Sénèque
, Corneille , Racine, &c. On n’oubliera point
de tracer le caractère de chacun, d’eux au mot
T ragédie* {L e chevalier d e J a u c o u r t . )
P o è te s . (L iberté des) Poéfie. La liberté
des Poe tes , dont tout le monde parle' fans s’en
etre formé une idée jufte , confifte à ôter , des
fujets qu ils traitent, tout ce qui pourroit y déplaire
, & a y mettre tout ce qui peut plaire ,
lans etre obligé de fuivre la vérité. Iis prennent
du vrai ce qui leur convient, & remplirent les
vides avec des frétions : & pourvu que les parties,
fbit feintes foit vraies , ayent un jufte raport entre
elles & qu elles forment un Tout qui paroiffe
naturel ; c eft tout ce qu’on leur demande.
L e Poète peut encore réunir dans ces fictions
ce qui eft féparé dans le vrai , féparer' ce qui
eft uni ; il peut tranfpofer, étendre, diminuer
quelques parties ; mais il faut toujours que, la
nature le guide. Il n’ira point nous peindre des
îles dans les air,s , ce n eft pas là que les place
la nature : ou fi , par une conceflion toute gratuite
, ^ on lui permet d’en feindre dans, quelque
jeu d’imagination ; fuppofé qu’i l y mette des
v illes ,- des plantés , on ne lui permettra pas de
dire que les ferpents s’accouplent avec les oifeaux ,
& les brebis avec les tigres. ( Le chevalier d e
J a u c o u r t .)
( N. ) P O É T I Q U E. f. f. Belles-Lettres.
Ouvrage élémentaire , 011 l ’on trace les règles
de la Poéfie. Dansées arts fournis au calcul , la
théorie devance & conduit la pratique : .dans les
arts où préfident le génie & le goût, c’eft au contraire
la pratiqué qui précède la théorie ; l ’exemple
donne la leçon.
Dans les temps où la Poéfie étoit dans fon
enfance ', les éléments qu’on en a donnés étaient
faits comme pour des enfants. A mefure que l ’art
s’eft élevé , l ’idée s’en eft agrandie ; & les préceptes
n’ont été que les réfultats des bons & des
mauvais fuccès.
Nous Courions avec dédain lorfque nous entendons
Jules Scaliger, dans fa Poétique latine, tracer
le plan de la tragédie d’Alçione , & demander que
« le premier afle foit une plainte lirr le départ
» de Ceïx ; le fécond , des voeux pour le fuccès
» de fa navigation; le troifième , la nouvelle d'une
a tempête; le quatrième, la certitude dunaufr^ge-j
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» le cinquième , la vile d.u cadavre de Ceïx &
» la mort d’Alcioné*». Mais fouvënons-nous que ,
du temps de Scaliger, un fpeétacle ainfi diftribué
auroit été un prodige fur nos théâtres.
Nous troùvons aufli ridicule qu’il prôpofe à
la Comédie de peindre les moeurs de la Grèce
& de Rome ; « des filles achetées comme efcla-
» ves , & qui fçient reconnues libres au dénouent
ment ». Mais' dans un temps où l ’art dramatique
n’avôit aucune forme en Europe , que pouvoit
faire de mieux un Savant, que d’en établir
les préceptes fur la pratique des anciens ? -
On s’impatiente, avec plus' de raifon , de voir
l ’âbbé d Aubignac réduire en règles les premiers
principes du fens commun ; on ne peut fe persuader
que le fiècle de Corneille eût befoin qu’on
lui apprît que « l ’aéteur qui joue Cinna ne doit
» pas mêler les barricades de Paris avec les prof-
» criptions du triumvirat , que le lieu de la fcène
» doit être un efpace vide , & qu’on ne doit pas
» y placer les Alpès auprès du mont Valérien ».
Mais fi l’on penfe que le Thémiftocle de Du-
rier balançoit alors Héraelius, ces leçons ne pa-
iroitront plus fi déplacées pour ce temps-là.
C ’eft donc fans aucun mépris pour les écrivains
qui ont éclairé leur fiècle , que je les crois au
deflous du nôtre ; il faut partir du point où l ’on
eft : depuis deux-cents ans l ’efprit humain à plus
gagné , qu’il n’avoit perdu en dix fiècles de
barbarie.
Une Poétique digne de notre âge feroit un
fyftême régulier & complet j où tout fût fournis
à une loi fimple , & dont les règles particulières ,
émanées- d’un principe commun, en fuflent comme
les rameaux. Cet ouvrage phiiofophique eft défiré
depuis long temps , & le fera peut - être long
temps encore;
Quoique la Poétique d’Ariftote ne procède que
par indùétion , de l ’exemple au précepte , elle ne
îaille pas. que de remonter aux principes de la
nature : c’eft le fommaire d’un excellent traité.
Mais elle fe borne à la Tragédie & à l ’Épopée;
& foit qu’Ariftote , en jetant fes premières idées *
eût négligé de les éclaircir , foit que l ’obfcurité
du te^te vienne de l ’erreur des copiftes 3 les inter- •
prêtes les plus habiles font forcés d’avouer qu’il
eft fouvent mal. aifé de l ’entendre.
Caftelvetro , en traduifant le texte d’Ariftote,
l ’analyfe & le c®mmente avec beaucoup de discernement
; mais par la forme diale&ique qu’il
a donnée à fon commentaire , il nous fait chercher
péniblement quelques idées claires & juftes,
dans un dédale de mots”Superflus. S’il ne difcutoit
que les chofes , il feroit moins prolixe ; mais il
difcute auffi les mots : encore, après avoir tourné
un paflage dans tous les fens , lui arrive-t-il
quelquefois de manquer le véritable , ou de le
combattre mal à propos. Le défaut de ce Critique ,
fomme de tous les écrivains didactiques de ce
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temps- là , eft de n’avoir vu l ’art du Théâtre qu’en
idée : c’eft au théâtre même qu’il faut l ’étudier.
Dacier avoit cet avantage fur l ’interprète italien.
Mais comme il avoit fait voeu d’êire de l ’avis
d’Ariftote , foit qu’il l ’entendît ou ne l ’entendît
pas , ce n’ eft jamais pour confulter la nature *
mais pour confulier Ariftote , qu’i l fait ufage de
fa raifon ; & lors même qu’Ariftote fe contredit 9
Dacier n’ôfe le contredire.
Non moins religieux feétateur des anciens f
Leboflù n’a étudié l ’Épopée que dans Ariftote ,
Homère., & Virgile ; il femble, à l ’entendre , que
les inventeurs en ayent épuifé toutes les reflources,
& qu’il n’y ait plus que l ’alternative de les fuivre
ou de s’égarer. Mais fi Leboflù & Dacier
n’ont pas étendu nos idées , ils en ont hâté lë
dèvelopement.
L e grand Corneille , avec le refpeét qu’avoit
fon fiècle pour Ariftote & qu’il a, eu la mo-
deftie de partager , n’a pas laiflé de répandre les
lumières de la plus faine critique fur la théorie
de ce philofôphe ; & fes difeours en font le commentaire
le plus folide & le plus profond.
Les parallèles qu’ôn a faits de Corneille &
de Racine , & la célèbre difpute fur les anciens
& les modernes * en donnant lieu de difculer les
principes , ont contribué à les éclaircir.
On eft même entré dans le détail des divers
genres de Poéfie ; on a efl'ayé de dèveloper l ’artifice
de l ’Apologue , de déterminer le caractère
de l ’Églogue ; on a même voulu fuivre l ’Odé
dans fon délire & dans fes écarts ; enfin les notes
de Voltaire fur les tragédies de Corneille font
les. oracles du bon goût & les plus précieufes
leçons de l ’art, pour les Poètes dramatiques : mais
perfonne encore n’a entrepris de ramener tous les
genres à l ’unité d’une première loi.
Le Poème de Vida contient- des détails pleins
. de juftefle & de goût fur les études du Poète ;
fur fon travail, fur les modèles qu’il doit fuivre ;
mais ce Poème , comme la Poétique de Scaliger ,
• eft plus tôt l ’art d’imiter Virgile j. que l ’art d’imiter
la nature.
La Poétique d’Horace eft le modèle des Poèmes
didactiques , & jamais on n’a renfermé tant de
fens en fi peu de vers : mais dans un Poème , il
eft impoflible de fuivre de branche en branche la
génération des idées ; & plus elles font fécondes,
plus ce qui manque à leur dèvelopement eft difficile
à fuppléer.
Lafrenâye , imitateur d’Horace , a joint aux
préceptes du Poète latin quelques règles particulières.
à la Poéfie françoife; & fon vieux ftyle ,
1 dans fa naïveté , n’eft pas dénué d’agrément. Mais
le coloris , l ’harmonie, l ’élégance des vers de
Defpreaux, l’ont effacé : a peine lui reftë-t-il la
gloire d’avoir enrichi de fa dépouille le Poème
qui a fait oublier le fien. Cet ouvrage excellent
& vraiment claffiqne , l ’Art poétique françois ? fait