
Que d’images, que de figures raflemblées dàns
ce morceau 1 On entend parler tour a tour les
Cèdres du Liban , les Ombres des morts, les juifs ,
le roi de Babylone , & les partants qui trouvent fon
corps.
On ne verra pas fans agrément ni fans utilité
le même morceau traduit en vers latins par milord
Lowthj aujourdhui évêque d’Oxford j il eft intitulé
: Ifraelicarum i «nv.jcm in occtifum regis
regniqüe babylonici , Ode prophétie a. : & on le
trouve , pag. 376 de l'édition de 1775 de l'ouvrage
de ce favant prélat> D e facrâPoëfi hebraeorumproe-
lectiones academicce.
Du refte, plus le tour de la Profopopeë a de
hardiefte & d’éclat, plus elle a befoin d’être ménagée
avec goû t, employée avec retenue , placée
à propos , & adoucie dans l ’occurrence par des
précautions pleines de fagefle. C ’eft de toutes les
figures la plus vive & la plus magnifique j on ne
doit en faire ufage que dans les grandes partions,
& cette efpéce de fiéllon doit être foutenue d'une
f.rande force d'éloquence. Car les chofes extraor-
inaires , incroyables, & qui font comme hors de
la nature , n'ont point un effet médiocre : elles
doivent néceflairement, ou produire un grand effet,
parce qu'elles vont au delà du vrai ; ou déo-énérer
en puérilités, parce qu’elles n'ont pas l'appui du
vrai. Je ne parie i c i , on le fent bien, que relativement
au genre oratoire & au ton le plus élevé :
car on fent bien aurti que dans les petites Profopo-
p é e s , par exemple , ou La Fontaine fait parler les
animaux ou les êtres même inanimés, il a dû, comme
i l Ta fait avec un fiiccès inimitable , les faire parler
naïvement , d'une manière conforme à leurs caractères
connus ou luppofés & aux circonftançes
où il les plaçoit. C ’eft la règle la plus générale &
la plus sure à fuivre en toute occafion & dans tous
les genres. '
Profopopée vient du grec '»porca-tm , fa c iè s ou
perfona , 5c ‘trotta , fa c io ; & on peut en confé-
quence le rendre littéralement par le terme de
P erfonnifiçation, parce qu’on y perfonnifie effectivement
des êtres fort éloignés par leur nature
d’être des perfonnages; ou qu’on introduit par fiction
des perfonnages reels , qui naturellement n’ont aucune
part au difeours.
Mais puifque cette figure confifte dans une fi dion
de perfonnages , n’eft-elle pas une figure de penfée
par fiction , plus tôt que par mouvement ? Elle
eft fans contredit une figure de mouvement, puif-
qu elle fuppofe l ’âme , pour ainfi dire , emportée
hors de fa fphère : & elle n'eft pas use figure de
fidîon > parce qu'il n’y a rien de feint & de fimulé
dans le difeours qu’elle produit; elle dit directement
5c clairement ce qu’on a intention de dire ,
au lieu que les figures de fiction difent en effet autre
chofè que ce qu’on a intention de faire entendre.
( M. É e a u z é e . )
* PROSTHÈSE , f. f. Efpèce de métaplafme
Mktaplasme ) , qui change le matériel
primitif d'un mot par une addition faite au commencement
du mot. Proßhefis apponit capiti,
C eft ainfi que le latin cura vient du grec wpa ,
par 1 addition d'un c y que le François grenouille
vient du latin raminciila , par l’addition d’un- g y
nombril, de umbilicus, av e c« ,- ventre , ainfi que
le latin venter, de fVq»0», avec un v y 8c c.
C eft à la même figure que nous devons les mots
alcoran , alkali > almagefle , almanac, par l ’addition
de l ’article arabe 0/, qui ne nous difpenfe
pas d’employer le nôtre , parce* que l ’arabe fait
une partie fignificative du mot compofé : Alcoran,
de a l 5c de coran, qui peut figniner lecture, c’eft
a dire , dans le fens des mufulmans, la lecture ou
le livre par excellence : A lk a li , dé al 8c de k a lt,
qui eft le nom arabe de notre Joute y c’eû le nom
chimique d’une efpèce particulière de fel femblable
a celui de la foute : Almagefle y nom donné par
les arabes au principal ouvrage de Claude Ptolo-
mée fur l ’Aftronomie , de a l 5c du grec-plyiïos,
maximus , comme qui diroit le très-grand livre :
Almanac, de a l 5c du grec dorique /«.à», au lieu
du commun pw , qui fignifie mois ; c’eft le tableau
des mois d e l’année.
( ^ Nous avons tiré par Proflhèfe, des *mot$
latins fpatium , fpiritus , fiomachus , fiudietm ,
les mots françois efpace, efprit, efiomac , étude ,
que 1 on écrivoit 5c que l ’on prononçoit anciennement
eßude : cet e ajouté au commencement vient
du nom alphabétique de la lettre f qui commence
les mots latins, 5c que nos pères prononçoient fé-
parément de la confonne fuivante , comme le bas
peuple prononce encore aujourdhui une efiatue•
Nous prononçons toutefois fans e au commence-;
ment , 5c conformément à l’étymologie latine, les
adjeétifs fpacieux , fpirituel, flomachique y f iu -
dieux y peut-être parce que ces adje&ifs ayant été
formés depuis, 5c par des hommes plus inftruits
ou plus attentifs, on s’eft plus attaché à l ’étymo-
logie. Quoi qu’il en foit , fi l ’on ne confervoit
cette remarque fur la lettre f , quelque étymold-
gifte diroit peut-être un jour qu’elle a été changée
en e : mais comment expli quer oit-il le méchanifme
de ce changement ?
On doit aurti regarder comme une véritable P r o f
thèfe, l'addition , à la tête d’un mot, d’une particule
qui ajoute à la fignification propre de, ce
mot quelque idée accefloire ; comme amovible ,
comprendre , dédire , énoncer, Jorlancer, indocile
, mécontent , préjugé, reprife > fu r charge , 5cc.
Le moi fa i t eft fimple; parfait eft compofé au
moyen d’une Proflhèfe y 6c dans le mot imparfait,
il y a double Proflhèfe.
Les grecs font un grand ufage de ce métaplafme
dans la formation de leurs temps. TvVlw ; de là
ervwlo», e'iv'srov : de même ypaipto ; de là eypxipov : de
Twj/ «vient £Tv\}/a, de ypu-^w vientèVpa4 a : il y a en tout
cela un t ajouté au commencement. L a Proflhèfe
eft double dans1 7 t % < ç e t y % y p j elle eft triple
dans t m v d f i t ' i , tyiyp a ^ t/v.
Les latins font aurti ufagé de la Proflhèfe dans
la formation de quelques prétérits : cado, cecidi ; .
dijeo , didici y fa llo , fé fe lli y mor.deo ; momordi ;
p e llo , pepuli yJpondeo ,fpopondi ,■ tendo , teiendi,
Sec.L
es allemands forment par Proflhèfe tous leurs
fupins, en mettant à la tête la fyllabe ge ( qu’ils
prononcent gué) : loben , louer, gelobet, loué ;
reifen , partir, gereifet , parti ; Jehen , voir y
gefehen , vu ; wollen, vouloir ] g ew o lt, voulu , ■ ■ i . mm Le mot Proflhèfe vient du grec <®por<6«»et/ ,
apponere, 5c fignifie appojitio : RR .'nrpos, ad ,
5c 0e<m , pofitïo. Voflïus croit que c'eft plus tôt
«srpo, pree y 6c en conféquence il traduit le mot
par proepofitio : on auroit donc confervé le mot
grec, pour ne pas confondre l ’idée du métaplafme
qu’il défigne avec celle de la partie d’oraifon qu’on
appelle Prépofition• ( M. B e a ü ZÉE. )
( N. ) PROTASE , f. f. Grammaire. C'eft un
mot grec ‘aplra.ru, de /nrpoTiha , preetendo : 6c
l ’on défigne, par ce terme, celle des deux parties
caraclériftiques de la période qui eft mife la première
en avant. Indépendamment du nombre des
membres, 6c par conféquent des propofitions partielles
qui compofent une période, elle doit naturellement
' fe réduire à deux fens partiels généraux
, dont la réunjon complète la période : n elle
n’a que deux membres , chacun de ces deux membres
eft l ’un des deux fens généraux , 6c le premier
éft la Protafe : fi elle a trois membres , la P ro-
tafe peut être comprife dans le premier membre y
6c elle peut s’étendre jufqu’au fécond, félon que
le premier des deux fens partiels généraux eft terminé
au premier ou au fécond membre : fi elle a
quatre membres 6c qu’elle foit bien compofée , la
Protafe occupe les deux premiers. Vqye\ Pé riode.
Le refte de la période prend le nom d3Apodofe.
Voye\ Apodose. ( M. B e a u zé e. )
PR O T A S E , f. f. Littérature, Dans l ’ancienne
Poéfie dramatique , c’étoit la première partie d’une
pièce de Théâtre, qui lervoit à faire connoître le
caraélère des principaux perfonnages, 8c à expofer
le fujet fur lequel rouloit toute la pièce. V~oye\ D ramatique , T ragédie.
Ce mot eft formé du grec 'aportim , tenir le
premier lieu ; c étoit en effet par là que s’ouvroit
le Drame. Selon quelques-uns, la Protafe des anciens
revient à nos deux premiers aétes ; mais ceci a
befoin d’être éclairci.
Scaliger définit la Protafe , In quâ proponitur
& narratur fumma rei fine declaratione y c’eft à
dire , l’expofition du fujet, fans en laiffer pénétrer
le dénouement : mais fi cette expofition fe fait en
une (cène -j on n’a donc beloin pour cela ni d’un
ni de deux aéles ; c’eft la longueur du récit , (à
nature,6c fa néceftité qui délerminoient l ’étendue.de
la Protafe à plus ou moins de feenes , la renfer-
moient quelquefois dans le premier aéte , 8c la
poufloient aurti quelquefois jufques dans le fécond.
Aurti Voflius ( lnjlitut. poet. lib. L I , cap. v )
remarque-t-il que cette notion 9 que Donat ou
Évanthe ont donnée de la Protafe , Protafis efl
primus aclus, initiumque Dramatis, n’eft rien
moins qu’exaéte ; 8c il allègue en preuve le Miles
gloriofus de Plaute , où la P ro ta fe , ce que Scaliger
appelle rei fumma, ne fe fait que dans la
première fcène du fécond aéte, après quoi l ’aélion
commence promptement. La Protafe ne revient
donc à nos deux premiers actes, qu’à raifon de la
première_place qu’elle occupoit dans une tragédie
ou une comédie , 6c nullement à caufe de fon
étendue.
Ce que les anciens entendoient par Protafe ,
nous l ’appelons Préparation de Vaction , ou E x -
pofition du fu je t y deux ebofes qu’il ne faut pas
confondre. L ’une confifte à donner une idée générale
de ce qui va fe palier dans le cours de la
pièce , par le récit de quelques évènements quel’ac-
tion fuppofe néceftairement. C’eft d’elle que Def-
préaux a dit :
Que dès le premier vers l’a i o n préparée '
Sans peine du fujet applanifle l’ entrée.
L ’autre dèvelope d’une manière un peu plus pré-
cife 6c plus circonftanciée le véritable fujet de la
pièce : ■ fans- cette expofition , qui confifte quelquefois
dans un récit, 6c quelquefois fe dèvelope peu
à peu dans le dialogue des premières fcènes , il
feroit comme impoflïble aux fpeétateurs d’entendre
une tragédie dans laquelle les divers intérêts 6c lès
principales actions des perfonnages ont un raport
effençiel à quelque autre grand évènement qui
influe fur l ’aétion théâtrale , qui détermine les;
incidents , 8c qui préparé , ou comme caufe , ou
comme occafion, les chofes qui doivent enfuite
arriver. C ’eft de cette partie que le même poète
a dit :
Le fujet n’ eft jamais aflez tôt expliqué.
C ’eft fans doute par cette raifon que nos meilleures
tragédies s’ouvrent toujours par un des principaux
perfonnages, qui , - devant prendre un grand
intérêt à ce qui va arriver , en a vraifemblable-
ment pris beaucoup à ce qui a précédé , 8c en
inftruit quelque autre perfonnage , qui , dans le
cours de la pièce, contribuera beaucoup à l ’aéHon
principale , ou du moins fervira à préparer, à faire
naître, à enchainer les divers évènements, 6c qui
vraifemblablement n’en doit point être inftruit.
Wioye\ Protatique. .
Cette expofition du fujet ne doit point être û