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dont il 1 a comblé juftju’d <te'moment, ce qui
remplit -près de quarante vers ; il arrive enfin au
point capital, après cette longue Sufpenfion :
T u t en fouviens, Cinna j tant d’heur & tant de gloire
N e peuvent pas fi-tôt fortir de ta mémoire:
Mais ce qu'on ne pourroit jamais s’imaginer ,
Cinna , tu t’en fouviens , & veux m’afïaffiner. 1
Cette fin, fi long temps attendue, frape Cinna doutant
plus violemment : i l veut éclater & nier ; mais
fon trouble devient contre lui une nouvelle preuve«
Souvent la Sufpenjion vient du vague de plu-
ueurs propofitions générales , dont on attend l ’application
fans qu’on puiffe la prévoir, ou dont on
prévoit une application toute différente de celle qui
le préfente a la fin. T e lle eft celle du fameux Sonnet
de Scarron :
Superbes Monuments de l’orgueil des humains,
Pyramides, Tombeaux, dont la vaine ftcuâure
A témoigne que l’art , par l’adrefle des mains
Et 1 affidu travail, peut vaincre la nature :
Vieux Palais ruïnes, chef-d’oeuvres des romains,
E t les derniers efforts de leur architecture j
Colifee, où fouvent les peuples inhumains
De s’entr’affalïîner fe donnoient tablature 5
Par l’injure des temps vous êtes ab olis,
Ou du moins la plupart vous êtes démolis :
I l n’eft point de ciment q u e l e temps ne diffoude.
Si vos marbres, fi durs, ont fenti fon pouvoir j ;■
Dois je trouver mauvais qu’un méchant pourpoint no ir,
Qui m’a duié deux an s, foit percé par le coude ? ' * ’
je ne peux me difpenfer de citer ici une chanfon
bachique très-connue , qui renferme une Sufpenjion
de meme genre que celle du fajjnet,
Après le malheur effroyable
Qurvient d’arriver à mes ieux,
"J avoûrai déformais, grands Dieux ,
Qu’il n’ eft rien d’incroyable. .
J’ai vu , fans mourir de douleur ,
J ai v u . . . ( Siècles futurs, vous ne pourrez le croire !
A h ! j ’en frémis encor de dépit & d’horreur ! )
J ’ai vu mon verre plein, & je n’ai pu le boire!
Dans d’autres occafions, la Sufpenfion naît des
détours de l ’amour propre , qui craint d’en venir
au point qui eft l ’objet de la curiofité. Telle eft la
belle icene entre Phèdre & Oénone , qui demande
a connoître les caufes du chagrin de fa maitreffe. Je
la r citée ailleurs. Voy. Préçaütioks oratoires.
La Sufpenjion peut être amenée de cent autres
maniérés ; mais la plus ordinaire eft par voie de
Communication ( Voye-{C ommunication). Nous
trouvons, fous cette forme , un bel exemple de
Sufpenfion dans la Verrine ( De Suppliciis ; j
V. 10 , 1 1 ) : ’ *
ln Trïocalino, quern Dans le territoire de
focum fu g u a i jam Triocale, dont des efdaves
ante tenuenint, Léo-
nidte cujufdam Jiculi
fam ilia in JuJpicio-
nem vocata ejl con-
jurationis. Res delata
ad ijium : Jlatim ,
ut par f u i t , jujfu ejus
homines qui nominate
erant, comprehenji
fu n t ,«adduclique L ily -
boum : domino de-
nunciatum ejl , ut
adejfet : causa dicîâ ,
damnati funt.'
Quid deinde 1 quid
cenfetis 1 furtum fo r -
tujfe aut proedam ex-
fpectatïs ali quami. ..
Damnads quidem fer-
vis , quo prodandi
potejl effe ratio 1 product
ad fupplicium
necejfs ejl; tejles enim
fun t qui in confilio
fuerunt , tejles publico:
tabulo , t ejl is
fplendidifjima civiias
lilybotana, tejlis ho-
nejlijjimus maximuf-
que conventus civium
romanorum ; nihil potejl
, producendi funt ;
itaque producuntur y
& ad palum alligan-
turx
Etiam mine mihi
exfpeclare videmini ,
Judices y quid deinde
f a Hum f it y quod ifie
nihil unquam fe c it
fine aliquo quofiu
aut prodâ. Quid in
ejufmodi re fieri po-
tuit 1 quod commo-
dum ejl 1 Exfpeclate
facinus quam vultis
improbum ; vincam ta-
men exfpectadonem
omnium. ■
Nominefeeleris con-
jurationifque damna-
ti y adfupplicium traded
y ad palum alli-
gati y repenti, multis
millibus hominum inf-
peclantibus yfoludfunt
& Leonido illi domino
redded.
u s
fugitifs s’ étoient déjà emparés
, on foupçonna d’être
complices de la conjuration
les efdaves d’un ficilien
nommé Léonidas. On les
dénonça àVerrès : auffi-tôt,
comme il étoit jufte , les
accufés furent- arrêtés par
fon ordre & amenés: à Li-
lybée : le maître fut afïi-
gné à comparoir : & après
la procédure néceffaire, ils
furent condannés.
Qu’arriva - 1 - il enfuite ?
qu’en penfez - vous? vous
vous attendez à quelque
friponnerie peut - être , ou
à quelque rapine ? . . . Les
efdaves une Ibis condannés,
quel moyen peut-il refter
d’extorquer quelque chofe ?
il faut les mener publiquement
au fupplice ; car
oh a pour témoins ceux
qui ont affilié au coiifeil,
les regiftres publics , l ’il-
luftre ville de Lilybée ,
une affembiée très - refi-
pefiable & très-nombreufe
de citoyens romains ; rien
ne peut l’empécher , il
faut expofer publiquement
les criminels ; on les ex-
pofe donc , & on les attache
au poteau.
V ous me paroiffez encore
attendre, vous qui devez
juger, quelle fuite eut ce
commencement, parce que
cet homme ne fit jamais
rien fans fe ménager quelque
profit ou quelque friponnerie.
Que pouvoit - il
faire en pareille circonf-
tance ? quel avantage peut-
il y trouver ? Imaginez une
affion auffi inique que vous
voudrez; je ne lai fierai pas
de furpaffer de beaucoup
l ’attente de tout le monde.
Ces efdaves condannés
comme coupables d’attentat
& de conjuration, livrés
pour être exécutés , déjà attachés
au poteau, font tout
à coup, à la vile de plu-,
fieiirs milliers d’hommes >
déliés & rendu« à ce Léonidas
leur maître.
s u s
L a reine d’Angleterre] Henriette - Marie, pénétrée
de religion , furtout dans fes dernières années,
remercioit Dieu humblement de -deux grandes grâces
, ditBoffuet : l'une , de l'avoir fa it chrétienne :
Vautre... Mejieurs , au iittende\-vous 1 peut être
d'avoir rétabli les affaires du roi fon f i ls 1 non;
défi de l'avoir fa i t reine malheureiefe. On fent
combien le tour fufpenfif réveille ici i attention, &
contribue à faire naître dans les coeurs la furprife &
l’admiration. \ ; :
L’abbé Batteux nous a laiffé un exemple d’une
Sufpenfion mife en aétion , & qu’il raconte lui-
même d’une manière fufpenfive. On raconte , dit-
i l , qu’une impératrice, ayant été trompée par
un lapidaire, voulut, s’en venger avec éclat : elle
s’adrefta; à- fon époux , lui exagéra la perfidie &
l’audace du marchand infidèle ; c’étoit un crime
de lèze majefté. » Il eft jufte, dit l ’empereur,
» que vous foyez vengée ; il fera puni comme le
» mérite fôn crime : qu’il foit condanné aux bêtes:».
Le jour du fupplice arrivé , la princefle s’aprête
â jouïr de toute fa vengeance ; toute la Cour,
toute la Ville prend part à fes fentim^ents. Le
malheureux paroît dans l ’arêne ; i l eft tremblant,
faifi , anéanti. Quel monftre va fondre fur lui ?
fera-ce un tigre furieux ? jun lion ? un ours ? C ’eft un
chevreau.
La Sufpenfion eft une figure d’un grand éclat,
& conféquemment elle doit être d’un ufage rare :
d’ailleurs, 7 comme on n’a pas toujours à dire des
chofes extraordinaires & inattendues, on doit s en
fervir avec diferétion ; il feroit abfurde de piquer
vivement la curiofité , pour ne lui préfenter d la fin
qu’une chofe qui feroit dans l’ordre naturel.
( M . B e A U Z é e . )
( N. ) SU STEN TA T IO N , f. f. C ’eft un
mot employé par quelques rhéteurs , pour défigner
la figure plus connue fous le nom de Sufpenfion.
L ’Académie n’admet que ce dernier mot : l ’autre doit
donc être rejeté ; car lesfÿnonymes parfaits , comme
feroient ces deux termes , loin d’enrichir la langue,
ne font bons qu’à la furcharger. ( M . B e A U z é e .)
(N .) SYLLABAIRE , adj. pris fubftantivement.
C ’eft la partie de l ’Abécé qui comprend le détail
des éléments des mots ; & ce nom lui vient, i°. de
ce qu’on y fait d’abord connoîtré' aux élèves les
lettres,, qui font les éléments des fyllabes ; z°. de
ce qu’on y raflemble par ordre des tables exaftes
de toutes les fyllabes poffibles ; 30. enfin de ce
que dans les effais de leéture qui viennent enfuite ,
on partage a fiez ordinairement, par fyllabes, fur
la page verfio , les mots împrimés à l ’ordinaire &
fans divifion fur la page recto. ( Vojye^ A béce ).
Syllabaire veut donc dire Livre fyllabaire ; livre
ou l’on aprend les éléments des fyllabes > les fyllabes
mêmes, & la, leëtufe dès mots par fyl-
* labes.
Il s’agit donc ici de l ’expofitiçm méthodique des
s Y L 4*î
éléments figurés des mots; ce qui comprend deux
parties , les Lettres d’abord, & les Syllabes enfuite.
'v •• ^ . v,m c * 1. De s Lettres. La première chole^ qu il faut
faire connoître à ceux qui aprennent à lire , ce
font les Lettres, & Les diverfes combinaifons des
Lettres auxquelles l ’Ufa^e a attache la reprefen-
tation des éléments fimples. de la vojx : mais ce
premier, objet doit fe partager en differentes le-
çons.
La première préfentera les voyelle^ fimples fans
accent & avec tes accents: a , a-, a ; é , e , e,*
iy e \ .o y ô ,■ u y d. Il faudra y ajouter e , eu ,eu ,
oeu y ou. y ou y oûy aou ; qui repréfentent des voix
fimples :. & l ’on fera bien d’y joindre y , comme
caractère fouvent double &reprefentant ii..
L a fécondé leçon doit préfenter les mêmes voix
défignées par des combinaifons de voyelles ^fimples
: par exemple , A défigné par ea , ea ; E
par a i , e i , & ; È pür ai , e i , e t , oit ,* E pac
ai y eî y oî , o is , oient ; O par eo, au, eau ,* O par
eô y aû , eaû.
La troifième leçon doit contenir les caraftères
repréfentatifs des articulations , c eft a dire, les
confonnes; mais il faut les’ nommer toutes avec
Ve muet ou le fehéva à la fin. Les premières
feront les confonnes confiantes , favoir , h , m , n ,
/ , r y qu’on nommera lie , me , ne , le , re : & i l
faudra y tenir compte de rh. Enfuite viendront les
variables , en accouplant la foible & Id. forte de
chaque efpèce , & mettant de fuite , s il y a lieu,
les .différentes repréfentations de là même articulation
: b ; p : v ; f y ph : d ; t y th : g , k , q ,
f > s > J F r f i S J J ’ SJ ch‘ A i a fin o n
placera x , qui vaut quelquefois es , comme dans
taxe; q u e lq u e fo is^ , comme danse«//; d’autres
fois (J y comme dans Auxerre ; & d autres fais
comme dans dix aine.
La quatrième leçon comprendra les voyelles na-
fales fous toutes'leurs formes ufitées : A nafal ;
an y am , en , em , ean : É nafal ; en y cm , ain
ctim y ein.y eim , in , im : O nafal ; on , om ,
aon, ton, eom : E nafal ; un y um , eun , eum.
La cinquième leçon donnera la fuite des diph-
thongues fimples ; iay ie , ie , iai , ie , ieu ,
io iau y iou ; oa, oua, 0/ , oui, oust ; ue\ uê ,
ui : puis les diphthongues nafales; tan, iam, ien ;
ien ; loin ; ion , iom ; ouan ,> ouen ; ouin , oin ;
uin». ■ _ • - i • ■ ■
La fïxième leçon réunira par ordre les confonnes
fociables deux à deux , afin de les faire prononcer
enfemble avec Ve muet à la fin : mn; b d , b l ,
br y bs; p t pth , p j\ p l , pn , p r , ps ; vd.y
vl y vn y vr ; f i , pht ,_/Z, phi y fin , p h i ,fj$J?hr;
dly dr; t i , thly i r , thr , t s ; g l , gn ,. g r jg ^ ;
cfy eph y c l y chl y en.. chn , cp , cr , chr, es ,
H , cht ; \ l y ; fb , s d , sph y jg i f k y f c y fq ,
f l y sm y sn, sp y sry j l y fih , fv
La feptième enfin comprendra les confonnes