
le drivent pas. On croît avoir remarqué , par
exemple, que, depuis que la Comédie françoife eft
aux Tuileries , on ne reconnoît plus dans le P a r terre
cette vieille fàgacité, que lui donnoient Tes
chefs de meute quand ce fpeCtacle étoit au faubourg
S- Germain : car i l en eft d’an Parterre nouveau
comme d’une meute de jeunes chiens ; i l s’étourdit
& prend le change.
Par la même raifon, le goût dominant du Pub
l i c , le même jour & dans la même v ille ,, n’eft
pas le même d’un fpeCtacle à un autre ; & la différence
n eft pas dans les loges, car le même monde
y circule j elle eft dans cette partie habituée du
Public, que l ’on appelle les piliers du P arterre :
c eft elle qui donne le ton ; 5c c’eft fon indulgence
ou fa févérité, fa bonne ou fa mauvaife humeur ,
fon naturel inculte ou fa délicateffe , fon goût plus
ou moins difficile, plus ou moins raffiné , qui,par
contagion, fe communique aux loges, & fait comme
1 clprit du lieu 8c du moment.
Enfin le gros du Parterre eft compofé d’hommes
fins culture & fans prétentions, dont la fenfibililé
ingénue vient fe livrer aux impreffions qu’elle recevra
du fpeCtacle, & qui, de plus, fu'ivant l’impulfion
^ur donne , fèmblent ne faire qu’un efprit &
qù’uue âme avec ceux qui, plus éclairés , les font
penfer & fentir avec eux.
- _ L e là vient cette fagacité fingulière , cette promptitude
admirable , avec laquelle tout un Parterre
Failli a la fois les beautés ou les défauts d’une pièce
de Théâtre ; de là vient auffi que certaines beautés
délicates ou tranfeendantes ne font fenties qu’avec
le temps , parce que l ’influence des bons efprit s
ii’eft pas toujours également rapide, quoique là
partie du Public où i l y a le moins de vanité, foit
jaulfi celle qui fe corrige & fe rétraCte le plus aifé-
înent. C’eft le Parterre qui a vengé la Phèdre de
Kacine de la préférence que les loges avoient donnée
a celle de Pradon.
T e lle eft chez nous la compofitiori & le mélange
dë cette partie du Public, qui , pour être admîfe
ap ïu de frais au fpeCtacle , confent à s’y tenir debout,
8c foiivent très-mal à fon aife..
Mais que 1e Parterre foit affis, ce fera tout un
autre monde , foit parce que les places en feront
plus cheres, foit parce qu’on y fera plus commodément.
Alors le Public des loges & celui du P arterre
ne feront qu un ; & dans le fentiment du P a r -
terre i l n y aura plus, ni la même liberté, ni la
même ingénuité , ôfons le dire , ni les mêmes lumières
: car dans le Parterre , comme je l ’ai dit,
les ignorants ont la modeftie d’être à l ’école &
d’écouter les gens inftruits; au lieu que dans, les
lo ges , & par conféquent dans un Parterre affis ,
l ’ignorance eft préfomptueufe ; tout eft caprice,
vanité , fantaifie, ou prévention.
On trouvera que j’exagère ; mais je fuis perfuadé
*3ue 5 ^ Parterre , tel qu’il eft, ne captivoit pas
l'opinion publique , & ne la réduifoit pas à l ’uaité
en la ramenant à la fîenne , il y auroit le plus
fouvent autant de jugements divers qu’il y a de
loges au fpeCtacle , & que de long temps le fuccts
d’une pièce ne feroit unanimement ni abfolüment
décidé.
I l eft vrai du moins que cette efpèce de république
qui compofe nos fpeCtacles, changeroit.de nature
, 8c que la démocratie du Parterre dégénè-
reroit en ariftocratie : moins de licence & de tumulte
, mais auffi moins de liberté, d’ingénuïté ,
de chaleur, de fianchife , & d’intégrité. C ’eft
du Parterre , & d’un Parterre libre , que part
l ’applaudiffement ; & l ’applaudiffement eft l ’âme
de l’émulation, l ’explofion du fentiment, la fanc-
tion publique des jugements intimes, «Se comme lé
lignai que fe donnent toutes les âmes pour jouir
à la f r i s , 5e pour redoubler l ’intérêt de leurs
jouïflances par cette communication mutuelle. &
rapide de leur commune émotion. Dans un fpeCtacle
où l’on n’applaudit pas, les âmes feront toujours
froides 8c le goût toujours indécis.
Je ne dois poustant pas dilfimuler que le . défit
très-naturel d’exciter l’applaudiflement a pu nuire
au goût des poètes 8e au jeu des aCteurs, en leur
fefant préférer ce qui étoit plus faillant à ce qui
eût été plus vrai, plus naturel , plus réellement
beau : de là ces vers fententieux qu’on a détachés ;
de là ces tirades brillantes dans lefqnelles , aux
dépens de la vérité du dialogue , on femble ramaffer
des forces pour ébranler le Parterre 8e l ’ctonner
par un coup d’éclat ; de là auffi ce jeu violent ,
ces mouvements outrés, par lefquels fadeur , à
la fin d’une réplique ou d’un monologue, arrache
l ’applaudiffement. Mais cette efpèce de charlatanerie
, dont le Parterre plus éclairé s’apercevra un
jour, 8e qu’il fera cefier lui - meane, paroilroit
peut-être encore plus néceffaire pour émouvoir un
Parterre affis , 8e d’autant moins fenfibie au plaifir
du. fpeCtacle qu’il en jouïroit plus commodément :
car il en eft -de ce plaifir comme de tous les autres ;
la peine qu’il en coûte y met un nouveau prix , 8e
on les goûte foiblement lorfqu’on les prend trop
à fon aife. Peut-être qu’un ParterreoxxYon feroit
debout auroit plus d’inconvénients chez un peuple
où regneroit plus de licence , & moins d’avantages
chez un peuple dont la fenfibilité, exaltée par le
climat, feroit plus facile à émouvoir. Mais je parle
ici des françois ; & j’ai pour moi l ’avis des comédiens
eux-mêmes, qui, quoiqu’intérefle, mérite quelque
attention.
( ^ Depuis que cet article a été imprimé , les comédiens
françois, dans leur nouvelle fa lie , ont
pris le parti courageux d’avoir un Parterre affis :
il paroît moins tumultueux , mais plus difficile à
émouvoir ; & foit que le prix des places ne foit
plus aflez bas pour y attirer cette foule de jeunes
gens dont l ’âme & l ’imaginatipn n’avoit befoin, pour
s’exalter, que d’entendre de belles chofes , foit
que le goût du Public , généralement pris , foit
refroidi pour les beautés fimples, comme ou i ’obfervft
a tous nos théâtres, i l eft certain qu’on n’obtient
plus de grands fuccès par ce moyen ; 8c ce que
difoit Voltaire , d’après une longue expérience, que
pour être applaudi de d a multitude , i l valoit
mieux ƒ râper fo r t que de frâper jujle , fe trouve plus
vrai que jamais, tant à l ’égard des fpeCtateurs affis,
qu’à l ’égard de ceux qui font debout : ce qui rend
encore indécis le problème des deux Parterres. )
{ M. M a r m o n t e l . )
PARTICIPE , f. m. Grammaire. Le Participe
eft un mode du verbe qui prefente à l ’efprit un
être indéterminé défigné feulement par une idée
précife de . l ’exiftence fous un attribut, laquelle
idée eft alors envifagée comme l ’idée d’un accident
particulier communicable à plufîeurs natures.
C ’eft pour cela qu’en grec , en latin, en allemand ,
& c , le Participe reçoit des. terminaifons relatives
aux genres, aux nombres, & aux cas, au moyen
defquelles il fe met en concordance avec le fujet
auquel on l ’applique : mais il ne reçoit nulle part
aucune terminaifon perfonnelle , parce qu’il ne
conftitue dans aucune langue la propofition principale
il n’exprîme qu’un jugement acceffoire ,
qui tombe fur un objet particulier qui eft partie
de la principale. Quos ab urbe difeedens Pom-
peius erat adhortatus ( Cæf. I. civil. ) : difeedens
^ft ici la même chofe que tum quum diCce-
débat ou difcejjit ; ce qui marque bien une propofition
incidente : la conftruCtion analytique de
çette phrafe ainfi réfolue eft, Pompeius erat ad-
hortatus eof ( au lieu de quos ) tum quum difcejjit
ab urbe ; la propofition incidente difcejjit ab urbe
Cft liée par la conjonction quum à l ’adverbe antécédent
tum [alors , lors J ; & le tout, tum quum
difcejjit ab urbe ( lorfqu il partit de la ville ) ,
eft la totalité du complément circonftanciel de
temps du verbe a dh o r ta tu sI l en fera ainfi de tout
autre Participe , qui pourra toujours fe décompofer
par un mode perfonnel 8c un mot conjonCtif, pour
conftituer une propofition incidente.
Le Participe eft donc à cet égard comme les
adjeétifs : comme eux, il s’accorde en genre , en
nombre, 8c en cas, avec le nom auquel il eft appliqué
; 8c les adjeCtifs expriment, comme lu i , des
additions àcceffoires qui peuvent s’expliquer par
des propofitions incidentes : des hommes f avants,.
c’eft à dire, des hommes qui font f avant s. En
un mot, le Participe eft un véritable adjeCtif,
puifqu’i l fe r t, comme les adjeCtifs, à déterminer
l ’idée du fujet par l’idée accidentelle de l ’évènement
qu il exprime, 8c qu’il prend en conféquence les terminaifons
relatives aux accidents des noms 8c des
pronoms.
Mais cet adjeCtif eft auffi verbe , puifqu’il
en a la lignification , qui confifte à exprimer l ’cxif-
tence d’un fujet fous un attribut : 8c il reçoit les
diverfes inflexions temporelles qui en font les fuites
néceffaires ; le préfent, preeans[^nmi) ; le prétérit,
precatus ( ayant prié ) ; le futur, precaturus ( devant
p rier).'
On peut donc dire avec vérité , que le P a r ticipe
eft un adjeCtif-verbe , ainfi que je l’ai infinué
dans quelque autre article , où j avois befoin d’in-
fifter fur ce qu’il a de commun avec les adjeCtifs,
fans vouloir perdre de vue fa nature indeftruCtibie
de verbe j 8c c’eft précifément parce que fa nature
tient de celle des deux parties d’oraifoa, qu’on
lui a donné le nom de Participe : ce n’eft point
exclufîvement un adjeCtif qui emprunte par accident
quelque propriété du verbe , comme SanCtius
femble le décider ( Min. I. 15 ) j ce n’eft pas non
plus un verbe qui emprunte accidentellement quelque
propriété de l ’adjeCtif j c’eft une forte de mot
dont i ’eft ence comprend néceflairement les deux
natures , 8c l ’on doit dire que les Participes font
ainfi nommés , quoi qu’en dife SanCtius , quod.
partent ( naturæ fiiæ) capiant â verbo, partem à
no mine y ou plus tôt ab adjecîivo.
L ’abbe Girard ( tome 1 , dife. i l ,. page 70 )
trouve à c.e fujet de la bizarrerie dans les. gram-
maiririens. « Comment, dit-il, après avoir décidé
» que les infinitifs , les gérondifs, 8c les P a r ti-
» cipes font les uns fubftantifs 8c les autres adjec-
. » tifs , ôfent-ils les placer au rang des verbes dans
» leurs méthodes , 8c en faire des modes de con-
» jugaifons ? » Je viens de le dire , le Participe
eft verbe , parce qu’il exprime effenciellement
l ’exiftence d’un fujet fous un attribut, ce qui fait
qu’il fe conjugue par temps : il eft adjeCtif, parce
que c’e ff fous le point de vue qui caraCtéiife la.
nature des adjeCtifs , qu’il préfente la lignification
fondamentale qui le fait verbe; 8c c’eft ce point
de vue propre qui en fait, dans le verbe , un mode
diftingué des autres, comme l ’infinitif en eft un autre,
caraCtérifé par la nature commune des noms. Voyez Infinitif.
Prifcien donne, à mon fens , une plaifante raifon
de ce que l ’on regarde le Participe comme une
efpèce de mot différent du verbe : c’eft , dit - i l ,
quod & cafus hcibet qujbus caret verbum, & généra,
ad Jimilitudinem nominum, nec modos habet quos
continet verbum ( lib. 11, de Oratione ) : fur quoi je
ferai quatre obfervatioas.
1°. Que dans la langue hébraïque il y a presque
à chaque perfonne des variations rëlati/es aux
genres, même dans le mode indicatif, 8c que ces
genres n’empêchent pas les verbes hébreux d’être des
verbes.
z9. Que féparer le Participe du verbe , parce
qu’il a des cas 8c dés genres comme les adjeCtifs;
c’eft comme fi l’on en féparôit l ’infinitif , parce
qu’il n’a ni nombres ni perfonnes, comme le verbe
en a dans les autres modes ; ou comme fi l ’on en
féparôit l’impératif, parce qu’il n’a pas autant de
temps que l ’indicatif, ou qu’il n’a pas autant de
perfonnes que les autres modes : en un mot c’eft
féparer 1 z Participe du verbe, par la raifon qu’il