
Uns permutation remarquable du t , c’éft celle
par laquelle nous le prononçons en s , comme
dans objection , patient ( Voye\ S ). Scioppius ,
dans Ton Traité De Orthoepeicî, qui eft à la -fin
de fa Grammaire philofiophique , nous trouve ridicules
en cela. Maxime tamen in eâ efferendâ
ridicuti fiunt g a ll i , quos quum Intentio dicentes
audias , Intentio an Intenfio ilLa f i t difice-rnere
hauil quaquam pofiis. I l ajoute un peu plus bas :
Non potejl vocalis pofi I pofita eam hahere
vint, ut fionum ilium qui T littéral fiuus ac pro-
prius efi immutéi; nam , ut ait Fabius, Hic
eft ufus litterarum } ut cuftodiant voces & velut
depofitum reddant legentibus : itaque f i in Jufti
fonus litteree T efi ajfinis J'ono D , ac fine ullo
fibilo ; non potefi itle alius atque alius ejfie in
Juftitia.
Scioppius abufe, -comme prefque tous les neo-
gtaphes , de la maxime très-vraie de Quintilien :
les lettres font véritablement deftiné.es à conferver
les fons ; mais elles ne peuvent le faire qu’au
moyen de la lignification arbitraire qu’elles ont
reçue de l ’autorité de l ’Ufage , puifqu’elles -n’ont
aucune lignification propre & naturelle.
( *[ Je m’étois d’abord contenté de cette jufti-
fication vague , par la prévention réfléchie où j’étois
qu’on devoit à ljüTage , en fait d’Orthographe , la
même déférence qu’en fait de prononciation. On
ne doit pas en effet propofer de faire prononcer
le fécond t comme le premier dans les mots partition
, pétition , . répétition , fiation , Scc , ainfi
que l’infiiTue Scioppius à l ’égard de Jufiitia. Mais
j’avoue que l’on peut, & qu’il eft même d’une
néceflité urgente de propofer à l ’Ufage des corrections
pour rOrthographe, parce qu’en effet l’Orthographe
doit peindre fidèlement les éléments de la
parole , félon l’avis de Quintilien.
On a propofé fur notre t fifflé différentes corrections
: les uns ont été d’avis de lui fubftituer jf i ;
■ d’autres, la lettre c. L e raprochemènt de ces deux
avis jette dans l ’embarras auquel adhérer, lorfque
«i ,l'analogie ni l ’étymologie ne décide ni pour
l ’un ni pour l’autre? Nous avons des mots terminés
en filon , comme agrejjion , comprefilon , con-
çefilon, confie filon , digrefilon , difeufilon , ex-
pre filon , inter mi filon , mifilon , pa filon , pereufi-
fion , pofiefilon , Sec. Mais ces mots font ortho-
. graphies comme les fupins latins d’où ils dérivent,
aggrefium , comprenant , conceffitm , confiefium ,
digreffitm, difeuffum , exprefium , intermifium ,
mifiitm , pajffium , percujpum , pofiefium ; ils tiennent
même, pour la plupart , a des mots françois
de la même famille qui ont la lettre s , comme
tigrefieur, compte fie , confie fier' , mis , pnfilfi,
jrofiefièur. L ’étymologie & l’analogie réclament
donc la double jfidans ces mots en ion.
Ce font auflî l’étymologie & l ’analogie cpii réclament
le t fîfflant dans les mots où nous 1 avons
admis devant un i fuivi de quelque autre voyelle ;
St ces deux titres me paroiffent irrécufables. Il y
a véritablement deux inconvénients q u i, réfultent,
ou de cette prononciation fifflante , ou de la difficulté
Ùe favoir quand il faut fiffler le t.
C’eft SanCtius qui indique la première : Oiv ne
peut'diftinguer, dit-il, fi les françois veulent faire
entendre Intention ou Intenjîon ; & ces mots
homonymes ont en effet des fens très - différents.
Mais toutes les langues ont des homonymes , tons
les homonymes font par là même équivoques, St
jamais on n’en a conclu qu’i l fallut les piofcrira 3
on a eu raifon : les mots ne^font pas deftinés à
paroître ifolés , ils font parties de l ’oraifon, St
dès qu’ils font placés on les entend clairement 3
perfonne ne fe méprendra fur le véritable fens-des
homonymes de ces phrafes, F a i vu fon père , Le
pain de fon ne provoque par la ppétit, I ls dan-
fient au fon de la flûte , Ses chagrins (ont
pafié-s.
La fécondé difficulté eft plus grave : nous avons
des mots qui ne diffèrent que parce que le t eft
dental d’un côté & fifflant de l’autre, comme nous
contentions Sc des contentions , nous exécutions
& des exécutions , nous portions St nos portions
, nous objections Sc des. objections , &c 3
& fans cette reflemblance totale des mots, il en
eft plufieurs fur la prononciation defquels on peut
être embarraffé. Eh bien , ne laiffons point d’équivoque'dans
notre Orthographe': la cédille a été
adoptée pour marquer le fifflement du c devant a ,
. o , u ; prenons la cédille pour ligne univerfel du
fifflement de toute lettre qui fans cela ne feroit
pas fifflante. J’ai déjà indiqué ce moyen pour dif-
tinguer archange Sc marçhand, pour diftinguer h
afpiré de h muet , & même pour diftinguer le t
fifflant du t qui ne l’eft point : ce moyen eft fimple,
déjà reçu en partie, Sc propre à conferver les droits
de l ’étymologie Sc de l ’analogie; que faut-il de
plus? Voye\ N éographisme.)
La lettre; & l ’articulation t font euphoniques
chez nous , lorfque , par inverfion , nous mettons,
après la troifième perfonne fingulière terminée par
une voyelle, les mots i l , elle, & on ; comme
a-t-il reçu , aime-t-elle, y alla - t - o n : Sc dans
ce cas, la lettre t fe place , comme on voit ,
entre deux tirets. La lettre euphonique & les tirets
défignentl’union intime & indiffoluble du fûjet i l ,
e lle, ou on avec le verbe 3 & le choix du t par
préférence vient de ce qu’il eft la marque ordinaire
de la troifième perfonne. Voye\ E u ph o n i que
& N.
( ^ Je dois remarquer ici que bien des gens,
au lieu du -fécond tiret , fe permettent de mettre
un apoftrophe après le t euphonique. Ils ne favent
pas pourquoi, j’en luis sùr 3 car on ne peut en
imaginer aucune raifon : le t n’eft pas 1 abrégé de
te , comme dans Je taimois inconfiant; te eft
le feul mot qui puiffe fe réduire à t par l ’apoftro-
phe; donc Une faut point ici d’apoftrophe, & cet
a v is doit fuffire à ceux qui n’aiment pas i faire gratuitement
des fautes. ) ■
T , dans les anciens monuments, lignifie afféz
fouvent Titus ou Tullius.
C’eft auflî une note numérale qui valoit^iéo;
& avec une barre horizontale au deffus , T va-
loit 160,000. Le T ' avec une forte d’accent aigu
par en haut, valoit chez les grecs 3003 & fi l ’àç-
cent étoit en bas, T , valoit iooq foi« 300 ou ^00,000. Le ü des hébreux vaut ^3 & avec deux
points difpofés au deflùs horizontalement, ü vaut
oooo. , , f ,
Nos monnoies marquées d un T ont ete rrapees a
Nantes. (M . B e a u z é e .)
T A B L E A U , f. m. Littérature. Ce font des
deferiptions de pallions , d’événements , de phe-.
nomènes naturels, qu’un orateur ou un poète re- J
pand dans fa compofition , où leur effet eft d amufer,
ou d’étonner, ou de toucher, ou d’effrayer, ou
d’imiter, Voye\ D escription Sc toutes fes :
efpèces.
Tacite fait quelquefois un grand Tableau en
quelques mots 3 Boflùet eft plein de ce genre de
beautés 3 il y a des Tableaux dans Racine & dans
Voltaire 3 on en trouve même dans Corneille. Sans
l ’art de faire des Tableaux de toutes, fortes de
cara&èrés , il ne faut pas tenter un çoème épique 3
ce talent, effericiel. dans tout genre d’Éloquence &
de Poèfie 3 eft indifpenfable encore dans l ’Époque.
( A n o n y m e , j
T A CH ÉO G R A PHIE , f. i . Littérature.^ On
appeloit' ainfl , chez les romains , 1 art décrire
auflî vite que l’on parle , par le moyen de certaines
notes dont.chacune avoit fa lignification particulière
& défignée. Dès que ce fecret des notes
ÆUt été découvert, il fut bientôt perfectionne 3 il
devint une efpèce d’écriture courant^ , , dont tout
le monde avoit la c le f, Sc à laquelle on exerçoit
les jeunes gens. L ’empereur Tite , au raport de
Suétone, s’y étoit rendu fi habile, qu.il fe fefoit
un plaifir d’y défier fes fecrétaires mêmes. ^Ceux
qui en fefoient une profeflion particulière s appe-
loient en grec Taxîoypacp«*, Sc en latin notarii. i l
•y avoit à Rome peu de particuliers qui neuflent
uelque efclave ou affranchi exercé dans ce genre
’écrire 3 Pline le jeune en menoit toujours un dans
,fes voyages. Ils recueilloient ainfi les harangues qui
fe fefoient en public.
Plutarque attribue à Cicéron 1 art d écrire en
notes abrégées, Sc d’exprimer plufieurs mots par
un feul caractère. Il enfbigna cet art a Tiron , fon
affranchi 3 ce fut dans l ’affaire de Catilma qu il
mit en ufage cette invention utilç, que nous ignorons
en France, Sc dont les anglois ont perfectionné
l’i«jée , l ’ufage, & la méthode dans leur
Tangue. Comme Caton d’Utique ne donnoit aucune
'«leles belles harangues, Cicéron vouluts en procurer
quelques-unes 3 pour y réuflir, i l plaça dans différents
endroits du Sénat deux ou trois perfonnes
qu’il avoit ftylées lui-même dans l ’art taçheogror
phique , Sc par ce moyen i l eut Sc nous a confervé
le laineux difeours que Caton prononça contre
Céfar , & que Sallufte a inféré dans fon luftoire
de Catilina,- c’eft le feul morceau d’Éloquence qui
nous refte de ce grand homme. ( Le çheva.lier DE
J a v c o v k t . )■ :. .
TA CH YG R A PH IE , f. f. Littérature. La
Tachygraphie ou Tachéographie , parole com-
pofée des mots grecs vite, Sc y p u , ecrir
ture , eft l ’art décrire avec rapidité Sc par notes;
elle eft auflî quelquefois nommée B rachygraphie,
de :&fwxvs ? court , Sc yp.c-cp® , j ’écris , en ce que
pour écrire rapidement il faut fe fervlr de maniérés
abrégées.
Auflî les anglois , qui font ceux de tous les peuples
du monde qui «’en fervent le plus généralement&
y g# fait le plus de progrès , l ’appellent-ils
de ce nom shoxthaiyi, main briève , courte écriture,
ou écriture abrégée,
Herman Hugo , dans fon Traite De prima
ficrib. origin. en attribue l'invention aux hébreux ,
fondé fur ce paffage du Pfieaume xljv : Lingua.
mea calamus ficrib ce velociter ficribentis. Mais
leurs abréviations font beaucoup plus modernes,
purement.chaldaïques, & inventées par les rabbins
long temps après'la deftruâion de Jérufalem.
Cependant les, anciens n’ignoroient point cet
art. Sans remonter aux égyptiens, dont les. hier
roglyphes, étoient plus tôt des fymboles .qui repré-
fentoient des êtres moraux, fous l ’image Sc les
propriétés d’un être phyfique 3 nous trouvons chez
les grecs des Tctchéographes Sc Semeïographes ,
comme on le peut voir en Diogène-Laerce & autres
auteurs , quoiqu’à raifon des notes ou cara&eres
finguiiers dont ils étoient obligés de fe fervir, on
les ait affez généralement confondus avec les Cryptographes.
Les romains, qui, avec les dépouilles de la
Grèce, tranfportèrent les arts en Italie, adoptèrent
ce genre d’écriture & cela principalement
parce que fouvent les difeours des fénateurs étoient
mal raportés Sc encore mal interprétés 3 ce qui oc-
eafionnoit de la confufion & des débats en allant amc
voix.
Ç ’eft fous le confulat de Cicéron qu’on en voit
les premières traces. Tiron , un de fes affranchis,
prit mot à mot la harangue que Caton pro-
nonçoit contre Céfar; Plutarque ajoute qu'on ne
connoiffoit point encore ceux qui depuis ont été
appelés notaires, Sc que c’eft lé premier exemple
de cette nature.
Paul Diacre cependant attribue l ’invention des
premiers 1100 caractères à Ennius , & dit que
Tiron ne fit qu étendre Sc perfectionner cette fcîence.