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certiores fa c it Jupiter, dit Cicéron /dans Ton Traité
JDe divinatione. On peut faire quelques conjectures
fur la figure de ces Signes par les noms
qu’Apulée leur donne, les appelant ignorabiles
litteras , nodos, apices eondenfos, & pat cette
épigramme de Nicéarque :
Ovrwr p.vtp,i\Kai TpuwH/xara Ao|à ooj'oc -,
Tp«/i/*aT0t tmy AiCvxM» , AoJW itj cppvyia'
D ’où l ’on peut conclure, qu’on regardoitcette manière
d’écrire comme celle quiétoit généralement
en ufage parmi les barbares, comme elle l ’eft encore
aujourdhui chez les chinois. (L e chevalier d e
J A U COU R T . )
SILENCE , A r t oratoire. Le Silence fait le
beau, le noble, le pathétique dans les penfées ,
parce qu’i l eft une image de la grandeur d’âme :
par exemple, le Silence d’Ajax aux enfers, dans
l ’Odyffée, où Ulyffe fait de baffes foumitfions â
ce prince j mais Ajax ne daigne pas y répondre.
C e Silence a je ne fais quoi de plus grand que
tout ce qu’il auroit pu dire. C ’eft ce que Virgile a fort bien imité dans le V I livre de l ’Énéide
où Didon, aux enfers, traite Énée de la même
manière qu’Ajax avoit fait Ulyffe; auffi infenfible
aufli froide qu’un rocher de Paros , elle s’éloigna
fans lui répondre, & d’un air irrité s’enfonça cfins
le bois.
Nec magis incepto vultum Jermone movetur t
Quam f i durafilex aut ftet marpejîa cautes,
Tandem proripuit fefe , atque inimica refugit
I n nemus umbriferum.
V . 470.
1°. Il eft une fécondé forte de Silence qui a beaucoup
de grandeur & de fublimité dé fentiment en
certain cas. Il confifte â ne pas daigner parler fur
un fujet dont on ne pourroit rien dire fans rifqner,
ou de démontrer quelque apparence de baffeffe dame’
ou de faire voir une élévation capable d’irriter les’
autres. Le premier Scipion l ’Africain , obligé de
comparoître devant le peuple affemblé, pour fe
purger du crime de péculat, dont les tribuns l ’ac-
cufoient : » Romains , d it- il, à pareil jour je vain-
» quis Annibal & fournis Carthage ; allons en
» rendre grâces aux dieux ». En même temps il
marche vers le Capitole , & tout le peuple le
fuit. Scipion avoit le coeur trop grand pour faire
le perfonnage d’accufé ; & i l faut avouer que rien
n’eft plus héroïque que le procédé d’un homme
q u i , fier de fa vertu, dédaigne dé fe juftifîer & ne
veut point d’autre juge que fa confcience.
Dans la tragédie de Nicomède, ce prince , par
les artifices d’Arfînoé, fa belle-mère , eft foupçonné
I e tremper dans une confpiration ; Prufias, fon
S I M
pere, qui ne lefoühaite pas coupable, le preffe de fe
juftifîer, & lui dit;
Purge-toi d’ un fo r fa it fi h o n teu x & fi bas.
L ame de Nicomède fe peint dans fa réponfe vraiment
lublime ;
M o i , Seigneur, m’ en purger ! tous ne le c ro y e z pas.
, *^e ne ce qu’on doit le plus admirer dans la
reponfe de Nicomède , ou de ce qu’il ne veut pas
feulement fe juftifîer, ou de ce qu’il eft fi sûr & fifier
de fon innocence, qu’i l ne croit pas que fon accufàteur
en doute.
3 • Un ambaffadeur d’Abdère , après avoir long
temps harangué A g is , roi de Sparte , pour des
demandes injuftes , finit fon difcours en lui difant ;
» Seigneur, quelle réponfe ràporterai-je de votre
» part ? — Que je t’ai laiffé dire tout ce que tu as
» voulu, & tant que tu as voulu , fans te répondre
» un mot». Voilà un taire-parlier bien intelligible,
dit Montagne.
4°. Mais je vas offrir un exemple de Silenceerai
eft bien digne de notre refpeft. Un Père de l ’Églife
npus donne une idée de la confiance de Jéfus-Chrift
par un fort beau trait de réponfe : pour l’entendre,
il faut fe rappeler une circonftance de la vie d’É-
piéfete. Un jour, comme fon maître lui donnoit
de grands coups fur une jambe , Épittète lui dit
froidement,: » Si vous, continuez , vous cafferez
» cette jambe ». Son maître , irrité par ce fano-
froid, lui caffa la jambe ; » Ne vous Pavois-je
» pas bien dit que vous cafteriez cette jambe? »
Unphilofpphè oppofoit cette hiftoire aux' Chrétiens,
en ùifant : » Votre Jéfus-Chrift a-t-il rien fait d’auffi
» beau à fa mort ? — O u i, dit S. Juftin, il s’eft tu ».
( Le chevalier d e J a u c o v r t . )
S i l e n c e , . Critique facrée. Ce mot, outre fa
hjyftftcation ordinaire, fe prend au figuré dans
l ’Ecriture : i° . pour la patience , le repos, la
tranquilité ; nous les conjurons de manger leur
pain, en .travaillant paifiblement, in Silentio ,
ptrà jrvx/cv (I I . Thejf. iij , i l ) : Z°. ce terme
défigne la retraite, la féparation du grand monde ; *
Efther ne portoit pas fes beaux babits dans le temps
de fà retraite , In diebus Silentii : 30. il marque
la ruine , Dominus filere nos fe c it ( Jérém. v i i j ,
14 ) , c’eft à dire , le Seigneur nous a ruinés. (Le
ehev aller d e J a u c o u r t . )
( N. ) SIM IL ITUDE , f. f. Figure de penfée
par combinaifon, qui indique ou qui dèvelôpe le
raport qui eft entre deux chofes , deux idées , deux
penfées, dans la vue feulement d’éclaircir l ’une
f>ar l ’autre , ou de rendre l ’une plus feufible fous
l ’image & l ’emblème de l ’autre.
Les Similitudes doivent fuivre les mêmes règles
que la Métaphore ( voye\ M é t a p h p r e ) , parce
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que, félon la remarque de Quintilien, la Métaphore
n’eft qu’une Similitude abrégée, & la S imilitude
une Métaphore étendue & dèvelopée. La
Similitude doit donc être tirée d’objets plus connus
que celui qu’on fe propofe de faire mieux con-
noître ; d’objets qui puiffent préfenter à l’imagination
quelque chofe de neuf, d’éclatant, d’intér
reliant, de noble ; d’objets par çonféquent qui ne
réveillent aucune idée baffe , abjeâe, dégoûtante ,
©u même trop triviale,
C eft une figure familière aux poètes & convenable
à leur ftyle y parce qu’elle eft propre à
fournir des images. A u ff i Homère, Virgile, Voltaire
, & tous les grands poètes épiques ou lyriques
en font-ils pleins. Voltaire ( Henr.parlant des Seize :. ch. jv ) dit, en
Nés dans l’obfcumé , nourris dans la baffeffe,
leu r haine pour les rois leur tient lieu de noblefle j
E t jufques fous Je dais par le peuple portés,
Maïenne en frémiflanc les voit à fes côtés..
DeS jeux de la Difcorde ordinaires caprices,
Qui fouvent rend égaux ceux qu’e'fie rend complices.
A infi, lorfque'les vents, fougueux tyrans des eaux ,
De la Seine ou du Rhône ont foulevéles flots;
l e limon croupiffant dans leurs grottes profondes
S élève en bouillonnant fur la face des ondes.
Ainfi , dans- les fureurs de ces embrafements’
Qui changent les cités en de funeftes champs , 1
l e fe r , l’airain, le plomb-, que les feux amolïiffent,
Se mêleiit dans la flamme à ,1’or qu’ils obfourciflent.
deux images pleines d’énergie & de vérité, qui
peignent d’une manière admirable la baffeffe, lrn-
folence & les crimes des fcélérats dont il s’agit.
1 Sabine , dans Y Horace de P. Corneille ( III. j ) s exprime ainfi :
Fortune, quelques maux que ta rigueur m’envoie,
J ’ai trouvé les moyens d’en tirer de la joie,
Et puis voir aujourdhui le combat fans terreur,
le s morts fans défefpoir, les vainqueurs fans horreur.
Flatteufe illufion, erreur douce & groffière,
»Vain effort de mon âme, impuifïante lumière,
D e qui le faux brillant prend droit de m’éblouïr;
. Que tu fais peu durer, & tôt t’évanouïr !
Pareille à ces éclairs q u i, dans le fort des ombres,
Pouffent un jour qui fuit & rend les nuits plus, fombres,
T u n’as frapé mes ieux d’un moment de darté,
Que pour les abîmer dans plus d’obfcurité,
Rien de plus beau, de plus jufte, & de plus
noble, que cette Similitude ; mais elle eft dé-
^» vV^oi*lt ai•r eL afu Tr rcaegté deined raodimt met êlmese* ,M métaaips honroens , pdaist
» les Similitudes : pourquoi ? parce que la Mé-
» taphore, quand elle eft naturelle, apartient à
» la pafiion j les Similitudes n’appartiennent qu’à
» l’efprit».
En voici une autre pleine d’agrément, tirée do-
commencement de la Chartreufe par Greffet, qui
l ’a placée plus à propos :
Vainement j’abjurois la rime;
L’ haleine légère des vents
Emportoit mes foibles ferments *
Aminte, votre goût ranime
Mes accords & ma liberté;
Entre Uranie & Terpfichore
- Je reviens m’ amufer encore
A u pinde que j ’avo.is quitté.
T e l , par fa - pente naturelle ,
Par une erreur toujours n o uv e lle ,
Quoiqu’il femble changer fon cours*,
Autour de la flamme infidèle
Le papillon revient toujours.
Les livres prophétiques & fapientiaux de l ’Ecriture
fainte, dont le ftyle eft vraiment poétique,
font remplis de Similitudes très-pittorefques.
Quid nobis profuit
fuperbia 1 aut divitia-
rum jaclantia quid
contulit nobis 1 Tran-
Jierunt omnia ilia tan-
quam umbra : tanquam
nuncius per cur-
-rens : & tanquam navis
qucB pertranjitflue-
tuantem aquam , cu-
ju s , quum preeterierity
-non ejl vefiigium invenire
, neque femitam
caritue illius in flup
tibus : aut tanquam
avis quee tranfvolat
in aere , cujus nullum
invenitur argumentum
itineris, fe d tantum
fonitus alarum verbe-
rans levem ventum
& feindens per vim
itineris aerem ; commons
alis tranfvola-
v i t , & poft hoc nullum
Jignum invenitur
itineris illius aut
tanquam fug itta emif-
f a in locum deflina-
tum ; divifus a 'er eon-
tinuo in fe reclufus ejl,
ut ignoretur tranjitus
illius. (Sap. V -8 - iz .) .
C’eft ainfi que la Sagt
Que nous a fervi l’orgueil
? de quelle utilité
nous a été la vaine often-
tation de nos richeffes ?
Toutes ces chofes ont paffé
Comme l’ombre : comme
un Courier qui fe hâte :
comme une barque qui
traverfe un courant, dont,
après le paffage , on ne
trouve aucun veftige, non
plus que la trace de fa
quille fur les flots : ou
comme un oifeau qui
traverfe l ’a ir, dont aucune
marque n’indique la
route , & dont on n’entend
que le foible bruit
qu’il fait avec fes aîles
pour s’ouvrk un paffâge
dans l’air j il l’a traverfé,
par le mouvement de fes
aîles, & on ne trouve
enfuite aucune trace de
fa route : ou comme une
flèche lancée vers fon
but ; l’air qu’elle a divifé.
s’eft auffi tôt refermé fur
elle, de manière qu’on ne
fait par où elle a paffé.
:ffe met dans la bouche des