
particulière : créature eft un mot générique , puisqu’il
comprend toutes les efpèces de choies créées,
les arbres , les animaux, les métaux , &c 5 ainii,
lorfqu’il ne s’entend que des hommes , c’eft une
Synecdoque du genre, c’eût à dire que , fous le
nom du genre , on ne conçoit, on n’exprime qu’une
efpèce particulière j on reftreint le mot générique à
la (impie lignification d’un mot qui ne marque qu’une
efpèce. '
Nombre eft un mot qui fe dit de tout aûfemblage
d’unités ; les latins fe (ont quelquefois fervis de ce
mot en le reitreignant à--une efpèce particulière.
1°. Pour marquer l ’harmonie, le chant : i l y a
dans le chant une proportion qui fe compte. Les
grecs appellent auffi pvô^os, numerus, tout ce qui
le fait avec une certaine proportion, quidquid certo
modo & ratione f i t ;
• . . Numéros memîni, Jî verba tenerem.
» Je me fouviens de la mefure , de l’harmonie ,
» de la cadence , du chant, de l ’air ; mais je n’ai
» pas retenu les paroles ». ( V i r g . Ec l. jx , 45. )
i ° . Numerus fe prend encore en particulier pour
le vers, parce qu’en effet les vers font compofés
d’un certain nombre de pieds ou de fyllabes : Sari-
bimus numéros {Perfi Sut. j , 13 ) , nous fefons des
vers.
30. En françois nous nous fervons auffi de nombre
ou de nombreux , pour marquer une certaine
harmonie ^certaines mèfures , proportions, ou cadences
, qui rendent agréables à l ’oreille un a ir ,
un vers , une période , un difcours. I l y a un certain
nombre qui rend les périodes harmonieufes.
On dit d’une période, qu’elle eft fort nombreiife,
numerofia oratio ; c’eût à dire que le nombre des
fyllabes qui la compofent eft fi bien diftribué, que
l ’oreille en eft frapée agréablement : numerus a-
auffi cette lignification en latin. In oratione numerus
latinè, græcè inejfe dicitur . . .
A d capiendas aures, ajoute Cicéron ( O rat.
I L 170 , 171 172- ) : numéri ab ordtore
quæmntur : & plus bas , i l s’exprime
en ces termes j Ariftoteles verfum in oratione
vetat ejfe, numerum jubet : Ariftote ne veut point
qu’il fe trouve un vers dans la profe ; c’eût à dire
qu’i l ne veut point que , lorfqu’on écrit en profé,
il fe trouve dans le difcours le même aûfemblage
de pieds ou le même nombre de fyllabes qui forment
un vers : i l veut cependant que la Profe ait
de l ’harmonie , mais une harmonie qui lui foit
particulière, quoiqu’elle dépende également du
nombre des fyllabes & de ^’arrangement des mots.
H. I l y a au contraire la Synecdoque de Vefpèce
: c'eût lorfqu’un mot qui, dans le fens propre ,
ne fignifie qu’une efpèce particulière , fe prend pour
le.genre. C ’eût ainfi qu’on appelle quelquefois voleur
tin méchant homme ; c’eût alors prendre le moins
pour marquer le plus.
I l y avoit dans la TheûTaUe , entre le mont
O ffa & le m ont O lym p e , une famèuûe plaine
apelée Tempe, qui- paffoit pour un des plus beaux
lieux d e là G rèce. L es poètes g re c s.& latins fe
font fervis de ce m ot p articulier pour m arquer toutes
fortes de b e lle s cam pagnes. » L e doux fo m m e il,
dit H orace ( I I I . Od.j , n’aim e p o in t le
» trouble qui règne chez les G rands il fe plaît
» dans les petites maifons des bergers , a 1 ombre
» d’un ru iffeau , ou dans ces agréables campagnes
» dont les arbres ne font agités que par le ^ ze-
» p h yr » ; & p our m arquer ces cam pagnes, il fe
fert de Tempé .*
. . . Somnus agreftium
* Lenis virorum non hutniles domos
F a ftid it, umbrofamque ripam,
Non lephyfis agitata T em p e .
L e m ot de Corps & .le m ot d’âme ( c’eût du
Marfais qu i continue ) fe prennent auifi quelquefois
féparém ent pour to u t l ’hom m e : on dit popu-
lairem ent, furtout dans les provinces , Ce corps-
là , pour cet homme-là ; Voilà un plaifant corps,
pour dire un plaifant perfonnage. O i\ dit au ifi,
qu’j / y a cent-mille âmes dans une ville j c’eût
à dire , cent-mille habitants. Omnes animez,ào-
mûs Jacob ( Genef. xlvj , 1 7 ) * toutes les perfonnes
de la fam ille de Jacob. Cenuit fexdecini animas
( ibid. 1 8 ) , il eut feize enfants.
III. Synecdoque dans le nombre ; c’eût lorfqu’on
m et un fingùliérpour un p lu rie l, ou un p lu rie l p o ur
un fîngulièr. ,
r° . Le germain révolté , c’eût à dire, les germ
a in s, les allem ands. L’ennemi vient à nous ,
c’eût à dire , les ennemis. D ans les hiftoriens latins ,
on trouve fouvent pedes pour pedites ,* le fiantajfin
pour les fantaffins , Vinfanterie.
z °. L e p lu rie l pour le fingulier. S ouvent, dans
le ftyle férieux , on dit nous au lieu de je : 8c
de même , il ejl écrit dans les prophètes, c’eft
à d ire , dans un l i v r e de qjielquhm des prophètes j
Quod diclum ejl per prophètes. ( M atth. ij, 13 )
3°. U n nom bre certain pour un nom bre incertain.
Il me Va dit dix fois, vingt fois, cent fois, mille
fois, c’eft à d ire , plufieurs fois.
4°. Souvent , pour faire Un com pte ro n d , on
ajoute ou l’on retranché ce qui em peche que le
com pte ne foit ro n d : ainfi, on dit , La verfion
des Septante, au lieu de dire , la verfion des
foixante & dou\e interprètes , qui , félon les Per'es
de l ’Égliûe , traduifirent l ’É criture feinte en grec*,
à la prière de.P tolém ée-P hiladélphe ., roi d É g y p te ,
environ 300 ans avant Jéfus-C hrilt. Vous voyez que
c’eût toujours ou le plu$ pour le moins, ou au contraire
le moins pour le plus.
IV . La partie pour le Tout,8c le Tout pour la
partie. Ainfi , la tête fe prend quelquefois pour tout
l ’hom m e : c’eût pour cela qu’on dit com m uném ent,
On a payé tant par tête, c’eft à d ire , tan t pour
m K m chaque
chaque perfonne ; Une tête fi chère , c’eft à d ire ,
une perfonne fi précieufe, fi fort aimée•
Les poètes d ife n t, Après quelques moijfons ,
quelques étés , quelques hiver s, c’eût à d ire , après
quelques années.
L'onde t dans le fens p ro p re , fignifie une vague ,
un flot i cependant les poètes prennent ce m ot ou
pour la mer , ou p our l ’eau d’une riv iè re , ou pour
la rivière m êm e. Q uinaut ( Ifis ; acl. I ,fc.iij) :
Vous ju tie z autrefois q u e cette ortde rebelle
Se fe ro it vers fa fource une route n o u v e lle ,
Plus tô t qu ’o n ne v er ro it vo tre coeur dégagé :
V o y e z couler ces flots dans cette ya fte plaine î
C'eût le même penchant qui toujours les entra îné j
Leur cours ne change p o in t, ôc vous av e z changé.
D ans les poètes la tin s , la poupe ou la proue
d’un vaiffeau fe prend pour tout le vaiffeau.
O n dit en françois , cent voiles, pour dire cent
vaiffeaux. Teélum ( le to it ) fe prend en la tin pour
toute la maifon j Æneam in regia ducit tecta,
elle mène É née dans fon palais. ( Æn. 1 , 6 35. )
La porte, & même le Jeuil de la p o rte , fe prennent
auûfi en latin pour toute la m aifon , to u t le
p a la is, to u t le tem p le. C ’eft p eut-être par cette
efpèce de Synecdoque qu’on peut donner un fens
raifonnable à ces vers de V irg ile. {Æn. I , 5 0 ^ ) :
Tum forïbus divæ , média tcjlitudine templi,
Septa armis , folio altè fubnixa refedit.
Si D idon éto it aûfife à la porte du te m p le , fo-
ribus divee , com m ent p o u v o it-e lle être aûfife en
-m êm e tem ps fous le m ilieu de la votUe , media
tefiudine 1 C ’eft que , par foribus divæ , il faut
entendre d’abord en général le tem ple 3 e lle vint au
tem p le , & fe plaça fous la voûte.
[ N e pourroit-on pas dire auûfi que D idon éto it
aûfife au m ilieu du tem p le & aux' portes de la
, déeffe , c’eft à d ire , de fon fan&uaire ? C ette ex p lication
eft toute fim ple $ & de l ’autre p a r t, la figure
eft tirée de bien lo in ].
L orfqu’un citoyen rom ain étoit fait eûclave, fes
biens apartenoient à fes héritiers j mais s’il reve-
noit dans fa patrie , il rentroit dans la poffeûfion &
jouïffance de tous fes biens : ce d ro it, qui eft une
efpèce de droit de re to u r, s’a p p elo it en la tin , jus
pojlliminii ,* de pofl (ap rès), & de limen (le fe u il
de la porte , l’entrée ).
Porte, par Synecdoque & par A ntonom afe, fignifie
auûfi la C our du grand-Seigneur , de l ’em pereur
turc. O n d it, Faire un traité avec la Porte ;
c eft à dire , avec la Cour ottomane. C ’eft une
façon de p arler qui nous vient des turcs : ils nom ment
Porte par ex cellen ce, la porte du fé ra il ,
c eft le palais du fultan ou em pereur turc ; & ils
entendent p ar ce m ot ce que nous ap p elo ns la
Cour.
Gramm. et LîttéRAT. TomelIL
Nous difons , I l y a cent fe u x dans ce village,
c’eft à dire, cent familles.
On trouve auûfi des noms de villes , de fleuves,
ou de pays particuliers , pour des noms de provinces
& de nations. Ovide ( î/létam• 1 , 6 1 ) :
Eurus ad Auroram , nabathaaque régna recejjit.
Les pélaûgiens, lesargiens, lesdoriens, peuples
particuliers de la Grèce, fe prennent pour tous les
grecs, dans Virgile & dans les autres poètes anciens*
On voit fouvent, dans les poètes, le Tibre, pour
les romains ; le N i l , pour les égyptiens ; ta Seine x
pour les françois.
Quum Tiberi N ilo gratta nulla fuit.
Prop. II. Eleg. x x x i ij, 20.
P e r Tiberim, romanos; per Nilum, ægyptios
intelligito. ( Beroald. in Propert. )
Chaque climat produit des favotis de Mars i
La Seine a des Bourbons, ie Tibre a des Céfats.
Boileau, É p. I .
Fouler aux pieds l’orgueil & du Tage & du Tibre.
Id. Difc. au roi.
Par le Tage , il entend les eûpagnols; le Tage
eft une des plus célèbres rivières d'hfpagne.
V . On fe fert fouvent du nom de l a m a t i è r b
p o u r marquer l a c h o s e q u i e n e s t f a i t e . Le
Pin ou quelque autre arbre fe prend dans les poètes
pour un vaiffeau : on dit communément de Vargent
, pour des pièces d’argent, de la inonnoie :
le fe r fe prend pour l ’épée ; périr par le fe r •
Virgile s’eft fervi de ce mot pour le foc de la charue* ( I. Georg. 50) : J
A t priùs ignotum ferro quant feindimus oequor.
Boileau , dans fon Ode fur la prife de Namur, 2
dit Vairain, pour dire les canons :
Et par cent bouches horribles,
. L ’airain fur ces monts terribles
Vomit le fer & la mort.
L ’airain , en latin æ s , fe prend aufli fréquemment
pour la monnoie , Les richeffes ; la première
monnoie des romains étoit de cuivre. Æ s alienum ,
le cuivre d’autrui, c’eft à dire , le bien d’autrui
qui eft entre nos mains, nos dettes, ce que nous
devons. Enfin oerafe prend pour des-vafes de cuivre ,
pour des trompettes , des armes, en un mot, pour
tout ce qui fe fait de cuivre. [ Nous difons pareillement
des bronzes , pour des ouvrages de
bronze.]
Dieu dit à Adam , Tu es pouifière & tu retourneras
en pouifière , P ulv is es & in pulverem
p p p