
3-ytf S A M
» le fixent à "être nom oa verbe celles félon
» leiqu elles il doit fie décliner ou conjuguer , un
» certain nombre de fyllabes à placer-entre l ’élé-
» ment primitif & les terminaifions, quelques pré-
» pofîtions, ère. A l ’aproche des éléments fecon-
» daires , le primitif change fouvent de figure ;
» k r u , par exemple, devient, félon ce qui lui
» eft ajouté, kar, kra, kri t k ir , &c. Lafiynthèfie
» réunit & combine tous ces éléments & en forme
» une variété infinie de termes d’ufage. Ce font
» les règles de cette union & de cette combinaifon
» des éléments , que la Grammaire enfeigne; de
» forte qu’un fimple écolier , qui ne fiauroit rien
» que la Grammaire , p eut, en opérant félon les
» règles fur une racine ou élément primitif, en
» tirer plufieurs milliers de mots vraiment Sams-
» krets ».
M. Halhed, qui a traduit en anglois la verfion
faite en perfan de l ’original Samskret du Code
des lois des - gentous, ajoute dans fa préface :
» L a langue famskrète eft très-abondante & très-
» nerveufe , mais le ftyle des bons auteurs eft fin-
» gulièrement concis^ Elle furpaffe de beaucoup
» le grec & l ’arabe dans la régularité de fies éty-
» mologies ; & elle a de même un nombre pro-
» digieux de termes qui dérivent de chaque racine
» primitive. Les règles de la Grammaire font auftî
» étendues & auftî difficiles., quoiqu’il n’y ait pas
» autant d’anomalies : pour démontrer cette affer-
» tion par un exemple, on peut obferver-qu’i l y
» a fept déclinaifons des noms, toutes employées
» au fingulier , au duel , & au pluriel ; qu’elles
» font toutes diverfes, fuivant qu elles fe terminent
» par une confonne , par une voyelle longue ou
» brève ; & qu’elles different encore fuivant que
» les noms font de différents genres : on ne peut
.» former le nominatif d’aucun de ces.' noms , fans
» appliquer au moins quatre règles... . & tous les
» termes de la langue font fufceptibles des.fept décli-
» naifons ».
11 paroît que la nouveauté a grofll les difficultés
de la Grammaire famskrete aux ieux de M. Halhed-,
que fon traducteur françois nous dit être actuellement
occupé à étudier cette langue. Ce n’eft pas
en effet la multitude des règles qui rend difficile
la Grammaire d’une langue ; ce font les anomalies,
les exceptions - contradictoires, & plus fouvent encore
la manière dont les grammairiens envifàgent
le fyftême de la langue. M. Alexandre Dow, autre
écrivain anglois, qui a traduit dans fa langue, du
perfan de Férishta., YHiJloire de VIndoJlan 3
paroît avoir rencontré des livres élémentaires fams-
krets moins effrayants &. plus clairs, que ceux de
M. Halhed ; car voici comment il s’explique dans
une Dijfenation fa r la religion des brahmines,
traduite de Langlois en. françois par M. B. en 1 7 ^
( P a.g• 2-3 ) : » Quoique le Shanfcrit foit. d’une
» richeffe prodigjeufç, fes principes fe trouvent
» raffemblés complètement dans une Grammaire
» & un Vocabulaire peu volumineux ; & toutes
S A M
» fes racines & fes primitifs, dans un Traité dpi a
» petit nombre de pages. Dans les dérivations &
» les inflexions , fa marche eft fi uniforme , qu’on
» découvre , avec la plus grande facilité & au
» premier coup d’oe i l, l’étymologie de chaque
» mot. La grande difficulté , • c’eft la prononcia-
» tion : elle eft fi rapide & fi forcée , que , même
» dans l ’âge où. l ’organe eft le plus flexible, iL
» faut un long & pénible travail pour parvenir à
» prononcer correctement. Mais quand une fois on
» en eft parvenu à ce point, l ’oreille eft charmée
» par l ’étonnante hardieffe & l ’harmonie de cette
» langue ».
» Il me paroît, dit le P. Pons, que cette lan*
» gue, fi admirable par fon harmonie , fon abon-
» dance, & fon énergie , étoit autrefois la langue
» vivante dans les pays habités par les premiers
» brahmanes : après bien des fiècles ,' elle s’eft
» infenfiblement corrompue dans l ’ufage commun ;
v de forte que le langage des anciens , dans les
» livres facrés, eft allez fouvent inintelligible aux
» plus habiles , qui ne favent que le Samskret fixé
» par les Grammaires »►
M* Dow ne croit pas que le Shanfcrit ait jamais
été l ’idiome commun d’aucun pays; & fes
réflexions à ce fujet méritent d’être ob’fervées. » Cette
» langue, dit-il ( même Dijfert. ), fut-elle, dans
» un certain période de l’antiquité, la langue vul-
» gaire de l ’Indoftan ? ou bien a-t- elle été inventée
» par les brahmines,"pour être l ’envelope myfté^-
» rieufe de leur religion & de leur philofophie 5
» C ’eft une queftion qu’il n’jjft pas aifé de réfoudre.
» Les autres langues ont été formées fortuitement,
» à mefure que les hommes ont eu dës befoins &
» des idées à exprimer ; mais la formation étonnante
» du Shanfcrit paroît être bien au défias des pra-
» duCtions du hafard. Par la régularité dé. l ’ana-
» logie & ■ 'de l’ordre grammatical., il furpafie de
» beaucoup l ’arabe ; enfin il porte des preuves cer^
» taines, que c’ eft avec deffeirt & fur des principes
» ralfonnés , qu’il a été inventé & fixé par un
» corps de Savants, qui ont recherché la régularité,.
» la jufteffe ,r l’Karmonie , la grande fîmplicité,
» & l ’énergie de'l’expreffion ». Cette conclufîon
peut fe confirmer encore’ par une remarque du
P. Pons, qui penfe toutefois', comme on vient de
le voir , d’une manière toute differente : c’eft que
c’eft l’art même avec lequel cette langue a été
faite qui lui;a donné, fon nom ; car Samskret, dans.
cette langue , fignifie littéralement fyntjiétique ou
compofé.
Si ■ les brahmines ont pu & cela n’ eft pas fans
vraifemblance, inventer une langue fi régulière ,
fi énergique ,. fi riche , fi harmonieuse ; pourquoi
n’effaieroit - on pas en Europe , dans un fiècle
furtout qui fe glorifie de fes lumières, d’en inventer
une qui piît au moins fervir de moyen de
communication entre les Savants.de tout l ’univers a,
qui voudroient, fe donner la peine de l ’ap.rendr,e ,j
S À M
Le Samskret feroit fans doute la langue même
que je propofe, fi L’on pouvoit parvenir a déterminer
les brahmines à en donner une pleine communication
: mais la crainte de laiffer pénétrer les
myftères ou les dogmes de leur religion, qui font
confignés dans des livres famskrets , qu’ils nomment0
Bédas, peutrêtre la crainte plus vive encore
de laiffer connoître l ’abus qu’ils en font pour leur
intérêt peifonnel en trompant les peuples , les a
rendus , fur la révélation des principes détaillés de
leur langue , d’un fecret impénétrable.
» A la vérité, dit M. D o w , dans (a Dijferta-
tion ( pag. 10) , » on _a prétendu que-le favant
*> Feizi, frère du célèbre Abul - F a z i l , premier
» fecrétaire de l ’empereur Akbar , avoit lu les
» Bédas, & avoit dévoilé à ce prince fameux les
» principes religieux qu’ils contiennent. Comme
» î ’hiftoire de Feizi fait grand bruit dans l ’Orient,
» il eft à propos d’en raporter ici les particula-
» rités.
» Mahummud - Akbar , ptihce d’un génie vafte
» & élevé, étoit totalement dégagé "de ces pré-
» jugés de religion , que les hommes ordinaires
» fucent avec le lait de leur mère & confervent
» toute leur vie. Quoiqu’èievé dans toute la rigidité
» du mahométifme , fa grande âme, dans un âge
» plus mur , rompit les chaînes de la fuperftition
» _& de la crédulité dans lefquelles fes tuteurs
» avoient retenu fon efprit captif pendant fa pre-
» mière jeuneffe. Dans la vue de fe choifir une
» religion , ou plus tôt par un motif de curiofîté ,
» il le fit un point capital d'examiner en détail
» tous les fyftêmes de Théologie qui régnent
» parmi l es hommes . . . Comme prefque toutes
p les religions admettent le .profélytifme ; Akbar
» ne trouva aucun obftacle â fes deffeins , jufqu’â
» ce qu’il en fût venu â celle des indous , fes
» propres fiyets- : bien différents des autres feftes,
» ils né. reçoivent point de convertis; ils difent
» que chacun- peut aller au ciel par un chemin
» particulier, quoique peut-être ils prétendent
» que le leur eft ic plus sûr pour arriver â cette
» importante fin ; ils aiment mieux faire myftère
» de leur religion, que de la faire régner fur la
» terre » . . . [Je ne peux m’empécher d’interrompre
ce récit, pour remarquer le p'eii de fonds
qii’on peut-faire fur la véracité des miniftres d’une
religion, qui leur infpire fi peu de charité pour
les autres hommes ; & je ne faurols plus douter
que ce ne foit abfolument un motif odieux d’intérêt,
qui les rend fi impénétrables : Qui malè a g it,
o dit hteem. ]
» Tout le crédit d’Akbar ne put obtenir des
» brahmines qu’ils lui révélaffent les dogmes de
» leur foi : il fallut avoir récours à l ’artifice ,
» pour fe procurer les inftru&ions qu’il défiroit.
» L expédient qu’il imagina de concert avec fon
» premier fecrétaire Abul - F a z i l, fut de faire
» remettre entre les mains des brahmines le jeune
» Feiz i, comme un pauvre orphelin de leur tribu.
S A M
» Après que Feizi eut été bien inftruit de fon
» rôle , on l’envoya feerètement à Bénarès , qui
» eft le principal fiège des fciences dans l’Indoftan:
» la chofe fut conduite avec tant d’adreffe, qu’un
» favant brahmine prit chez lui le jeune homme
» & l ’éleva comme fon propre fils. Lorfque Feizi, » après dix ans d’étude, fut la langue fhatiferite ,
»_ & eut aquis toutes les eonnoifiances que poflé-
» doient les lavants de Bénarès , l’empereur prit les
» mefures convenables pour alsûrer fon retour.
» Il y a toute apparence que Feizi, pendant
» fon féjodr chez le brahmine fon patron, avoit
» été touché de la beauté de fa fille unique ; &£
» il eft à remarquer que les femmes de race
» brahmine font les plus- belles de l’Indoftan. Le
» vieux brahmine voyoit avec plaifir la paffion
» mutuelle de ce jeune couple ; & comme il ché-
» riffoit Feizi pour fes talents extraordinaires , il
» lui offrit fa fille en mariage. Feizi , partagé
» entre l’amour & la reconnoifiance , ne put retenir
» plus long temps fon fecret : il tombe aux pieds
» du vieillard, lui découvre la trahifon; & em-
» braffant fes genoux, il le fupplie, les larmes
» aux ieux, de lui pardonner cet attentat contre
» le meilleur des bienfaiteurs. Le brahmine de-
» meure interdit & immobile d’étonnement ; &
» fans proférer un feul mot de reproche, il faifit
» un poignard qu’il portoit toujours à fa ceinture.
» Il allait s’en fraper : Feizi arrête fon'bras , met
» tout en ufage pour le fléchir, proteftant que ,
» s’il eft quelque moyen d’expier fon outrage , il
» n’y a rien â quoi il ne foit réfplu de fouferire.
» Le brahmine, fondant en larmes, lui dit que,
» s’il vouloit lui promettre deux chofes , il lui
» pardônneioit & pourroit confenlir à vivre. Feizi
» promit fans héfiter. : & ces deux chofes furent que
» jamais il ne traduiroit les Bédas, ni ne révèleroit
» la croyance des indous.
» On ne fait pas jufqu’â quel point Feizi garda
» le ferment qu’il avoit fait de ne point révéler
v à Akbar la do&rine des Bédas ; mais c’eft un fait
| » ineonteftable que ni lui ni perfonne n’a jamais
» traduit ces livres ».
Il eft donc certain que l’on ne doit pas fe promettre
d’arracher aux brahmines un fecret, que
l’adreffe même d’un de leurs empereurs n’a pu
parvenir à connoître , ou du moins à divulguer.
Toutefois le P. Pons, dans fa lettre au P. du
Halde, lui parle d’un abrégé de Grammaire &
d’un autre abrégé de la Verfihcation & de la Poéfie
famskrète, qu’il dit lui avoir envoyés & avoir
compofés lui-même, d’après plufieurs autres dont
il nomme les auteurs. C’eft principalement à mef-
fieurs des Millions étrangères, à tirer parti de ces
ouvrages , s’ils en ont connoiffance, à les faire
étudier à ceux qu’ils deftinent à la miffion de i’In-
doftan , à communiquer leurs lumières au Public
fur cet objet, & à augmenter même , s’il eft pof-
fible, celles de leurs prédéceffeurs dans les travaux