
SENTIMENT , A V IS ., OPINION. Synon.
II y a un fens général qui rend ces mots fyno-
nymes , lorfqu’ii -eft queftion de confeiiler ou de
juger : mais le premier a plus de raport à la deliberation,
on dit fon Sentiment ; le fécond en a
^av.^-n,ta&e a ^écifion , on donne fon A v i s ; le
tromeme en a un particulier à la formalité de judicature
, on va aux Opinions.
Le Sentiment emporte toujours dans fon idée
celle^de fincérité , c’eft à dire, une conformité avec
ce quon croit intérieurement. L ’A v is ne fupofe
pas rigoureufement cette fincérité, il n’eft précifé-
ment qu un témoignage en faveur d’un parti. UOpi-
nion: renferme l ’idée d’un fuffrage donné en concours
de pluralité de voix.
Peut Y avoir des occafions ou un juge foit
oblige de donner fon A v is contre fon Sentiment,
> , , /c° n^ormei; aux Opinions de fa compagnie.
(L'abbé G ir a r d .) r
( N. ) S EN T IM EN T , O P IN IO N , PENSÉE,
Synonymes. . .................
—US ^es-troj‘s d’ufage, lorfqu’il ne s’agit
que de la fimple énonciation de fes idées. En ce
fens, le Sentiment eft plus certain ; c’eft une
croyance qu’on a par des raifons ou fo.lides ou
aparentes : Y Opinion eft plus douteufe ; c’eft un
jugement qu’on fait avec quelque fondement : la
J^enfee eft moins fixe & moins aftiîrée : elle tient
de la conjëifture.
On dit » Rejeter. & .foutenir un Sentiment, Attaquer
& defendre une Opinion , Défaproùver &
juftjfier une Penfée.
L e Am°t ^de Sentiment eft plus propre en fait
de gant j ceft un Sentiment général, qu’Homère
eft un excellent poète. Le mot à'Opinion ,$pnvient
mieux en fait de fcience ; 1 Opinion commune eft
ç ie le foleil eft au centre du monde. L e mot de
Pertfée fe dit plus particulièrement lorfqu’il s’agit
de juger des évènements des chofes, ou des avions
des hommes 5 la Penfée de quelques Politiques eft
que le Mofcovite trouveroit mieux fes vrais avantages
du côté de l ’Afie que du côté de l ’Europe.
Les Sentiments font un peu fournis à l ’influence
du coeur ; i l n eft pas rare de les voir fe conformer
a ceux des perfonnes qu’on aime. Les Opinions
doivent beaucoup à la prévention ; i l eft ordinaire
aux écoliers de tenir celles de leurs maîtres. Les
Penfées tiennent afiez de l ’imagination ; on en a
louvent de chimériques. ( L Jabbé GlRARD.)
(N . ^ SEN T IM EN T , SENSATION , PERC
E P T IO N , Synoi lymes. . ,
Ces mots défignent l’impreffion que les objets
font fur 1 âme : mais le Sentiment va au coeur *
la Senfation s’arrête aux fens ; & la Perception
s adrefle-â l ’efprit, •' -, '
La vie la plus agréable eft fans doute celle qui
roule fur des Sentiments vifs, des Senfcitions
gracieufes, & des Perceptions claires : c’eft aimer,
goûter, & connoître.
Le Sentiment étend fon reffort jufques aux
moeurs ; il fait que nous fommes également touchés
de l ’honneur & de la vertu comme des autres
avantages. La Senfation ne va pas au delà du
phyfique ; elle fait uniquement fentir ce que le
mouvement des chofes matérielles peut occafionner
de plaifir ou ~de douleur par la méchanique des
organes. La Perception enferme dans fon dif-
tridt les fciences & tout ce dont l ’âme peut fe
former une image ; mais fes impreflions font plus
tranquiles que celles du Sentiment & de la Senfation
, quoique plus promptes.
. Un homme d’elprit & de courage reçoit les
honneurs ou loufFre les injures avec des Sentiments
bien différents de ceux d’une bête ou d’un poltron;
Quand on ne connoît point d’autre félicité que celle
de la vie préfente , on ne travaille qu’à fe procurer
des Senfations gracieufes; Nous ne jugeons
de la compofition ou de là fimplicité des objets que
parle nombre des Perceptions ■ qu’ils produifent es
nous. ( L'abbé G i r a r d . )
(N .) SERMENT, f. m. Figure de penfée par,
mouvement, qui confifte â ajouter, à fon affirmation,
des circonftances extraordinaires qui en établirent
la vérité d’une manière inconteftable , ou du
moins plus éclatante.
I l ne s’agit donc1 pas ici du Serment lé g a l, de
cette affirmation confacrée parla religion, & qui
fe fait fous les ieux de l ’autorité légitime : ce
n’éft qu’un procédé fimple par raport à l’Élocution.
L e Serment oratoire n’a qu’une énergie empruntée
& fouvent de pur apareil, en forte que le choix
des circonftances confirmatives dépend entièrement
du goût de celui qui parle.
1. Tantôt c’eft un détail de chofes impoifibles
qui doivent arriver, plus tôt que la violation de
1 engagement que l ’on contracte. C’eft ainfi que ,
dans fa I. Églogue ( vers 60— 64 ) , Virgile , fous
le nom de Tity re , voue au dieu qui a fait fon
bonheur, & qui eft Augufte, une reconnoiffance
éternelle :
Ante levés ergb pafcentur in athere ceryi,
Et fréta dejtituent nudos in littere pifces ;
y Ante , pererratie amborum finibus, exul,
Aut Ararim parthus bïbet, aut Germania Tigrim }
Quant nojirç illius labatur pectore yultus,
» On verra donc les cerfs chercher avec agilité
». leur pâture dans les airs , & lâ mer laifter à fec
» les poiffons fu r ie rivage; ou tranfportés tous
» deux' loin des pays qu’ils arrofent , la Saône ira
» défaltérer le Parthe, le Tigre arrofer la Ger-
» manie; avant que les traits de ce dieu s’effacent de
»> mon coeur ». Ou bien , en rendant ces vers avec
Greflfet :
L e c e r f , d’ un v o l h a rd i, tra ver fera les a i r s ,
Les habitants des e au x fuiront dans les défères,
L a Saôn e ira fe jo in d r e a u x ondes d e l ’E u p h ra te ,
A v a n t qu’ un lâche o u b li me fafle une âme ingrate.
2. Tantôt c’eft la vôe des plus grands dangers
que l ’on déclare incapables d’ébranler la réfôlution
où l ’on eft. C ’eft ainfi que , dans la tragédie de Cré-
billon, Idomenée fait le Serment de ne point immoler
fon fils Idamante :
D u t le C ie l irrité nous rou v rir les enfers ;
D u c la f o u d r e à mes ie u x , embrafer l ’univers ;
D u c tout ce qui refpire , étouffe dans la flam m e ,
S e rv ir de monument aux tranfports de mon âme ;
D u ffé -je e n f in , de tout deftruéieur fu r ie u x ,
V o i r m a rage égaler Pinjuïlice des d ieu x :
J e n ’immo lerai p o in t une têc e innocente.
Cléopâtre de même, dans la Rodogune de
P. Corneille ( V. /j , fait le Serment de fe venger,
au rifque des plus affreux malheurs :
D u t le p euple, en fureur pour Tes maîtres n o u v e a u x ,
D e mon fang o d ieu x arrofer leurs tombeaux j
D û t le Parthe vengeur me tro uve r fans défen fej
D u c le C ie l égaler le fupplice à l ’ offenfe :
T r o u e , a t’ab andonner je ne puis con'fentir ;
P a r un coup de tonnère il vaut mieux en fortir.
T om b e fur m o i le c ie l > pourvu que je me y en g e ,
3. D ’autres fois le Serment tire fa force de l ’Imprécation
(voye% Imprécation ) , par laquelle on
le dévoue foi-même à une punition aft'reufe, fi l ’on
>ient jamais â fe démentir. C ’eft par un Serment
de cette efpèce , que l ’amôureufe Didon ( Æ n . IV,
27 ) promet â fa foeur Anne de ne prendre
aucun engagement avec Énée , & de garder â Sichée
une fidélité étemelle : » Mais, je préfèrerois ou de
» voir la terre ouvrir à mes pieds fes plus profonds
» abîmes, ou d’être précipitée par la foudre du
» tout-puiüant Jupiter dans la région des Ombres,
» des Ombres pâles de l ’enfer , & dans la nuit
» epaille ^qui les couvre , â la honte de vous cho-
» quer, ô Pudeur, & de me fouftraire aux droits
» que vous avez fur moi ».
Sed mijii vel tellus optem priùs ima déhifeat,
V e l pater omnipoteils adigat me fulmine ad Timbras 3
Pallentes Timbras E re b i, noclemque profundam ,
Ante 3 Pudor, quam te violo & tua jura refolvo.
C ’eft: pareillement ainfi que le pfalmifte ( P f .
cxxxvj) met prophétiquement dans la bouche d’un
ifraëlife, captif à Baby lone, le Serment de s’occuper
toujours de Jérufalem ;
S i oblitiis fuero tu îy
n Si je viens â t’ou-
Jerufalem , oblivioni
» blier , 6 Jérufalem ,
» que j’oublie l ’ufage de
deiur dextera mea :
» ma main : que ma langue
adhoereat lingua mea
» demeure immobile dans
faucibus mets , f i non
» ma bouche , fi je ne me
meminero tu î , f i non
» fouviens toujours de toi,
» fi je 11e me propofe le
propofuero Jerufalem
» fouvenir de Jérufalem
in principio lauitioe
» pour principal objet de
me ce.
» ma joie ».
Serment rendu avec tant de beauté dans YEfiher de
Racine ( I. i j ) *
S io n , jufqiies au c iel élevée au trefo is ,
Jufqu’au x enfers maintenant abaiffée !
P ü iflé -je demeurer fans v o i x ,
S i dans' mes chants ta douleur retracée.
Jufqu’au dernier foupir n ’occupe m a penfée !
4. Quelquefois enfin le Serment oratoire prend
une forme religieufe , par l ’invocation des efprits
dont la religion croit l ’exiftence & révère l ’autorité.
Efchine fefoit à Démofthène un crime d’avoir
confeillé aux Athéniens cette guerre qui leur fut
fi funefte par la malheureufe bataille de Chéronée.
Démofthène convertit l ’imputation en éloge , en
rappelant aux Athéniens l ’exemple de leurs ancêtres,
qui ont combattu pour la liberté de la Grèce dans
les occafions les plus péuilleûfès : il fe défend ,
par une modeftie très-délicate, d’avoir été l ’auteur
du confeil qu’on lui reproche ; il en fait honneur
à la magnanimité de la République , &ne fe réferve
que la gloire d’être entré fidèlement dans fes vues
pendant fon miniftère. C ’eft à cette fidélité , félon
lu i, que Ctéfiphon a décerné la couronne que veut
lui ravir Efchiùe ; & fi Ctéfiphon eft condanné ,
les Athéniens paroitront moins avoir effuyé à Chéronée
un injuite caprice de la fortune , qià’avoir
failli eux-mêmes en fe décidant avec magnanimité
pour cette malheureufe guerre.
Mais , non , MeJJîeurs , s’écrie ici l’orateur ,
en prononçant ce Serment devenu depuis fi célèbre ;
non vous n ave\ point fa illi. T en jure par
ceux qui autrefois s'exposèrent à Marathon ,
par ceux qui combattirent près de Salamine &
' JArtémife , par ceux qui fe trouvèrent à la
bataille de Platée ; illufires guerriers, que la
République, E fch ine , jugea tous dignes des
mêmes honneurs & f i t tous enterrer à fe s dépens,
fans reftreindre ce privilège à ceux dont la fortune
avoit fécondé la valeur.
Démofthène , félon la remarque de Longin
( Traité du Sublime , chap. x jv j , pouvoir dire
naturellement : N on , Meffieurs ; non, vous n’avez
point fa i ll i ' , en vous expofant au péril pour
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