
châtiment des parricides , ou celle-ci de Fléchier :
S i M. de Turenné n avait f u que combattre &
vaincre (premier membre), s*il ne s ’étoit élevé
au dejfus des vertus humaines ( fécond membre),
f i fa valeur & fa prudence n3âvoient été animées
d ’un efprit de fo i & de charité\xroifième membre);
je le mettrais au rang de Fubius Ù des
Scipions ( quatrième membre . Tous ces membres,
çomme on v o it , ont entre eux une jufte proportion*
La Période ronde eft celle dont les membres
font tellement joints & pour ainfi dire enchâffés
les tins dans les autres, qu’à peine voit-on ce qui
les unit ; de forte que la Période entière coule
avec une égalité parfaite, fans qu’on y remarque
de repos conlïdérables : telles font lès Périodes de
Cicéron à deux & à trois membres, raportées ci-
dejTus.
D ’autres appellent Période ronde, celle dont
les ^membres font tellement difpofés, qu’on pour-
roit mettre le commencement à là fin & vice
verfâ , fans rien ôter au fens ni à l’harmonie du
difeours ; & ils en citent pour exemple cette P é riode
de Cicéron : S i quantum in agro locifque
defertis audacia potefi tantum in foro'atque in
ju d ic iis impüdentia valefet ; non minîis nunc in
caufâ cederet A ulusCoecina Sexti Æ butii impuden-
tice , quant tum in vi faciendâ cefjit audaciæ ; car
on pourroit la commencer par ces mots : noti mïnùs
nunc in caufâ cederet, &c, fans que la penfée ni le
nombre oratoire en fouffriflent.
Enfin , on appelle Période croifée ( Perjodus
deeuffata ) , celle dont les membres font oppofés,
telle qu’eft celle qu’on vient de lire , ou celle-ci
de Fléchier : P lu s grande dans ce dépouillement
de fa grandeur , & plus glorieufe lorfqu’entourée
de pauvres y de malades y ou de mourants y elle
participait à U humilité & à la patience de 3éjus-
Çhrifl, que lorfqu’ entre deux haies de troupes
viclorieufes , dans un char brillant & pompeux,
elle prenoit part à la gloire & aux triomphes de
fo n époux. On en trouve un grand nombre de cette
efpèce dans cet orateur, qui donnoit beaucoup &
peut-être trop dans les antithèfes. Vqy. A n t ith è s e .
Au demeurant, il n’y a guères de lois à pref-
crire fur 1’emploi de la Période. En général, le
commencement d’un difeours grave & noble fera
périodique ; mais dans le cours de la harangue ,
l ’orateur fe laifie diriger par le caractère de fes
penfées , par la nature de les images , par le fu jet
de fon récit : tantôt fes phrafes font coupées,
courtes, vives, & preffées ; tantôt elles deviennent
plus longues , plus tardives , & plus lentes. On
àquiert, par une longue habitude d’écrire , la
facilité de prendre le rhy thme qui convient à chaque
chofe & à chaque infiant, prefque fans s’en apercevoir
& à la longue ; ce goilt, dont là nature donne
le germe & q ue l exercice déploie, devient très-feru-
puleux. [ A n o n ym e . )
P É K
P é r i o d e , Belles - Lettres , fe dit auflî du
cara&ere ou du point ( .) ,q u i marque & détermine
la fin des Périodes dans le difeours, & qu’on appelle
communément plein repos ou point. Voye'i Ponctuer.
Le P. Buffier remarque qu’il fe rencontre deux
difficultés dans l ’ufàge de la Période ou du point j
favoir , de la diftinguer du colon ou des deux points,
& de déterminer precifémènt la-fin d’unç Période ou
d’une penfée.
On a remarqué que les membres furnuméraires-
d’une Période, féparés des autres par des colons
& dés demi - côlons y commencent ordinairement
par une conjonction. Cependant il eft certain
que ces conjonctions font encore plus.fouvent le
commencement d’une nouvelle Période , que
des membres furnuméraires de la Période pré-,
cédënte. C ’eft le fens du difeours & le difeerne-
ment de l ’auteur , qui doivent le guider dans l ’ufagc
qu’il fait de ces deux différentes ponctuations. Une
réglé générale là-deflus & qu’il faut admettre fi
l ’on ne veut pas renoncer à toutes les règles, c eft
que , quand le membre furnuméraire eft auflî long
que le refte de la Période y c’eft alors une Période
nouvelle; que s’il eft beaucoup plus court,c’eft un
membre de la Période précédente.
L a fécondé difficulté confifte en ce qu’il y a
plufieurs phrafes courtes & coupées, danslefquelles
le fens pàroît être complet, & qui néanmoins ne
femblent pas être de nature à devoir fe terminer
par un point. Ce qui arrive fréquemment dans le
difeours libre & familier ; par exemple : Vous'
êtes en fufpens : fa ite s promptement vos pro-
pofitions : vous ferie% blâmables d’héfiter plus
long temps. D’oix l ’on voit qu’il y a de Amples
phrafes, dont le fens eft auflî complet que
celui des Périodes, & qui, à la rigueur, doivent
être terminées par des points ; mais leur brièveté
fait qu’on y fubftitue les deux points. Voye\ Ponctuation. [A n on y m e . )
Période. A r t oratoire. Cicéron , dans fon livre
du P a r fa it orateur, a donné une attention férieufe
au nombre , & fingulièrement à la Période. 11 en
recherche l ’origine , la caufe , la nature, & l ’ufage.
La Période fut inventée par les rhéteurs qui,
dans la Grèce , avoient précédé ïfocrate ; mais ce
fut lui qui la perfectionna , en donnant au nombre
plus de naturel & d’aifance , & en corrigeant l ’abus;
immodéré que les inventeurs en avoient Fait dans un
ftyle trop Compaffé.
Ce qui donna lieu à cette invention, ce fut la
prédilection de l ’oreille pour certaines mefures &
pour certaines cadences que le hafard avoit fait
prendre à l ’Élocution oratoire \ & fa répugnance
pour un amas informe de phrafes tronquées &
mutilées ou immodérément diffufes. Mutilafentit
queedam & quafi dçcurtqta ; quib.us} (anquam
débita
debito fraudetur, offendïtur : producliorà âlia &
quafi immoderatiiis excUrrentia.
Ainfi , jufqu’au temps d’Hérodote , le ftylè- nombreux
& périodique fut incounu ; mais comme le
hafard en produifoit les formes ■ & que la nature
en indiquoit l ’ufage , l ’obfervaîion donna naiffance
à l’art. Herodôiits O eadem fuperior cetas nitmero
caruit, . nifi quando temerè ac fortuito . . .
Notatio naturot & animadverfio peperit artem•
Mais l’efprit, autant que l ’oreille | dut indiquer
les formes de la Période y & le fèntiment de l ’harmonie
ne fît que Ta perfectionner : car la penfée
pprte avec elle fes parties , fes. intervalles , .fes fuf-
p.enfîons, & fes repos ; & comme elle naît dans
l ’efprit, à peu près revêtue des mots qui doivent
l ’énoncer , elle indique au moins vaguement la
forme qui lui eft analogue. Ante enijn circum-
fifribitur mente fententiay confejlimque verba con-
currunty quoc mens eadem , quâ nihïl ejl cAerius ,
fiatim dimittit, ut fuo quodque loco refpondeat :
quorum deferiptus'ordo alias aliâ terminatione
conclüditur ; atque omnia ilia & prima is media
verba fpecîare debent, ad ultimum.
Voilà donc la Période , auffi bien que l ’incife ,
indiquée par la nature & prefcïite par la penfée :
en forte que , fila penfée n’eft qu’une perception
fimple & ifolée , la phrafe le fera comme elle ;
mais fi la penfée eft elle-même un compofé de
perceptions correfpondantes & liées par leurs relations
réciproques, il faut bien que les mots qui
doivent l ’exprimer confervent les mêmes raports,
les mêmes liaifons entre eux.
Cependant comme les raports & les liaifons de
nos idées peuvent être ou expreflément indiqués
ou foufentendus, & que l ’efprit, pour apercevoir
que deux idées fe correfpondent ou que l ’une
émané ou dépend de l ’autre , n’a fouvent befoin
que de les voir fe fuccéder fans liaifon expreffe ,
alors celui qui les énonce eft libre, ou de les lier
dans fon ftyle, ou de les détacher: & ici l ’art commence
à exercer le droit de modifier la nature.
Mais l ’art lui-même n’agit pas fans raifon ; &
les règles, pour corriger & pour embellir la nature,
font prifes dans la nature même. Le ftyle
périodique & le ftyle concis ne doivent donc pas
s’employer indifféremment & fans choix.
i° . Ni l ’un ni l ’autre ne doit être trop continu : 1e
ftyle coupé feroit fatiguant pour l’efprit, qui ne veut
pas travailler fans celle'à découvrir, entre les idées ,
des raports que les mots ne lui indiquent jamais : de
plus il feroit, pour l ’oreille, rompu, raboteux, cahotant
, oc ce qui n’eft pas füportable , dur & monotone
à la fois. Le ftyle périodique y dans fa continuité,
auroit aulfi trop de monotonie : il feroitlâ-
che , diffus, trainant, & par le nombre d’incidents
qu’il emploieroit pour s’arrondir , 6c par le foin de
marquer fans ceffe les liaifons , même les plus faciles
à fuppléer par la penfée : il manqueroit de
Guamm . e 33 La t t ê r a T, Tome ILL
naturel ; & en décelant , dans fa conftruétion ,
trop d’étude & trop d’artifice, i l détruiroit la
confiance', qui feule nous difpofe à la perfuafion.
Enfin , quoiqu’il ne foit pas vrai qu’une Période
foit une élocution qui fe prononce facilement tout
d’une haleine , cependant, comme les demi-repos
qui féparent fes membres, ne donnent lieu qu’a une
respiration preffée , & pénible à la longue , fi l ’orateur
, par intervalle, n’avoit pas des repos ab-
folus puis fréquents , il fotiffriroit & il feroit
fouffrir.
‘ z°. Soit l ’iuçife', ou foit la Période , il y a pour
l ’ùne & pourT’autre une jufte longueur. L ’incile eft
dans fa force , dit Cicéron , lorfqu elle eft compofée
de deux ou trois mots : elle en peut avoir davantage;
mais il ne veut pas la réduire à un feul. Et
en effet ,• il faut qu’un mot foit bien frappant pour
faire feul une impreffion vive. La Période doit
pouvoir être faifie enlemble & comme d un coup-
d’ccil ; fa mefure eft donc limitée par la faculté
commune d’apercevoir Sc d’embraffer tout le cercle
d’une penfée : Cicéron la réduit à i étendue de quatre
vers hexamètres; & dans les exemples qu’il en donne
elle* ne s’étend guère au delà. Dans notre langue
elle a fréquemment l ’étendue de huit de nos vers
héroïques;& fes membres, fans affréter une parfaite
iymétrie, ne laiffentpas que d’avoir entre eux
une forte d’égalité.
5°. L’incife & la Période doivent être nom-
breufes ; l’incife, d’autant plus quelle eft plus ifolée
&plusfrapante ; la Période , pour captiver l’oreille
& fe concilier fa fàveur. - « De quelle importance, nous dira-t-on , peut être
le Mirage de l’oreille pour qui ne vient pas amufer
un auditoire oifif avec une éloquence vaine, mais
inftruire , perfuader, convaincre, émouvoir un auditoire
férieufement occupé ou de grands intérêts
ou de vérités importantes ? Que fait alors la mefure,
le nombre, la forme de la phrafe ,a la force de.
la penféq & à celle du fentiment?.
Celui qui fait cette queftion , ne fait donc pas
combien lame , l ’efprit, la raifon même font dominés
par les fens? S’il croit lés affections intimes
ou d’un auditoire ou d’un juge indépendantes des im-
preffions faites fur leurs oreilles , i l doit les croire
indépendantes des imprefiions que reçoivent leurs-
ieux : pour lui, l ’adion même de l ’orateur , l’expref- ■
fîon du gefte , & du vifage , & de la voix eft donc •
étrangère à l’Éloquence ; & ce que les deux hommes
les plus éloquents de l’antiquité, Demofthène &
Cicéron, regardoient comme la partie la plus ef-
fencielle de leur art, lui eft inutile & fuperflu.
Malheur à l ’innocence , à la juftice, & à la vérité ,
fi elles ont pour adverfaire un orateur qui parle
aux fens , & pour défenfeur un philofophe qui
penfe ne devoir parler qu’à l ’efprit & à la raifon.
Mais quel que foit le charme & le pouvoir
d’un ftyle hatmonieux, e ft-il raifonnable de 1«