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plus inoccupée, & a plus deloifir de fe livrer a la recherche
des objets d'agrément,fon goût, plus cultivé,
donne a fon Ton plus d'élégance & plus de politefle.
En général, on doit s'attendre que , lors même
que le graud monde n'aura pas , du côté de l'efprit
.& du g o û t, allez d’avantages pour le diltinguer par
des agréments qui ne foient qu’à lui feul, il ne.
laine r a pas de vouloir fe faire un langage qui lui
foit propre ; & ce langage fera , comme fes livrées,
une chofe de fantaifie. De là. toutes les fingularités
mh.utieufes & bizarres qu'on a vues érigées en lois
du bel ufage & en maximes du bon Ton.
Quel fera donc, au milieu de tant de variations
& d incertitudes, la règle du bon Ton pour un
homme de Lettres ? La même que celle du goût ;
1 exemple des hommes q u i, de l'aveu de tout un
hecle de lumières , ont le mieux obfervé en écrivant
les bienfeances du langage. Ce n'éloit point
une commere^bel-elprit que Racine confulfoit fur
fon ftyle; cetoit Boileau , c'étoient les écrivains
de Port-Royal. Malheur à lui s'il eût pris le Ton
des précieufes de Rambouillet, toutes perfuadées
qu elles etoient de leur fuffifance infaillible. Les vrais modèles du bon Ton, c’eft à dire des
grâces nobles, de l’élégance , de l'urbanité du lan-
8 aSe > ,c e^J Racine lui Sévigne , c eft madame -d me êMmea i,n tecn'eoftn ,m acd'eafmt eH dae-
milton , c eft La Bruyère , c'eft Voltaire , dans ce
qu il a écrit à Paris avant fa vieillefTe ; & fi jamais
leur Ton ceffoit d'être celui du monde & de la
Cour, il faudroit encore avoir le courage de s'en
tenir à ces modèles.
Lorfqu un écrivain fait parler des p e r fo n n a o - e s d o n t le Ton eft connu & diftinttement décidé, il doit
imiter leur J langage : les originaux" de Molière
avoient droit de juger s'il les avoit bien copiés.
Mais hors de là , l'homme de Lettres a lui-même
le droit d'examiner, fi Je Ton de fon fiècle & du
monde où il vit, eft un bon modèle pour lui. C'eft
pour n'avoir pas eu cette attention & ce d ifc e rn e - nement, que Voiture a gâté fon f t y l e : c'eft pour
avoir eu le courage oppofé à la c o m p l a i f a n c e de
Voiture , que Pafcal a donné au fien une bonté
inaltérable : fon fecret fut d’éviter toute manière,
& de donner toujours la préférence à l'exprelfion
la plus fimple & au tour le plus naturel. ( M . M a r -
m o n t EL. )
T O P IQ U E , adj. Rhétorique. C'eft un argument
probable qui fe tire de plufieurs lieux & cir-
eonftances d’un fa it, &c. Voyei Lieux communs,
Topique fe dit auffi de l'art ou de la manière
d’inventer & de tourner toutes fortes d’argumenta- fions probables. Voye\ Invention.
Ce mot eft formé du grec to'<sn>î , lieu, comme
ayant pour objet les lieux communs qu’Ariftote
appelle les fiéges des arguments.
Ariftote a traité des* Topiques ; & Cicéron les a commentés pour les envoyer à fon ami Trébatius,
qui apparemment ne les entepdoit point,
T r o
Mais les Critiques obfervent que les Topiqkes
de Cicéron quadrcnt fi mal avec les huit livres
des Topiques qui paffent fous le nom d’Ariftote,
qu’il s enfuit néceftairement, ou que Cicéron ne
s eft point entendu lui même , ce qui n'eft guère
probable, ou que les livres des Topiques attribués
à Ariftote , ne font point tous de ce dernier.
Cicéron définit la T op iq ueU a r t d’inventer des
arguments ; Difciplina inveniendorum argumen-
torum
La Rhétorique fe divife aufli quelquefois en
deux parties ; qui font le jugement, appelé Dia~
lecïique, & l'invention, appelée Topique. Voye? Rhétorique.
Voici ce qu’en dit pour & contre le ; P- Lami
de l'Oratoire , dans fa Rhétorique, liv. v , ch. v,
» On ne peut douter que les avis que donne
» cette Méthode n'ayent quelque utilité : ils font
» prendre garde à plufieurs chofeSj dont on peut tirer
» des argumentations j ils montrent comme l ’on peut
»> tourner un fujet de tous côtés > & l'envifager
» par toutes fes faces. Ainfi, ceux qui entendent
» bien la Topique peuvent trouver beaucoup de
» matière pour groflïr leuts difcouus : il n 'y a
» rien de ftérile pour eux J, ils peuvent parier fur
» ce quife préfente, autant de temps qu'ils levou-
» dront.
» Ceux qui méprilênt ht Topique ne conteftent
» point fa fécondité ; ils denieurent d’accord qu'elle
» fournit une infinité de chofes : mais ils foutien-
» nent que cette fécondité eft mauvaise , que ces
» chofes font triviales , & que par conséquent la
» Topique ne fournit que ce qu'il ne faudroit pas
» dire. Si un orateur, difent - ils, connoît à fond
» le fujet qu’il traite . . . . il ne fera pas nécef
» faire qu'il confulte la Topique, qu’il aille de
» porte en porte fraper à chacun des lieux com-
» muns, ou il ne pourroit trouver les connoif-
» fances néceffaires pour décider la queftion dont
» il s'agit;- Si un orateur ignore le fond de la
» matière qu’il traite , il ne peut atteindre que la
» furface des chofes ; il nestouchera point le noeud
» de l'affaire : de forte qu'àprès avoir parlé long
» temps, fon adverfaire aura fujet de lui dire ce
» que S. Auguftin difoit à celui contre qui il
» écrivoit : Laiffez ces lieux communs, qui ne
» difent rien; dites quelque chofe; oppofez des
» raifons à mes raifons $ & venant au point de la
» difficulté, établirez votre caufe, & tâchez de
» renverfer les fondements fur lefquels je m'appuie.
» Separatis locorum communium nugis, res cum
» r e , ratio cum ratione, eau f a cum caufâ con
» fligat.
» Si l ’on veut dire , en faveur des lieux communs ,
» qu’à la vérité ils n’enfeignent pas tout ce qu'il
» faut dire, mais.qu’ils aident à trouver une infi-
» nit.é de raifons, qui fe fortifient les unes les
» autres : • ceux qui prétendent qu'ils font inutiles ,
» répondent que., pour perfuader, il n’eft befoin
» que d’une feule pieuye qui foit forte & folidej
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^ & que l ’Éloquenfe confifte à étendre cette preuve j
» & à la mettre dans fon. jour afin qu elle foit
» aperçue : car les preuves qui font communes
» aux accufés & à ceux qui acculent, dont on peut fe
» fervir pour détruire & pour établir, font foibles ;
» or celles qui fe tirent des lieux communs font de
» cette nature ».
D’où il conclut que la Topique approche fort
de cet art de Raymond L u lle , dont l ’auteur de la
Logique de Port-Royal a dit, que c’étoit un art
qui aprend à difeourir fans jugement des chofes
qu’on ne fait point. Or il eft bien préférable , dit ?
Cicéron, d’être fage & de ne pouvoir parler , que
d’être parieur & d’être impertinent. Malle m indifer-
tamfapientiam quant fiultitiam loquacem.
La Topique eft reléguée dans les écoles , & les
grands orateurs ne fuivent pas cette route pour arriver
à la belle Élo quence. ( ANONYME. )
(N . ) TO PO G R A PH IE , f. f. Efpèce particulière
de Defcription , qui a pour objet le lieu
de la fcène où un évènement s’eft pafle. Voye\
Description.
Dans le réduit obfcurt d’une alcôve enfoncée,
S’élève un lit de plume à grands frais amaflee ;
Quatre rideaux pompeux, pai\.im double contour ,
En défendent l’entrée à la clarté du jour. -, i
Boileau.
Voici une Topographie de la main de Bofîuet :
Quel objet f e préfente à mes ieux ? Ce ne font
pas feulement des hommes à combattre : ce font
des montagnes inacceffibles ; ce fo n t des ravines
& des précipices d’ un côté; c’e fi, de l ’autre ,
un bois impénétrable , dont le fond efi un marais
; & derrière des ruiffeaux , de prodigieux
retranchements : ce font partout des fo r ts élevés ,
& des forets abattues qui traverfent des chemins
affreux ; & au dedans , c’efi Merci avec fe s braves
bavarois, enflés de tant de Juccès & de la prife de
Fribourg.
En voici une autre de Flécliier, dans l ’Oraifçn
funèbre de la reine : Voyons-la dans ces hôpitaux
où elle pratiquait fe s miféricordes publiques
: dans ces lie u x , où fe ramaffent toutes les
infirmités & tous les accidents de la vie humaine
; oit les gémiffements & les plaintes de
ceux qui fouffrent, remplirent l’âme d ’une trif-
teffe importune ; où l’odeur qui s’exhale de- tant
de corps languiffants , porte dans le coeur de
ceux qui les fervent le dégoût & la défaillance ;
cù l ’on voit la douleur & la pauvreté exercer à
l ’envi leurfunefte empire ; & où l’ image delà mi-r
sère & de la mort entre prefque par tous les.
J eus.
On peut voir encore,dans leTélémaque (L. xviij) ,•
la belle Topographie des environs de la caverne
de 1? Achéron, & ùnç infinité d’autres dont eft rempli
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ce livre admirable , où brillent également l ’humanité
, les grâces, & la f a g e f f e .
Topographie eft tiré du grec toW , lo cu s, &
7fd<pu , fcr'ibo ou pingo ; le fens littéral du mot
eft donc Defcription d’un lieu. (M . B e a u z é e . )
( N. ) T O U T , CHAQ U E . Synon. Ces deux
mots défignent également la totalité des individus
de l'efpèce exprimée par le nom appellatif avant
lequel on les place.Voilà jufqu’ou va la fynonymie
d e 'c e s deux termes.
Mais Tout fuppofe uniformité dans le détail, &
exclut les exceptions & les différences : Chaque,
au contraire , fuppofe & indique néceffairement des
différences dans le détail.
Tout homme a des pallions ; c eft une fuite ne-
ceffaire de la nature humaine. Chaque homme a
fa paffion dominante; c’eft une fuite néeefiaire de
la diverfité des tempéraments. ( M. B e a u ZÉE. ) j
(N.) T O U T , T O U T LE , TO U S LES. Syn.
Quoique le mot Tout défigne toujours une totalité ;
il la marque cependant diverfement, félon la manière
dont il eft conftruit.
T o u t , au fingulier & employé fans l ’article le
avant un nom appellatif, eft lui - même article
univerfel colleftif; il marque la totalité des individus
de l ’efpèce lignifiée par le nom , & les fait
confidérer fous le même alped & comme fufeep-
tibles du même attribut , fans aucune différence
diftin&ive.
T o u t , au fingulier & fuivi de l ’article indicatif
le avant un nom appellatif, eft alors un adjedif
phyfique qui exprime la totalité, non des individus ,
de l ’elpèce , mais des parties intégrantes qui confti-
tuent l ’individu.
De là vient l ’ énorme différence de ces deux
phrafes : » Tout homme eft fujet à la mort, Tout
» l’homme eft fujet à la mort ». La première veut
dire , qu’il n’y a pas un feul h#nme qui ne foit
fujet à la mort ; vérité dont la méditation peut
avoir une influence utile fur la conduite d e s h o m m
e s . L a féconde lignifie qu’il n’y a aucune partie
de l ’homme qui ne foit fujète à la mort ; erreuc
dont la fcroyance pourroit entraîner les plus grands
défordres. ■
T o u s , au pluriel & fuivi de les avant un nom
appellatif,' reprend la fon&ion d’article univerfel
collec tif, & marque la totalité des individus de
l ’ e fp è c e fans exception , comme Tout fans Le aut
fingulier : voici la différence qu’il y a alors entre les
deux nombres.
T out, au fingulier, marque la totalité phyfique
des individus de refpèce , dans le cas où l’attribut
eft en matière néceffairè : & c’eft pour cela
qu’alors on ne doit pas le joindre à Le , qui a la
même deftination ( voye\ Le , La , Les ) ; i l y
I auroit périffologie , puifqu’il y auroit inutilement
| double in d ic a tio n du même point de vûe. Tou*