
» Toute votre amitié: fe montre de toutes parts
p dans votre dernière lettre j je la connoiffois
» déjà, mais ce témoignage m’cn eft agréable &
a flatteur j je dirois. même qu'il me caufe de la
* joie y fi je n’avois perdu pour jamais l’ufàge de
» ce terme ».
Afconius & l ’ancien fcoliafte de Cicéron ont fait,
fur les Synonymes employés concurremment par
cet orateur, des obfervations très - fines & très-
précifes.,.
. , C ic é ro n , p a r e x em p le ( A ci. I , in Verr. i i j . p ) ,
a v o it d it : Non ufque eo d e fp ic e re t contemneret-.
que ordinem fenatorium : & là -d e ffu s l ’an cien
f c o lia f t e fa it c ette remarque ,• D e s p i c IM u s
inferiores, c o n t e m n im ü sæ quale s ; aut d e s -
P IC IM U 'S VultlLy C O N T EM N IM U S aiûmo.
C ic é ro n - d it un peu p lu s lo in ( lb. jx . 2.5 ) :
Quod quum effet in te lle é tum & animadverfum. E t
A f c o n iu s , à c e fu j e t , 's ’ e xp liq u e ainfî : -Jn t e l -
LIG1TUR aliquid argumentis ; an IM AD mER-
TITUR fenfibus praefenti anima utentibus ; ple-
rumque enim advertimus rem aliquam oculis aut
quovis fenfu corporis fine animi intèntione. Ergo
p lus eft ANlMADVERSUM qucim 1NTELLEC-
TUM.
Cicéron ( Act. II. in Verr. lib. 1 , init. )
a v o i t dit : Hune per hofee dies fermonem vulgi
atque hanc opinionem popuii romani fuiffei Voici
l ’obfervation de l’ancien fcoliafte : VüLGÙs eft
extrema pars P o p u l i ; in P o p u l o etiam boni
çontinentur. Singulis ergo propria dédit ; V u l g o
fermonem , POPULO opinionem : inefl enim in
opinione àucîoritas; nam V u l G u s loquitur,
P ôPU LÜ s opinatur.
On trouve dans ces deux commentateurs une
foule d’exemples pareils , tous traités avec la même
précifion & la même fineffe : mais j’abrège, pour
en venir à quelques autres écrivains. )
Varron ( D e lingua lat. V , 8 ) dît : Propter
fi.militud.inem agendi, & faciendi, & gerendi, qui-
dam error heis qui putant effe unum. P o te fi(
enim quis aliquid fccere&non agerej ut.poeta facit
fabulam & non a g i t , contra àctor agit & non
facit -y & fie à poetâ fabula fit & non agitur ,
ab actore agitur & non fit : contra imperator ,
qui dicitur res gerere, in eo nequezçfi. neque facit,
fed gerit, id e ft , fufiinet ; tranfiatum ab heis qui
onera gerunt, quod fuflinent.
( ^ Quintilien a connu & énoncé le principe
de la diftin&ion des Synonymes. » On fe fert
» ordinairement de plufieurs noms , dit-il ( Inft.
çrat. V I , iij ) , » pour exprimer la même chofe ;
» cependant , fi on les examine chacun à p art, on
» trouvera qu’ils ont chacun une certaine énergie
» qui leur eft propre ». Pluribus autem nomini-
bus in eâdem re vulgo utimur ; quae tamen, f i
diducas y fuam propriam quandam vim oftendent.
Et i l apprécie , dans cet endroit - là même, od il
pù. queftion de la JPlaifanperiç, les Synonymes
qui y ont raport, Urbanum, Venuftum , Sa T
Jum y Facetumy Jocofum3 D ic a x 3 Ridiculum*
Il indique ailleurs ( I , v ) la différence de Ne Sc
de Non i Alterum negandi e ft , alterum vetandi :
un peu plus loin , celle à’Intro & d’ Intùs : Intro
6* Intùs loci adverbia; Eo tamen Intùs & Intro
fum , foloecifmi fu n t. Par le fa it, il diftingue
dans un autre endroit ( V , x )*< Fur & Latro :
S i furem nocturnum occidere licet y quid latro -
nem ?
Sénèque le philofophe a affigné avec beaucoup
de précifion les différences de quantité de Synonymes;
& l ’éfprit philofophique n’a pas peu contribué
à l’éclairer Iiir ces nuances délicates. En voici
quelques exemples.
A p P A R E R E y E mINERE ( De irâ, I , j ). Nullum
eft animal tam ho'rrendum tamque perni-
ciofum naturâ , ut non appareat in illo , ubi
ira invafit , nova feritatis acceffio. Nec ignoro
caeteros quoque affect us vix occult a h , libidinem
metumque dare fu i figna & poffe praenofei ; ne-
que enim ulla vehementior intrà cogitatio eft ,
quee nihil move at in vultu. Quid ergo intereftl
quod alii affeclus apparent, hie eminet.
C L A R I T A S y G L O R I A . ( E pift/102, ) Quid
interfit inter Claritatem & Gloriam dicam : G lo ria
multorum judiciis confiât ; Claritas , bonorum.
F a m a , C l a r i t a s . ( Ibid. ), Fama litique
vocem defiderat : Claritas non ; poteft enim intrà
vocem contingere , contenta jiidici'o ,* plena e ft ,
iion tantum inter tacentes 3 fed. etiam inter réclamantes.
H o m o y V i r . ( Confol. ad Polyb. 3 6 ) Non
fentire mala f i a , non eft hominis j non ferre , non
eft viri.
Ir a , I r a c u n d i a . E b r i u s , E b r i o s u s .
T i m e n s , T ï m i d u s . (D e irâ. I , jv ) Quid
effet Ira , fa t is explicatum eft : quo dlftet ab
Iracundiâ apparet ; quo Ebrius ab Ebriofb, &
Timens à Timido. Iratus poteft. non effe Ira-
cundusj Iracundus poteft aJliquando Iratus non
effe.
L a u s y L a u d a t i o . (Epift. iox ). AHud eft
Baus , aliud Laudatio : heee & vocem exigit
itaque nemo dich Laudem funebrem , fed Lau-
dationem , cujus officium oratione confiât. Quum
dicimus aliquem Laude dignum ; nan verba illl.
benigna hominum y fed judicia promittimus. Ergo
Laus etiam taciti eft béni fentientis ac bonum
virum apud fe laudantis. Deinde , ut dixi , ad
animum refertur Laus , non ad verba quae con-
ceptam Laudem egerunt & in notitiam plurium
emittunt . . . Quum . . . antiquus poeta d î t ,
L a u s alit arte s y non Laudationem dich y quae
corrumpit drtes. ■
Ur i y COMBURî. (Ibid.) Quodcunque combufi-
tum eft, utique & uftura eft ; a t non oifine quod
ufturn, utique & çombüftum eft•
M- Gardin Dumefnil a donné , en 1777 > un
volume in - iz alfez confidérable de Synonymes
latins -y & je crois qu’on pourroit l ’augmenter encore
, fi l ’on vouloit épuifer les auteurs que je
viens de nommer , & y joindre ce que l ’on ppur-
roit tirer de l ’ouvrage de Feftus De verborum
figntficatione , de celui de Nonius - Marcellus :
De varia f ignifie atione fermonum , des Commentaires
de Douât & de ; Servi us , des Remarques
fur la langue latine par le jéfuite VavalTeur , de
Scioppius,de Henri Eftienne, &c. On peut joindre,
à ces auteurs , celui des Recherches Jur la Langue
latine y imprimées en 1750 en z volumes in -12. ,
à Paris ,. chez Mouchet : tout l ’ouvrage eft. partagé
en cinq parties ; & la troifième eft entièrement
deftinèe à faire voir , pair des exemples comparés
, qu’i/, n y a point d’expreffions tout a
fait s yn o n ym e s entre elles dans la langue
latine.
Quoi qu’il en fo it, il réfulte de ce qui vient
d’être c ité, fpéçialement de Sénèque , que l ’abbe
Girard , en entreprenant fon livre des Synonymes
françois , a pu avoir d’excellents \ modèles ; mais
il eft aufli très-pplfibie qu’il ne leur ait aucune
'obligation. Il eft d’autant plus jufte de l ’en croire
fur la déclaration, que le ton qu’ il foutient, dans
toute l ’étendue de fon ouvrage prouve très- bien
que fa. manière .eft à lui : d’ailleurs il a verita^ :
blement , dans le tour de fés explications, 1 avantage.
réel, de la juftelfe & de la nouveauté j dans
l ’objet de fon travail, le mérite de l’utilité j dans
l ’exécution, le mérite non moins précieux de
l’agrément ; & dans la pçrfeftiôn du T o u t, l,a
gloire d’avoir été Universellement applaudi ', d avoir
fait un livre véritablement original, & d avoir
donné lieu à des imitations qui tendent a perfectionner
l ’étude des autres langues, mais qui affurent
la gloire de la nôtre, & qui attellent 1 honneur que
lui a fait ce digne académicien.. ’
Outre le livre des Synonymes latins dé M. Gat-
din Dumefnil, M. Gottfched donna , en 17*8 , à
Leipfick , des Obfervations fur T u f âge & T abus
de plufieurs termes & façons de parler de la
langue allemande. '» Elles font, dit M. Roux
(Annal, typogr. Août, 1760, Belles - Lettres ,
n°. clviij ) , » dans le goût - de celles de Vaugelas
» fur la langue françoife ; & on en trouve plü-
» fieurs qui relfèmblent beaucoup aux Synonymes
» de l ’abbé Girard ». Plus récemment on a imprimé
à Londres, en z volumes in-12, , unt Ex-
pofition des fignifications différentes qu ont les mots anglois quon regarde comme Syn o n Y-
' MESi
Verrons-nous froidement les étrangers s’animer
à la vue d’ün modèle que notre France leur a
fourni , fans-faire le moindre effort pour foutenir
la gloire de notre langue ? On ne fauroit lire le
livre de l’abbé Girard, fans regretter qu’il n’y ait
pas affigné les cara&ètes diftinttifs d’un plus grand
nombre de Synonymes : ou fouhaiteroit du moins
que les gens de Lettres qui font en état d’entrer
dans les vues fines & délicates de cet ingénieux
écrivain, vouluffent bien concourir à la perfection
de l’édifice , dont i l a en quelque manière pofé
les premiers fondements. Il en rcfulteroit quelqûe
jour un Dictionnaire e x c e l l e n t : cet ouvrage , e^-
vifagé fo u s ce point de vue , nous manque jufqu a
préfent ; & il eft d’autant plus important, que l ’ o n
.doit regarder> la jufteffe du langage, non feulement
comme une fource d’agréments, mais;,encore
comme l ’un des.moyens les plus propres à faci-
liter & à affluer l ’intelligence & la communication
de la vérité.
La Bruyère , qui connoiffoit les fineffes & les
difficultés de l ’art d’écrire , remarque' ( Caraiï.
chap. ƒ ) » qu’Entre toutes les différentes exprefi
» fions qui peuvent rendre une feu'le de nos pen-
» fées, i l n’y en a qu’une qui foit- la bonne : on
» ne la rencontre pas toujours en parlant ou en
» écrivant; i l eft vrai néanmoins qu’elle exifte ,
», que tout ce qui ne l ’eft point, eft foible & ne
» fatisfait point un homme d’efprit qui veut fe faire
» entendre ».
Ç e t ‘embarras vient communément de ce qu’on
ignoré la propriété des termes, & qu’on n’en fent
pas'toute l ’énergie : il eft même fort difficile
d aquérir à cet égard toutes les connoiffances qui
feroient néceffairês ; &■ il n’y auroit point de
meilleur fupplément, qu’un Dictionnaire, qui ,
par des définitions juftes‘& précifes, idèveloperoit
avec exactitude Ies; idées élémentaires de la^fignî-
ficatibn des mots , & qui par la comparaiMn des
Synonymes , affignéroit avec précifion l ’idée principale
qui les raproché: &.les idées acceffoires qui
les'diftingueiit. ,
Les chef-d’oeuvres immortels des anciens'font parvenus
jufqu’à nous ; nous les entendons ju fq u ’ à, certain
point, nous les admirons même, quelquefois
avec goût : mais combien de beautés réelles y font
' e n t iè r em e n t perdues pour nous , parce qüe nous
ne. connoiffons. pas toutes ces nuances " fines qui
caraCtèrifent le choix qu’ils ont fait & dû faire
des mots de leur langue I Combien par c o n f é q u e r i t
ne perdons - nous pas de fentiments agréables &
délicieux, de p l a i f i r s réels! Combien de moyens
d’apprécier ces auteurs, & de leur payer le jufte
tribut d’une admiration éclairée & réfléchie !
De quel oeil verroient-ils ces interprétations la tines
qu’on a jointes à leurs textes pendant le
règne de Louis X I V , fous prétexte d en faciliter
l ’étude au Dauphin , & dans lelquelles on a affeCté
d’éviter les mots qu’ils avoient employés? Comment
même a - t - i l pu fe faire qu’aucun de ceux
qui;'s’en font occupés-, n’ait fen-ti que leur travail
étoit plus propre à gâter le goût q u a l ’éclairer ,
. & n’étoit b,on qu’à . rendre infenfible fur la propriété
& l ’énergie des termes & fur les fineffes de la
l langue ? >
Dans fa j,eu n e f fe f Cicéron fefoit, pour s’exercer,