
deux phrafes eft indépendante de celle de l'autre.
Toutes les Prépojitions défignent un raport
vague, qui n'ett bien déterminé que par l’application
qu’on en fait à deux termes, F un antécédent
& l’autre conféquept : ç’eft précifément pour
çettfe .raifon que j'ai cru devoir établir ici cette
règle générale de Grammaire. Mais les conjonctions
de çomparaifon, telles que comme, & les
expreffions adverbiales qui ont la même fi unification,
de même que, àuffi bien que, de la manière
que, &ç, font encore dans le même cas ,
parce qu’elles défignent des raports généraux. Notre
on doit fuivre la même règle, parce qu’i l eft vaguement
relatif à des perfonnes qui ne peuvent
etre déterminées que par le Cens du difcours , 8c
que dans la même phrafe i l ne doit fe raporter
qu’aux mêmes perfonnes : c’ eft le fondement de
la remarque du P. Bouhours ( 1 .1 4 0 ) fur cette
phrafe; O N peut à peu près tirer le même avantage
d’un livre intitulé Roma fubterrànea, &
des autres où on a gravé ce qui nous refie des
antiquités de cette première ville du monde : les
perfonnes qui peuvent tirer cet avantage ne font
pas celles qui ont gravé , & ne doivent pas être
défignées par le même mot. ( JVI. B e a u z é e . )
PR É S EN T , adjeftif, pris quelquefois fubftan-
tivement , Grammaire. Les Temps préfents , ou
fubftantivement , les Préfents , dans les verbes y
font des temps qui expriment la fimultanéité d’exif*
tenc.e à l ’égard d’une époque de çomparaifon.
11 y a plufîeurs elpêees de P réfents, félon la
manière dont l ’époque de çomparaifon y eft envi-
fagée : fi l’exiftence s’y raporte à une époque quelconque
& indéterminée, c’eft un Préfent indéfini /
fi l ’epoque eft déterminée, le Préfent eft défini.
O r l’époque ne peut être déterminée que par la
relation au moment de la parole ; & çetté relation
peut aulfi être ou de fimultanéité, ou d’an?
tériorité , ou de postériorité, félon que l ’époque
concourt avec l ’aéle de.la parole, ou qu’elle le
précède , ou qu’elle le fuit. De là trois éfpèces dp
4Préfents définis ; le Préfent actuel, le Préfent antérieur,
êc le Préfent poflérieur.
T elles font les vfies générales qu'indique la
Métaphyfîque des Temps : mais je ne dois pas montrer
ici jufqu’à quel point les ufages dgs langues
particulières s’y conforment ou s’en écartent y il
faut voir, au ‘mot T e m p s , l ’enfemble du fyftême
métaphyfique, & fa liaifon avec les ufages des
différents idiomes. ( M. B e au zé e .)
P R É T É R I T , adjedif, employé quelquefois
comme fubftantif, Grammaire. C’ eft un terme
exclufîvement propre au langage grammatical ,
pour y lignifier quelque chofe’ de p a jfé , félon lé
îens du mot latin Proeteritus , qui n’eft que fran-
cifé ici. LesTempsprétérits, ou fubftantivement, les
Prétérits, dans les verbes, lontdes Temps qui expriment
l'antériorité d'exiftençe à l'égard d'une époque
de çomparaifon.
On peut diftinguer les Prétérits, comme les
Prefents, en définis & indéfinis y 8c les indéfinis
en^ actuel, antérieur , & poflérieur. Mais ce que
j ai dit de la néceffité de voir la théorie des Pré-
fems dans l ’enfemble du fyftême des Temps, au
mot T e m p s , je le dis aulfi de la théorie des
Prétérits , & pour la même raifon. ( M. B e a u -
Z ép . ) •
(N.) PRÉTÉRITION ou PRÉTERMISSION,
f. f. Figure de penfée par fiétion , par laquelle
on feint de paffer fousfilenee ce qu’on dit néanmoins
très^-clairement , ou de nè faire qu’effleurer les
chofes que l ’on veut quelquefois inculquer avec plus
de force,
C ’eft ainfi que Cicéron , dans fa I. Catilinaire,
fait de Catilina , par Prétéritipn, un portrait
affreux.
Quid vero ? nuper
quum , morte f up er loris
uxoris, novis nup-
t iis domum vacuam
fecijfes , nonne alio
ihcredibili . fçelert hoc
feelus cumulafii ? quod
ego prætermitto & facile
patior jileri , ne in hdc
civitate tanti facinoris
immanitasaut exftitiffe
aut non vindicata xjfe
videatur. Prætermitto
ruinas fortunarum tua-
rum, quas omnes im-
pendere tibi proximis
idïbus fendes. A d ilia
venio quæ , non adpri-
vatam ignominiam vi-
tiomm_ tuorum , non
ad domefliçam tuant
difficult at em ac turpir
tudinem , fed ad fum-,
mam Reipublicce atque
ad omnium noftrûm
vitam falutemque per-
tinet. ( V I , 14. ) ' .
Mais quoi ? tout récemment
, après avoir pris ,
par le meurtre dé ta première
femme, la liberté
de paffer à de fécondés noces
, p’as-tu pas mis le
comble à ce crime par un
autre crime qui pafle toute
croyance ? cependant je
n’en dis rien, & je confens
volontiers qu’il n’en fojt
point parlé , pour laifler
oublier entièrement qu'un
attentat fi horrible ait étç
commis dans cette ville ou
y foit refté impuni. Je
pafle fous filence le défor-
dre de tes biens , parce
qu’aux ides prochaines tu
terniras de refte que ta ruine
eft générale. J’en viens
à des objets qui | concernent,
non l ’infamie perfbn-
nelle de tes vices , non tes
embarras domeftiques 8c
leur turpitude , mais le
plus grand intérêt de la.
République , ainfi que la
yie &lefalut de tous tant
que nous ft>rnmes.
Maflillon va nous fournir un autre exemple de
Prétérition. Vous vous figure\ , dit r- i l , des
amertumes dans le parti de la vertu.. M a is ,
fa n s parler des divines çonfolafions que Dieu
prépare ici-bas même à ceux qui l ’aiment y fa n s
parler de cette p a ix intérieure , fru it de la bonne
confcience, qu’on peut appeler en même temps
& un avant-goût & le gage de la fé lic ité qui
eft réfervée dans le çiel aux âmes fidèles | fa n s
vous.
Vous dire, avec l ’apôtre , que tout ce qu’on
peut fouffrir fu r la terre n’eft pas digne d'étre
comparé avec la récompenfe qui nous attend:
f i vous ‘étiez de bonne f o i , & que vous voulu
(fiez nous expo fe r ici naïvement tous les défa-~
gréments qui accompagnent la vie du fiècle ;
que ne diriez-vous P as , & 4ue ne dit-on pas tous
les jours là-deffus dans le fiècle?
J’ajouterai un exemple de Prétérition fous la
forme interrogative ; & je le prendrai dans Y Eloge
du chevalier Bdiard , par M. Coflon (page 9 ).
Parlerai-je de toutes ces allions dont Bdiard
f u t , finon le chef comme dans celles que j e viens
de citer, du moins le principal mobile & le rejfort
le plus puijfant ? Peindrai-je les célèbres journées
, d’A gnade l, où i l détermine la viBoire,
en traverfant un marais impraticable & en fo r çant
le Général vénitien à f e rendre prifonnier ;
de laBaftide , où,p ar une marche audacieufe &
rapide , i l enlève , à Vavidité d’un pape indigne
de ce nom, le patrimoine de l ’infortuné duc de
Ferrare ; de Ravennes, où i l fécondé vaillamment
le jeune & courageux duc de Nemours ,
qui ne fe voit malheureufement enfeveli dans fon
triomphe , que parce qu’i l n’a point dans ce moment
auprès de f a perfonne le brave chevalier
fon ami ? Je craindrois de fatiguer l ’attention par
la multitude des tableaux. .
On donne encore à cette figure les noms de
Tiétermiffîon 8c de Paràlïpfe , également inutiles
à conferver , puifque celui de Prétérition eft équivalent
& paroît le plus généralement adopté. Pa-
ralipfe ( voyez ce mot ) fignifie en grec omiffion,
qui eft aufli le fens latin des mots Prétérition &
Prétermiffion : i l eft bon de les connoître & de
Xes entendre tous trois , pour n’en être pas embar-
rafle quand on les rencontre dans les rhéteurs, 8c
furtout pour n’en pas faire trois figures différentes,
comme il femble qu'on en ait eu l ’intention dans
le Dictionnaire univerfel & raifonné des fciences ,
des arts , & des métiers, quoiqu’on n’en ait varié
la définition que dans les termes. ( M. B e au
ZÉE. )
(N) f,PREUVE, f. f. A r t orat. Dans un difcours
qui tend ou à perfuader ou à difluader l ’auditeur,
la Preuve eft l’emploi des moyens propres à opérer
l ’effet qu’on fepropofe. Soit que l ’Orateur attaque
ou fe défende; qu’il affirme, ou nie & réfute; que
la queûion foit de droit, ou de fa it , ou feulement
d’opitlion ; qu’il s’agifle de faire voir ce qui eft
jufte ou injufte , digne de peine ou de récompenfe,
comme dans le genre judiciaire; ou ce qui eft honnête
ou honteux , digne de louange ou de blâme ,
Comme dans le genre démonftratif; ou ce qui eft
honorable & utile , ou nuifiblè & déshonorant,
comme dans le genre délibératif : la Preuve eft toujours
la partie eflencielle & indifpenfable du plaidoyer
ou de l’oraifon; & la première règle de l ’art
de perfuader eft de donner à ce" qu’on affirme ,
.G R am m . e t L i t t é r a t . Tome J IL
ou d’ôter à ce que l’on nie , le caractère de vérité ,
de certitude,. ou de vraifemblance.
Il A y a qu’un genre d’Éloquénce qui puifle fe
paffer de Preuve ,\ c’eft celui qui n’a pour objet que
des actions de grâces, des Félicitations, ou des
condoléances : & c'eft ce qui diftingue la fimple.
harangue de l ’oraifon & du plaidoyer. Par exemple ,
dans le difcours de Cicéron pour Marcellus , il ne
s’agit que de rendre grâces à Céfar- du rappel de cet
exilé; au lieu que , dans l ’oraifon pour Ligarius ,
il s’agit d’atténuer le crime de l’accufé 8c d’en
obtenir le pardon : & quoique Cicéron, dans fon
admirable plaidoyer, débute par avouer le crime
& par abandonuer le coupable à la clémence de
Céfar, on le voit revenir enfuite aux moyens de
rendre Ligarius le plus, -excufable qu’il eft poff-
fible, & moins coupable que lui - même , à qui
Céfar a pardonné. On voit même que dans la harangue
pour Marcellus, qui ne s’annonce que
comme l ’efFufion de la reconnoiflance & de l ’admiration
publique pour la clémence de Céfar, C icéron
ne laifle pas de prendre le tour perfuafif pour
engager Céfar â ne rien négliger de ce qui peut
mettre en sûreté fa vie ; & en lui prouvant qu’il eft
de fa gloire & de fon devoir de le conferver poui:
le bonheur de Rome, il envelope adroitement dans
cette efpèce d’adulation, la leçon la plus importante :
nunctibiomniabellivulneracurapidafunt. [Voyez Harangue. ) ^ #
Ainfi, toutes les fois qu’il s’agit de perfuader,
& dans les fujets mêmes les plus éloignés de toute
controverfe, la Preuve peut trouver fa place. Mais
tantôt elle eft fimplemer-t rhétorique , 8c tantôt elle
eft dialectique.
La Preuve que j’appelle rhétorique ne confifte
qu’en récit, en expofé , en dèvelopement du fait
ou de la vérité qu’on fe^propofè d’établir : de ce
genre eft prefque entièrement Foraifon pour la L o i
Manilia ; & de ce genre aulfi font toutes nos orai-^
fons funèbres. Dans ces fujets il s’agit moins de
raifonner que de décrire; & l'art de l ’orateurcon»-
fifte â expolèr avec clarté , â raconter rapidement ,
à peindre avec chaleur, avec force , avec intérêt,
félon que le fujet l ’exige. Dans tel difcours de cette,
nature , qui produit le plus grand effet, i l n’y a
pas un raifonnement.
-Mais lorfque l ’objet en queftion eft contefté
ou qu’il peut l ’être , & que le fimple expofé du
fait, ou du droit, ou de Fopinion, ne les met pas
en évidence, le moyen de la Preuve eft l ’argumentation;
& c’eft alors que la Preuve eft dialectique,
mais fous les formes oratoires.
L a Logique eft le fquelette de l ’Éloquence; &
ce font les parties de ce fquelette qu’Ariftote, dans
fes Topiques , 8c Cicéron , dans l ’extrait qu’il en a
fa it, nous ont décrites avec tant de foin & nous
%ni apris à placer.
Que les difciples de l ’Éloquence ne dédaignent
pas ces théories : c’eft la raifon qui fe rend compte
à eUe-même de fes procédés 8c de fes moyens. On