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<le S a ra jîn d a n s les chofes galantes & inge-
nieujes , c ejt vous mettre au dejfus de tous les
anciens.
, {'article^ A ffectation, j’ai àonnè une idée
du îtyle: de Voiture. Sarafin avoit, comme lu i,
plus delprit que de goût: il appeloit un cygne
expirant, un .cygne abandonné des médecins.
llaus les vers , la Seine menace de fe s bâtons
flo u é s la fontaine de Forges., pour lui avoir
enlevé deux nymphes. Ce n’eft pas ainfi qu’ont été
galants Voltaire , Bernard , M. de S. Lambert ; &
dans notre fîècle, le tour d'efprit de Voiture & de
onrtpin n auroit pas fait fortune : au contraire, jamais
Corneille , Racine , Molière , La Fontaine , n’ont
ete mieux appréciés, plus fincèrement admirés,
iviais ^ ii le goût de la nation s’eft perfeaionné,
peut-etre en eft-elle redevable en partie au bon
e w Defprèaux : Ion A r t poétique ëft, depuis
un fiecle , dans les mains des enfants .5 & pour des
tai ons que je ne dis pas , il eft plus néeeflaire que
jamais a la génération nouvelle. ( M. M a r -
M o a t e l . ) ' . ■ ■ -
PO E T IQ U E (H ar monte ) , Poéjie. Il y a
trois lortes d’Harmonies dans la Poéjie. La première
eft celle, du fty ie, qui doit s’accorder avec
e l jet quon traite , qui met une jufte pro-'
portion entre 1 un & 1 autre. Les Arts forment une
e pece de république , où chacun doit figurer félon
Ion état Qrelie diffésence entre le tonde la Tfa-
f i * “ lui, de Comédie, de la Poéfie lyrique,
de la Paftorale , 6 c ! 1 1
Si cette Harmonie manque à quelque Poème
que ce fo it , i l devient une roafcarade ; c’eft une
lorte de grotefque qui tient de la Parodie : fi
quelquefois la Tragédie s’abaiffe ou la Comédie
s eleve , c eft pour fe mettre au niveau de leur matière,
qui varie de temps en temps; & l ’objeâion
même fe tourne en preuve du principe.
Cette Harmonie poétique eft eflencielle : mais
on ne peut que la fentir, -& malhenreufement les
auteurs ne la tentent pas toujours allez. Souvent
les genres font confondus. On trouve dans le même
ouvrage des vers tragiques, lyriques, comiques, qui
ne font nullement autorifés par la penfée qu’ils ren-
ferment.
Une oreille délicate reconnoît prelque, par le
caraftère feul du vers, le genre de la pièce dont
i l eft tiré : citez - lui Corneille, Molière, La
Fontaine, Segrais, Rouffeau; elle ne s’y méprend
P^8' jHo vers d’Ovide le diftingue entre mille de
Virgile. Il n’eft pas néceffaire de nommer les auteurs
j on les reconnoît i leur fty ie, comme les héros
d’Homère i leurs aftions.
La féconde forte A’Harmonie poétique confifte
dans le raport des Ions & des mots avec l ’objet de
la penfée. Les écrivains en profe même doivent
s’en faire une règle; à plus forte raifon les Poètes :
doivent-ils l ’obierver. Aufli ne les voit - on pas
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exprimer par des mots rudes ce qui eft doux, ..ni
par des mots gracieux ce qui eft délàgréable &
dur : rarement chez eux l'oreille eft en contradiction
avec l ’efprit.
La troifième efpèce d'Harmonie dans la Poéjie
peut être appelée artificielle, par oppoiition aux
■ deux autres elpèces j parce que, quoique fondée
dans la nature aufli bien que les deux autres^ elle
ne fe montre bien fenfiblement que-dans la Poéjie»
Elle confifte dans un certain art, qui, outre le
choix des expreflîons & des fons par raport à leur
fens, les aflortit entre eux de manière que toutes
les fyliabes d'un vers , prifes ehfemble, produifent,.
par leur fon , leur nombre „ leur quantité , une àutre
forte d’expreflion qui ajoute encore à la lignification
naturelle des mots. '
La Poéjie a des marches de différentes elpèces ,
pour imiter les différents mouvements & peindre
à l'o re ille , par une (orte de mélodie , ce qu'elle
peint a l ’efprit par les mots. C ’eft une forte de
chant mufical, qui porte le caractère., non feulement
du fujet en général, mais de chaque objet
en particulier. Cette Harmonie n’apartient principalement
qu’à la Poéjie ; & c’eft le point exquis de
la Verfification.
Qu’on ouvre Homère & Virgile , on y trouvera
prefque partout une expreffion muficale de la plupart
des objets. Virgile ne l ’a jamais manquée j on
la lent chez lui , lors même qu’on ne peut dire en
quoi elle confifte. Souvent elle eft fi fenfible, qu’elle
frape les oreilles les moins attentives,
Continuo ventis Jurgentibus , aut fréta ponti
Incipiunt agitat a tumefeere , & aridus altis
lYLontïbus audiri fragor, aut refonantia longe
Littora mifeeri, & nemorum increbrefcere murmur :
& dans l’Enéide, en parlant du trait foible que lancëf,
le vieux Priam $
Sïcfatus fenior • tel unique imb elle fine iclu
Conjecït t rauco quod protinàs are repulfum
E t fummo clypei neqitlcquam uvibone pependit.
Nous n’omettrons point cet exemple tiré d’Ho-*
race $
Quâ pinus ingens albaque populus
Umbram hofpitalem confociare amant
- Ramis, & obliquo laborat
Limpha fugax trepidare rivo..
S’a g it- il de décrire un athlète dans le combat?
les vers s’élèvent , fe courbent, fe dreffent, fe
brifent, fe hâtent ,fe roidiffent, s’alongent, à l ’imitation
de celui dont ils repréfentent les mouvements.
S’agit-il de bâillements, d’hiatus, de peindre quelque
monftre à cinquante gueules béantes ?
Quinguaginta atris immanis hiatibus hydra
Intus habtt fedenu
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Faut-il peindre les cris de douleur qui fe perdent
dans les airs, le cliquetis des chaînes ?
Hinc ex audiri genitus , & feevafonare
Verbera ; tum Jiridor fer ri, tracloequo catenoe.
Citerai-je ces vers de Defprèaux?
Les ch an o in e s , vermeils & brillants de fanté ,
S ’engraiffoient d’une longue & fainte oifiveté.
Le premier de ces deux vers eft riant $ l ’autre eft lent
& pareffeux.
Citerai'je les vers de la Molleffe ?
S o u p ire , éténd les b ra s , ferme l ’oe i l, & s’endort.
Mais j’en appelle à ceux qui ont de l ’oreille ;
& s’il y a des gens â qui la nature a r.efufé le
plaifirde cette fenlation, ce n’eft point pour eux qu’on
a cité ces exemples à*Harmonie poétique entre tant
d’autres.
Quant à ce qui regarde Y Harmonie du vers , en
tant que compolé de lyllabes réglées par des mefures
& foumifes à des règles fixes & pofitives^oye^VERS.
( Le chevalier d e J a u c o u r t .)
P O É T I Q U E ( S t y l e ) , Poéjie. I l confifte
dans des images ou des figures hardies , par lef-
quelles le Poète , imitateur parfait, peint tout ce
qu’il décrit j & donnant du fentiment à' tout, rend
fon image vivante & animée. Ce Style poétique ,
qu’on appelle autrement Style de jiclion , infé-
parable de la P o é jie , & qui la diftingue effen-
ciellemcnt de la Profe, eft le Style & le langage
de la paflion , c’eft à dire, de cet enthoufiafme dont
les Poètes1 fe difent remplis.
L e Style poétique doit, non feulement fraper ,
enlever , peindre, toucher , mais .même ennoblir
des chofes qui n’en pàroiffent pas fufceptibles. Rien
de plus fimple que de dire que le vers ïambe ne
cbnviendroit pas à la Tragédie, s’il n’étoit mélé
de fpondées j c’eft ainfi qu’on parleroit en profe :
mais Horace , en qualité de Poète t perfonnifîe
Flambé , qui, pour arriver aux oreilles d’un pas
lent & plus majeftueux, fait un traité avec le
grave fpohdée, qu’il affocie à l’héritage paternel,
a condition qu’il n ufurpera ni la fécondé ni la quatrième
place :
Tardior ut paulo graviorque veniret ad aures ,
~~ Spondoeos Jlabiles in jura paterna recepit,
Commodus & patiens , non ut de fede fecundâ
Cederet aut quartâ focialiter.
De même, lorfque Boileau veut nous aprendre
qu’il a cinquante huit ans, il fe plaint que la vieille
| | ,
Sous ces fau x cheveux blonds déjà toute chenue«
A jeté fur fa tête , avec fe* doigts pefants ,
Onze lutlres complets, furchargés Je trois ans.
P O i p|§
L e Style poétique abandonne les termes naturels
pour en emprunter d’étrangers ; i l parle le langage
des dieux dans l'Olympe ; & quand il chante^ les
combats , on croit voir Mars ou Bellonc. Enfin
dans le Style poétique, qui eft fait pour nous enchanter
,
T o u t prend un corps , une âm e , u n e fp r i t , u n v i fa g e ;
Chaque vertu d e vien t une d iv in ité ;
Mine rv e eft la prudence,; 8c V é n u s , la b e a u t c :
^ C e n’ eft plus la v apeur qui pro duit le to n n e r re ;
C ’ eft Jupiter armé pour effrayer la terre :
U n orage terrible a u x ieu x des m a te lo ts ,
C ’ eft Neptun e en co u r ro u x , q u i gourmande les flots J
É cho n ’ eft plus un fo n q u i dans l’air retentiffe ;
C ’ eft une nymphe en pleurs q u i fe plaint de Na rc ifte.
A in f i , dans c e t amas de nobles fift io n s ,
L e Poète s’ é ga ye en m ille in ventio ns ;
O rn e , élève , em b e lli t , ag randit toutes ch o fe s ;
E t tro uve fous fa ma in des fleurs toujours eclofes,
{Le chevalier DE JAUCOURT.)
P O IN T , f. m. Grammaire. Ce mot vient du
verbe poindre, qui fignifie piquer \ & il conferve
quelque cliofe de cette lignification primitive dans
dans tous les fens qu'on y a attaches. On dit le
Point ou la Pointe du jo u r , pour en marquer
le premier commencement j parce que le commencement
frape les ieux comme une pointe , ou qu i l
eft à l ’égard du jour entier ce que le P oint eft.
à l'égard de la ligue. L ’ extrémité d’une ligne s’ap•
pelle Point , parce que fi la ligne étoit d une
matière inflexible , Ion extrémité pourroit lervir a
poindre. Un Point de côté caufe une douleur lem-
biable à celle d’une piquûre violente & continue \
&c.
En Grammaire, c’eft une petite marque qui fe
fait avec la pointe de la plume , pofée fur le
papier comme pour le piquer. On le fert de cette
marque à bien des ufages.
i° . On termine par un P o in t toute la propolî^
tion dont le fens eft entièrement abfolu & indépendant
de la propofition fuivante ; & il y a pour
cela trois fortes de Points : le Point fimple , qui
termine une propofition purement expofitive } ^ le
Point interrogatif ou d’interrogation , qui termine
une propofition interrogative, & qui fe ^marque
ainfi ( ? ) J e°fin Ie P oint admiratif ou d’admiration
, que l’on nomme encore exclamatij _ou
S exclamation , & que j’aimerois mieux nommer
Point pathétique, parce qu’il fe met a la fin de
toutes les propofitions pathétiques , ou qui énoncent
avec la chofe le mouvement ae quelque paflion ; i l
fe figure ainfi ( l ) .
r°. On fe fert de deux Po ints pôles verticalement
, ou d’un Point fur une virgule , à la fin
d’une propofition expofitive, dont le fens grammatical
eft complet & fini j mais qui a , avec la