
P o u r d ir e au temps q u i court,
Cour eft un périlleux pajfage;
P a s fage n’ eft q u i va en Cour t
Cour eft fo n t i e n & av an ta g e ;
R aBe eft fa p a ix ; pleu rs , fes fou las.
L a s ! c ’ eft un très-piteux mênag*;
Nage autre part p ou r tes ébats.
Rim&Sâtelee , c’eft le nom 'refois aux vers dont la fi„ rimoi[q ua’voenc dleo nrneo it adna-
vers fuivant. Exemple de Clément Marot:
Q u and N e p tim u s , puiffant dieu d e l à mer,
C eü à . d ’armer caraques & galées ,
L e s gallicans b ien le durent aimer
E t réclamer fes grands onde s falées.
Jîioes brifée. Cette Rime confiftoit'à conltruire
* vers de façon que les repos des vers rimafent ntre eux & qu en les brifant., ils fiffent Vautres
vers. Exemple d’Octavien de Saint Gelais :
ß e coeur parfait ; ch aflez toute d ouleur ;
S o y e z fo ign eu x j n ’ ufez de nulle feinte j
S an s vilain fait entretenez d o u c e u r ;
V a illan t & p re u x , abandonnez la. feinte .
. brifant ces vers , on lit :
D e coeur parfait
S o y e z f o i g n e u x ;
Sans v i la in fait
V a illan t & p r e u x ;
C h a ffe z toute d o u le u r ,
N ’ufez de nulle fe in te ;
En tretenez douceur ,
A b a n d o n n e z la f e in t e .
Rime couronnée. La
lorlqu’elle le préfentoit
chaque vers. Exemple de
Rime étoit couronnée , deux fois à la fin de
Clément Marot :
M a blanche co lombelle, belle,
S o u v en t je v ais priant, criant ;
Mais defTous la co rdelle d'elle
M e je t te un oeil fr ian t, riant ,
E n me copfommant & pommant.
Rime empérière. C’éfoit le nom de celle . qui
laoui s.b oEuxt emdup lev :e rs, frapoit l’oreille jufqAu’à trois
Bénins L e c t e u r s , très-diligents , gens, gens,
P r e n e z en g r é mes imparfaits , faits , faits.
Rime équivoque. Nos anciens poètes • françoi:
le lervoient quelquefois de cette manière de Rime
dans laquelle les dernières fyllabes de chaque ver
tout reprîtes èn^ une autre lignification ait commencernent
ou^à la fin du vers qui fuit. R ichelet en
rapporte l ’exem ple fuivant :
1 £ n m’ é b a ttan t, je fais rondeaux en rime;
E t en rimant, bien fou v ent je m’ enrime s
B r e f , c eft pitié entré nous rimailleurs ,
C a r vous trouvez a fle z de Rime ailleurs ;
E t quand vous p la î t , inieux que mo i rimaffe\;
D e s biens avez & de la Rime ajfe(r
C lém ent M arot ell l ’auteur de ces vers tifarreS'f
c’é to it là une g entilleffe du goût de fon fiècle.
N ous avons de la peine à concevoir aujourdhuî
q u el fel on p ouvoit trouver dans des productions
fi plates.
Rime rétrograde. ^ Sous C harles V I I I &
Loifts X I I , les poètes avoient mis les Rimes
rétrogrades en vogue : c’éto it le nom qu’on avoit
donné aux vers , loTfqu’en les lifant à rebours ,
on y trouvoit encore la mefure & h Rime; com m e
font ceux-ci.
T riomph amm en t cherchez Honneur & paix :
Défo lés coeurs, méchants, in fo r tu n és , '
Te r r ib lement êtes moqués & pris.
L ifez ces vers en rem ontant ,. vous trouverez
les m êm es mefures & la Rime :
P a ix & honneur cherchez triomphamment,
Infortunés , méchants , coeurs défolés ,
Pris & moqués êtes terriblement.
Rime fenèe. O n nom m oit ainfi les vers dont
tous les m ots com m ençoient p ar la même lettre*
E xem ple :
iK ir o i r m o n d a in , madame magnifique ,
./Ardent ûmour a d o r a b le , A n g é liqu e .
( Le chevalier DE J AU COURTS)
R I M E U R , f. m . ( Littérature). Ecrivain
qui rime ou qui com pofe des vers rimes. C e
term e n’eft guère ufité qu’en Poéfie , où il eft
fynonym e de P oête , & fe. prend ordinairem ent
en bonne p a rt, à moins qu’il ne foit reftreint &
déterm iné p ar quelque épithète de' blâm é. A infi,
Defpréaux a dit qu’A p o llo n ,
V o u la n t poufler a bout tous les Rimeurs f r a n ç o is ,
In v enta du Sonnet les rigoureufes lo is :
& ailleurs , parlan t de C harles D uperier , un des
m eilleurs poètes latins 8c françois que nous ayons
.eus, mais qui avoit fouvent im portuné B oileau »
en lu i récitant fes vers :
G ard e z-vou s d ’imiter ce Rimeur fu r ieu x ,
Q u i , d e fes vains écrits le fteu r harmonieux,.
A b o rd e en récitant quiconque le fa lu e ,
E tp o u r fu it de fes vers les pafiants dans .la rué*
( A n o n y m e . ) ' '
* R O M A N , f. m. Littérature. Récit fidif
de diverfes aventures merveille ufes ou vraifem-
blables de la vie humaine. Le plus beau Roman
du monde, T é l é m a q u e , eft un vrai poème,
à la mefure & à la rime près.
Je ne rechercherai point l’origine des Romans :
M. Huet a épuifé ce fujet , il faut le confulter.
On connoît les Amours de Dinia.ce & de Déo-
cillis par Antoine Diogène j c’eft le premier des
Romans 'grecs. Jamblique a peint les Amours
de Rhodanis & de Simonide. Achillès-Tatius a
çompofé le Roman de Leucippe & de Clitophon.
Enfin Héliodore , évêque de Trica dans le quatrième
fiècle , a raconté les Amours de Thea-
gène & - de. Cariclée.
Mais fi les fi étions romanefque-s fuient chez les
grecs les fruits du goût , de la politeffe , & de
Térudition ; ce fut la- groflièreté qui enfanta , dans
le XIe. fiècle, nos premiers Romans de Chevalerie.
(V o y e z l ’article fuivant.) Ils tiroient leur
fource de l’abus des légendes , & de la barbarie •
qui régnoit alors. Cependant ces fortes de fictions
fe perfeétio.nlièrent infenfiblenient , 8c ne tombé- -
rent de mode que quand la galanterie prit une
nouvelle face au commençement du fiècle dernier.
« Honoré d’Urfé , dit Defpréaux , homme de
» grande naiffance dans le Lyonnois, & très-enclin
» a l ’amour, voulant faire valoir un grand nombre
» de vers qu’il avoit compofés pour fes maitreffes,
» & raffembler en un corps plusieurs aventures •
» amoureufes qui lui étoient arrivées, s’avifa d’une
» invention très-agréable. Il feignit que dans le
». Forez , petit pays contigu à la Limagne d’Au-
» vergne , il y avoit eu , du temps de nos pre-
» miers ,rois , une troupe de bergers & de ber-
» gères, qui habitoient fur les bords de la ri-
» vière du Lignon , & qui, affez accommodés des
» biens de la fortune, ne „ laiffoient pas néan-
v moins, par un fimple amufement & pour leur
» feul plaifîr, de mener paître -eux - mêmes leurs
» troupeaux. Tous ces bergers & toutes ces ber- 1
» gères étant d’un fort grand lo ifir , l ’amour ,
» comme on le peut penfer & comme il le ra-
» conte lui - même , ne tarda guère à les y venir
» troubler , & produifit quantité, d’évènements
» confidérables. D’Ürfé y fit arriver toutes fes 1
• » aventures, parmi lefquelles i l en mêla beau-
» coup d’autres , & enchâffa les vers dont j’ai
» déjà parlé , q u i, tout méchants qu’ils étoient,
» ne laiisèrent pas d’être foufferts & de paner ,
» à la faveur de l’art avec lequel il les mit en
» oeuvre : car il foutint tout cela d’une narra-
» tion également vive & fleurie , de fi étions très-
» ingénieufes , & de caraétères aufli finement ima-
» ginés qu’agréablement variés & biens fuivis. Il
» compofa ainfi un Roman qui lui acquit beau-
coup de réputation , & qui fut fort eftimé,
» même des gens du goût le plus exquis , bien
» que la Morale en fût vicieufe, ne prêchant que
» 1 amour & la mollefle ? & allant quelquefois
/> jufqu’à bleffer la pudeur. I l en fit quatre vo-
» lûmes, qu’il intitula A strée , du nom de la
» plus belle de fes bergères (c ’étoit Diane de
» Château - Morand ). Sur ces entrefaites étant
» mort, Baro , fon ami & , félon quelques-uns ,
» fon domeftique ( fon fecrétaire), en Compofa fut
» fes Mémoires un cinquième tome, qui en formoit
» la conclufîon, & qui ne fut guère moins bien
» reçu que les quatre autres volumes.
» Le grand fuccès de ce Roman échauffa
» fi bien les beaux - efprits d’alors , qu’ils en
» firent à fon imitation quantité de femblables ,
» dont il y en avoit même de dix & de douze
» volumes ; & ce fut quelque temps comme une
»> efpèce de débordement fur le Parnaffe. On vantoit
» furtout ceux de Gomberville , de la Calprersède,
» de Des-Marais & de Scudéri. Mais ces imita-
» teurs , s’efforçant mal à propos d’enchérir fur
» leur original, & prétendant.ennoblir fes carac-
» tères , tombèrent , à mon avis , dans une très-
» grande puérilité. Car au lieu de prendre comme
v lu i , pour leurs héros , des bergers occupés du
» feul foin de gagner le coeur de leurs maitreffes,
» ils prirent, pour leur donner cette étrange oc-
» cupation , non feulement des princes & des
» rois , niais les plus fameux capitaines de l ’an-
» tiquité, qu’ils peignirent pleins du même cfprit
» que ces bergers’; ayant , à leur exemple , fait
» comme une efpèce de voeu de ne parler jamais
» & de n’entendre jamais parler que d’amour : de
» forte qu’au lieu que d’Urfé , dans fon A strée ,
» de bergers très - frivoles avoit fait des héros
» de Roman confidérables; ces auteurs , au con-
» traire, des héros les plus confidérables de l ’Hif-
» toire firent des bergers très- frivoles , & quel-
» quefois même, ■ des bourgeois encore plus fri—
» voles que ces bergers. Leurs ouvrages néanmoins
» ne laifsèrent pas de trouver un nombre infini
» d’admirateurs & eurent long temps une fort
» grande-vogue.
» Mais cetix qui s’attirèrent le plus d’applau-
» diffements, ce furent 1 eCyriis & la CléUe de ma-
» demoifelle de Scudéri, fcèur de l ’auteur du même
» nom. Cependant non feulement elle tomba dans
» la même puérilité , mais elle la pouffa encore à
» un plus grand excès : fi bien qu’au lieu de
» repréfenter , comme elle devoit, dans la per-
» fonne de Cyrus, un roi promis par les pro-
» phêtes , tel qu’il eft exprimé dans la Bible ;
» ou , comme le peint Hérodote , le plus grand
» conquérant que l’on eût encore vu ; ou enfin
» tel qu’il eft figuré dans Xénophon , qui a fait
» aufli bien qu’elle un Roman de la vie de ce
» prince; au lie u , dis -je , d’en faire un modèle
» de toute perfection , elle en compofa un Ar-
» tamène , plus fou que tous les Céladons &
» les SyLvandres, qui n’eft occupé que du feul
. » foin de fa Mandane , qui ne fait du matin au
» foir que lamenter , gémir , & filer le parfait
» amour.
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