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.venu après. Luuvs-.Andronicusgrec de naiffance ,
leur montra la Comédie à. peu près telle qu’elle
■ étoit alors à Athènes, ayant des a&e.ursune.
a d io n , un noeud, un dénouement, c’eft à; dire, les
parties effencielles. Quant à l ’expreffion, elle fe
reffentit néceffairement de la dureté du peuple
romain , qui ne connoiffoit alors que la guerre &
les armes , & chez qui les fpedacies d’amufement
n’avoient d’abord été qu’une ’{orté de combat d’injures.
Andronicus fut fuivi de Mévius & d’Ennius
qui polirent le Théâtre romain de plus en plus ,
auffi bien que Pacuvius , Cêcilius, A ttiu s ; enfin
vinrent Plaute & Térence, qui portèrent la Comédie
latine auffi loin qu’elle ait jamais été.
Plaute ( Marcus-Adius-Piautus .),. né à Sarfine ,
v ille d’Ombrie , ayant donné la Comédie ; à
Rome immédiatement après les fatires, qui étoient
ides farces mélées de groffièretés, fe vit obligé de
facrifier au goût régnant. Il falloit plaire ; & le
nombre des connoiffeurs étoit fi p etit, que, s’il
n’eût écrit que pour e u x ,.i l n’eût point du tout
.travaillé pour le Public : d'ç là vient qu’il y a
dans fes pièces de mauvaifes pointes , des bouffonneries,
des turlupinades , de petits jeux de mots .
L ’oreille d’ailleurs n’étoit pas, de ion temps, affez
: fcrupuleufe ; fes vers font de toutes éfpèces & de
toutes mefures; Horace s’en plaint , & dit nette-
■ ment qu’il y avoit de la fottife à vanter fes bons
mots & la cadence de fes vers : mais ces-foeux défauts
n’empêchent pas qu’il ne foit le premier des
Comiques latins. Tout eft plein chez lui d’aétion,
de mouvement, & de feu : un génie aifé, riche ,
-naturel , lui fournit tout ce dont i l a befoin ; des
refforts , pour formerjes noeuds & les dénouer; dès
traits , des penféespour câractérifer fes acteurs ;
des expre fiions naïves , fortes.,* moelleufes , pour
rendre les penfées & les féntiments. Par deffus tout
£ e la, il a cette tournure .d’efprit qui fait le Comique
3 qui jette un certain vernis de ridicule fur
Jes çhofès ; talent qu’Ariftophane poffédoit dans
le plus haut degré : ion pinceau eft libre & hardi ;
fa latinité, pure , aifée, coulante : enfin c’eft un
Poète des plus riants & dés plus agréables.'Tl i
mourut l ’an 184 avant Jéfus-Ghrift. Entre les vingt
.comédies qui nous reftent de lu i, on.eftime fur-
tout fon Amphitryon, VÉpidicus, ècY A ululai re.
Les meilleures éditions de cet auteur font celles de
Dçj.uza, de Gruter , & de Gronovius.
Térence {Publius - Terentius , afer ) naquit à
.Carthage.en Afrique, l ’an de Rome ?60. 11 fut
efclave de Terentius 4 Lucanus, fénateur romain ,
qui le fit élever avec beaucoup de foin, & l ’affranchit
fort jeune : ce fénateur lui donna le nom
de Térence, fuivant la coutume, qui vouloit que
l ’affranchi portât le nom du maître dont i l tenoit fa
liberté.
Térence a un .genre tout différent de J?laute ;
fa/Comédie n’eft que le tableau de la vie bour-
geoife ; tableau où les objets font choifis avec
g o û t , difpofés ayjec art, peints avec grâce & avec
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I élégance. Décent partout , ne riant Qu’avec réfèrve
j6c modeftie , il femble être fur le théâtre , comme
-la Dame romaine dont parle Horace eft dans une
danfe facrée., toujours craignant la cenfure des
gens de goût ; la crainte d’aller trop loin le retient
en deçà des limites. Délicat, p o li, gracieux, que
n’a-t-il la qualité qui fait le Comique ! Utinam
feriptis. adj un cla foret vis comica ! C ’étoit Céfar
•qui fefoit ce voeu ; il gémiffoit, il féchoit de dépit,
maceror, de voir que cela manquoit à des drames
dune élocution fi parfaite. Térence étoit homme
trop bon pour avoir cette partie; car elle renferme
en foi , avec beaucoup de fineffe , un peu de malignité
; fovoir rendre ridicules les hommes , eft
un talent voifin de celui de les rendre odieux. Ce
Poète a imprimé tellement fon caractère perfonnel
a fes ouvrages , qu’il leur a prefque ôté celui de
leur genre. 11 ne manque à fes pièces , dans beau-r
CQup d’endroits , que l ’atrocité des évènements
pour être tragiques, & l ’importance pour être héroïques
; c’eft un genre de drames prefque mitoyen.
Rien de plus fimple & de plus naïf quev fon
ftyle ; rien en même temps de plus élégant. On
a foupçonné Lélius & Scipion l ’Africain d’avoir
peifeélionnë fes pièces, parce que ce Poète vi-
voit en grande familiarité avec ces jllufixes ro?
mains, & qu’ils pouvoient donner-lieu à ces foup-
çons avantageux par leur rare mérite & par la
fineffe de leur efpric. Ce qu’il y a de sûr, de
1 aveu de Cieéron, o?eft que Térence eft l’auteur
latin qui a le plus aproche de l ’Aitiçifme , c’èft
à dire , de ce qu’il y a de' plus délicat & de plus
fin chez les grecs, foit dans' le tour des penfées
fo-it dans le choix de l ’expreflîon. On doitlurtoift
admirer l ’art étonnant avec lequel il a fu peindre lés
moeurs & rendre fa nature ; on fait comme en pa#lç
Defpréaùx :
Çpntemplez de quel air un p è re , dans T é r e n c e ,
V ie n t d ’un fils amoureux gourmander l ’imprudence j
D e quel air cet amant écçiute fes le ço n s ,
E t co u r t che? fa mainrëfle oublier fes chanfons :
C e n’ eft pas u n p o r tr a i t , une image femblable ;
C ’ eft un amant', u n f i l s , un père véritable.
Térence fortit de Rome à 3? ans, & mourut dan?'
un voyage qu’il alloit faire en Grèce, vers l’an
160 avant Jéfus-Chrift. Suétone, ou plus tôt Donat,
a fait fa vie. Il nous refte de lui fix comédies, que
madame Dacier a traduites en françois , & qu’elle a
publiées avec des notes. M. l ’abbé le Monnier en
a donné récemment une Traduction nouvelle très—
eftim^ble, également accompagnée de notes très«,
intéreffantes. ’ '
Pqcquelin ( Jean-B_aptjfte ) , fi célèbre fous le
nom de Molière , né g Paris en 162.0, mort en
1673 , a tiré pour nous la Çomédie du chaos,
ainfi que Corneille en a tiré la Tragédie. I l fut
a&eur diftingué , Sç eft fieyenu ^n auteur jm*
mortel.
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. -Épris Je paffion porrr le Théâtre, il s’ajToçia
quelques amis qui avoient le talent de Ta déclamation
, & ils jouèrent au Faubourg S. Germain &
au quartier S. Paul. L a première piece régulière
que Molière compola fut 1 Etourdi, en cinq actés,
qu'if repréfenta â Lyon en 16$SI mai4s fes. 1P ^ "
cieufes ridicules commencèrent fa. gloire il alla
jpuer cette pièce à la Cour, qui fe trouvait alors
au Voyage des Pyrénées. De retour à Paris , il
établit une troupe accomplie de comédien^ formes;
de fa main , & dont il étoit 1 ame : mais il s agit ici
feulement de le confidérer du côte de fes ouvrages,
Né avec un beau génie, guidé par fes obferva-
tio'ns., par l ’étude des anciens , & par leur manière
fie mettre en oeuvré, il a peint la Cour & la
V i lle , la nature & les moeurs, les vices & les
ridicules, avec toutes les grâces de Térence, le
comique d’Ariftophane , le feu & l ’aéttvité de
Plaute. Dans fes comédies de caractère , comme
le Mifanthrope , le Tartufe , les Femmes f a rtantes
, c’eft un philofophe & un peintre admirable
; dans fes comédies d’intrigue , il y a une
foupleffe, une flexibilité , une fécondité de génie ,
dont peu d’anciens lui ont donné l ’exemple. Il a
fu allier le piquant avec le naïf, & le finguliei*
avec le naturel ; ce qui eft le plus haut point de
perfection en tout genre. On diroit qu iJ a choifi
dans fes maîtres leurs qualités eminentes ,-pour
s’en revêt h; éminemment ; il eft plus naturel qu Arif-
tophane , plus refferré & plus décent que Plaute ,
plus agiffant& plus animé que Térence ; auffi fécond
en refforts > auffi v if dans l ’expreffion, auffi moral
qu’auCùn des trois.
' Le Poète gtte fongeoit principalement à atta-^
quer ; c’eft une forte de fatire perpétuelle.^ Plaute
tendôit fürtôut à faire rire ; i l fe plaifoit à amufer & à jouer le petit peuple. Térence, .fi louable
par fon élocution, n’eft nullement comique ; ,6c
d’ailleurs, il n’a point peint les moeurs des romains,
pour lefquels il travailloit. JVloliere fait
tire les plus auftères ï il inftruit tout le monde;,
ne fâché perfonne ; peint, non feulement les moeurs
du fiêcle , mais celles de tous les états .& de
toutes lés conditions ; il joue la Cour,.le Peuple,
& la Nobleffe , les ridicules & les vices , fans
que perfonne ait un jufte droit de s’en offenfer.
On lui reproche de n être pas ■ Couvent heureux
flans fes dénouements, : mais là perfedion de cette
partie eft-elle auffi effencielle à l ’aftion comique ,
furtout quand c’eft unè pièce de caraélère , qu’elle
l ’eft â l’aftion tragique ? Dans la Tragédie , le
dénouement a.un effet qui reflue fur toute la pièce;
S’il n’eft point parfait, la Tragédie eft manquée.
Mais qu 'Harpagon avare cède fa maitreffe pour
avoir fa caffecte , ce n’eft qu’un trait d’avarice de
plus , fans Iq^uel toute ' laftomédie ne laifferoit
pas de fubfifterv
Quoi q u il en foit,-.fon convient généralement
p o È
que Molière eft l^e meilleur. Poète, comique de
toutes les nations du monde. Lé lefteur pourra
joindre'à* l ’éloge qu’on vient d’en faire, & qui
eft tiré de.s Principes de Littérature, les reflexions
de M. Marmontel, aux mots C omique &c
C om éd ie , " y
Cependant les meilleures pièces de Mollere
effuyèrent , pendant qu’il vécut, 1 amère critique
de fes rivaux , & lui firent des envieux de fes
propres amis ; c’eft Defpréaùx qui nous 1 aprend :
Mille def.es beaux traits , aujourdhui fi vantes,
Furent des focs efprics à nos ieux rebutés ;
L ’ignorance & l’erreur, à fes naiffantes pièces,
En habit de marquis, en robes de comtefles,
Venoient pour diffamer fon ehef-d’çeuyre nouveau»
Et fecouoienc la tête à l'endroit, le plus beau :
Le commandeur vouloir la fcène plus exacte,
Le vicomte indigné fortoit au fécond acte :
L ’u n , défenfeur zélé des bigots mis en jeu ,
Pour prix,,de fes bons mots, le condannoit au feu ,
L ’autre, fongueux marquis,, lui déclarant la guerre,
Vouloit venger la C o u r , immolce au Parterre.
Mais fi tôt que d,’un trait de fes fatales mains
La Parque l’eut rayé du nombre dés humains,
On reconnut le prix de fa mufe éçlipfe'e :
L ’aimable Comédie, avec lui terraffée, -
En vain d’un..coup fi rude efpéra revenir,
Et fur fes brodequins ne put plus retenir.
Épitre vij.
En effet , le Mifanthrope , le Tartufe -, les
Femmes- fuyantes, VAvare, les Précieiffes ridic
u l e s & le Bourgeois gentilhomme, font autant
de pièces inimitables. Toutes les oeuvres de Molière
ont été imprimées â Paris en 1734 j en fi v0"
lûmes in - A°\ mais cette belle édition eft fort
fufceptible d’être peifeélionnée à plufieurs égards.
Enfin j ! goûte tant cet excellent P o è te , que je
ne puis m’e.mpéclier d’ajouter encore un mot fur fon
aimable caractère.
Molière étoit un des plus honnêtesrbommes de
France , doux ,, complaifant, modefiey& généi*eux.
Quand Defpréaùx lui lut l’endroit de fa fécondé
fatire, où i l dit au vers 9 1 :
Mais un efpric fublime en vain veut s’ élever, &c 3
« Je ne fuis pas , s’écria Molière, du nombre
» de ces efprits fublimes dont vous parlez; mais
» tel que je fois ", je n’ai nen fait en nia vie don t je
» fois véritablement content ».
J’ai dit qu’il étoit généreux ; je ne citerai qu’un
trait pour le prouver. tJn pauvre lui ayant raporte
une pièce d’or qu’il lui avoit donnée par megarde ;
» Où la vertu .va-t-elle fe nicher I s’écria Mo-
» lière : tiens, mon ami, je te donne la piece ,
» & j’y joins cette fécondé de même valeur ; tu es
I » bien digne de ce petit préfent >?.