
faire connoître la nature de l ’objet défini, & à en
expliquer toutes les propriétés efiencielles ou accidentelles
; univerfalité, qui doit la rendre applicable
à ‘ toutes les efpèces comprifes fous le genre
défini, & à tous les individus de ces efpèces, fous
quelque forme qu’ils paroiflent ; propriété enfin, qui
la rend incommunicable à tout ce qui n’eft pas
Verbe. ( M. B e a u z é e . )
V E R B E U X , adj. Qui dit peù de cbofes en
beaucoup de paroles. Montaigne eft un des premiers
qui ayent employé re mot; il dit : » A bien-
» vienner , à prendre congé, à faluer, apréfenter
» mon fervice, & tels compliments verbeux des
0 lois cérémonieufes de notre civilité , je n: con-
» sois perfonne fi fotement ftérile de ce langage
o que moi. ( A n o n ym e . )
VERBIAGE , f. m. Amas confus de paroles
vides de- Cens. Il y a bien du Verbiage aux ieux de
la Logique & du bon fens. I l y a peu de poètes que
les règles févères de la Poéfie n’ayent fait verbiager
quelquefois. ( A n o n y m e . )
* VÉRITÉ RE LA TIVE , f. f. Belles-Lettres.
Poéfie. Dans l ’imitation poétique, la Vérité relative
eft fouvent contraire & toujours préférable à
la Vérité abfolue. Il n’eft pas néceflaire qu’une
penfée foit vraie en elle-même, mais qu’elle foit
l ’expreflion vraie de la nature. Il n’eft pas nécef-
faire qu’un fentiment foit celui du commun des
hommes , mais celui de tel homme dans telle
fituation. Chacun doit parler fon langage ; & c’eft
à quoi le faux goût 8c le faux efprit fe méprennent le
plus fouvent.
Un peintre qui , dans l’éloignement, peindroit
les objets dans tous leurs détails , avec leur forme >
leur couleur, & leur grandeur naturelle, expii-
meroit la Vérité abfolue, & n’obferveroit pas la
Vérité relative. Un poète qui feroit penfer jufte
tous fes perfonnages, rempliroit de Vérités un ouvrage
qui feroit faux d’un bout à l ’autre.
i l eft une Vérité relative aux pallions. Elles
exagèrent ; & l ’hyperbole qu’elles emploient fréquemment,
fenfible pour ceux qui écoutent , ne
l ’eft point pour celui qui parle : c’eft dans ce fens-
là que Quiutilien a dit qu’elle devoit être extra
fidem , non extra modum. Toutes les fois que
l ’expreffion die plus qu’on ne doit penfer naturellement,
elle eft fauffe; elle eft jufte toutes les
fois qu’elle n’excède pas l’idée qu’on a ou qu’on
peut avoir. C ’eft dans cette Vérité relative que
confifte la précifion de l ’hyperbole même ; car il
n’y a point d’exception à cette règle, que chacun
doit parler d’après fa penfée & peindre les chofes
comme il les voit. Celui qui foupiroit de voir
Louis X IV trop à l ’étroit dans le Louvre, & qui
difoit pour fa raifon ,
Une fi grande ma je fié
A trop peu de coure la. terre. *
le penfoit-il? pouvoit-il le penfer? Ceft la pierre
de touche de l’hyperbole.
C ’eft une maxime bien vraie en fait de goût,
qu’ on affoiblit toujours ce que Von exagère ; mais
exagérer, dans ce fens-là , veut dire aller au delà,
non de la Vérité abfolue, mais de la Vérité relative.
Celui qui exprime une chofe comme il la
fent n’exagère point ; i l rend fidèlement fon fentiment
ou fa penfée. L ’objet ,qu’il peint n’a pas
tous les charmes qu’il lui attribue ; le malheur dont
il eft accablé n’eft pas auffi grand qu’il fe l ’imagine;
le danger qui menace ton ami, famaîtrefle,
ce qu’il a de plus cher , n’eft ni auffi terrible ni
auffi preflant qu’il le croit : mais ce n’eft pas
d apres- la réalité même , c’eft d’apres fon imagination
qu’il les peint ; & pour en juger d’après
lui & comme lu i , on fe met à fa place. Ainfi,
dans l ’excès de la paffion, l ’hyperbole la plus in-
fenfée eft elle-même quelquefois l’expreffion de la
nature & delà Vérité.
L ’habitude, le préjugé, l’opinion font autant
de verres diverfement colorés, à travers lefquels
chacun de.nous voit les objets; la paffion eft un
microfcope. Le caractère modifié par tous ces accidents
doit donc modifier le fentiment & la penfée
; & c’eft, l ’expieifion fidèle de ces altérations
qui fait la Vérité desymoeurs. Il ne s’agit donc
pas de ce qui eft conforme à la droite raifon , mais
de ce qui eft conforme à l ’efprit 8c au caractère de
celui qui parle.
Rien de plus commun cependant que d’entendre
juger une penfée en elle-même, 8c décider qu’elle
eft fauffe par cela même qui la rend vraie. Voulez
vous qu’un homme infenfé raifonne Comme un
fage ? remettez à fa place ce qui vous paroît faux ;
alors vous le trouverez jufte.
Voici deux beaux vers de Corneille :
Et qui veut fout pouvoir, doit favoir tout ofer :
Et qui veut tout pouvoir, ne doit pas tout ôfer.
Lequel des deux eft vrai ? Chacun l ’eft à fa place;
& à la place l ’un de l ’autte, tous les deux feroient
faux.
Mors fummurn bonum, diis dénégation ,
a dit Sénèque; & cette penfée, folle dans la bouche
d’un fage, devient naturelle & vraie dans le
caraélère de Calypfo , malheureufe d’être immor-
telle.
S i la mort étoit un bien, dit Sapho , les
dieux n’en feroient pas exempts. Ceci eft d’un
naturel plus commun , mais n’en eft pas plus vrai;
car la mort, qui feroit un mal pour les dieux,
pourroit être un bien pour les hommes. ■
Quoiqu’ on vous dife , endure\ tout, difoit un
héros à fon fils. Quel héros y v a - t -o n s’écrier,
qui donne le confeil d’un lâche ! Oui ; mais ce
lâche étoit Ulyfle , qui alloit bientôt lui feul
exterminer tous les amants de Pénélope , & dont ,,
en attendant, le coeur rugifoit au dedans de lui-
même, comme un lion rugit autour d’une bergerie
OÙ. il ne/aurait pénétrer : c’eft ainfi que le peint
Homère.
Les fpartiates, dans leurs prières , demandoient
aux dieux de pouvoir fupporter l ’injure; & du
côté de la bravoure, les fpartiates nous valoient
bien. Notre point d’honheur eft le vice du héros
ôe Y Iliade ; 8c ce qui parmi nous déshonore un
foldàt , fut admiré dans Thémiftocle. La. valeur
grèque fe réduifoit à vaincre ou^ a mourir en
combattant pour la patrie ; & Homère, qui fait
effuyer tant d’injures a fes héros, n’a pas fait voir
une feule fois., dznsYIliade , un grec fuppliant dans
le combat, ni pris vivant par l ’ennemi.- .
Ce font ces différences nationales qu’il faut avoir
étudiées pour juger les moeurs du Théâtre. Que
penferions - nous , ' par exemple, du poète qui
feroit dire par le fier Alexandre, que c’efi acte
de roi que de fouffrir le blême pour bien fa ir e ?
Nous renverrions cette maxime a Fabius ; 8c cependant
elle eft d’Alexandre lui-même.
C’eft une Vé rité 'rare , en fait de moeurs , que
celle du cara&ère d’Achille , dans fon entrevue
avec Priant à le juger parles moeurs a&uelles,
il paroitroit bien étrange que le meurtrier d’Hec- I
tor s’établît le confolateur de fon père , & lui
tînt ce difeours-, qui , dans les moeurs antiques 8c ;
dans l’opinion de la fatalité, eft fi natuiel 8c fi
beau. » Ah I malheureux Prince, par quelles.
» épreüves avez-vous paffé ? Comment avez-vous
v ôfé venir feul dans le camp des grecs , & fou-
» tenir la préfence- d’un homme qui a- ôté la vie
» à un fi grand nombre de vos enfants , dont la
» valeur étoit l ’appui de vos peuples ? il faut que
.» vous ayez?'un coeur- d’airain. Mais affeyez - vous
» fur ce fiègé, -& donnons quelque trêve à notre
s> affliction. A quoi fervent les regrets & les plaintes ?
» Les dieux ^ont voulu que les chagrins 8c les
•» larmes compofaffent le tiffu de la vie dés nii-
.» férables mortels . . . Mon père en eft une preuve
» bien fignalée : les - dieux l’ont comblé de faveurs
» depuis fa naifiance ; fa fortune & fes richeffes
» paffent celles des plus grands rois . . . Il n’a de
» fils que moi, qui fuis deftiné à mourir à la fleur
» de mon âge , & qui, pendant le peu de jours
» qui me reftent, ne puis être près de- lui pour
» avoir foin de fa vieilleffe ; car je fuis éloigné
i> de ma patrie , attaché à une cruelle guerre fur
» ce rivage, & condanné â être le fléau de votre
» famille & de votre royaume, tandis que je laiffe
» mon père fans confolation & fans fecours. Et
» vous-même n’êtes-vous pas encore un exemple
» épouvantable de cette Vérité ? . . . Mais fup-
y portez courageufement votre? fort , & ne vous
n abandonnez point à un deuil fans bornes : vous
» n’avancerez rien, quand vous vous défefpèrerez
» pour la mort de votre fils ; 8c vous ne le rappeln
lerez point à la v ie : mais vous l’irez rejoindre,
» après avoir achevé de vider ici-bas la coupe de
1, la colère des dieux ». C ’eft là ce qu’ on appelle
les moeurs locales & la Vérité relative.
Le poète ne nous doit la Vérité abfolue, que
lorfqu’il parle lui-même, ou qu’il donne celui qui
parie pour un homme fàge , éclairé, vertueux
comme Burrhus , Alvarès, Zopyre: dans tout le
refte , il ne répond que de la Vérité relative', 8c
il,e ft abfurde de lui faire un crime de la fcéléra-
teffe d’Alrée, de Narciffe , ou de Mahomet. Ceft
pourtant là ce que ne manquent jamais de farce
les cagots, les délateurs , les calomniateurs des
talents , & fnrtout cette foule d’écrivains faméliques,
plus impudents , plus mépriÇables , plus
multipliés que jamais. ) { M . M A R M O N T E L . )
,(N .) V É R IT É , C AN D EU R ,FR A N CH ISE ,
N A ÏV E TÉ . Synonymes.
L a Vérité eft ferme & fans déguifement ; la
Candeur, douce & fans effort; la Franc Fiife ,
fimple & fans art ; la Naïveté, naturelle & fans
. affectation.
La Candeur eft dans les perfonnes feulement ;
la Vérité eft dans les chofes & dans les perfonnes;
la Franchife & la Naïveté, dans les difeours.
La Candeur tient à. l ’ âme ; la Naïveté,, au ca-
ra&ère d’efprit : la Candeur marque ce qu’on fént ;
la Naïveté, ce qu’on penfe : la Candeur fe laiffe
voir ; la Naïveté s’exp: isne.
La Candeur ne marque que des vertus agréables
; la Vérité peut en. marquer de rudes_ & de
fauvages: ,1 a Naïveté peut montrer des défauts ,
mais jamais des vices; St c’eft pour cela qu’on dit,
Une grofïièreté naive ; & qu’ on ne dit point, Une
méchanceté naïve. Foyc\ N a ï f , N a t u r e l . Syn.
N a ï v e t é , C a n d e u r , I n g é n u i t é . Syn. & S i n c
é r i t é , F r a n c h i s e , N a ï v e t é , I n g é n u i t é . Syn.
{ D ’A l e m b e r t . )
♦ VERS, f. m. Belles-Lettres. L e fentiment du
Rhythme nous eft fi naturel , que, chez les peuples
même les plus fauvages, la danfe & le chant
font cadencés. Or: la Poéfie ancienne , , dans fa
naiffance , étoit chantée : I l lu i tjuidem certum ,
omnem Poefin olim cantatam fai/fe (lfaac Vofi-
fius j. La parole , accommodée au chant , fut donc
auffi foumifeà la mefure & à la cadence. T e lle fut
l ’origine’ du Vers métrique des Anciens.
( 5 Tout Vers métrique n’ eft pourtant pas régulièrement
mefuré. Rappelons - nous d abord que ce
Vers étoit cômpofe de pieds; & le pied , de fyl—
labes, dont chacune étoit breve ou longue : la
brève, o , ne fefoit qu’un.temps dans la mefure;
la .longue , — , en valoit deux. La mefure à trois
temps étoit donc l ’ïamhe , u— ; le chorée , — v ;
& le tribrache , » u u. Les mefures à quatre temps,
les plus en ufage, étoient le fp on d é e ,-------le
dactyle , — u » ; & l ’ auapefte, u u — Avec lïn_