fécond , il faudra donc pareillement fubftituer le
Participe au Supin ; & pour ce qui eft de l ’auxiliaire
avoiry il doit, à caufe du double pronom
perfonnel, fe conjuguer lui-même par le fecours
de l ’auxiliaire être ; je me fu is eu , comme je
me fu is aimé- : mais ce fupin du verbe avoir ne
change point & demeure indéclinable , parce que
fon véritable complément eft le participe aimé x
dont il eft fuivi ( Voye\ Participe ) ; ainfi, aimer
fera très-analogique ment, j e me fu is eu aimé y ou
aimée*
Mais quelle eft enfin la nature de ces Tentpsy
que nous ne connoiffons quefous le nom de Pré-
té rit s furcompofés 1 L’un des deux auxiliaires y
cara&ériie , comme dans les autres, l ’antériorité ;
le fécond , fi nos procédés font analogiques, doit
defigner encore un autre raport d’antériorité, dont
l ’idée eft acceifoire à l’égard de la première qui
eft fondamentale. L ’antériorité fondamentale eft
relative à l’époque que l ’on envifage primitivement
y & l’antériorité acceifoire eft relative â un
autre évènement mis en comparaifon avec celui
qui eft direélement exprimé par le verbe, fous la
relation commune a la même époque primitive.
Quand je dis, par exemple, dés que j 'a i eu
chanté y j e fu i s parti pour vous voir; l ’exif-
tence de mon chant & celle de mon départ font
également préfentées comme antérieures au moment
ou je parle y voilà la relation commune à une
même époque primitive , & c’eft la relation de
l ’antériorité fondamentale : mais l ’exiftence de mon
chant eft encore comparée à celle de mon départ,
& le tour particulier, j'a i eu chanté y fert à marquer
que 1 exiftence de mon chant eft encore antérieure
à celle de mon départ, & c’eft l ’antériorité
acceifoire. |
C ’eft donc cette antériorité acceifoire, qui distingue
des Prétérits ordinaires ceux dont il eft ici
queftion ; & la dénomination qui leur convient
doit indiquer, s’i l eft pofiible, ce caractère qui
les différencie des autres. Mais comme l ’antériorité'
fondamentale de l’exiftence eft déjà exprimée par
le nom de Prétérit. , & celle de l ’époque par
l ’épithète d*antérieur; il eft difficile de marquer
une troifième fois la même idée , fans courir les
rilques de tomber dans une forte de battologie :
pour l ’éviter , je donnerois à ces Temps le nom
de Prétérits comparatifs, afin d’indiquer que
l ’antériorité fondamentale , qui conftitue la nature
commune de tous les Prétérits, eft mife en comparaifon
avec une autre antériorité acceifoire ; car
les chofes comparées doivent être homogènes. Or
i l y a quatre Prétérits comparatifs :
i . Le Prétérit indéfini comparatif., commt j 'a i eu
çhanté.
z. Le Prétérit antérieur fimple comparatif, comme
Pavois eu chanté.
3. Le Prétérit antérieur périodique comparatif,
çomme j'e u s eu chanté*
40. Le Prétérit poftérieur comparatif, comme
j'a ura i eu chanté*
I l me femble que les Prétérits qui ne font
point comparatifs font fuffifamment diftingués de
ceux qui le font, par la fupprelfion de l ’épithète
même de comparatifs ; car c’eft être en danger
de fe payer de p aroles, que de multiplier les noms,
fans nécelfité.^viais d’autre part on court rifque de
n’adopter que des idées confufes, quand on n’en
attache pas les caractères diftinétifs à un affez grand
nombre de dénominations •: ôc cette remarque me
détermineroic allez à appeler pofitifs tous les
Prétérits qui ne font pas comparatifs, furtout dans
les occurrences oà l ’on parleroit des uns relative*
ment aux autres. Je vas me fervir de cette diftinc-
tion dans une dernière remarque fur l ’ufage des
Prétérits comparatifs.
Ils ne peuvent jamais entrer que dans une pro-
pofition qui eft membre d’une période explicite ou
implicite : explicite y j'a i eu lu tout ce livre avant
que vous en eujjie\ lu la moitié ; implicite, j 'a i
eu lu tout ce jiv r e avant vous , c’eft à dire , avant
que vous l’eulfiez lu. Or c’ eft une règle indubitable
qu’on ne doit fe fervir d’un Prététit compara
tif y que quand le verbe de l ’autre membre de
la comparaifon eft à un Prétérit p o fitif de même
nom; parce que les termes comparés , comme je
l’ai dit cent fois , doivent être homogènes. Ainfi,
l’on dira.» quand j 'a i eu chanté y je fu is forti ;
f i j'avois eu chanté, je ferois forti avec vous ;
quand nous aurons été fo r tis , ils auront renoué
la partie ; &c. Ce feroit une faute d’en ufer autrement
, & de dire, par exemple, f i j'avois eu chanté;
je fortirois y &c.
A r t . VI. D e s T e m p s ccmfidérés dans les
Modes. Les verbes fe divifent en plufieurs modes}
qui répondent aux différents afpedts fous lefquels
on peut envifager la lignification formelle des
verbes ( Voye\ M o d e ). On retrouve dans chaque
mode la diftinéàion des Temps, parce qu’elle tient
à la nature indeftruCtible du verbe ( J^ot^ V erbe) :
mais cette diftindtion reçoit d’un mode à l’aùtre
des différences fi marquées, que cela mérite une
attention particulière. Les observations que je vas
faire à ce fujet ne tomberont que fur nos yerbes
françois , afin d’éviter les embarras qui naitroient
d’une comparailbn trop compliquée ; ceux qui
m’auront entendu & qui connaîtront d’autres langues,
fauront bien y appliquer mon fyftême &
reconnoître les parties qui en auront’ été adoptées
ou rejetées par les différents ulages de ces idiomes.
Nous avons fix modes en françois ; l ’Indicatif,
l ’ Impératif, le Suppofitif, le Subjondtif, l ’Infinitif,
& le Participe ( Koye\ ces mots ) ; c’eft l ’ordre que
je vas fuivre dans cet article.
§. t. Des Tem ps de l'Indicatif. Il femble que
l ’ Indicatif foit le mode le plus naturel & le plus
néceffaire : lui feul exprime directement & pureme
«t la propofîtion principale ; & c’eft pour cfela
que Scaliger le qualifie folus modus aptus feien-
tiiSy folus puter veritatls ( D e cauj. Ling. lat*
cap» cxvj). Audi eft-ce le feul mode qui admette
toutes les efpèces de Temps autorifées dans chaque
langue. Ainfi, il ne s’a g i t , pour faire connoître
au iedteur le mode indicatif, que de mettre fous
(es ieux le fyftême figuré des Temps que je viens
d’analyfer. Je mettrai en parallèle trois verbes ; lut*
fimple , empruntant l’auxiliaire avoir ; le fécond
également fimple, mais fe fervant de l ’auxiliaire
naturel être ; enfin le troifième pronominal, & pour
cela même différent des deux autres dans la formation
de fes Prétérits comparatifs.
Ces trois verbes feront chanter, arriver, fe
révolter*
SYSTÈME DES T E M P S DE L’ INDICATIF.
INDEFINI
DÉFINI
’ fimple,
périodique,
antérieurs ^
poftérieur
antérieurs J
poftérieur '
■ fimple ,
périodique ,
f fimple ,
L périodique ,
’ ntérieurs J
i poftérieur
‘antérieur
■ poftérieur
4 antérieur
^ poftérieur
antérieur
I.
j e chante,
j e chantois.
•j e chantai•
j e chanterai.
mm . ï**
J7. y avois afe
l eus . Sv
j'aurai *
j'a i eu
j avoi. s eu afe
j'e u s eu
j'aurai eu
. . fe.
j e viens £
je venais §
j e viendrai p
I I .
j'arrive,
j'arrivois.
j'arrivai.
f i arriverai*
i m
je me révolte.
j e me révoltois.
me révoltai.
j e me révolterai.
j e fu is je me fuis
j'é tois g § j e m'étois
j e fu s j e me fu s
j e ferai j e me ferai
j 'a i été - ^ j e me fu is eu
j'avois été
j'e u s été
S 3. j e m'étois eu
îé® j e me f u s eu
j'aurai été ? j e me ferai eu
je viens
.*■
j e viens
j e venois Üç] n 1
j e venois
j e viendrai
§. z. D e s T e m p s de l'Impératif. J’ai déjà
prouvé que. notre Impératif a deux Temps ; que
le premier eft un Préfent poftérieur, & le fécond
un Prétérit poftérieur ( J^oye^ I m p é r a t i f ).
J’avoue ici que , malgré tous mes efforts Contre
les préjugés de la vieille routine , je n’ai pas diffipé
toute l ’iflufion de la maxime d’Apollone (lih. T ,
cap. xxx ) , qu’On ne commande pas les chofes
préfentes ni les pàjfées. Je penfois que ce qui avoit
trompé ce grammairien, c’eft que le raport de
poftériorité etoit effenciel au mode impératif; je
ne le crois plus maintenant, & voici ce qui me
fait changer d’avis. L ’Impératif eft un mode qui
ajoûte à la lignification principale du verbe l ’idée
acceifoire de la volonté de celui qui parle : or
cette volonté peut être un commandement abfolu ,
un défîr, une permiffion, un confeil, un fimple
aquiefeement. S i la volonté de celui qui parle eft
un commandement , un défir , une permiffion , un
confeil ; tout cela eft néçeflairement relatif à une
époque poftërieure , parce qu’il n eft poffibie de
commander, de défirer , de permettre , de confeil-
ler que relativement à l’avenir : mais fi la volonté
de celui qui parle èfi un fimple aquiefeement ;
i l peut fe raporter indifféremment a toutes les
époques , parce qu’on peut également aquiefeer
à ce qui eft adtuel, antérieur , ou poftérieur à l ’égard
du moment où Fon s’en explique.
Un domeftique, par exemple , dit à fon maître
qu'iP a gardé la maifon , qu’ z7 n e jl p as f o r t i ,
u il ne s'efi pas enivré; mais fon maître, piqué
e ce que néanmoins i l n’a pas fait ce qu’i l lui
T 1 1 z