métaphyfîque , qui écarte du point de vue tout ce
qu'on veut détacher du fujet qu'on traite ; elle le
mutile un peu , mais elle contribue quelquefois à
la découverte de la vérité , & quelquefois elle entraîne
dans l ’erreur : il s'en faut donc fervir, mais en
même temps s’en défier.
I l me femble que la Précijion a plus de raport
aux chofes , qu’on peut non feulement confidérer à
p a r t, mais qu'on peut auffi concevoir être l'une
fans l'autre ; telles que feroient, par exemple ,
l'aumonc & l ’efprit ae charité. Il me paroît que
Y Abflr action regarde plus particulièrement les
chofes qu'on peut à la vérité confidérer a part, mais
qu’on ne fauroit concevoir être l ’une fans l ’autre ;
telles que font, par exemple, le corps & l'étendue.
Ainfï, le but de la Précijion eft de ne point fortir
<!u fujet, en éloignant pour cet effet tout ce qui
lui ell étranger ; & celui de l 'Abjîraction eft de
ne pas entrer dans toute l ’étendue du fujet, en
n’en prenant qu'une partie fans aucun égard à
l ’autre.
I l n'y a point de fcience plus certaine ni plus
claire que la Géométrie , parce qu'elle fait des
Précifions exaétes ; on y a cependant mélé certaines
Abjlraclions métaphyfiques , qui font que
les géomètres tombent dans l'erreur comme les
autres, non pas à la vérité quand il eft queftion
de grandeur & de mefure , mais quand il eft queftion
de rhyfîque.
On ne fauroit fe faire des idées trop précifes ;
mais i l eft quelquefois dangereux d’en avoir de
trop abjî-raites. Les premières font la voie la plus
sure pour aller au vrai dans les fciences, & au but
dans les affaires; au lieu que les fécondés fbuvent
nous en éloignent.
La Précijion eft un don de la nature né avec
l ’efprit : ceux qui en font doués font d’un excellent
commerce pour la converfàtion ; on les écoute avec
plaifir , parce qu'ils écoutent aufïi de leur côté ;
ils entendent également ce qu’on leur d it, comme,
ils font entendre ce qu’ils difent. L ’ AbJlraction eft
un fruit de l ’étude, produit par une profonde application
: ceux à qui elle eft familière, parlent
quelquefois avec trop de fubtilité des chofes communes
; les fujets fimples & naturels deviennent,
dans leurs difcours, très-difficiles a comprendre par
la manière dont ils les traitent.
Les idées précifes embellirent le langage ordinaire
; elles en font, félon moi , le fublime. Les
idées abjîrdites y font fatigantes; elles ne me paroif-
fent bien placées que dans les écoles, ou dans certaines
converfations favantes.
On exprime , par des idées précifes, les vérités
les plus fimples & les plus fenfibles : mais on ne peut
fouvent les prouver que par des idées tr ès- abjîr ai te s»
(L ’abbéGirard. )
P R É D IC A T IO N , SERMON. Synonymes.
,Qn s’applique à la Prédication , & l ’on fait un
Sermon : l'une eft la fonction du prédicateur, l'autre
eft fon ouvrage.
Les jeunes eccléfiaftiques qui cherchent à briller
s attachent à la Prédication^ & négligent la fcience.
L a plupart desSermons font de la troifièmemain dans
le débit; l'auteur & le copifte en ont fait leur profit
avant l'orateur.
Les difcours faits aux Infidèles pour leur annoncer
1 Evangile, fe nomment Prédications. Ceux qui font
, faits aux Chrétiens pour nourrir leur piété , font des
Sermons.
Les apôtres ont fait autrefois des Prédications
remplies de folides vérités. Les prêtres font au-
jourdhui des Sermons pleins de brillantes figures.
( L ’abbé Gir a r d . )
L e miniftère de la Prédication eft réfervé a l ’explication
des dogmes ou à la perfuafion des préceptes;
& non pas à ces Sermdns d’éclat, où l ’imagination
a plus de part que la raifon, & où l'orateur
fonge moins à édifier qu’à plaire.
Prédication fe dit au figuré de ce qui en peut
tenir lieu : la vertu de nos ancêtres eft une Pré-
di cation perpétuelle & une cenfure muette des vices
du fiècle.Sermon , au figuré, feprend ordinairement
pour une remontrance longue & ennuyeufe. (L e chevalier
DE JauçouRT. )
P R É F A C E , f, f. Littérature. Avertiflement
qu'on met au devant d’un livre , pour inftruire le
leéteur de l ’ordre & de la difpoution qu’on y a
obfervés, de ce qu’il a befoin de favoir pour en tirer
de l ’utilité & lui en faciliter l ’intelligence. Voye£
L iv r e .
Ce mot eft formé du latin prae & fa r t , c’eft à dire,
parler d3avance.
I l n’y a rien qui demande plus d’art & en quoi
les auteurs réuffiffent moins pour l ’ordinaire, que
les Préfaces. Én effet, une Préface eft une
pièce qui a fon goût, fon caractère particulier qui
la fait diftinguer de tout autre ouvrage : elle n’eftni
un argument, ni un difcours , ni une narration, ni
une apologie. ( A nonyme.)
(N . ) PREMIER, PRIMITIF. Synonymes,
Si l ’on conçoit une fuite de plufieurs êtres qui
fe fuccèdent dans un certain efpace de temps ou
d’étendue ; celui de ces êtres qui eft à la tête de
cette fuite, qui la commence, eft celui que l ’on
appelle pour cela même Premier ou P r im itif f
les idées açceffoires qui différencient ces deux mots,
en font difparoître la fynonymie.
Premier fe dit en parlant de plufieurs êtres ,
réels ou abftraits, entièrement diftingués. les uns
des autres, mais que l ’on envifage feulement comme
appartenants à la même fuite. Primitif fe dit en
parlant des différents états fucceffifs d’un même
être.
L ’enchaînement des révolutions occasionnées par;
les évènements & préparées par les paillons , ramène
enfin Rome à fon gouvernement primitif , qui etoit
monarchique. Depuis qu’elle eut chaffé les rois
jufqu’au temps où elle fut affervie par les empereurs,
elle fut gouvernée par deux chefs fous le
nom de Confuls, dont l ’autorité fuprême étoit
annuelle : les deux premiers furent L. Junius-
Brutus & L. TarquÎDius-Coilatinus.
La langue que parloient Adam & Ève , eft la
première de toutes les langues :'- & .fi les différents
idiomes qui diftinguent les nations ne font que
différentes formes de cette langue , elle eft auffi
la langue primitive du* gerfre humain ; on peut
appuyer cette opinion par bien des preuves.
Si l'on ne comparoit que les moeurs des premiers
Chrétiens avec les nôtres, & la difeipline rigou-
reufe de TÉglife primitive avec l ’indulgence que
l ’Églife d’aujourdhui eft forcée • d’avoir ; on feroit
tenté de croire que nous n’avons pas eonfervé la
religion des premiers fiècles : & c'eft par ce fo-
phifime que les novateurs ont féduit les peuples ,
en leur cachant ou leur déguifant les preuves invincibles
de l’immortalité de la doéhine primitive, &
d e l’indéfeétibilité del’Églife qui en eft dépofîtaire.
(M . B e AU ZÉ e . )
P R É N O M , T. m. TJ f ig e des romains. Le
Prénom ( Prænomen ) étôit un nom qui fe mettoit
devant le nom de famille ; i l revient à notre nom
propre, qui fert à diftinguer les frères d’une même
famille , quand nous les appelons Pierre , Jean ,
Louis.
Le Prénom ne fut introduit chez les romains
que long temps après Te nom de famille , qu'ils
avoient coutume d’impofer aux enfants, le neuvième
jour après leur naifiance pour les garçons , & le
huitième pour les filles ; on les reconnoiffoit pour
légitimes par cette cérémonie, mais on ne leur
donnait le Prénom que lôrfqu’ils prenoiént la
rob'e viriley ç’eft à dire , environ à l’âge’ de dix
fept ans. Le Prénom du père fe donnoit ordinairement
au fils aîné ; & celui du grand-père & des
ancêtres au fécond fils , & aux autres fuivants.
I l faut encore remarquer qu’il n’y avoit que les
gens d’une condition libre qui euffent un Prénom ,
ou, comme l ’on dit, un nom avant le nom propre
, tels que Marcus, Quintus, Publius ; c’eft pour
cette raifon que les efclaves, une fois affranchis &
gratifiés des faveurs de là fortune, ne manquoient
pas de prendre ces Prénoms , & d’être enchantés
qu’on les dSftinguât par ces Prénoms. Perfe dit i
Mémento tuvbinis ex.it
Marcus Dama.
« de Dama qu’il é toit, il devint auffi-tot Marcus
» Dama ». Ces Prénom s Marcus, Quintus , Pu-
klius ?.& c } étoient pouf ces gens-là , ce que le Mori-
fèïgneur eft aujourdhui pour un évêque-. Cicéron
nous aprend que les Prénoms avoient une forte
de dignité , parce qu’on ne les donnoit qu’aux hommes
&c aux femmes d’une certaine naifiance. ( Le
chevalier DE JAV COURT.)
( N . ) P R É O C C U P A T IO N , f. f. Quelques
rhéteurs donnent ce nom à la figure que nous avons
défîgnée par celui de Prolepfç. ( P~oye^ ce mot. )
Nous préférons ce dernier, parce que l ’autre a ,
dans l ’ufage ordinaire , un fens qui va être apprécié
dans Y article fuivant, & qui pourroit quelquefois
faire équivoque. ( M. B e AUZÉe . )
* PRÉOCCUPATION, PR ÉV EN T IO N ,
PRÉJUGÉ. Synonymes.
( ^ Tous ces termes expriment une difpofition
intérieureoppofée à la connoiffance certaine de
la vérité. L a P réoccupation & la P révemion font
des difpofitions, qui empêchent l'efprit d’aquérir
les connoiffances néceffaires pour juger régulièrement
des chofes : avec cette différence, que la
Préoccupation eft dans le coeur , & qu’elle le
rend injufte; au lieu que la Prévention eft dans
l ’efprit , & qu’elle l'aveugle. Le Préjugé eft un
jugement porté précipitamment fur quelque .objet,
après un exercice infuffifant des facultés, intellectuelles'.,
.
I l femble que l ’amour propre foît le premier
principe de la Préoeçupation : un homme préoccupé
ne connoît rien de fi vrai que fes idées, rien
de“fi folide que fes fyftêmes , rien de fi raifonnable
que fes goûts , rien de fi juftë que de fatisfaire
fes pallions, rien de fi équitable que de fàcrifîer
tout à fes intérêts. La pareffe femble être le premier
principe de la Prévention : il eft trop pénible
pour un parefleux , d’examiner par lui-même
& de ne fe décider que d’après dés réflexions trop
lentes ; il aime mieux fe déterminer par l'autorité
de fès maîtres , par l ’approbation des perfonnes
qui font un certain bruit dans le .monde, par les
ufages que la coutume a■ autorifés , • par les ,habitudes
que l'éducation lui a fait prendre. Les P r é jugés
naiffent de l ’une dé ces deux fources : les
uns viennent de trop de confiance en fes propres
lumières , cè font des effets de la P réoeçupation y
les autres viennent de trop de .confiance aux lu mières
d’autrui , ce font des effets de la Prévent
i o n ces deux dilpofitions fe fortifient enfuite par
les Préjuges mêmes qu’elles ont fait naître : & Ton
voit enfin la P réoccupation dégénérer en brutalité;
& la Prévention , en opiniâtreté.
Il eft néceffaire d’être en garde contre les décî-
fions de Tamour propre, pour nepas fe préoccuper
injuffement. Il eft fage de fulpendre fon jugement
fur les infinuations du dehors, pour ne pas fe laiffer
prévenir aveuglément. I l eft raifonnable d’examiner
mûrement, pour ne pas fe remplir l ’efprit de
Préjugés , dont on a enfuite bien dé,la peine à Ce
défaire, ou dont on né fe détrompe jamais. )
( M. B e a u z é e . )