
riorité eft effencielle à l ’autre : voilà un ordre que
l ’on peut envifager , ou en allant du premier terme
au fécond, ou en allant du fécond au premier ;
la première confidération eft direfte, la fécondé
eft inverfe : Auguftus v ic it, vicit Anionium , &
par conféquent, Augujlus vicit Antonium, c’eft
l ’ordre direct ; Antonium v ic it, vicit Augujlus ,
& conféqueroment Antonium vicit Augujlus ,
c’eft l ’ordre inverfe : l ’un & l ’autre confervent
l ’image des liaifons naturelles , mais il n’ y a que
le premier qui foit aufli l ’ordre naturel des raports ;
i l eft renverfé dans le fécond. Enfin la difpofî-
tion des mots d’une phrafe peut être telle qu’elfe
n’exprime plus ni les liaifons des idées, ni l ’ordre
qui réfulte de leurs raports; ce qui arrive quand
on jette entre deux corrélatifs quelque mot etranger
au raport qui les unit : il n’y a plus alors
ni conftruârion directe ni inverfîon ; c’ eft l ’Hyper-
bate : Antonium Augujlus vicit ( Voye\ Inversion
, H yperbate ). Il y a des langues où l’ufage
autorife également ces trois fortes de phrafes ; ce
font des raifons de goût qui en ont déterminé le
choix dans les bons écrivains ; & c’eft en cherchant
à déméler ces raifons fines que l ’on aprendra à lire :
chofe beaucoup plus rare que l ’amour-propre ne
permet de le croire.
3°- Enfin, par raport au fens particulier qui peut
dépendre de la difpofition des parties de la Propoji-
tio n , elle peut être ou fimplement expofîtive ou interrogative.
La Propojition eft fimplement expoJitivey quand
elle eft l’expreflion propre du jugement aâruel de
celui qui le prononce : Dieu a créé le ciel & la
terre : Dieu ne veut point la mort du pécheur.
La Propojition eft interrogative, quand elle eft
l’exprefiion d’un jugement fur lequel eft incertain
celui qui la prononce , foit qu’il doute fur le fujet
ou fur f’attribut, foit qu’il foit incertain fur la nature
de la relation du fujec à l’attribut : Qui a créé le
c iel & la terre .? interrogation fur le fujet : Quelle
e jl la doctrine de VÉglifefur le culte des Saints? . interrogation fur l’attribut : Dieu veut-il la mort
du pécheur? interrogation fur la relation du fujet à
l’attribut.
Tout ce qu’enfeigne la Grammaire eft finalement
relatif à la Propojition expofîtive , dont elle
envifage furtout la compofîtion : s’il y a quelques
remarques particulières fur la Propojition interrogative
, j’en ai fait le détail en fon lieu. Voye^ I nt
e r r o g a t i f . [M . B e a u z é e . )
(N .) PROPRE , adj. Ce terme, dans l’ufage
ordinaire, a deux fens différents : par le premier,
il marque aptitude ; par le fécond, apartenance.
Quand Propre marque aptitude, il régit fon
complément au moyen de la prépofition à ou de
la prépofition pour : ainfi, l’on d it, Un homme, propre à la guerre ou pour la guerre , Une herbe
propre à guérir ou pour guérir {le? plaies* Si
toutefois le complément étoit un infinitif a&if pris
dans le fens paflif, on ne pourroit alors faire ufàge
que- de la prépofition à , & jamais de pour ; on
dit donc , Des fruits propres à confire & non
pour confire, c’eft adiré, à être confits : l'adjectif
Propre fe conftruit alors comme tous les autres
adjeétifs en pareil cas; car on dit de. même y bon
a manger, beau à voir, utile àJ,'avoir, fou à lier.
des fruits prêts à cueillir, &c.
Quand Propre marque apartenance , le P . B o u-
hours , de qui j’ai emprunté ce qui précède ( Rem.
nouv* tom. i , pag. 450 ) , fondent qu’il prend
encore à après fo i , & ajoute, en exemple, qu’en
parlant des femmes on dit, La pudeur ejl une vertu
propre à leur fexe, II me femble que cette phrafe
voudroit dire que cejl_ une vertu convenable à
leur fexe, ce qui marque aptitude ; mais que ,
pour faire entendre qu’elle apartient fpécialement
à leur fexe, il faut dire, La pudeur ejl une vertu
proprz de leur fexe : la raifbn en eft que de leurfexi
• eft alors complément de vertu, & non pas de pro
pre y & c’eft comme fi l ’ondifoit, La pudeur ejl une
vertu de leur fexe auquel elle apartient fpéciale
ment.
Dans le langage grammatical , Propre , avec
le fens d’apartenânee, s’emploie en plufieurs rencontres
comme terme technique.
i° . On diftingue les Diphthongues propres des
Diphthongues impropres P'oyt^ Diphthongue & Impropre.
On diftingue les Noms propres des noms
appellatifs. Uoye^ N om & A ppellatif.
3 • On diftingue le Sens propre des Mots de leur
fens figuré. Proye\ Sens , Gramm. n°. I.
4°. On diftingue les Termes propres des Termes
impropres. Voye\ Impropre.
On appelle Termes propre y celui qui énonce
précifément le fens qu’on a prétendu faire entendre ;
ce qui fuppofe, dans celui qui parle ou qui écrit,
une connoiffance réfléchie des mots dont il fait
ufage, & une grande attention dans le choix qu’il
en fait.
I l eft aifé de fe méprendre furies Termes pro»
près d’une langue étrangère, à laquelle on n’eft
pas encore affez habitué : de là vint la méprife
d’un écoffois, qui depuis a donné en françois d’excellents
ouvrages, mais qui, dans le commence-*
ment de fa réndence parmi nous., éefivoit à Féné-
lon : Monfeigneur , vous ave\ pour mof des
boyaux de père, au lieu de Site des entrailles.
Dans fa langue même , un bon écrivain fe méprend
quelquefois fur les Termes propres.Corneille [Pompée
, I I I , 1 ) dit que Céfar
Met 4es gardes partout & des ordresfecrets :
« cela eft impropre, dit Voltaire ; on met des gardes»
» & on donne des ordres ».
Boileat*
"Boileau lui-même , ce poète fl correéf, qui nous
dit avec raifbn , •
•Surtout qu’en vos écrits la langue révérée
D an s vos plus grands excès vous fo it toujours facrée j
Boileau n’a pas toujours choifi le terme propre ,
foit qu!il n’y fît pas affez d’attention , foit que la.
contrainte du vers lui ait paru devoir exeufer fes
négligences. Dans la fatire V ïii ( 139— 14 1 ) , voici
comme il s’exprime :
E t que fe rt à C o t in la raifon qui lui c r ie ,
ce 'N’ écris p lu s , guéris-toi d’ une v a in e furie» ;
S i tous ces vains con feils, lo in de la réprimer,
N e fo n t qu’ accroître en lu i la fureur de rimer î
« Furie n’eft pas ici le terme propre, dit l’Académie
françoife, dans des Remarques qu’elle a
faites fur ce' poète; » on ne dit pas avoir Xa fu r ie ,
» mais la fureur : l ’auteur l ’emploie dans le fécond
» vers fiiivant, parce qu’il n’avoit pas befoin àtfurie
» pour la rime »,
Ce n’eft pas toujours la gêne de la verfification
qui fait manquer le terme propre , puifque de bons
écrivains en profe tombent quelquefois dans cette
faute. Je n’en citerai qu’un exemple de M. de la
Rochefoucault, qui fera plus que fuffifant pour
infpirer à cet égard beaucoup de circonfpe&ion à
tous ceux qui fe mêlent d’écrire. Vintérêt , dit-il,
( Rèfl. 3 p ) parle toutes fortes de langues & joue
toutes fortes de perfonnages , même celui de dés-
intérejfé. Le mot langues n’eft pas le terme propre
; l ’intérêt ne donne pas le don des langues,
mais i l parle ou fait parler toutes fortes de lan-
gages.}
« L ’on doit, dit la Bruyère ( Caracl. I ) , avoir
» une diétion pure & ufer de termes qui foient
» propres, i l eft vrai : mais il faut que ces termes
» fi propres expriment des penfées nobles , vives ,
» folides, & qui renferment un très-beau fens. C ’eft
» faire de la pureté & de la clarté du difeours un mau-
» vais ufage., que de les faire fervir à une matière
» aride, infruétueufe , qui eft fans f e l , fans utilité,
» fans nouveauté. Que fert aux lecteurs de com-
» prendre aifément & fans peine des chofes frivoles
j>| & puériles, quelquefois fades & communes , &
» d’être moins incertains de la penfée d’un auteur,
» qu’ennuyés de fon ouvrage » ?
f° . On diftingue les termes propres 8c les propres
termes. Voye-{ T e r m e s p r o p r e s , P r o p r e s
TERMES , fy n . [M . B E A U Z É E . )
* PROPRIÉTÉ , f. f. Ter me de Grammaire.
( ^ On diftingue i° . la Propriété des langues, 20. la
Propriété des mots , 3°.-la Propriété des termes,
4°. la Propriété du ftyle.
’ I. La Propriété des langues confîfte dans la réunion
des caractères fpécinques qui les diftinguent
le s unes des autres , par raport aux procédés qui
G r a m m . e t L i t ^é r a t . Tome III*
font ou peuvent être communs à to u tes; par exemp
le , p ar rap o rt aux genres , aux, nombres , aux
cas, à la co n ju gaifo n , à la fyntaxe , à la conf-
trudtion , à l ’ufage. des figures : & c’eft com m uném
ent de ces différences que naiffent les idio tifn e s,
ou manières" de p a rle r propres à chaque lan g u e.
Voye\ Idiotisme.
P ar rap o rt aux genres , i l .y a des la n g u e s,
com m e le françois , l’italien , i ’elp ag n o l , fée ,
qui en ont admis deux, le m afculin & le fém in in ,
a au tre s, com m e le la tin , le g r e c , l ’a llem a n d ,
,.o nt ajouté le neutre à ces deux prem iers ; i ’an -
g lo isn ’a admis aucune diftinétionde genres p o u r les
noms ni pour les adjedtifs.
P ar rap o rt aux nombres , la plu p art des lan g u es
en ont deux , le fingulier & le p lu rie l ; mais q u e l-
ques-UQes, com m e l’hébreu, le grec , le la p o n , Ç/c ,
font q u elque ufage d’un troifièm e nombre , qu i eft
le d u e l.
L es noms & lés adjeétifs on t q uatre cas en a lle mand
, cinq en g re c , fix en la tin , dix en arm énien
, treize dans la langue lap o n e ; ils en ont
dans le bafqué autant qu’on y a reconnu de raports
dont fes noms peuvent être les term es con-
léquents , & l ’ufage. des prépofîtions y eft inconnu ‘w
au contraire , dans nos langues m odernes du m idi de
l ’E urope, on ne connoît que des prépofîtions & p o in t
de cas pour les noms & les ad jeâifs.
L a langue, fran q u e, qui fe p arle dans les échelles
du L e v a n t, ne connoît des verbes que le préfent
de l’infinitif ; & les idées accefloires de perfonnes ,
de nom bres, de tem p s, de m odes, e lle les ex p rim e
p a r des m ots exprès qu’e lle y ajoute : les autres
langues exprim ent ces idées acceffoires par dés
inflexions 6c des term inaifons analogiques , dont le
fyftême entier form e la conjugaifon ; mais par
rap o rt à cet objet m êm e, il y a bien de la différence
d’une langue à l’autre. L e péruvien adm et
deux p rem ières perfonnes plurièles-, & les autres
langues n ’en ont qu’une : le grec a un m ode o p ta
t if , qui ne fe trouve p o in t ailleurs : le grec 8c'
le la tin o nt des prétérits Amples différenciés p a r
des inflexions & des term inaifons , &, nos langues
modernes n’ont que des prétérits com pofés au
m oyen de certains verbes auxiliaires : l ’hébreu 8c
le la p o n ont différentes manières de conjuguer le
m êm e verbe, félon la différence des fens acceffoires
qu’on ajoute à la lignification prim itive , ce qu’on
p eu t regarder com m e autant de voix ; le grec 8c
le latin n’ont que la voix attiv e & la voix pafllve ;
& nos langues m odernes ne rendent le fens p aflif
que par des circonlocutions.
Q u an t à la fyntaxe , c’eft encore la même chofe :
la p lu p a rt des langues font accorder T ad jeârif
attrib u t du verbe fubftantif, avec le fujet de ce verbe *
l ’a llem an d , dans ce cas, ne l ’em p lo ie que fous
lâ form e adverbiale: prefque tous les idiomes ont
des adje&ifs poffeflîfs ; -l’hebreu , le lap o n , le péruvien,
exprim ent ces idées par des a fixes qu’ils joignent aux noms. Afejxe.
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