
C e. Ce mot eft un vrai nom, lorsqu’il eft
employé pour énoncer par lui-même un être
déterminé, ce qui arrive chaque fois qu’il n’accompagne
& ne précède pas un autre nom avec lequel
i l s’accorde en genre & en nombre, comme quand
on dit CE que vous penfe\ eft fa u x , CE qui fuit
eft bon, ce feroit une erreur de le croire , eft-CE
la coutume ici d‘applaudir pour des fottifesl ce
n eft pas mon avis. En effet, ce , dans tous ces
cas , exprime un être général ■: & la lignification
vague en eft reftreinte ou par quelque addition
faite enfuite-, comme dans les quatre premiers
exemples ; ou par les circonftances précédentes du
difcours, comme dans le dernier, où ce indique
ce qui eft fuppofé dit auparavant. Ce ne détermine
pas un être par fa nature , mais il indique un être
dont la nature eft déterminée d’ailleurs : & voilà
pourquoi on doit le regarder comme un nom général
qui peut défigner toutes les natures , par la
ailbn même qu’il luppofe une nature connue, &
qu’il n’en détermine aucune ; i l tient lieu , fi l ’on
veut , d’un nom plus déterminatif, dont on évite
par là la répétition ; mais i l n’eft pas Pronom pour
c e la , parce que ce n’eft pas en cela que confifte la
nature du Pronom. Ceci , Cela. Ces deux mots font encore deux
noms généraux qui peuvent défigper toutes les natures
, par la-raifon qu’ils n’en déterminent aucune,
quoique dans i’ufage ils en fuppofent une connue.
Tout le monde connoît ce qui différencie ces deux
mots. P erson n e eft un nom qui exprime principalement
l ’idée d’homme , & par acceffoire l ’idée de
la totalité des individus pris diftributivement: P erso
n n e ne Va d i t , c’eft à dire, AUCUN HOMME
ne Va d i t , ni Pierre, ni P a u l, ni , &c. Ruif-
que l ’idée & homme eft la principale dans la lignification
du mot perfonne , ce mot eft donc un nom
comme homme. Nous dilons en latin nemo ( personne
ne ) , & il eft évident que c’eft une contraction
de ne homo , où l ’on voit fenfiblement le
nom homo. Nous difons SONNE en françois, Une PERm'a
dit; c’eft très-évidemment le même
m o t, non feulement quant au matériel, mais
quant au fens; c’eft comme fi l ’on difoit un indi-.
vidu. de Vefpèce des hommes m a dit ; & tout
le monde convient que perfonne, dans cette phrafe,
eft un nom : mais dans perfonne ne Va dit, c’eft encore
le même nom employé fans article, afin qu’il loit
pris dar\s un iens indéterminé ou général, nul individu
de Vejpèce des hommes ne Vil dit. Q uiconque. C’eft un nom conjonétif, équivalent
à> tout homme qui; & c’eft à caufe de ce
q u i , lequel fert à joindre à l ’idée de tout homme
une propofition incidente déterminative, que je
dis de quiconque , que c’eft un nom conjonétif.
Exemple : Je le dis à QUICONQUE veut Ven-
tendre , c’eft à dire , à t o u t h om m e .q u i . veut
l ’entendre. On voit bien que l ’idée à’homme eft
la principale dans la lignification de quiconque }
& par conféquent que c’eft un nom comme le nom homme.
Q uoi. C ’eft un autre nom conjonétif , équivalent
à quelle chofe, ou à laquelle chofe , & dans
la lignification duquel l’idée de chofe eft manifef-
tement l ’idée principale. Exemples : A QU O l penfe\-vous? je ne fais à QUOI vous penft\;
fans QUOI vous deve\ craindre ; c’eft à dire , à QUELLE CHOSE penfe-Q-vous ? je ne fais à QUELLE
dcehvoe\s ec rvaoinudsrpee.nje\; f m s LAQUELLE CHOSE vous
R ien. C ’eft un nom diftributif comme perfonne,
mais relatif aux chofes & équivalent à aucune chofe ou nulle chofe. Exemple : R ien neft moins
éclairci que la Grammaire , c’eft à dire, AUCUNE CHOSE ou. NULLE CHOSE neft moins éclaircie que la Grammaire. fl vient du latin rem , prononcé d’abord
par la voyelle nazale comme rein, ainfi qu’onle
prononce encore dans plufîeurs patois ;& l ’i s’y eft
introduit enfuite comme dans miel , fiel, venus
de mel, fel. ( Foy,e\ les Étymologies de Ménage^
Cette origine me paroît confirmer la nature & le fens
du mot.
2. AdjeJîifs réputés P r o n om s .La plupart des
mots dont i l s’agit ici font fi évidemment de l ’ordre
des adjectifs , qu’il fuffit prefque de les nommèr
pour le faire voir. Je l ’ai prouvé amplement des
Poffefiifs ( voye\ P o s s e s s i f ) ; je le prouvé de
même de ceux que l ’on appelle ordinairement
Pronoms relatifs, q u i, que , lequel , & c ( v<yye% Relatif ) : & je vas rendre ici la chofe fenfible
à l ’égard des autres , en prouvant, par des exemples
, qu’ils ne préfentent à l ’efprit que des êtres
indéterminés défignés feulement par une idée pré-
cife qui peut s’adapter à plufieurs natures; car
voilà la véritable notion des adjeétifs. Foye\
Mot.
Aucun , aucune. Adjeétif collectif diftributif,
qui defigne tous les individus de l ’elpèce nommée
piis, diftributivement., communément avec raport
nà ea nd ofeint s anlétégraetri fP. a Emxeim tiép ;l eAs U: CAUuNcEu rna icf oonnt rne-et epmepust juftifier le menfonge. Aujourdhui ce mot n’eft pas
ufité au pluriel ; il l ’étoit autrefois, mais dans le fens
de quelqujun. ■ Autre pour les deux genres. Adjeétif diftinétif
qui défigne par une idée précife de diverfité. Exemples
: A u tr e tempsy a u t r e s moeurs.
Ce, cet, cette, ces. Adjectif dëmonftratif, qui
défigne un être quelconque par une idée précife d’indication.
Exemples : Ce livre, ce cheval, cet habit,
ce t homme , ces robes, cesfemmes, ces héros ,
ces exemples.
Celui , celle , ceux, , celles, Adjeétif démonf-
tratif comme le précédent, mais qui s’emploie fans
nom, quand le nom elt déjà connu auparavant ,
& toujours en, concordance avec ce nom foufentendu.
Ainfi, après avoir parlé de livres, on dit, celui
que f a i publié, ce u x que j'a i confultés ; & après
avoir parlé »de conditions , CELLE que j ’ai fubie , f
c e l l e s que vous avie\propofées : il eft clair, dans
tous ces exemples, que celui & ceux Ce raportent
mentalement à l ’idée de livre, & que celle &
celles fe raportent à l ’idée de condition; qu’i l y
a une concordance réelle avec ces noms , quoique
foufentendus; & que les mêmes mots celui, ceux ,
C e lle , celles , dans d’autres phrafes, pourroient fe
raporter à d’autres noms ; ce qui caraétérife bien
la nature de l ’adjeétif. Si l ’on fe fert de celui avant
d’avoir préfenté aucun nom, comme c e l u i qui
ment offenfe D ie u , ou c e u x qui mentent offen-
fen t Dieu; la propofition incidente qui fuit eft
déterminative & relative à la nature de P homme, foit
èfienciellement, foit de convention, 8t\.z nom homme
eft ici foufentendu.
Celui-ci, celui-là, &c. C ’eft le même adjeétif
alongë des particules ci & là , pour fervir à une
diftinétion plus précife. Ci avertit que les objets
font préfents ou plus prochains ; là , qu’ils font
abfents ou plus éloignés. C ’eft en quoi confifte aufti
la différence des deux noms ceci èc cela , mentionnés
plus haut.
Certain, certaine. Adjeétifamphibologique, dont
le fens varie félon la manière dont il eft conftruit
avec le nom. Avant le nom i l défigne d’une maniéré
vague quelque individu de l ’efpèce marquée
par le nom, mais en indiquant en même temps
-que cet individu eft déterminé , & .peut être affigné
à une manière pofîtive & précife; exemples: C e r t
a i n pbiLofophe^ a dit que toutes ces idées viennent
par les fens ; c e r t a i n s favantajfesfe croient
fo r t habiles pour avoir beaucoup lu , quoiqu’ils
Payent fa i t fa n s une CER T A IN E intelligence qui
donne feuleK le vrai f avoir. Après le nom , cet
adjeétif eft à peu près fynonyme de conftaté, ajfuré,
indubitable ; exemples : Une pojïtion C E R T A IN E *
des moyens c e r t a i n s , un témoignage c e r t a i n ,
des efpérances c e r t a i n e s .
Chacun, chacune. Adjeétif colleétif diftributif,
qui défigne tous les individus de l ’efpèce nommée
pris diftributivement , avec raport à un fens affirmatif,
au contraire tfàuçun, aucune ; mais il
s’emploie feul avec relation à un nom appeilatif
connu, foit pour avoir été énoncé auparavant, foit
pour être fuffifamment déterminé par les circonftances
île rénonciation. Ainfi , après avoir parlé
de livres , on dira , c h a c u n coûte f t x francs ;
après avoir parlé de Pierre & de Paul, c h a c u n
d’eux s’y eft prété, où CHACUN eft en concordance
avec le nom commun homme ; on dit d’une manière
abfolue en apparence | c h ACUN f e plaint de
fon é ta t, & le fens indique qu’il s’agit de CHACUN
homme.
Chaque pour les deux genres. Adjeétif colleétif
diftributif, comme le précédent, dont iL eft fynonyme
, fi ce n’eft qu’il fe met toujours avant le
nom, & qu’il y tient lieu d’article. Exemples : CHAQ
UE pays a f i s ufages , [CH AQ U E fcience a fe s
pr^icipes O fa. chimère. Ces deux fynonyme^ a’ont |
point de plu riel, parce qu’ils défigneat les individus
pris un à un.
Meme; pour les deux genres , s’emploie avant
& après le nom. Avant le nom , c’eft l ’adjeétif
idem, eadem , idem des latins, & il marque l ’identité
de'l’individu ou des individus. Exemples : Le
corps de Jéfus-Chrift fur nos autels eft le MÊME
qui a été attaché à la croix ; une m ê m e fo i *
une m ê m e loi , les m ê m e s moeurs. Après le nom
il ne conferve du fens de l ’identité que ce qu’i l
en faut pour donner au nom une forte d’énergie ;
& i l fe met, dans ce fens, après les Pronoms
comme après les noms. Exemples : Le roi MÊME,
la Religion m ê m e , les prêtres m ê m e s , moi-
MÊME, elleS-MÉMES.
N u l, nulle. Adjeétif qui s’emploie avant ou
après les noms , & qui en conféquence a deux fens
différents. Avant les noms il eft colleétif, il n’entre
que dans les propofitions négatives, & ne fe met
jamais au pluriel (1) , parce que, comme aucun , i l
eft diftributif, & qu’il n’en diffère que parle plus»
d’énergie qu’il donne à la négation. Exemples s
On ne trouve dans la ' plupart des livres élémentaires
de Grammaire n u l l e clarté, N U L L E
vérité, n u l choix, n e l l e intelligence, n u l jugement
: s’ il , s’emploie feul dans ce fens, i l fe ra-
porte à un nom énoncé auparavant , ou au nom
homme , comme dans l’exemple de Reftaut, N u l
ne peut fe flatter d’être agréable à D ieu, où
le nom homme eft tellement foufentendu, qu’on
pourroit l’y mettre fans changer le fens de la
phrafe. Après les noms , cet adjectif défigne par
l ’idée de non-valeur, & il eit fufceptible des deux:
nombres. Exemples : Un marché N U L , des traités
N U L S , une précaution n u l l e , des raifons N U L L É s •
P lu f i e u r s pour les deux genres. Adjeétif partitif
effenciellement pluriel ; p l u s i e u r s h om m e s
P LU s 1 E U R S fem m e s : s’il s’emploie feul, les circonstances
font toujours connoître un nom auquel i l %
raport.
Quel, quelle. ^Adjeétif qui énonce un objet
quelconque fous l ’idée précife d une qualité vague
& indéterminée : Q u e l livre life\-vous ? je fa is
QUELLE réfolution vous ave^prife ; q u e l s amis l
Q U E L LE S liaifons ! Reftaut , ainfi que l’abbé R.e-
gnier, reconnoiffent ce mot pour adjeétif, lors
même qu’il n’accompagne pas un nom , parce
qu’ils ont fenti qu’alors il y a ellipfe ; & ils ne
le mettent au rang des Pronoms que pour fuivre
le torrent : la vérité bien connue impofe d’autres
lois.
Q u e l c o n q u e pour les deux genres. Adjeétif
(1) Cependant La Bruyère a d it, à la fin de fon Difcours
Théophrafte : A fin que nuis de ceux qui ont de ht
de la vivacité, & à qui il ne manque que d’avoir
lu beaucpvp , ne fe reprochent pas même ce petit défaut ,
n e puiffent être arrêtes dans la lecture des Caractères, &
douter un moment du fens de Théophafie. Mais c’eft une
faute., que le mtrice de La Bruyère ne peut ni julUfi« m
autorise,
•G s *