
ellipfes , furtout dans le fécond & le troifième
exemple, où il a fallu mettre moi dans la dépendance
d’une prépofition. Je réponds qu’i l eft nécefî-
iaire de fuppléer les ellipfes un peu arbitrairement
, furtout quand il eft queftion de fuppléer
des phrafes un peu confidérables ; on a rempli fa
tâche , quand on a fuivi le fens général, & que ce
que l ’on a introduit n’y elt point contraire, ou ne
s’en éloigne point.
Mais , peut - on dire, pourquoi s’écarter de la
méthode des grammairiens, dont aucun n’a yu
l ’ellipfe dans ces exemples ? & pourquoi ne
pas dire avec tous , que , quand on dit , par
exemple, & MOI, je foutiens , ce moi eft un mot
lédondant au nominatif & en concordance de cas
avec j e ? C ’eft qu’une redondance de cette efpèce
, me paroît une pure périflologie , fi elle ne fait
lien au fens : fi elle y fait, ce n'eft plus une ré-
dondance, le moi eft néceflaire j & s’il eft né-
ceflaire, il eft fournis aux lois de la Syntaxe. Or
on ne peut pas dire que moi, dans la phrafe en
queftion, foit néceflaire à l’intégrité grammaticale
de/la propofition , j e Jbutiens que c'efl La
terre : j’ai done le droit d’en conclure que c’eft
une partie intégrante d’une autre propofition ou
d’un complément logique de celle dont il s’a g it,
que par conféquent il faut fuppléer. Dans ce cas,
n eft-il pas plus raifonnable de tourner le fupplé-
xnent de manière que moi y foit employée félon
fa deftination ordinaire & primitive , que de l ’efqui-
ver par le prétexte d’une redondance ?
Quelques grammairiens font deux çlafles de ces
Pronoms ; ils nomment les uns perfonnels, & les
autres conjonctifs.
Les Pronoms perfonnels de la première perfonne
, félon Reftaut, font je 8c moi pour le fin-
gulier , & nous pour le pluriel : ceux de la féconde
perfonne font tu & roi pour le fingulier, &
vous pour le pluriel : ceux de la troifième per-
fonne font i l & lu i , mafculins, & elle, féminin ,
pour le fingulier ; ils 8c eu x , mafculins, & elles,
Féminin, pour le pluriel : enfin i l y ajoute encore
fo i.L
es Pronoms conjonCtifs de la première perfonne,
d it- il, font me pour le fingulier, & nous
pour le pluriel : ceux de la fécondé perfonne Jont
te pour le fingulier, & vous pour le pluriel : ceux
de la troifième perfonne font lu i, le , pour le fingulier
, les , leur pour le plu riel, 8c f e pour le fingulier
& le pluriel.
Tous ces Pronoms indiftincfeccent déterminent
les êtres par l ’idée précife d’une relation perfon-
nelle à l’acte de la parole ; & par là les, voilà
réunis fous un même point de vue ; ils font tous
perfonnels. Les diftinguer en perfonnels & conjonctifs
, c’eft donner à entendre que ceux - ci ne :
font pas perfonnels : c’eft une divifion abufive &
faufle. Reftaut ejevoit d?autant moins adopter cette
divifion, qu’il commence l ’article des prétendus
Pronoms conjonCtifs par une définition qui les
rappelle néceffairement aux perfonnels : « Ce font,
» die-il, des jPronoms qui fe mettent ordinaire-
» ment pour les cas des Pronoms perfonnels ».
S’i l n’avoit pas adopté (ans fondement de prétendus
cas marqués en effet par des prépofitions, il au-
roit dit que ce font réellement les cas , & non des
mots employés pour les cas des Pronoms perfonnels.
La raifon pourquoi i l appelle ces mots Pronoms
conjonctifs , n’eft pas moins furprenante. « C’eft,
» d it- il, parce qu on les joint toujours à quel-
» ques verbes dont ils font.le régime ». Mais on
pourrait dire de même qu e j e , t u , i l , elles f i ls ,
8c elles font conjonCtifs , parce qu’on les joint toujours
à quelques verbes dont ils font le fujet $ car
le fujet n eft pas moins joint au verbe que le régime.
D’ailleurs la dénomination de conjonct if\\-&
pas le fens qu’on lui donne ici j ce qui eft joint à
un autre doit s’appeler adjoint on conjoint, Comme
a fait le P. Buffier ( h°. 387) ; & l ’on doit appeler
conjonctif ce qui fert à joindre : c’eft le fens que
l’ufage a donné à ce mot, d’après l ’étymologie.
Le même grammairien ajoute , aux Pronoms
qu’i l appelle perfonnels, Je mot on ; & à ceux
qu’il nomme conjonctifs, les mots en & y. Ces
mots font aufli regardés comme Pronoms par l ’abbé
Regnier & par le P. Buffier. Mais c’eft une erreur :
on eft un nom j en 8c y font des adverbes.
On eft un nom qui lignifie homme ; ceux mêmes
que-je contredis m’en fourniflent la preuve en en
affignant l ’origine. .« I l y a lieii de croire, félon
» Reftaut ( chap. v , art. 1 ) , qu’il s’eft formé
» par abréviation ou par corruption de celui d'Jiom-
» me : ainfï lorfque je dis ON étudie , ON joue ,
n o n mange , c’eft comme fi je difois homme
» étudie , homme joue, homme mange. Je fonde
» cette conjecture fur deux raifons : i° . fur ce
» que dans quelques langues étrangères , comme
» en italien , en allemand , & en anglois., on
» trouve ..les motç qui fignifient homme, employés
» au même tifage jque notre . . . on : x°. fur ce
» que . . . on reçdit quelquefois l ’article défini le
» avec l’apoftrophc , comme le nom homme ; ainfï,
» nousdifons Vqn étudie, Von joue , Vo n mange,
» fans doute parce qu’on difoit autrefois L'homme
» étudie, l'homme jo u e , l'homme mange. «. Ce
que dit ici Reftaut de l ’italien , de l ’allemand , 8c
de l ’anglois , eft prouve dans la Grammaire fran-
çoife de l’abbé Regnier, l ’un de fes guides ( in-iz ,
pag. zûff; in-f*. pag. z^Z). Comment Reftaut,
qui vouloit donner des Principes raifonnés, s’en
eft-il tenu Amplement aux raifonnemefcts dés'maî tres
qu’il a confultés , fans poufler le fien jufqu’à
conclure que notre 011 eft un fynonyme dû mot
homme, pour les cas où l ’on ne veut indiquer que
i ’efpèce^
l*eipèce, comme ON naît pour mourir, ou une partie
vague des individus dei’efpèce fans aucune défignation
individuelle , comme ON nous écoute 1
En 8c y font des adverbes j & c’eft encore chez
les mêmes auteurs que j’en prendrai la preuve.
i° . L ’abbé Regnier , qui en fentoit apparemment
quelque chofe , n’a pas ôfé dire auffi nettement que
l a fait fon difciple, que en 8c y fuflent àes P ro noms
; il fe conrente de dire que ce font des
particules qui tiennent lieu de Pronoms ; 8c dans
le langage des grammairiens , les particules font
des mots indéclinables , comme les adverbes , les
prépofitions, & les conjonctions. i ° . Le maître &
le difciple interprètent ces mots de la même manière
: « En difant, J'en parle , je puis entendre ,
» dit Reftaut, fuivant les circonftances dudifoours,
» je parle d e m oi, de n o u s, d e to i, de vo u s,
» DE LUI, d 'elle, d 'e u x , d'elles , DE CELA ,
» DE CETTE CHOSE, OU DE CES CHOSES...OU en
»» parlant d’argent ,J 'en ai reçu, c’eft à dire, j'a i
». reçu de l'a r g e n t ». En parlant d ey un peu
» plus haut, il s’en explique ainfï : « Quand je dis ,
» j e m'y applique , c’elt à dire , je m'applique » A CELA, A CETTE CHOSE OU A CES CHOSES ».
Les deux mots.e/z & y font équivalents à une pré-
pofîtion avec fon- complément j en à la prépofï-
tion de, y à la prépofition à : en & y font donc
des mots qui expriment des raports généraux déterminés
par la défignation du terme conféquent
& avec abftraCtion du terme antécédent ce font
par conféquent des adverbes, conformément à la
notion qne j’en ai établie ailleurs ( P ’oye^ Mot ,
art. II , n°. z ). Ce que difent de ces deux mots
le P . Buffier & l ’abbé Girard, loin d’être contraire à
ce que j’établis ic i , ne fait que le confirmer.
II. I J’ai annoncé quelque différence entre le
françois & le latin fur le nombre des Pronoms;
voici en quoi confifte cette différence. C ’eft qu’en
latin il n y a point de Pronom direéfc pour la
troifième perfonne j fibi , fe. il n’y a que le réfléchi f u i,
Je m’attends bien que les rudimentaires me citeront
is , ea , id; h ic , haec , hoc; ille , i l ia ,
illud; ille , i f ta , ijlud : mais je n’ai rien à dire
à ceux qui prétendent que ces mots font des P ronoms
, par la raifon qu’ils l ’ont apris ainfi dans
leur -rudiment. Je me contenterai de leur demander
comment ils parviendront à prouver cçnille eft
un Pronom de la troifième perfonne dans ille ego
qui commence l ’Énéide. Tout le monde fait que
les livres latins font pleins d’exemples où ces mots
font en concordance de genre , de nombre , & de
cas avec des noms qu’ils accompagnent, & que ce font
par conféquent de purs acije&ifs métaphyfîques.
V o y e \ Mot.
& on les trouve quelquefois employés feuls ,
c eft par ellipfe ; & la concordance, à laquelle ils
demeurent fournis même dans ces occafions, dè-
cele aflez leur nature, leur fonction, & leur relation Gr am m . e t Lit t é r a t * Tome III.
à un fujet déterminé auquel ils font actuellement
appliqués, quoiqu’il ne foit pas expreffémeat
énoncé.
On peut dire qu’i l en eft de même de notre
Pronom françois drreCt de lâ troifième perfonne,
i l pour le mafeulin, & elle pour le féminin : mais
il eft aifé d’y remarquer une grande différence^
Premièrement, on n’a jamais employé notre i l
& notre elle comme un adjeCtif joint â quelque
nom par appofition^ & l’on ne dit pas en françois
il moi, comme on dit en latin ille ego , ni i l
homme, elle femme, comme ille v ir , ilia mu-
lier : 8c cette première obfervation eft la preuve
que i l 8c elle ne font point adjeCtifs, parce que
les adjeCtifs font principalement deftinés à être
joints aux noms par appofition.
Secondement, quoique notre il 8c notre elle
viennent du latin i lle , i l i a c e n’eft pas à dire
pour cela qu’ils en ayen't confervé le fens & la
nature j toutes les langues prouvent en mille manières
que des mots de diverfes efpèces & de fignifî-«
cations très -différentes ont une même racine.
Remarquons , avant d’aller plus loin , que
le Pronom réfléchi fu i n’a point de nominatif, &
que c’eft la même chofe de notre f e & fo i. C ’eft
que le nominatif exprime le fujet de la propofition
, & qu’il en eft le premier mot dans l ’ordre
analytique : or il faut indiquer directement la troi-
fième perfonne, avant d’indiquer qu’elle agit fur
elle-même j & conféquemment le Pronom réfléchi n»
peut jamais être au nominatif..
Si l ’on eft forcé de ne reconnoxtre comme Pronoms
que ceux qu’on appelle perfonnels & qui
déterminent les êtres par l ’idée d’une relation per-
fonnelle à l ’aCte de la parole j à quelle clafle de
mots faut-il renvoyer ceux qui out fait jufqu’icâ
tant de clafles de prétendus Pronoms ? J’en trouve
de trois efpèces ; lavoir , des noms , des adje&ifs *
& des adverbes : je vas les reconnoître ici ,pour fixée
à chacun fa véritable place dans le fyftême des parties
de l ’oraifon.
1. Noms réputés P ronoms. Puifque les mots
dont on va voir le détail ne font point des Pronoms^
i l eft inutile d’examiner à quelle clafle on les rapor-
toit comme tels : l ’ordre alphabétique eft le feul quq
je fuivrai.
AüTRur. La fîgnifîcation du mot homme y eft
renfermée j & de plus, par accefloire, celle d'uzt
autre : ainfi, quand on d it , ne faire aucun tort
a a u t r u i , ne défire\ pas le bien «/’ a u t r u i ,
c eft comme fi 1 on difoit ne faire aucun tort h
UN A U T R E HOMME OU a u x A U TR E S HOMMES
ne défire\ pas le bien d'un a u t r e h o m m e ou
des a u t r e s h o m m e s . Or il eft évident que l ’idée
principale de la fîgnifîcation du mot autrui eft
celle d'homme , 8c que le mot doit être de même
nature & de même efpèce que le mot homme lui-
même , aoaobftant l ’idée accefloire rendue par un
autre.
G