
les , au pluriel, marque la totalité phyfique des
individus de l ’efpèce, dans les cas où l ’attribut elt
en matière contingente : Les eft alors le ligne
convenu de la polubilité des exceptions; mais cette
poflibilité peut exifter fans le fait ; & pour le
marquer, quand il eft néceflaire , on joint Tous
avec Les, afin de déclarer formellement exclues les
exceptions que Les pourvoit faire foiïpçonner.
S il eft queftion , par exemple, d’un détachement
de trois-cents hommes, que l ’on a d’abord
crus enlevés avec leurs équipages; il y aura bien
de la différence entre dire : » Les foldats repa-
» rurent, mais les bagages ne devinrent pas » ; &
dire» Tous les foldats reparurent, mais tous les
» bagages ne revinrent pas ».
Par la première phrafe , on fait entendre feulement
que le gros de la troupe reparut , fans répondre
numériquement d.es trois-cents ; & que rien
des bagages ne revint, ou du moins qu’il én revint
bien peu de choie : par la fécondé phrafe , on
allure fans exception que les trois - cents foldats
reparurent , mais on fait entendre qu’il rie revint
qu une partie des, bagages. Dans la première , on
affirme la rentrée de la totalité morale des foldats,
& 1 on nie le retour de la totalité morale des bagages
: dans la fécondé , on allure la rentrée de la
totalité phyfique des trois-cents foldats, & l’on nie
le retour de la totalité phyfique des bagages.
(M. B e a u z é e . )
* T R A D U C T IO N , VERSION. Synonymes.
( f La Traduction eft en langue |moderne ; & la
Verfion, en langue ancienne. Ainfî , la Bible fratf»
çoife de Saci eft une Traduction ; &. les Bibles la-
tines , grèques , arabes , & fyriaques, font des Ver-
fions.
Les Traductions , pour être parfaitement bonnes,
n,e cJ°ivent être ni plus ornées ni moins belles que
l ’original. Les anciennes Verfions de l’Écriture
fàinte ont aquis p#fque autant d’autorité que le texte
hébreu.
Une nouvelle Traduction de Virgile & d’Horace
pourroit encore plaire après toutes celles qui ont
paru. L auteur & le temps de la Vzrfîon des Septante
font îdconnus. ) ( L ’abbé Gi r a r d . )
On entend également, par ces deux mots," la
copie , qui fc fait dans une langue , d’un difcours
premièrement énoncé dans une autre ; comme d’hébreu
en grec où en latin, de grec en latin ou en
françois, du latin en françois ou en italien, &c.
Mais l ’Ulage ordinaire nous indique que ces deux
mots diffèrent entre eux par quelques idées accefi-
foires , puifque l ’on emploie l ’un en bien des cas
où l ’on ne. pourroit pas fe fervir de l ’autre. On
d i t , en parlant des faintes Écritures , La Verfion
des Septante, La Verfion vulgate ; & l ’on ne
diroit pas de même , La Traduction des Septante ,
L a Traduftion vulgate : oh dit, au contraire, que
iVaugelas a fait pour fon temps une bonne Traduflion
de Q. Curce, & l’on nè pourroit pas dire1
qu’il en a fait une bonne Verfion.
( <[ L’abbé Girard croit que les Traductions font en langue moderné ; & les Verfions , en
langue ancienne : il n’y voit point! d’autre différence.
Pour moi, je crois que cèlle-la même eft
faulfe : puifque Ton trouve, par exemple, dans
Cicéron, de bonnes Traductions latines de quelques
morceaux de Platon ; & que Ton fait, faire
aux jeunes .étudiants des Verfions du grec & du latin
dans leur langue maternelle. )
Il me fembJe que la Verfion eft plus littérale ,
plus attachée aux procédés propres de la langue
originale , Bc plus a ( f e n d e dans fes moyens aux
vues de la conftrudion analytique. ; que la
Traduction eft plus occupée du fond des penfées,
plus attentive à les p r é f e n t e s fous la forme qui
peut leur convenir dans la langue nouvelle, & plus
alfujétie dans fes exprelfions aux tours & aux idio-
tilmes de cette dernière langue.
La Verfion littérale trouve fes lumières dans
la marche invariable de la conftrudion analytique ,
qui f e r t à lui faire remarquer les idiotifmes de la
langue originale & à lui en donner l’intelligence,
en remplilfant ou indiquant le rempliffage des
vides de l’Ellipfe , en fupprimant. ou expliquant
les rédondances du Pléonafme, en ramenant ou
rappelant à la rectitude de l’ordré naturel les écarts
de la conftrudion ufuelle.
La Traduction ajoute , aux découvertes de la
Verfion littérale, le tour propre du génie de la
langue dans laquelle elle s’explique : elle n’em-'
ploie les fecours analytiques , que comme des
moyens qui font entendre la penfée ; mais elle
doit la rendre, cette penfée, comme on la ren-
droit dans le fécond idiome, fi on l’avoit conçue
de foi-même fans la puifer dans une langue étrangère.
Il ti’en faut rien retrancher, il n’y faut rien
ajouter ; ce ne feroit plus ni Verfioti ni Traduction
, ce feroit un Commentaire ou une Imitation.
( T La Verfion ne doit être que fidèle & claire.
La Traduction doit 'avoir de plus de la facilité,
de la Convenaneè , de la correction", & le ton propre
à la chofe conformément au génie du nouvel
idiome. )
L ’art de la Traduction fuppofe néceflai rement
celui de la Verfion; & de là vient que les premiers
effais de 1 réductions que l ’on fait faire aux
jeunes gens dans lès collèges , du grec ou du latin
en françois, font très-bien nommés des Verfions :
ces premiers effais ne peuvent & ne doivent être autre
chofe. Les Verfions latine, grèque , arabe, fyriaque,
&c. de l’Écriture fain.te , n’en font pas des Traductions
; parce que les auteurs ont tâché , par
refped pour le texte facré, de le fuivre littéralement,
& de mettre en quelque forte l’hébreu même
à la portée du vulgaire fous les fimples apparences
du latin, du grec, de l ’arabe, du fyriaqtfe, &c ,
dont ils empruntoient les mots : mais ce n’étoit
pas leur intention de raprocher l ’hébraïfme du génie
delà langue dans laquelle Us écrivoient. Mijerunt
judeei ab Jerofolimis facerdotes & levitas ad
eum, ut interrogarent eum : Tu quis es ? ( Joan. I.
jp ) Voilà des mots latins, mais point de latinité,
parce que ce n’étoit point l ’intention de l ’auteur ;
ceft l ’hébraïfme tout pur qui perce d’une manière
évidente dans cette interrogation direde , Tu quis
es l les latins auroient préféré le tour oblique ,
quis effet; & alors ils auroient dit ut qitoererent
ab oo ou quelque autre phrafe latine, au lieu de
ut interrogarent eum : mais l ’intégrité du texte
original auroit été compromife.
Nous pouvons donc avoir en françois Verfion
& Traduction du mêfne texte , félon la manière dont
on le rendroit dans notre langue. Tenons- nous-en
au même verfèt.
Les j u i f s lui envoyèrent de Je rafale mdes prêtres
& des lévites, afin q uils le quefiionnaf-
fen t, Qui es- tu ? Voilà la Verfion françoife.
Adaptons le tour de notre langue à la même
penfée, & difons : Les ju i f s lui envoyèrent de
Jérufalem des prêtres & des lévites, pour lui de-
mande'r qui il étoit : & nous en aurons une Traduction
françoife.
» Quand il s’agit, dit l ’abbé Batteux ( Cours
de Bell. Lettr. Part. I I I , fed. jv ) ' » de repré- -
» fenter dans une autre langue les chofes , les
)> penfées , les exprelfions , les tours , les tons
» d’un ouvrage ; les chofes telles qu’elles font ,
» fans rien ajôuter, ni retrancher, ni déplacer ;
» les penfées dans leurs couleurs., leurs' degrés,
» leurs nuances ; lès fours qui donnent le feu ,
» Tefprit, la vie au difcours ; les exprelfions na-
» turelles, figurées, fortes, riches, gracieuses,
» délicates &c ; & le tout d’après un modèle qui
» commande durement , & qui veut qu’on lui
» obéifTe d’un air aifé : il faut, finon autant de
» génie , du moins autant de goût pour bien tra-
» duire que pour compofer. Peut-être même en
» faut il davantage. L ’auteur qui compofe, con-
» duit feulement par une forte d’inftind foujours
» libre , SC par fa matière qui lui préfente des
» idées qu’il peut accepter ou rejeter à fon gré,
» eft maître abfolu de fes penfées & de fes ex-
» prefïïon<; : fi la penfée ne lui convient pas, ou
» fi Texprcffion ne convient pas à la penfée , il
» peut rejeter Tune & l ’autre; quoe defperat trac-
» tata nitefeere pojfe relinquiu Le Traducteur
» n’eft maître de rien ; il eft obligé de fuivre
» partout fon auteur, & de fé plier à toutes fes
» variations avec une foupleffe infinie. Qu’on en
» juge par la variété des tons qui fe trouvent né-
» ceflairement dans un même fujet, & à plus forte
» raifon daris un même genre . . . . Pour rendre
» tous ces degrés, il faut d’abord les avoir bien
» fencis ; enfuice maitrifer à un point peu commun
» la langue que Ton veut enrichir de dépouilles
» étrangères. Quelle idée donc ne doit - on pas
» avoir d’une Traduction faite avec fuccèsî »
Rien de plus difficile en effet & rien de plus
rare qu’une excellente Traduction , parce que rien
n’eft ni plus difficile ni plus rare, que de garder
un jufte milieu entre la licence du commentaire &
la fervitude de la lettre. Un attachement trop
fcrupuleux à la lettre détruit Tefprit, & c’eft Tefprit
qui donne la vie : trop de liberté fait difparoftre les
traits caradériftiques de l ’original, & Ton en fait une
copie infidèle.
( ^ En général, on ne fauroit fe tenir trop près
du texte original qu’on veut traduire , tant qu’on
peut le faire fans choquer le génie de la langue
dans laquelle on prétend le faire paffer. C ’e11 le
moyen le plus sûr & peut-être Tunique-, pour
me fervir des termes de l ’abbé Batteux, » de repré-
» fenter les chofes, les penfées , les exprelfions,
» les tours , les tons d un ouvrage ; les chofes
» telles qu’elles font , fans rien ajouter, ni retran-
» cher , ni déplacer ; les penfées dans leurs cou-
| leurs , leurs degrés, leurs nuances ; les tours qui
» donnent le feu, Tefprit, la vie au difcours; les
» expreffions naturelles, figurées, fortes, riches,
» gracieufes, délicates, &c ». Auffi eft - ce , au
jugement des plus grands' maîtres , une lo i invio*
labié de l ’art de traduire, & prefque la feule fur
laquelle ils infiftent diftinétement.
Cicéron, parlant de fon travail furies harangues
que Démofthène & Efchine avoient prononcées l ’un
contre l ’autre, » Je les ai rendues, d i t - i l , non
» en fimple Traducteur, mais en orateur ; avec
» le même fonds de penfées, préfenlées fous les
» mêmes formes qui en font comme les caradères
» diftindifs , & avec des exprelfions conformes au
» génie de notre langue' : ainfî, je n’ai point été
» aftreint à rendre mot pour mot, mais j’ai con-
» fervé le genre & l ’énergie de tous les termes ;
» car-je me fuis cru comptable au ledeur , non '
» cru nombre des mots, mais, pour ainfî dire,
» de leur poids ». Ne c ‘ converti ut Interpres , fe d
ut orator ; fententiis iifdem , & earum formis
tanquam figuris , verbis ad noftram confuetudi-
nem aptis : in quibus non verbum pro verbo ne-
cejfe habui reddere , fed geiius omnium verborum
vimque fervavi ; non enim ea me annumerare
lecîori putavi oportere, fe d tanquam appendere.
De opt; gen. Orat. V . 14.
Si l ’orateur romain .s’eft permis de s’éloigner du
texte littéral , ce n’eft donc que parce qu’il ne
prétendoit pas faire une fimple Traduction; il
vouloit, fur les idées des deux orateurs grecs,
eflayer les couleurs que la langue latine pouvoit
fubftituer au coloris de l ’alticifme. Dès qu’il -fe
propofe de traduire , il s’aftreint à la fidelité la
plus fcrupuleufe & il s’attache étroitement à la
lettre. Totidem fere verbis interpretatus fum , dit-
i l dans un endroit (II. De fin. xxxj. 100.) Et dans
un autre (III. Tufc. xviij. 4 1 ) : Fungar enimjani