
Sans incHenter fur bien des dio-fes confraires aux
principes que j’ai établis ailleurs 8c dont i l ne
s agit point ic i , je ne lais pas comment on prou-
veroit après marque premièrement poftériorité
de lieu , plus tôt que poftériorité de temps ; ni
pourquoi cette l* répojition m^rqueroit poftériorité,
plus tôt entre des objets en'mouvement qu’entre
des objets en repos. La vérité eft probablement
qu’elle marque poftériorité , avec abftra&ion de
temps & de lieu , de mouvement & de repos ; ce
qui la rend propre à défigner l’ordre dans toutes
les circonftances dont i l s’agit : telle eft fa prer
mière ou plus tôt fon unique deftination ; l ’ordre
moral fe joint aüément à 1 ordre phyfique , c’eft la
meme idée j & le fens figuré s’établit aifement furie
feus propre.
i°* I l n’eft pas plus difficile , en s’y prenant
bien, de faire voir qu’une même Prépojition n’exprime
pas des raports oppofés, comme le prétend
Duclos ( Rem. fur la Gramm. gén. II. x j ). « Dans
» ces deux phrafes, dit-il, dont le fens eft op-
» pofé , Louis a donné à Charles , Louis a ôté
» à Charles y la P répojition a lie les deux termes
» de la proportion ; mais le vrai raport n’eft pas
» marqué par à , i l ne l ’eft que par le fens to-
» tal ».
Les verbes donner 8c ôter préfentent. des fens
' oppofés fans doute , & de là vient l ’oppofîtion des
deux phrafes j mais rien n’empêche que ces deux
verbes ,n’ayent abfolument la même etpèce~cle relation
à Charles y & que par conféquent on ne
puiiTe employer la même P répojition après chacun
de ces verbes. Etre l ’objet affeélé par les aéliohs
qu’expriment donner & ôter y voilà le rôle de
Charles , envifagé comme terme; du raport de cës
deux verbes ; fi le terme conféquent a un même
raport à chacun des. antécédents , les raports in-
verfes des antécédents au conféquent font donc auffi
les mêmes, & la même P répojition eft très-propre
à les exprimer tous deux. Ce qui a donc fait dire
à Duclos que le vrai raport n’eft pas marqué
par à y c’eft qu’il a confondu l ’idée accelfoire du
raport avec les deux idées principales & oppofées
qui cara&érifent la lignification propre de chacun
des deux verbes : ces idées font indépendantes de
celle du raport , qui eft affurément le même dans
les deux phrafes ; & peut-être peut-on en donner
pour preuve l ’identité même de la P répojition qui
y eft autorifée par l ’ufage, à l ’inftind: duquel il eft
lpuvent allez sûr & allez railonnable de s’en ra-
porter.
Mais je vas elfayer d’éclaircir ma penfée par
deux autres exemples également oppofés ; Dire
du mal de quelqu'un , aire du bien de quelqu'un.
Dire du mal & dire du bien font deux chofes
auffi oppofées que donner & ôter : on emploie la
J?répojition DE après chacun des deux premiers;
pourquoi ne feroit-on pas ufage de à après chacun
des deux derniers ? C ’eft, me dira-t-on, que dans
Jes deux premiers exemples , e’eft également dire
det quelqu'un, & que l ’oppofition entre les deux
phrafes vient de la différence des chofes que l’on
dit ; au lieu que donner 8c ôter y qui font les
antécédents du raport, font eux-mêmes oppofés
entrff eux , indépendamment de toute addition.
Mais j’obferverai là-deflus , que dire du bien 8c
dire du mal font deux idées totales exprimées
analytiquement, 8c qui auraient pu être rendues
fynthétiquement par un feul mot, comme louer 8c
blâmer : qu’au contraire, donner 8c ôter font deux
idées totales rendues fynthétiquement, 8c qui pouvaient
être exprimées analytiquement par^l’expo-
fition détaillée & fucceffive des idées élémentaires
dont elles font compofées , comme faire don &
faire enlèvement ,* que cette analyfe' nous y montre
une idée élémentaire commune aux deux idées
totales, faire , comme dire eft commun aux deux
premiers exemples ; & que cette idée commune
défaire juftifie l’identité de à dans les deux derniers,
en montrant clairement l ’identité du raport.
3°. S i , par des analyfes bien entendues, on
peut s’aflurer qu’il n’eft pas vrai qu’une même
Prépojition exprime des raports différents ou oppofés
; il eft encore plus aifé de faire voir que
plufieurs Prépojitions n’expriment pas abfolument
le même raport. Celles que l ’on a crues
fynonymes , ont en effet une même1 idée principale
: mais elles diffèrent entre elles par des idées
acceffoires qui font propres à chacune ; & de très-
habiles gens ont déjà fa it , fur ces caractères, communs
& propres des P r é p o jit io n s fynonymes,
des recherches fort utiles répandues à leur place
dans ce Dictionnaire. Voye\ D an s, En. fynon.
8c les différences que le P. Bouhours a montrées
entre à & dans ( Rem, nouv. in- i z ; 1 . 1 , pp. n j
^ 43.3* )
I l ne peut être que très-utile auffi d’infifter fur
les- Prépofitions oppofées, comme fan s 8c avec ,
fous 8c Jur y pour & contre , 8cc. L ’oppofition
fuppofe toujours un fonds commun ; & rien n’eft
plus propre à faire bien fentir les différences des
fynonymes, que celles de leurs oppofés ).
4°. « L ’ufage , dit l ’abbé Girard ( Vrais princ.
tom. 11, pag. 141 ) » a accordé à quelques Pré-
» pofitions la permiffion d’en régir d’autres en
» certaines occafîons , c’eft à dire, de les fouffrir
» dans les compléments dont elles indiquent le
» raport ; de façon qu’il fe trouve alors un raport
» particulier compris dans le général: celui - ci
» eft énoncé par la Prépofition qui eft la première
» en place ; celui-là, par la Prépofition qui ne
» marche qu’en fécond, & qui par conféquent fe
» trouve conjointement avec Kfon propre complé-
» ment fous le régime de la première ».
J’ai prouvé dès le commencement que toute
Prépofition a nécessairement pour complément
un nom, un pronom, ou un infinitif; & que la
Prépofition avec fon complément forme un com^
plément total déterminatif d’un nom • appellatif,
d’un adjeûif, d’un verbe, ou d’un adverbe. C’eft
donc préfenter à l’efprit des idées fauffes , que de
dire, comme l’abbé Girard , «que l’ufage a ac-
» cordé à quelques Prépofitions la permiffion
« d’en régir d’autres en certaines occafions ». Dans
les exemples qûe l’on peut alléguer , il y a né-
ceffairement ellipfe entre les Prépofitions confé-
cutives ; & fi l’on veut rendre une rai fon analytique
de la phrafe, il faut fuppléer entre deux le terme
qui doit fervir tout à la fois de complément à la
première & d’antécédent à la fécondé.
Ainfi , D e PAR le roi fignifie, par exemple,
D e l’ordre donné PAR le roi : Ces meubles font
POUR CHEZ moi y c’eft à dire , ces meubles font
deftinés POUR être employés, placés CHEZ moi:
Soüs DE belles apparences y c’eft à dire, S o u s
le voile DE belles apparences : Vous vous dé-
fende-{ AVEC DE foibles artnes c on t r é d e
puijfants ennemis y c’eft à dire, vous vous dér
fende\ AVEC le fecours de foibles armes CONTRE
la force, les attaques DE puijfants ennemis.
Il y a pareillement ellipfe dans les phrafes od
une Prépofition eft fuivie immédiatement d’un
que. Par exemple : AL P RÈ s quil fu t parti y
D e p u i s que le monde exifie, D e s que le
foleil paroîty Outre que je l'ai lu y S e lon
que vous -voudrez, c’eft à dire, A près le moment
qu'il fu t parti y DEPUIS le temps que le
monde exifie , D è s l’inftant que le foleil paroît y
O utre la vérité qui eft que je l'ai lu , Selon
la manière que vous voiulre\. On voit partout
que le complément fuppléé eft tout à la fois l’antécédent
de que, qui pourroit fe décompofor par
lequel. Ce feroit encore la même chofe, quand
le que amèneroit le fubjon&if 8c feroit- conjonction
: Je fortis san s qu'il s'y opposât, c’eft à
dire, je fortis s a n s entendre , voir qui il s'y
opposât.
5°. « Quoiqu’on puiffe mettre quelquefois en
» & dans indifféremment devant un m o t, dit le
» P. Bouhours ( Rem. nouv. tom. 1 , p. 73 ) ;
» s’il y a plufieurs, mots femblables dans la même
» période, & que ce foit le même fens, le même
» ordre , & la même fuite du difeours, ayant mis
» dans au premier mot, il ne faut pas mettre en
» au fécond : l ’uniformité demande que dans règne
» partout . . . C'efi un Dieu fidèle d a n s fes
» promeJJeSy inépuifible DANS fes bienfaits y jufie
» DANS fes jugements . . . J’ai dit , quand c’eft
» le même ordre & le même fens ; car autrement,
» on peut varier , & on doit le faire en certains
» endroits. Ilpajfa un jour & une nuit entière en
v> une f i profonde méditation, qu'il fe tint toujours
» DANS une même pofiure.
» C’eft une négligence gicieufe , dit-il ailleurs
» [Ib. pag. 17 7) , de mettre deux avec qui fe
» fuivent & qui ont des raports différents , dont
# l’un regarde la perforine & l’autre la chofe. Par
» exemple : Elle vécut AVEC lut AVEC la,même
» bonté qu'elle avoit accoutumé . . . J ’ai dit,
» quand ils fe fuivent; car quand ils ne font pas
» fi près l’un de l’autre, cela choque moins ,
» parce que cela fe fent moins • • . On voit bien
» que ce prédicateur n a guère de familiarité
» a v e c les P ères y puifqu'il les traite AVEC tant
» de cérémonie . . . Pour moi , j’avoue que deux
» avec y bien qu’un peu éloignés, ne me plaifent
» point dans une même période, quand ils ont
» divers raports je dis., quand ils ont divers ra-
» portS'; car fi l ’un & l’autre fe raport en t ou à la
» perfonne ou à la chofe, bien loin que ce foit un
» défaut, c’eft quelquefois Une Beauté.
» C’eft une négligence yi.cieu.fe, dit - il encore
» (,pag. 461 ) , d’entaffer dans le difeours plu-
» fieurs comme les uns fur les autres, quand ils
» ne font pas dans le même ordre .. . . N e con
» fidérons.plus . là mort COMME des pdiens
» mais COMME des chrétiens , c’eft à dire ? avec
» Uefpérance, comme S. P a u l l'ordonne . . .
» Les deux premiers comme font, dans le même
» ordre ,. 8c n’ont rien d’irrégulier ni de choquant;
» mais le troifîème eft, pour ainfi dire , d’une
» autre efpèce, & fait un effet défagréable . . . .
» On pourroit mettre ainfi que au lieu de comme :
» AINSI QUE S. P a u l Vordonne ».
Toutes ces remarques féparées , 8c fort éloignées
les unes des autres dans le P. Bouhours , ont pourtant
ùn lien commun , qu’il n’a pas fait fentir a fiez
nettement. Ce: font les fuites d’une même règle
générale, fondée fur une raifon très - plaufible. La
voici :
On ne doit pas employer, dans une même pro-
pofition , avec des compléments de différente efpèce
ou dans des fens différents, un même mot qui annonce
vaguement quelque raport général & indéterminé.^
C’eû que l’efprit , ayant été décidé par
le premier complément à prendre ce mot dans un
certain fens, eft choqué de le trouver tout de
fuite & dans la même phrafe employé dans un
autre fens , quoiqu’il s’agiffe encore de l’expreffion
delà même penfée individuelle. C’eft dans l’Élocution
un vice à peu près femblable à celui où
l’on iomberoit dans le raifonnement, fi, dans la
conclufion , on donnoit à un terme un autre fens
qu’il n’a dans les prémiffes : d’ailleurs c’eft une
difparate qui ne peut que nuire à la clarté de la
propofition , parce qu’elle fait fur l’efprit une im-<
preffion, dont l’effet immanquable eft au moins de
le diftraire.
} Dans^ deux propofitions qui fe fuivent & dont
l ’une n’eft pas fubordonnée à l’autre, la raifon de
la règle n’exiftant plus , il n’y a plus de néceffité
de s’y affujétir ; & c’eft pour cela qu’on ire peut
improuver l’exemple raporté par le P. Bouhours :
On voit bien que ce prédicateur n'a guère de
familiarité A v e c les P è r e s , puifqiéil les traite
A v e c tant de cérémonielle, marche de l’une des..