prend dans le même fens que le mot Nombre* Voye?
N om b r e .
Il défigne encore en général la mefure des vers.
Mais pour dire quelque choie de plus particulier,
le Rhythme n’eft qu un efpace terminé félon certaines
lois. Le Mètre eft aufli un efpace terminé ,
mais dont chaque partie efl lois. remplie félon certaines
Pour expliquer nettement cette différence , fup-
pofons un Rhythme de deux temps : de quelque
façon qu’on le tourne , il en réfulte toujours deux
temps ; le Rhythme ne confidère que le feu! efpace.
Mais fi l’on remplit cet efpace de fons ; comme
ils font tous plys ou. moins longs ou brefs, il en
faudra plus ou moins pour le remplir : ce qui
produira différents métrés fur le même Rhythme,
ou , fi l'on veut, différents partages du même efpace.
Par exemple, fi les deux temps du Rliythme font
remplis par deux longues , le Rhythme devient le
mètre qu’on appellp Spondée,* s’ils font remplis
par une longue 8c deux brèves le Rhythme, fans '
ceffer d’être le même, devient Daclyle ; s’il y
R deux brèves & une longue, c’eft un Anapejle ; s’il y a une longue entre deux brèves, c’eft un Am-
phibraque, enfin , quatre brèves feront un double
Pyrrhique : voilà cinq efpèces de mètres ou de pieds
fur le même Rhythme.
Le Rhythme, dans la Profe, eft, comme dans
la Poéfîe,' la mefure & le mouvement j l’un &
l’autre fe trouvent dans la Profe, ainfi que dans
la Poéfîe. En Profe, la mefure n’eft que la longueur
ou la brièveté des phrafes, & leur partage
en plus ou moins de membres ; & le mouvement
réfulte de la quantité des fyllabes dont font com-
pofés les mots. Les effets du Rhythme font connus
dans la Poéfie : fa vertu n’eft pas moindre en Profe.
Il eft impoffible de prononcer une longue fuite de
•paroles fans prendre haleine j quand celui qui parle
pourroit y fufflre , ceux qui l’écoutent ne pourvoient
le fupporter : il a donc été néceflaire de
divifer le difcours en plufîeurs parties ; on a encore
foudivifé ces parties, & on y a inféré ' d’autres
jpaufes de plus ou de moins de durée, félon qu’il
etojt convenable ; 8c de là s’eft formé ce qu’on peut
appeler l a Mefure de la Profe. C’eft le befoin de
refpirer , c eft la néceffité de donner de temps en
temps quelque relâche à ceux qui nous écoutent,
qui a fait partager la Profe en plufieurs membres ;
8c ce partage , perfectionné par l’art, eft devenu
une des grandes beautés- du difcours : mais cet
embelliffement ne peut fe féparer du Nombre,
ff’eft à dire , de la quan.tité des fyllabes. Lps phrafes .
ne peuvent plaire, que lorfqu’elles font composées
de pieds convenables : c’eft z^lors que la Profe , ,
s’accommodant à toutes les variétés du difcouis ,
s’mfinue dans les efprits, les remue & les, échauffe j j
£’eft alors qu’elle devient une efpèce de Mufique ,
qui offre partout une mefure réglée , un mouvement
déterminé , & des cadences variées & gra-
^ieufes. Q ’abçrd l’oreillç feijle & le goût cfos
écrivains avoient réglé le Rhythme de la Profe t
enfuite l’art le perfectionna-} & on aflîgna à chaque
ftyle l ’efpèce de pied qui lui convenoit davantage,
foit pour le ftyle oratoire,, foit pour le ftyle hif-
torique, foit pour le dialogue : en un mot, pour
quelque efpèce de ftyle que ce fu t , la mefure &
le mouvement étoient déterminés par des règles ,
en Profe ainfi qu’en Poéfîe ; & ces règles étoient
regardées comme fi effencielles , que Cicéron n’en
difpenfe pas même les orateurs qui avoient à parler
fur le champ. ( Le chevalier DE J AV COURT. )
RIDICULE , f. m. Poème dramatiq. Comiq.
Le Ridicule, dans le Poème comique , eft, félon
Ariftote , tout défaut qui caufe difformité fans
douleur, 8c qui ne menace perfonne de deftruCtion,
pas même celui en qui fe trouve le défaut : car
s’i l menaçoit de deftruCtion, il ne pourroit faire
rire ce^x qui ont le coeur bien fait} un retour fecret
fur eux-mêmes leur feroit trouver^ plus de charmes
dans la compaffion.
L e Ridicule eft efTenciellement l ’objet de la
Comédie. Un philofophe differte contre le vice ;
un fatirique le reprend aigrement} un orateur le
combat avec feu } le comédien l ’attaque par des
railleries , & i l réuffit quelquefois mieux qu’on ne
feroit avec les plus forts arguments.
La difformité qui conftitue le Ridicule , fera
donc une contradiction des penfées de quelque
homme, de fes fentiments , de fes moeurs , de Ion
air , de fa façon de faire , avec la nature , avec les
lois reçues , avec les ufages , avec ce que fembie
exiger la fituation..préfente de celui en qui eft la
difformité. Un homme eft dans *la plus baffe fortune
, il ne parle que de rois & de tétrarques j il
eft de Paris & à Paris, i l s’habille à la chinôife ;
i l a cinquante ans , & il s’amufe férieufement à
atteler des rats de papier à un petit chariot de
carte ; il eft accablé de dettes & ruiné , il veut
aprendre aux autres à fe conduire & à s’enrichir :
voilà des difformités ridicules , qui font, comme on
le vo it, autant de contradictions avec une certaine
idée d’ordre ou de décence établie.
Il faut obferver que tout Ridicule n’eft pas
rifible. Il y a un Ridicule qui nous ennuie, qui
eft mauflade; c’eft le Ridicule grofiîer : il y en
a un qui nous caufe du dépit, parce qu’jl tient à un
défaut qui prend fur notre amour propre } tel eft J.e
fot orgueil : celui qui fe montre fur la fcène comique
eft toujours agréable , délicat > & ne nous çaufo
aucune inquiétude fecrète.
Le Comique , ce que les latins appellent V i s
comica, eft donc le Ridicule vrai, mais chargé
plus ou moins, félon que le Comique eft plus on
moins délipat. 11 y a un point exquis , en deçà
duquel on ne rit pas 8c au delà duquel on ne rit
plus, au moins les honnêtes gens: plus on a le
goût fin & exercé fur les bons modèles , plus on
le fent} mais ç’eft de ces çhofes qu’on ne peut que
fentir. Or
O r ’la vérité paroît poufTée au delà des limites,
i ° , quand les traits font multiplies^ & prefentes les
uns à côté des autres. H y R des Ridicules dans
la fociété } mais ils font moins - frapants , parce
qu’ils font moins fréquents. Un avare, par exemple
, ne .fait fes preuves d’avarice que de loin en
loin : Igs- traits qui prouvent font noyés , perdus ,
dans une infinité d’autres traits qui portent un autre
caraClère ce qui leur ôte prefque toute leur force.
Sur le théâtre un avare ne dit pas un mot, ne
fait pas un gefte, qui ne repréfente l ’avarice ; ce
qui fait un fpe&acle fingulier, quoique vrai, & d’un
Ridicule qui néceffairement fait' rire. "
: ,i° , Elle eft. au delà - des limites, quand elle
paffe la vraifemblance ordinaire. Un avare voit
deux chandelles allumées, il en fouffle une } cela
eft j’ufte : on la rallume encore , il la met dans
fa poche ; c’ eft aller loin , mais cela n’eft peut-
être pas au delà des bornes du Comique. Dom
Quichotte, eft ridicule par fes idées de chevalerie , .
Sancho ne l ’eft pas moins par fes idées de fortune :
mais il fembie que l ’auteur fe moque de tous
deux , & qu’il leur fouffle des chofes outrées & bi-
làrres, -pour les rendre ridicules aux autres , & pour
fe divertir lui-même..
La tr.oifième manière de faire fortir le Comique,
eft de faire contrafter le décent avec le Ridicule. On voit fur la même fcène un homme fenfé ,,, &
un joueur de TriCtrac qui vient lui tenir des ptopos
impertinents : l’un tranche l’autre , & le relève.
La. femme ménagère figure à côté de la favante ;
l’homme poli & humain , à côté du mifanthrope ; &
un jeune homme prodigue, à côté d’un père avare. La
Comédie eft le choc des travers des Ridicules entre
eux , ou avec la droite raifon & la décence.
Le Ridicule fe trouve partout : il n’y a pas une
de nos aCtions , de nos penfées , pas un de nos
geftes , de nos mouvements , qui n’en foiént fuf-
ceptibles. On peut les conferver tout entiers, &
les faire grimacer par la plus légère addition. D’où
il eft aifé de conclure j que quiconque eft vraiment
né pour être poète comique , a un fonds .inépui-
fable de Ridicules à mettre fur la fcène, dans tous
les caractères de gens qui compofent la fociété.
Cours de B elles-Lettres. [L e chevalier d e J a u -
COURT.]
R IM A I L L E U R , f. m. Littérature. Auteur
médiocre ou mauvais , qui rime fans génie & fans
goût. Ce terme fe prend toujours en mauvaifejiart :
ainfi , Rouffeau dit dans une de fes épjgrammes j
Griphoa , Rimailleur fubalterne ,
Vante Siphon le barbouilleur j
Et Siphon , peintre de taverne ,
Vante Griphon le Rimailleur,
■( A n o n ym e .,)
RIME, f. f. Litt. La Rime eft la confonnance dés
G r am m . e t L i t t é r a t . Tome I I I .
finales des vers. Cette confonnance doit être fenfible
à l ’o re ille, il faut pour cela qu’elle tombe fur des
fyllabes fonores ; & fi les vers finiffent par une
muette, la Rime doit être double , c’eft à dire
que la pénultième 8c la finale doivent être confondantes.
Quoique dans les finales des mots, les
confonnes qui fuivent la voyelle ne fe faflent prefque
jamais fentir, cependant , pour rimer à l ’oeil
en même temps qu’à l ’oreille , on veut que les
deux finales préfentent les mêmes caractères , ou
des caraCteres équivalents : par- exemple ", fu it an
ne rime point avec injlant ; infiant 8c attend
riment enfemble.
On appelle Rime mafculinè , 'celles de mots
dont la finale eft une fyllabe pleine Sc fonore ;
& féminime, celle dont la finale eft une fyllabe
muette. Dans la première , il fuffit que les finales
foient confônnantes} dans la fécondé , la confon-
nançe doit commencer à la pénultième : revers
8c pervers riment } four ce 8c force ne
rimeroient pas, quoique la finale muette foit la
même } mais bi'en fource 8c courfe , exerce 8c
diverfe.
On appelle Rime- pleine , celle ou non feulement
le fon , mais l’articulation eft la même :
comme vertu 8c abattu , étude 8c folitude. On
appelle Rime fuffifante , celle qui n’eft que dans
le fon , & non dans l'articulation , comme venu
8c vaincu , timide 8c rapide. Quand la Rime
qu’on emploie eft trop abondante comme celle
des mots en a n t , on regarde comme une négligence
la Rime qui n’eft que dans le fon, & qui
n’eft pas dans la confonne : aufïî voit-on peu
d’exemples ‘ dans 'les bons poètes du temps de
Boileau & de Racine., de Rimes auffi négligées
que celle S amant 8c d’ihconfiant. Si toutefois
i l y a deux confonnes qui précèdent la voyelle,
comme dans la finale de 'furprend, c’eft affez pour
l ’oreille que la fécondé de ces confonnes foit la
même : ainfi, ce mot furprend rimera très - bien
avec grand. La Rime eft double , lorfque non
feulement la finale fonore , mais la pénultième,
a le même fon , comme attirer , refpirer. L a
Rime eft fimple , lorfqu’elle n’eft que dans la
finale , cfrsnme différer, refpirer. Elle eft en même
temps pleine & double , lorfque l ’articulation &
le fon des d'eux fyllabes font les mêmes , comme .
préférer, différer. Dans les vers féminins l ’articulation
doit être là même dans les deux mots :
efcorte 8c difcorde ne riment point » parce que
l ’arliculation de la muette eft différente. -
Deux fyllabes ont le même fon & la même
articulation , quoiqu’elles ne s’éerivent pas de
même : e’ eft ainfi que rivaux 8c nouveaux , effais
8c fu c c è s , riment très - bien enfemble. Mais on
exige que les dernières fyllabes fé terminent par
les.mêmes lettres ou par leur équivalent, comme
je l ’ai dit, quoique dans la prononciation! on ne
les faffe pas entendre. Si l ’un des deux, mots , par
exemple, eft terminé par un t, ou par une s , 1$
.V v