
» rexque patrem vicit. Ces dernières paroles font
» dans un Sens divifé. Agamemnon, le regardant
o comme roi, étouffé les fentiments qu’il relient
» comme père« 1
n fDans le Sens compofé, un mot conforve la
» Signification à tous égards, & cette Significa-
» tion entre dans la compolition du Sens de toute
» la phrafe : au lieu que dans le Sens divifé, ce n’ell
» qu en un certain Sens & avec reftriélion qu’un
» mot conlerve Ton ancienne Signification ».
VI** littéral, S e n s fp i rituel. C ’eft
encore du Marfais qui va parler ( Ibid. art. j x ).
» L e littéral eft celui que les mots ex-
» citent d abord dans l ’elprit de ceux qui entendent
» une langue; c’eft le Sens qui fe préfente-na-
» tureliement a 1 efprit. Entendre une expreffion
» littéralement, c’eft la prendre au pied de la
» lettre. Quoe dicîa fu n t fecundàm litteram ac-
» cipere , id e fi, non aliter intelligere quam
» littera fonat ( Aug. Gen. ad lit. lib. v in ,
» ca p .ij , tom. m ) ; c’eft le Sens que les paroles
» »gnifaent immédiatement, is quem verba imme-
» diate Jignificant.
w, & ns fpirituel eft celui que le Sens lit—
» teral renferme ; i l eft enté, pour ainfî dire , fur
2 c / '*ens ^ tteral y c’eft celui que les chofes fîgni-
” ^e.es Par ^ens littéral font naître dans l ’elprit.
» Ainfî ,, dans les paraboles, dans les fables , dans
» les allégories, il y a d’abord un Sens littéral :
* on dit , par exemple , qu’un loup & un agneau
» vinrent boire a un même ruiffeau; que le loup
» ayant cherché querelle à l ’agneau, i l le dévora.
» bi vous vous attachez lîmplement à la lettre,
» vous ne verrez dans ces paroles qu’une limple
» aventure arrivée à deux animaux : mais cette i
» narration a un autre objet ; on a deffein de vous
» taire voir que les foibles font quelquefois oppri-
» mes par ceux qui font plus puiffants : & voilà
» le Sens lpirituel, qui eft toujours fondé fur le
» Sens littéral ».
$. f i Divifion du S e n s littéral. » Le Sens
9 littéral eft donc de deux fortes.
i* » I l y a un Sens littéral rigoureux ; c eft le
» Sens propre d'un mot, c’eft la lettre prife à la
» rigueur , Jlriclè.
i . » L a fécondé efpèce de Sens littéral, c'eft
» celui que les eipreflions figurées dont nous
» avons parlé préfentent naturellement i l ’efprit
» de ceux qui entendent bien une langue ; c eft
* ™ Sens YMètil f ig u r é : ^ exemple, quand on-
» dit d un Politique, qu i l sème à propos la di-
» vijion entre fe s propres ennemis; Cerner ne fe
doit pas entendre à la rigueur, félon le Sens
» propre , & de la même manière qu’on dit Cerner
■ du bled ; mais ce-mot ne laifle pas d’avoir un
» Sens littéral, qui eft un Sens figuré qui fo
» préfente naturellement à l ’efprit. L a lettre ne
P doit pas toujours être prife 4 la rigueur ; elle
» tue , dit S. Paul ( II. Cor. i i ; , 6 ) : on ne doit
» point exclure toute Signification métaphorique
» & figurée. Il faut bien fe garder, dit S. Au-
» guftin ( De doél. Chrifl. lib. I I I , cap. v ,
» tom. z/z, Paris, 168$ ) , de prendre àlalettre
» une façon^ de parler figurée ; & c’eft à cela qu’il
» faut appliquer ce paffage de S. Paul, La lettre
» tue, & Vefprit donne la vie. In principio ca-
» vendum efi ne figuratam loquutionem ad lit-
» teram accipias ,* ad hoc enim pértinet quod
» ait' apofiolus, Littera occidit, lpiritus autem
» vivificat.
» I l faut s attacher au Sens que les mots exci-
» tent naturellement dans notre elprit, quand nous
» ne fommes point prévenus & que nous fommes
» dans 1 état tranquile de la raifon : voilà le véritable
» Sens littéral figuré ; c’eft celui-là qu’il faut don-
» ner aux lois, aux Canons, aux textes des coutumes,
» & même à l ’Écriture faince.
»Quand Jéfus - Chrift a dit ( Luc. j x , 6z ) |
» Celui qui met la .main à la charrue & qui
» regarde derrière lui , n e fi point propre pour
» le royaume de Dieu ; on voit bien qu’i l n’a pas
» voulu dire qu’un laboureur, qui en travaillant
» tourne quelquefois la tête , n’eftpas propre pour
» le ciel ; le vrai Sens que ces paroles préfentent
» naturellement à l ’efprit, c’eft que ceux qui ont
» commencé à mener une vie chrétienne & à être
» difoiples de Jefus-Chrift , ne doivent pas changer
» de conduite ni de doétrine', s’ils veulent être
» fauvés : c’eft donc là un Sens littéral figuré. I l
» en eft de même des autres paffages de l ’Évan-
» gile , où Jéfus-Chrift dit ( Matth. v, 39) , de pré-
» Tenter la joue gauche à celui qui nous a frapés
» fur la droite, & ( ibiâ'. 29 , 30 ) de s’arracher
» la main ou l ’oeil qui eft un fujet de fcandale :
» il faut entendre ces paroles de la même manière
» qu’on entend toutes les expreffions métaphori-
» ques & figurées ; ce ne feroit pas leur donner
» leur vrai S ens, que de les entendre félon le
» Sens littéral pris à la riguêur ; elles doivent être
» entendues félon la fécondé forte de Sens littéral,
» qui réduit toutes ces façons de parler figurées à
» leur jufle valeur , c’eft à dire, au Sens qu’elles
» avojentdans l ’eforit’de celui qui a parlé,& qu’elles
» excitent dans 1 elprit de ceux qui entendent la
» langue où rexprefilon figurée eft autorifée par
» 1 uiage^ Lorfque nous donnons au blé le nom
» de Cérès, dit Cicéron (D e nat. deor.lib. m ,
» n°. 41 , aliter x v j) , & au vin le nom de
n Bacchus, nous nous fervons d’une façon de
» parler ufitée en notre langue, 6* perfonne n e fi
” ajfe\ dépourvu de fens pour prendre ces paroles
n à la rigueur de la lettre.
» Il y a fouvent dans le langage des hommes
» un Sens littéral qui eft caché, & que les cir-
» confiances des choies découvrent ; ainfî , il arrive
» fouvent que la même propofition a un tel Sens
» dans la bouche ou dans les écrits d’un certai»
» homme , & qu’elle en a un autre dans le difcours
9 & dans les ouvrages d’un autre homme : mais i l
9 ne faut pas légèrement donner des Sens déla-
» vantageuî aux paroles de ceux qui ne penfent
» pas en tout comme nous; i l faut que ces Sens
9 cachés foient fi facilement dèvelopés par les
9 circonftances , quun homme de bon fens qui
» n’eft pas prévenu ne puifle pas s’y méprendre.
» Nos préventions nous rendent toujours injuftesr,
» & nous font fouvént prêter aux autres des fenti-
» ments qu’ils détellent auffi fincèrement que noüs
9 les dételions.
» Au refte, je viens d’obferver que le Sens lit—
» téral figuré eft celui que les paroles excitent
» naturellement dans l ’efprit de ceux qui entendent
» la langue où l ’expreflion figurée eft autorifée
» par l*ufage : ainfî , pour bien entendre le véritable
i> Sens littéral d’un auteur, il ne fuffit pas d en-
» tendre les mots particuliers dont il s’eft fervi,
» il faut encore bien entendre les façons de parler
» ufîtées dans le langage de cet auteur ; fans quoi,
» ou l ’on n’entendra . point le paffage , ou l ’on
» tombera dans des contre - feus. En françois ,
» donner parole , veut dire promettre ,* en latin,
» verba dare , fîgnifie tromper : poenas dare
» a licui, ne veut pas dire donner de la peine à
» quelqu’ un , lui faire de la peine ; il veut dire
» au contraire, être puni par quelqu’ un , lui donner
» la fatisfaétion qu’il exige de nous , lui donner
» notre fuppliçe en payement, comme on paye
» une amende. Quand Properce dit à Cinthie ,
» Dabis mihi, Pe rfida, Poenas (II. Eleg. v. 3 ) ,
» il né veut pas dire , Perfide, vous m’alle\ caufer
» bien des tourments ; il lui dit au contraire,
» qu’i l la fera repentir de fa perfidie.
» Il n’eft pas poflible d’entendre le Sens littéral
» de l ’Écriture fainte, fi l ’on n’a aucune connoif-
» fonce des hébraïfmes & des hellénifmes, c’eft à
» dire, dès façons de parler de la langue hébraïque
» & de la langue grèque. Lorfque les interprètes tra-
» duifent à la rigueur de la lettre , ils rendent les
» mots , & non le véritable Sens : de là vient
» qu’il y a , par exemple, dans les Pfeaumes,
» plufîeurs verfets qui ne font pas intelligibles en
» latin. Montes D e i( P f . 35 ) , ne veut pas dire,
» montagnes confacrées à D ieu , mais de hautes
» montagnes ». Voyex Idiotisme & Superlatif.
» Dans le nouveau Teftament même i l y a
» plufîeurs paffages qui ne fouroient être entendus
» fans la connoiffance^es idiotifmes, c’eft à dire ,
» des façons de pafler des auteurs originaux. Le
» mot hébreu qui répond au mot latin verbum ,
» fe prend ordinairement en hébreu pour, chofe
» fignifiée par la parole ; c’eft le mot générique
» qui répond à negotium ou res des latins. Tran-
» feamus ufque Bethleem, & videamus hoc v e r -
» b vm quod faclum efi ( Luc. ij ~, 15 ) ; paffons
» jufqu’à Bethléem , & voyons ce qui y eft arrivé.
» Ainfî, lorfqu’au troifîème verfet du chap. 8 du
» Deutéronome, il eft dit , ( Deus ) dédit tibi
» cibum manna quod ignorabas tu & patres
» lu i , ut oftenderet tibi quod non in fo lo pane
» vivat Homo , fe d in omni verbo quod egreditur
» de ore D e i ,* vous voyez <^ue in omni verbo
» fîgnifie in omni r e , c’eft a dire , de tout ce
» que Dieu d it , ou veut, qui ferve de nourriture.
» C’eft dans ce même Sens que Jéfus - Chrift a
» cité ce paffage : le démon lui propofoit de
» changer les pierres en pain ; il n’eft pas nécef-
» faire de faire ce changement , répond Jéfus-
» Chrift , car l ’homme ne vit pas feulement de
» pain , i l fe nourrit encore de tout ce qui plaît
» à Dieu de lu i donner pour ncmrriture , de tout
» ce que Dieu dit qui fervira de nourriture.
» (Matth. iv , 4 ). Voilà le Sens littéral; celui
» qu’on donne communément à ces paroles, n’eft
» qu’un Sens moral ».„
§. 2. Divifion du S en s fpirituel. » Le Sens
» fpirituel eft auffi de plufîeurs fortes^ : 1. Le S ens
» moral. 2. Le S e n s allégorique. 3. Le S en s
» anagogique ».
1. S e n s moral. » Le Sens moral eft une
s » interprétation félon laquelle on tire quelque
» iriftruétion pour les moeurs. On tire un Sens
» moral des hiftoires , des fables , &c. Il n’y a
» rien de fi profane dont on ne puiffe tirer des
» moralités, ni rien de fi férieux qu’on ne puiffe
» tourner en burlefque. T elle eft la liaifon que
» les idées ont les unes avec les autres : le moindre
» raport réveille une idée de moralité dans un
» homme dont le goût eft tourné du côté de la
» Morale ; & au contraire, celui dont l ’imagina-
» tion aime le burlefque, trouve du burlefque par-
» tout.
» Thomas Walleis, jacobin anglois , fit im-
» primer vers la fin du quinzième fiècle, à l’ufose
» des prédicateurs, une explication morale des Me-
» tamorphofes d’Ovide : nous avons le Virgile tra-
» vefti de Scarron. O vide n’avoit point penfé à la Mo-
» raie que Walleis lui prête; & Virgile n’a jamais
» eu les idées burlefques que Scarron a trouvées
» dans fom Énéide. I l n’en eft pas de même des
» fables morales : leurs auteurs mêmes nous en
» découvrent les moralités ; elles font tirées du
» texte, comme une eonféquence eft tirée de fon
» principe ».
2. S e n s allégorique. » Le Sens allégorique fe
» tire d’un difcours , qui, à le prendre dans fon
» Sens propre, fîgnifie toute autre chofe : c’ eft une
» hiftoire qui eft l ’image d’une autre hiftoire ou de » quelque autre penfée ». Poye^ A llégorie.
» L ’efprit humain a bien de la peine à demeurer
» indéterminé fur les caufes dont il voit ou dont
» i l reffent les effets ; ainfî , lorfqu’il ne connoît
» pas les caufes, il en imagine, & le voilà fatis-
» 'fait. Les païens imaginèrent d’abord des caufes
» frivoles de la plupart des effets naturels : l’amoui