
de l ’Impératif. D on n e - moi, Dépêche^ - vous ,
Flattons-nous-en , Franfporte- vous-y , Accor-
de\-La-leur, Rends-le-lui. On écrit, Faites-moi
lui parler, & non Faites-moi-lui parler ; parce
que /wi eft complément de parler, & non pas de
fa ite s .
VI. On attache auflï par un TzVcz au mot précédent
les particules poftpofitives ci , A l, pri , <Ai ,*
par exemple , ceux-ci, ce livrè-là , oh-çà , owi-
*Az. On écrit cependant de'çà,de Ai, vene\ ç à , z7
zra A i, fans Tiret; parce que fri & Ai, dans ces
exemples , font des adverbes , & non des particules.
Voye\ Particulb. ( M. B e a u z é e . )
TM È SE , f. f. C ’eft une véritable figure de diétion,
comptée par les grammairiens dans les efpèces de
l ’Hyperbate. La Tmèfe a lieu, lorfque l’on coupe
en deux parties un mot compoféde deux racines élémentaires
, & que l ’on insère entré deux un autre
mot ; comme Septem fubjecla trioni ( Virg. ) pour
Jubjecla Septentrion!. Voye\ H y p e r b a t e .
{ M . B e a u z é e . )
T O N , f. m. Belles Lettres. Dans le langage ,
on appelle Ton, le caractère de noblesse , de familiarité
, de popularité, le degré d’élévation ou
d’abaiffement qu’on peut donner a l ’Élocution,
depuis le bas jufqu’au/fublime. Ainfi , l ’on dit que
le Ton de la Tragédie & de l’Épopée eft majestueux
; que celui de l’Hiftoirecft noble & fimple ;
que celui de la Comédie eft familier, quelquefois
populaire.
Ton fe dit auffi des autres caractères que l ’ex-
preflion reçoit de la penfée , de l ’image, du fen-
timent. Le Ton trifte de i’Élégie, 1 tTon galant
du Madrigal, le Ton léger delà plaifanterie , le
T oji pathétique., le Ton fèrieux , &c.
On voit par là , que^ non feulement le ftyle
peut avoir, mais qu’il doit avoir p lu f i e u r s T on s,
relativement aux fujets que l ’on traite & a u x perfion-
nages qu’on fait parler. Et non feulement dans les
divers genres & fur des fu je t s différents, mais dans
le même genre & dans le même ouvrage, le ftyle doit
prendre, fans détonner, différentes modulations.
. . . . . .Triftia moeftum
Vultum verba decent ; iratum,plena ininarum ;
Ludentem, lafciva ; feverum, feria dictu. Hor.
Ces règles de convenance ne fe bornent pas aux
fujets que l’on traite , elles s’étendent jufqu’aux
perfones qu’on a deffein d’intéreffer ou|d’e persuader
en écrivant ; & c’eft dans ces raports que les bienféances
du ftyle font ce que l ’art d’écrire a de plus
djfîîrile & de plus effenciel : Caput drtis decere. h BE |H H I Dans le meme fens, le l angage de la fociété a
fon bon Ton & fon mauvais Ton. Lé naturel dans
lap olitc ffe , la délicatesse dans la louange, la
fineffe dans la raillerie , la légèreté .dans le badinage,
la nobleffe & la grâce dans la galanterie ,
une liberté raefurée & décente dans le langage 8c les
manières, & par deffus tout une attention imperceptible
de diftribuer à chacun ce qui lui eft dû-de dif-
tindions & d’égards ; c’eft là , par tout pays, ce que
f l ’on peut appeler le bon Ton : le mauvais
Ton eft tout le contraire ; & jufques là le bon
Ton n’eft autre éhofe que le bon goût mis en
pratique. S’il eft donc vrai qu’il y ait un bon goût
reconnu par toutes les nations cultivées , il femble-
roit que, pour s’affûrer d’avoir le bon Ton, il
fumroit d’aquérir le bon goût. Mais malheureufe-
ment il n’en eft pas ainfi; & il y a des temps où
le bon Ton n’a prefque rien de commun avec le bon
goât- .
Les bienféances, qui font les premières règles
du bon goû t, ne font pas toujours celles du bon
Ton. ïl y a des indécences dont la tournure eft du
meilleur Ton dans le monde, comme il y a des
politcffes du Ton le plus provincial.
Le bon T o n , dans ce qui s’appelle la bonne
compagnie , eft un fyftême de convenances , qu’elle
s’eftfaità elle-même & qui lui eft particulier. Il
interdit en général une familiarité déplacée , & par
conféquent tous les mots , tous les tours de phr.afe
qui fuppofent, dans celui qui parle, la négligence des
égards qu’il doit à la fociété. Rien n’eft plus jufte
que cette lo i, lorfqu’elle n’eft pas trop févère ; mais
quelquefois^elle eft minutieufe, & je reffent de la
petiteffe & de la vanité de l ’efprit qui la fait.
D ’un autre côté, il confifte dans une aifance noble ,
qui marque, dans celui qui parle, un ufage fréquent
du monde ; & -cette aifance a fes degrés de réferve,
de .modeftie, de liberté, de familiarité,' qui distinguent,
par des nuances délicates, le bon Ton
de l ’inférieur, du fupérîeur, & de l ’égal. Je me
contenterai d’en indiquer quelques exemples.
Lorfqu’un inférieur parle à un homme qualifié,
ce n’eft point par fon nom , c’éft ‘par fa qualité.
queTufage veut qu’il l ’appelle: & au contraire,
lorfque les gens de qualité parlent entre eux, c’eft
rarement par leur qualité qu’ils s’appellent, c’eft
par leur nom ; ils trouveroient trop d’affe «Station à
fe renvoyer mutuellement leurs titres.
Dans le ftyle même de la Tragédie, rien de
plus en ufage que de dire, en parlant aux per-
ionnages les plus élevés; Votre père, votre fils,
votre fouir, votre mère : & dans le monde , rien n’eft
de plus mauvais Ton. Si vous parlez d’une mère
à fa fille , ou d’un fils à fon père, où d’un frère à
fa fceur , le bon Ton veut que vous difiez ; Mon-
fieur un t e l , Madame une telle , comme s’ils ne
leur étoient rien.
L’on voit même dés gens qui ne veulent pas être
appelés mon père & ma mère par leurs enfants :
Monfieur & Madame leur femblent moins ignobles,
plus diftingués. Mais y a-t-il rien de plus commun,
de plus avili que ces appellations ? & les fubfti-
tuer aux noms facrés de la nature, n’eft - ce pas
la plusridiculee des inventions de la vanité ?
Le bon Ton du fupérieur eft de queftionner
fouvent. Le bon Ton de l’inférieur eft de ne q u e s t
io n n e r jamais, ou le plus rarement poffible.
Le privilège de l’égalité, de la familiarité , de
la fupériorité , eft de parler à la fécondé perfoiine ;
la déférence , le refpeét, la grande politeffe veulent
qu’on parle à la troifîème. Ç’eft un ufage
qui nous eft venu d’Itâlie , avec l’excellence , Y éminence
, 8c l'altejfe. En Allemagne, on a renchéri
fur cette formule de politeffe, en ajoutant le pluriel
à la tierce perfonne, quoiqu’on ne parle qu a
un feul. Que veulent- ils ? Q u ordonnent-elles i
Parmi les gens qui ne font pas très - familiers
enfemble , la politeffe la plus commune défend
d’appeler par fon nom celui à qui on adreffe la
parole dire&ement & fans équivoque ; mais on
a ffeô te de nommer celui à qui l’on veut faire fentir
fa fupériorité : cela eft du bon Ton.
Si dans lé monde on vous demande des nouvelles
de votre femme , de vos enfants, de votre
père ; fi l’on vous parle de votre procès , de la
perte que vous avez faite au jeu , de l’incendie de
votre maifon ; il eft dû bon Ton de répondre froidement
, légèrement, & en peu de mots. Rien de
plus ennuyeux pour les autres que de les occuper
de foi. Toutes les’queftions qu’on vous fait fur vos
intérêts perfonnels font, des formules de politeffe
dont vous devez favoir ne jamais abufer : mais fi
l’on veut favoir la nouvelle du jour, ou une aventure
piaffante, ou une anecdote fcandaleulè ; étendez-
vous tout à votre aife ; les détails font permis , ils
font même importants.
Depuis la Cour jufqu’à la cotterie la plus bour-
geoife, la prétention, du bon Ton s’étend. Tout
le monde, il eft vrai,^convient que la Cour eft
le centre &le modèle du boit Ton ; mais, de proche
en proche ,-on fe flatte d’avoir pris le langage &
les manières de ce grand monde. C’eft le ridicule
que Molière a joué tant de foifr, fans avoir pu le
corriger. Tel homme nous parle fans ceffe du Toji de la bonne compagnie , qui paffe fa vie dans la
mauvaife ; telle femme fe croit l’arbitre des bienféances
, avec qui jamais une femme décente n’a
ôfé paroître en public.
Je paffe fous filence une infinité de formules qui
compofent le code du b o J i Ton , & dont l’Ufage
femble avoit tous les caprices de la Mode , mais
où l’on démêle pourtant une certaine Métaphyfique
dont le principe eft toujours le même.
Mais la Cour elle-même eft- elle toujours un
juge infaillible , un modèle des-convenances du
langage? Elle a un Ton qui eft ladiftingue, & qui comme fon fymbole ; mais fon T on eft auffi.
variable que fon efprit & que fes moeurs. Le Ton d’une Cour galante 8c voluptueufe n’eft pas le Toji d’une Cour guerrière ou dévote. Le T oji dé la
Cour de Henri III n’étoit pas le Ton de la Cour de Henri IV ; & à bien des égards,, le Ton de
la Cour de Louis XIV fous madame de -Montefpan\
n’étoit pas le même que fous madame do
Maintenon. Ce règne cependant avoit pris uia
cara&ère de dignité qui- fe foutint, & qui fut véritablement
un modèle de bienfeance. .
Louis X IV , naturellement porté par 1 élévation
de^fon âme à tout ce qui étoit noble & décent-,
avoit perfectionné ce goût naturel d'ans là focieté
des Mortemart, qui étoit l ’école de 1 efprit le plus
épuré, le plus délicat , le plus aimable. ^De lâ
cette politeffe exqu ife ce tte galanterie i-ngenieufe-,
dont il donna le Ton à fa Cour ; &; ce I o n , une
fois donné, fut bientôt celui de la V ille . Ninon
Lenclos l ’àvoit reçu de fes amants, madame de
Maintenon l ’avoit pris dans le monde & chez Ninon
même. I l s’altéra fous la régence. Encore le rétro
uvoit-on dans la liberté même des foupers^ du
Réo-ent ; & le tour d’efprit de ce prince en étoit
un ^précieux refte : mais les jolies femmes, qui
égayoient fes foupers , ne laiffoient pa^ d etre d afleZ
mauvais modèles des bienféances du langage ; & ce
n’étoit pas dans leur fociété que Fontenelle en prenoit
des leçons. .
Dans une Cour polie , éclairée , élégante, Le
bon Ton fera comme la quinteffence du bon goût ;
mais pour le rendre inaltérable , il faut, au centre
même de cette Cour , une focieté fpirituelle &
dominante , qui ferve de modèle & qui donne
l ’exemple. Alors le foin de plaire & le défir^ de
reffembler engagera le réfte du grând monde a fe
former fur ce modèle ; & le Ton général de la
Cour fera bon. Mais à moins d’un foyer où le
goût s’épure & fe conferve comme le feu^ facré,
& d’où il fe répande & fe communique , il n’eft pas
sûr de regarder le Ton même de la Cour comme
une règle conftamment bonne à fuivre : car il peut
arriver que la Cour foit diverfement compofée ; &
fi le bon efprit & le bon goût n’y font la loi ,
il eft poffible que le bon Ton riy foit qu’une
mode fàntafque & paflagère , qu’un caprice aura
établie , & qu’un caprice fera changer.
Dans les États républicains, le mot de bon
, Toji eft inconnu. Le Ton dominant , bon ou mauvais,
eft celui du grand nombre : il eft l ’ex-
preffion du caractère national. De même , dans les
monarchies où il n’y a d’autre Cour que ce qu’exige
à- la rigueur la dignité du Souverain & le fervice
de fa perfonne , on ne s aperçoit prefque pas de
la différence de T o n entre la Cour & le Public.
Ce n’eft qu’autant que, pour le délaffement &
l’amufement des princes, il fe forme autour d’eux
une fociété nombreufe & agréablement oifive , que
cette fociété fie fait à elle-même un langage plus
châtié , plus élégant , & plus exquis , ou feulement
plus recherché. 11 y avoit vraifemblablement
un bon Ton à la Cour d’Augufte, aux foupers de
Mécène ; mais le bon Ton de la Cour d’Alexandre
étoit le fien 8c celui de fes lieutenants. Céfar avoit
formé fon goût, fon .efprit, fon langage à l’école
des orateurs ; Alcibiade, à celle de Socrate. On
peut remarquer même qu’à mefure qu’une Cour eft
* ' Y y y 2.