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a 1 ad'jeétif le fens ampliatif, ifs emploient îfaâ—
verbe fe h r , qui répond à noire très ou fo r t : & ifs
aiient/è/zr weifs ^ très-fage, fort (âgé ).
Cette'différence des italiens & des allemands ne
prouve rien autre chofe que la liberté de l ’ufage
dans les différents idiomes j mais l ’une des deux
manières ne prouve pas moins que l ’autre la différence
réelle du fens clmpliaiif & du fens fùper-
^at} f ProPreroent dit j - & par conféquent l ’abfurdité
q u i! y auroit à prétendre que le même mot put
fervir a exprimer 1 un & l ’autre,comme nosrudimen-
tiires le penfent & le difent du Superlatif latin.
D ailleurs la plus grande liaifon de l ’italien avec
le latin eft une railon de plus pour croire , que, la
maniéré italienne eff plus conforme que l ’allemande
a celle dès latins.
6 . Notre propre ufage ne nous démontre-t - il
pas la même vérité? Les premiers grammairiens
irançois, voyant le Superlatif latin dans des
phrates comparatives & dans des phrafes abfolues,
& fe trouvant forcés de le traduire dans les unes
par p lu s , précédé d un article, & dans les autres
par t/es ou fo r t , & c , n’ont oas manqué d’établir
dans notre langue deux Superlatifs , parce que
- rammaire latine, dont ils ne croyoient pas
qn il faillit s écarter le moins du monde , leur
montroit également le Superlatif fous les deux
formés : c’èft à la vérité reconnoître bien pofitive-
ment la différence & la diftinftion des deux fens.
Mais où les a conduits l ’homonymie de_leurdénomination
? à diftinguer uv. Superlatif relatif & un
Superlatif zhÇolu : le relatif eft celui qui fuppofe
en effet une comparaifon , & qui exprime un deoré
de fupéiiorité univètfelle; c’eft celai que_les allemands
expriment par. la terminaifon efl - & nous
f i t plus , précédé d’un article , comme weifli/i
(Xe plus làge ) : l ’abfolu eft celui qui ne fuppofe
aucune comparaifon, & qui exprime Amplement
une augmentation indéfinie dans la qualité qui in-
dividualife le mot ; eeft celui que les hébreux in-
diquent par la .double ou triple répétition du mot,
que les italiens marquent parla terminaifon iffîmo
poiir le mafeulin & iffîma pour le féminin , &
que nous rendons communément par la particule
très , comme fapientiffïmo, mafe. fapientiffima,
fem. ( très-fage ). Rien de plus choquant, à mon
gre , que cette diftinétion : l ’origine du mot Su-
p e r la tjf indique néceffairement un raport de fupé-
riorité , & par conféquent un Superlatif abfolu
eft une forme qui énonce fans raport un raport
de fupériorité : c’eft une antilogie infoutenable :
mais cela doit fe trouver fouvent dans la bouche
de ceux qui répètent en aveugles ce qui a été dit
avant eux, & qui veulent y coudre , fans réforme
les idées nouvelles que les progrès naturels de l ’efpri
humain font apercevoir.
Què conclure de tout ce qui précède ? que 1*
fyftême des degrés n’a pas encore été fuffifammenl
aprofondi, & que l ’abus des termes de la Grammaire
la*:ine, adaptés fans examen aux Grammaires
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<3e$ autres langues, a jeté fur cette matière une
obfcurité , qui peut fouvent occ2,fionner des erreurs
& des difficultés : ceci eft fenfible fur 1t fapien-
t i j f i m o des italiens, & le w e i f j è f l des allemands:
le premier lignifie très-fage , l ’autre veut dire le
plus fa g e ; & cependant les grammairiens difent
unanimement que-tous deux font. aji Superlatifs
ce qui eft affigner à tous deux le même fens > 6c
les donner pour d’exaéls correfpondanls l’un de
1 autre, quelque différence qu’ils ayent en effet.
Pour répandre la lumière fur le fyftême des
degrés, il faut d’abord diftinguer le fens graduel
de la forme particulière qui l ’exprime, parce qu’on
retrouve les mêmes fens dans toutes les langues ,
quoique les formes y foient fort différentes. D après
cette diftinélion , quand on aura çonftaté le fyftême
des différents fèhs graduels , il fera aifé de
^tftinguer , dans les différents idiomes , lès formes
particulières qui y correfpondent, & de les carac-
térifer par des dénominations convenables fans
tomber dans l’antilogie-ni dans l ’équivoque.
Or il me femble que l ’on peut envifager ,- dans
la lignification des mots qui en font fufceptibles ,
deux efpèces générales de fens graduels , que je
nommer-ois le fens a b f o l u & le fens c o m p a r a t i f .
I. Un mot eft pris dans un fens a b f o l u ', loi'f-
que la qualité qui en conftitue la lignification
individuelle , eft confidérée en foi & fans aucune
comparaifon avec quelque degré déterminé■, foit de
la même qualité foit d’une autre : & il y a trois
efpèces de fens a b f o l u s , fa v o ir le p o f i t i f a m p l i a -
t i f s & le d i m i n u t i f .
Le fens p o f i t i f eft celui même que préfente la
fignifîcàtion primitive & fondamentale du mot, fans
aucune autre idée acceffoire de plus ni de moins $
tel eft le fens des adjeétifs b o n , f a v a n t , f a g e ,
& des adverbes b i e n , f a v a m m e n t , f a g e m e n t ,
quand on dit, par exemple, u n bon l i v r e s u n
h o m m e savant, u n e n f a n t sage , u n l i v r e bien
é c r i t , p a r l e r savamment, c o n d u i f e ^ - v o u s sagement.
Le fens a m p l i a t i f eft : fondé fur le fens pofitif,
& il n’en diffère que par l ’idée acceffoire d’une
grande intenfité dans la qualité qui en conftitue la
lignification individuelle : tel eft le fens des mêmes
adjeéfifs b o n , f a g e s f a v a n t , & des mêmes adverbes
b ie n , f a v a m m e n t , f a g e m e n t , quand on
dit, par exemple, ù n t b è s-bon l i v r e , u n h o m m e
fort sa v a n t , u n e n fa n tu iE tu sage ,_ u n l i v r e
fort bien é c r it,, p a r l e r tr è s- savamment , c o n -
d u i f t \ - v o u s TR È-S-SAG EM ENT .
Le fens d i m i n u t i f porte de même fur le fens
pofitif, dont il ne diffère que par l ’idée acceffoire
d’un degré foible d’intenfité dans la qualité qui en-
conftitue la fignifîcàtion individuelle : tel eft encore
le fens des mêmes adjeétifs, b o n , f a v a n t ,
f a g e , & des mêmes adverbes , b i e n , f a v a m m e n t ,
f a g e m e n t , quand on dit, par exemple , u n l i v r e
■ a s s e z b o n s c ’e j l u n h o m m e p e u s a v a n t , u n e n f a n t
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Passablement sag e sunliyre assez bien içxlp
parler peu savamment , vous vous êtes.conduit
assez sagement j c«r il eft vifibie que , dans toutes
ces phrafes , on a l'intention réel,le a aftoiblir i’i^ee
que préfenteroit le fens pofitif des adjectifs & .des
adveîbes,
Ôn fent bien qu’il ne faut pas prendre ici le
mot de diminutif, dans le même.fens que lui do'n^<
nent les grammairiens , en pariant des. noms qu ils
appellent fubjlantifs , tels que :font en lAtinicofri
culum , ‘ diminutif de cor , Terentiola , diminutif
àe.Terentia , & en italien. vecchinç *1. vevehietto ,•••
vecchiettino, diminutifs de vecchio, S.
ces diminutifs de. noms ajoutant à ,l ’idée de la tia-
ture exprimée par le nom, ii’idée accéffbire; de;
petiteffe prife plus tôt comme un figne de mépris,
ou au contraire de careffe , que dans le fens propre,
de diminution .phyfique , fi:Ce n’eft une djmimttion
phyfique de la llibftance même , commé globulus ,
diminutif de globus.
Les mots pris dans le fens diminutif dont il
s’ agit ici, énoncent au contraire une diminution p h y - 1
fique dans; la nature de la qualité’ qui en eoriftilùe"
la fignificatioa fondamentale, un degré réellement
foible d’intenfité : tels font, en éfpagnol trijlefico
( un peu trifte ) diminutif de tr'îfte,• & en latin
trifliculus. ou fubtrijlis, diminutif de trifîis ,fu b -
obfcenè , diminutif d'obfcenè, &c.
II. Un mot eft pris dans un fens comparatif,
lorfqu’un degré quelconque de la qualité qui conftitue
la lignification ' primitive & individuelle du
mot , eft en effet relatif par comparaifon a un
autre degré déterminé , ou de la même qualité ou
d’une autre, foit que ces degrés comparés apar-
tiennent au même fujet, foit qu’ils apartiennent à
des fujets différents. Or il y a trois efpèces de fens
comparatifs , félon que le raport acceffoire que l ’on
confùière eft S égalité, de fupériorité, ou d’infériorité.
Le fens comparatif S égalité eft celui qui ajoute
«Su fens pofitif l’idée accefîoire d’un raport d’égalité
entre les degrés aéluellement comparés.
Le fens comparatif de fupériorité eft celui qui
ajoute au fens pofitif l’idée acceffoire d’un raport de
fupériorité à l ’égard du degré avec lequel on le
compare.
^ Le fens comparatif d*infériorité eft celui qui
ajoute au fens pofitif l ’idée acceffoire d’un raport
d’infériorité à l ’égard du degré avec lequel on le
compare.
Ainfî, quand on dit, Pierre eft aussi sa v a n t ,
plus savant, moins savant aujourdhui qu’hier;
on compare deux degrés fucceffi fs de favoir considérés
«ans le même fujet : & l’adjeêtif favant., qui exprime
le degré de favoir d’aujourdhui, reçoit de
l adverbe auffi le fens comparatif d’égalité ; de
1 adverbe plus , le fens comparatif de fupériorité ;
& de l ’adverbe moins , le fens comparatif d”infériorité.
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.Quand pn dit y ffien è efl. aussi sa v a n t , plus
savant j savant que fage ; on compare le
degré de favoirc^ai fe trouve dans Pierre avec le degré
de fagèjje dont eft pourvu le même fujet au
moyen des mêmes adverbes' auffi , plus , mbins,
l ’ adje^if favant- ïeqo tf l& différents'fens côffipa-
ràitifyd'égalité- -de 1ôU-^ ’infériorité!
'Si l ’omdit, Pierre efl 'ÂVSSip&A^Awtaué Paul eft
fà-gè, oubie h , Pierre efl Pitri'SAyA'Nt , moins s a .
vant que'Paul Wefl sag'e ; on compare le degré de
favoir de Pierreravec le degré de fageffé-de l’autre
fujet Paul-: & les ' divers raports é\x"favoir de
l ’ùn a la fà'geffe de l ’autre , font encore marqués-
par les mêmes adverbes ajoutés à l ’adjeétif f avant.-
On peut comparer' différents degrés de la même
qualité confidêrés dans des fujets differents , & différencier
pâr lés même-s- adverbes les raport^ S égalité,
àe fupériofrite', ou SlnférkiHté. Ainfii pour comparer
un degré pris dans un fujet avec un degré pris dans ùr*
autre fujet, on dira, Pierre efl aussi savant , plus
savant , moins Sa v a n t P a u l; c’eft énoncer en
quelque forte une égalité, une fupériorité,ou. une infe-
r/o^/individuelle : mais pourcomparer un degré pris
dans un. fujet avec chacun des degrés pris dans tous
lès fia jets., d’un certain ordre, ,on dira , Pierre efl
aussi savant qu’aueuh j unfconfulte, ou bien,
Pierre efl le plus savant ou le moins savant
des furifconfultes , c’eft.énoncer une égalité, une
fupériorité, ou une infériorité univerfelle j ce qu’i l
faut bien obferver.
I I I . Voici ,1e tableau abrégé du fyftême , des-
divers fens graduels dont un même mot eft fuf-
céptibie.
Sans m’arrêter aux dénominations reçues, j’ai foncré
à caraétérifer chacun de ces fens par un nom véritablement
tiré de la nature ‘de la chofe ; parce que
je fuis perfuadé que la nomenclature exaéte des
chofes eft l ’un des plus folides fondements du véritable
(avoir, felon un mot de Coménius que j’ai
déjà cité ailleurs : Totius eruditionis poffrit funda-
mentum,qui nomenclaturqm rerum natures & art is
perdidicit.( Jan. Ling. Tit. I , period, iv. )
Or il eft remarquable que le fens comparatif
ne fe préfente pas fous la forme unique à laquelle
on a coutume d’en donner le nom ; & fi quelqu’un
de ces fens doit être appelé Sup er la tif, c’eû: