
Somme lignifie principalement le temps que
dure l ’affonpiffement naturel, & le préfente en
quelque forte comme un a été de la vie humaine ;
c eft pourquoi l ’on s’en fert avec les termes qui
-fe raportent aux ades , & il ne fe dit guère quen
parlant de l’homme : Un bon Somme , un Somme
léger, le premier Somme. On dit, Faire un .Somme ,•
& l ’on ne diroit pas de même, Faire un Sommeil. )
( M . B e a u z é e . )
( N.) SO N DE V O IX , T O N DE V O IX . Syn.
Ces deux exprefîîons , fynonymes en ce qu’elles
expriment les affections caradériftiques de la voix ,
ont entre elles des différences confidérables.
On reconnoît les perfonnes au Son de leur voix;
comme on diftingue une flûte, un fifre, un hautbois,
une v iè le , un violon, & tout autre infiniment
de Mufique, au Son déterminé par fa conf-
trudion. On diftingue les diverfes affedions de
rame d’une perfonne qui parle avec intelligence
ou avec feu , par la diverfité des Tons de voix ;
comme on diftingue fur un même inftrument les différents
airs , les mefures, les modes, & autres
variétés néceffaires.
Le Son de voix eftdonc déterminé par la conftruc-
tion phyfîque de l ’organe ; il eft doux ou rude, agréable
ou défagréable, grêle ou vigoureux. Le Ton! de
voix eft une inflexion déterminée par les affedions
intérieures que l ’on-veut peindre; il -eft, félon
l ’occurrence, élevé ou bas , impérieux ou fournis ,
fier ou humble , vif ou froid, férieux ou ironique ,
grave ou badin , trifte ou gai , lamentable ou plaidant
, & c ( M . B e a u z é e . )
S O N S ( accord d e s ) , Belles - Lettres.
L ’harmonie a lieu , foit dans la Profe foit dans la
Poéfie. Elle eft à la vérité plus marquée dans les
iVers que dans la Profe ; mais elle n’en exifte pas
moins dans c e lle -c i, & n’y eft pas moins néceffaire.
Nous parlerons d’abord de celle-ci, & enfuite de
l ’harmonie poétique.
L ’harmonie de la Profe étoit appelée parles grecs
Rythme ; & par les latins, Nombre oratoire, Nume-
7us. Voye\ N ombre & Rythme.
On ne peut difconvenir que l ’arrangement des
mots ne contribue beaucoup à la beauté , quelquefois
même à la force du difcours. I l y a dans
l ’homme un goût naturel qui le rend fenfible au
nombre & à la cadence ; & pour introduire dans les
langues cette efpèce de concert, cette harmonie ,
i l n’a fallu que confulter la nature , qu’étudier le
génie de ces langues , que fonder & interroger,
pour ainfi dite , les oreilles , que Cicéron appelle
avec raifon un juge fier & dédaigneux. En effet,
quelque belle que foit une penfée en elle-même ,
li les mots qui l’expriment font ifial arrangés , la
délicateffe de l ’oreille en eft choquée ; une com-
pofition dure & rude la bleffe, au lieu qu’elle eft
agréablement flattée de celle qui eft douce & coulanfe
: fi le nombre eft mal foutenu & que la
chute en foit prompte, elle fent qu’il y manque
quelque chofe, & n’eft point fatisfaite ; fi au contraire
il y a quelque chofe de trainapt & de fu-
perflu, elle le rejette & ne peut le fouffrir. En
un mot, il n’y a qu’un difcours plein & nombreux qui
p u iiX è l a contenter.
Par la différente ftruéture que l ’orateur donne à
fes phrafes, le difcours tantôt marche avec une
gravité majeftueufe ou coule avec une prompte Si
légère rapidité , tantôt charme & enlève l ’auditeur
par une douce harmonie, ou le pénètre d ’h o r r e u r
& de faififfement par une cadence dure & âpre.
Mais comme la qualité & la mefure des mots ne
dépend point d e l ’o r a te u r & qu’il les trouve , pour
ainfi dire, tout taillés; fon habileté confifte à les
mettre dant un tel ordre , que leur concours &
leur uuion , fans laiffer aucun vide nicaufer aucune
rudeffe , rendent le difcours doux , coulant, agréable
: & il n’eft point de mots , quelque durs qu’ils
paroiffent par eux - mêmes , q u i, placés à propos
par une main habile , ne puiffent contribuer à l’harmonie
du difcours; comme , dans un bâtiment, les.
pierres les plus brutes & les plus irrégulières y trouvent
leur place. Ifocrate , à proprement parler, fut
le premier, chez les grecs, qui les rendit attentifs,
à cette grâce du nombre & de la cadence ; & C icéron
rendit le même fervice à la langue de fort
pays.
Quoique le nombre doive être répandu dans tout
le corps & le tiffu des périodes dont un difcours
eft compofé, & que ce foit de cette union. & de
ce concert de toutes les parties que réfulte l’harmonie
; cependant on convient que c’eft furtout à
la fin des périodes qu’il paroît & fe fait fentir. Le
commencement-des périodes ne demande pas un foin
moins particulier, parce que l ’oreille, y donnant une
attention toute nouvelle ,_en remarque aifément les
défauts.
Il y a un arrangement plus marqué & plus étendu
qui peut convenir aux difcours d’appareil & de cérémonie
, tels que font ceux du genre démonftra—
t i f , où l ’auditeur, loin d’être choqué des cadences
mefurées & nombreufes, obfervées, pour ainfi dire,
avec fcrupule , fait gré à l ’orateur de lui procurer
par là un plaifir doux & innocent. Il n’en eft pas
ainfi quand il s’agit de matières graves & férieufes ,
& où l ’on ne cherche qu’à inftruire & qu’à toucher
; la cadence pour lors doit avoir quelque
chofe de gravev & de férieux : il faut que cette
amorce du plaifir qu’on prépare aux auditeurs foit
comme cachée & envelopée fous la folidité des
chofes & fous la beauté des exprefîîons, dont ils
foient tellement occupés , qu’ils paroiffent ne
pas faire d’attention à l ’harmonie.
Ces principes, que nous tirons de Rollin , qui
les a lui-même puifés dans Cicéron & Quintilien ,
font applicables à toutes les langues. On a long
temps cru que la nôtre n’étoit pas fufceptiblç
d’harmonie , ou du moins on 1 avoit totalement
négligée jufqu’au dernier fiecle. Balzac fut le premier
qui prefcrivit des bornes à la période , &
qui lui donna un tour plein & nombreux : l ’harmonie
de,ce nouveau ftyle enchanta tout le monde ,
mais il n’étcit pas lui-même exempt de défauts ; les
Bons auteurs qui font venus depuis les ont connus &
évités.
L ’harmonie de la Profe Contient, i° . les Sons,
qui font doux ou rudes, graves ou aigus ; z°. la
durée des Sons brefs ou longs ; 30. les repos , qui
varient félon que le fens l’exige ; 40. les chutes
des phrafes, qui font plus ou moins douces ou rudes, •
ferrées ou négligées , sèches ou arrondies. Dans la
Profe nombreufè chaque phrafe fait une forte de
vers qui a fa marche. L’efprit & l ’oreille s’ajuftent
& s’alignent dès que la phrafe commence , pour
faire cadrer enfemble la penfée. & l ’expreflion ,
& les mener de concert l’une avec l ’autre jufqu’à
une chute commune qui les termine d’une façon
convenable ; après quoi c’eft une autre phrafe. Mais
comme la penfée fera différente, foit par la qualité
de Coiy objet , foit par le plus ou le moins d’étendue
, ce fera un vers d’une autre efpèce & aufîi
d’une autre étendae, & qui fera autrement terminé;
tellement que la phrafe nombreufe, quoique liée
par une forte d’harmonie, refte cependant toujours
libre au milieu de fes chaînes. Il n’en eft pas de
même dans les Vers; tout y eft prefcrit par des
lois fixes & dont rien n’affranchit : la mefure eft
dreffee ; i l faut la remplir avec précifion , ni plus
ni moins , la penfée finie ou non ; la règle eft
formelle & de rigueur. Cours des Belles-Lettres ;
tom. l.
Mais parce que ce qui conftituoit l ’harmonie dans
la Poéfie grèque & latine', étoit fort different de ce
qui la produit dans les langues modernes ; les unes
& les autres n’ont pas à cet égard des principes communs.
Le premier fondement de l’harmonie eft dans les
Vers grecs & latins : c’eft i°. la règle des fyllabes ,
foit pour la quantité qui les rend brèves ou longues,
foit pour le nombre qui fait qu’il y en a plus ou
moins , foit pour le nombre & la quantité en même
temps ; z°. les inverfîons & les tranfpofitions, beaucoup
plus fréquentes & plus hardies que dans les
langues vivantes; 3 °. une cadence fimple , ordinaire,
qui fe foutient ’partout ; 40. certaines cadences particulières
plus marquées , plus frapantes, & qui ,
fe rencontrant de temps à autre , fauvent l ’uniformité
des cadences uniformes. T^ojye\ Cadesce.
I l n’en eft pas de même de notre langue ; par
exemple , quoiqu’on convienne aujourdhui qu’elle
a des brèves & des longues, ' ce n*eft pas à cette
diftin&ion que les inventeurs de notre Poéfie fe
font attachés pour en former l’harmonie, mais Amplement
au nombre des mefures & à l'affonnance
oes finales de deux en deux Vers : ils ont aufîi admis
quelques inverfîons, mais légères & rares; en forte
qu’on ne peut bien décider fi nous fbmmes plus ou
moins riches à cet égard que les anciens , parce que
l’harmonie de nos Vers ne dépend pas des mêmes
caufes que celle de leur Poéfie.
L ’harmonie des Vers répond exa&eraent à la mélodie
du chant : l’une & l’autre font une fucceffion
naturelle & fenfible des Sons. Or comme dans la
fécondé un air filé fur les mêmes tons eudormiroity
& qu’un mauvais coup d’archet caufe une diffo-
nance phyfîque qui choque la délicateffe des organes
; de même , dans la première , le retour trop
fréquent des mêmes rimes ou des mêmes exprefîîons,
le concours ou le choc de certaines lettres, l’union
de certains mots, produifent ou la monotonie ou
des diffonances. Les fentiments font partagés fur
nos Vers-alexandrins, que quelques auteurs trouvent
trop uniformes dans leurs chutes, tandis qu’ils pa-
roiffent à d’autres très - harmonieux. Le mélange
des Vers & l’entrelacement des rimes contribuent
beaucoup à l’harmonie , pourvu que d’efpace en
efpace on change de rimes : car fouvent rien n’eft
plus ennuyeux que les rimes trop fôuvent redoublées,
Voye\ R im e . ( A n o n y m e . )
(N .) SO T , F A T , IMPERTINENT. Syno-
jiymes.
''Ce font là de ces mots que , dans toutes les
langues , il e ft impoffible de définir ; parce qu’ils
renferment unecolleftiond’idées,qui varientfuivant
les moeurs dans chaque pays & dans chaque fiècle ,
& qu’iLs s’étendent encore fur les tons , les geftes,
& les manières. Il me paroît en général que les
épithètes de S o t , de F a t , & d’impertinent, prifes
dans un fens agravant, n’indiquent pas feulement un
défaut , mais portent avec foi l’idée d’un vice de
caractère & d’éducation.
Il me femble aufîi que la première épithète attaque
plus l’efprit; & les deux autres , les manières.
C’eft inutilement qu’on fait des leçons à un Sot ;
la nature lui à refufe les moyens d’en profiter. Les
difcours les plus raifonnables font perdus auprès
d’un Fat ; mais le temps & l’âge lui montrent
quelquefois l’extravagance de la-Fatuité. Ce n’eft
qu’avec beaucoup de peine qu’on peut venir à bout
de corriger un Impertinent. [Le chevalier DE J AU-
COURT. )
Le Sot eft celui qui n’a pas même ce qu’il faut
d’efprit pour être un Fat. Un Fat eft celui que les
Sots croient un homme de mérite. L ’Impertinent eft:
un F a t outré.
( ^ Le Sot ennuie. Le F at laffe, ennuie, dégoûte
, rebute. L ’Impertinent rebute, aigrit, irrite ,
offenfe ; il commence où l’autre finit.
Le F at eft entre l’Impertinent & le Sot; il eft
compofé de l’un & de l’autre. )
Le Sot eft embarraffé de fa perfonne. Le Fat a
l’air libre & affûré. L ’ Impertinent paffe à l’effronterie.
( La B r u y è r e . )
F f f i