
l'attribuer à différentes étymologies : par exemple ,
noire adverbe j î vient certainement de l'adverbe latin
f i e , & notre conjondion f i eft fans altération la conjonction
latine/r.
3°. Je ne crois pas, quoique l’abbé de Dangeau
le dife très-affirmativement, que l’on doive donner
le nom de Particule a nos petits mots, du, des -,
au , aux. La Grammaire ne doit point juger des
mots par l ’étendue de leur matériel, ni les nommer
d après ce jugement ; c’eft leur deftination
qui doit fixer leur nature. Or les mots dont il
s'ag it, loin d’être des P articules | dans le fens
diminutif que préfente ce mot, équivalent au contraire
à deux parties d’oraifon , puifque du veut
dire de le , des veut dire de le s , au veut dire à
le, & aux veut dire à les. C ’eft âinfi qu’il faut
les défigner >■ en marquant que ce font des mots
compofes équivalents à telle prépofition & tel
article. C ’eft encore à peu près la même chofe
des mots en , y , & dont ; celui-ci eft équivalent
a de lequel, de laquelle , de lefquels, ou de le s quelles
; les deux autres font de vrais adverbes,
puifque le mot en fignifie de lu i , d'elle, de cela,
de ce lieu , d’eux , d’elle s, de ces chofes , de
ces dieux; & que le mot y veut dire à cela, à
ces chofes, en ce lieu,, en ces lieux : or tout mot
équivalent à une prépofition avec fon complément,
eft un adverbe. Vroye\ A dverbe.
4°. Enfin, je fuis perfuadé , contre l ’avis même
de l’habile grammairien dont j’ai rapporte les paroles,
que ce feroit très-mal de faire des Particules
une nouvelle partie d’oraifon. On vient de
voir que la plupart de celles qu’il admettoit avec
le gr®s des grammairiens, ont déjà leur place
fixée dans les parties d’oraifon généralement reconnues
, & par conféquent q u il eft au moins
inutile d’imaginer pour ces mots une clafle à
part.
Les autres Particules , dont je n’ai rien dit
encore & que je trouve en effet très-raifonnable
de défigner par cette dénomination , ne conftituent
pas pour cela une partie d’oraifon, c'eft à dire ,
une efpèce particulière de mots ; & en voici la
preuve. Un mot eft une totalité de fons , . devenue
par l ’ufage, pour ceux qui l’entendent, le figne
d’une idee totale ( voye\ M o t J : or les Pa r ticules
, que je c-onfens de.reconnoître fous.ce nom,
puifqu’i l faut bien en fixer la notion par un terme
propre, ne font lès lignes d’aucune idée totale ;
fa plupart font des fyllabes qui ne deviennent figni-
Bc^tivcs , qu autant qu elles font jointes a d autres
mots dont elles deviennent parties , tde forte qu’on
ne peut pas même dire d’aucune que ce foit une
totalité de fons, puifque chacune devient un fon partiel
du mot entier qui en réfulte.
Au lieu donc de regarder les Particules^ comme
des mots, i l faut s’en tenir à la notion indiquée
par l ’étymologie même du nom, & ;dice que ce
£pnt des parties élémentaires qui entrant dans
la compofition de certains mots, pour ajoutet%
à Vidée primitive du mot fimple auquel on les
adapte, une idée accejfoire dont ces éléments font
les fignes.
On peut diftinguer deux fortes de P articule s,
à caufe des deux manières dont elles peuvent s'adapter
avec le mot fimple dont elles modifient la
lignification primitive : les unes font prépofitives
ou p ré fix e s, pour parler le langage de la Grammaire
hébraïque , parce qu’elles fé mettent à la tete
du mot ; les autres Lotitpofipofitives ou afiîxes,ipMCC
quelles fe mettent à la fin du mot.
Les Particules que je nomme prépofitives où
préfixes , s’appellent communément Prépofitions
infép arable s ; mais cette dénomination eft doublement
vicieufe : i° . elle confond les éléments dont
il s’agit ici , avec l ’efpèce de mots à laquelle
convient exclufivement leN nom de Prépofition ;
z°. elle préfente comme fondamentale l’idée de la
pofition de ces Particules , en la. nommant la
première : & elle montre comme fubordonnée &
acceffoire l ’idée de leur nature élémentaire, en
la défignant en fécond; au lieu que la dénominar
tion de Particule prépofitivè ou préfixe n’abufe
du nom d’aucune efpèce de mot, & préfente les
idées dans leur ordre naturel. On ne fauroit mettre
dans ces termes techniques trop de vérité , trop de
clarté, ni trop de jufteffe.
Voici dans l ’ordre alphabétique nos principales
Particules prépofitives.
A ou ad , Particule empruntée de la prépofition
latine ad, marque , comme cette prépofition
, la tendance vers un but phyfique ou moral*
On fe fert de a dans les mots que nous eompo-
fons nous-mêmes à l ’imitation de ceux du latin »
& même dans quelques-uns de ceux que nous ea
avons empruntés : aguerrir ( ad bellum aptiorena
facere), améliorer (ad melius ducere ) , anéantir
( r é d u ir e n é a n t , ad nihilum ) ; avocat , que
l’on écrivoit & que l’on prononçoit anciennement
advocat ( ad alienam caufiitn dicendam vocatus )*
On fe fert de ad quand le mot fimple commence
par une voyelle, par un h muet, par la confonne m$
& quelquefois quand i l commence par j ou par»*/
adapter ( aptare ad) , adhérer \ hærere ad) , ad*
mettre ( mettre dans ) , adjoint ( jun&us ad ) ,
adverbe ( ad verbum junétus) &c. Dans quelques
cas , le d de ad fe transforme en la confonne qui
commence le mot fimple , fi c’eft un c ou un q ,
comme accumuler, aquérir ; un f , comme affar
mer; un g ., comme aggréger ; u n / , comraç
allaiter ; un n , comme annexer ; un p , comme
applanir, appauvrir, appofition ; un r , comme
arranger, arrondir; un f , comme affaiblir^ ^
affidu , ajfortir ; un t , comme attribut, atténué t
&c, , / • ,
A b ou a b s, qui eft fans aucune alteration la
prépofition latine , marque principalement la fépa*
cation ; comme abhorrer, abjuration ,* ablution f
'abnégation m
abnégation, abortif, abrogé, abfolution, abjli-
nence, abfirait , abufif, &c.
A n ti marque quelquefois la priorité, & alors
î l vient de la prépofition latine ante , comme dans
antidate ; mais ordinairement nous confervons le
latin en entier , antécejfeur. Plus fouvent il vient
du grec chri , contra, & alors i l marque oppo-
fition : ainfi, le poème immortel du cardinal de
Poligriac-, dont M. de Bougainville a donné au
Public une excellente traduction, porte à jufte
titre le nom d’Antilucrèce, puifque la doctrine
du poète moderne eft tout à fait oppofée au ma-
tériaiifme abfurde & impie de l ’ancien, Voye^
A n ti.
C o , C om ,C o l, Cor & Con, eft une Particule
empruntée de la prépofition latine cum ( avec ) ,
dont elle garde le fens dans la .cOmpofition. On
fe fert de Co devant un mot fimple qui commence
par une voyelle ou par un h muet ; coadjuteur,
cstéternel, coïncidence, coopération , cohabiter,
cohéritier. On emploie Com devant une des con-
fonnes labiales b, p ou m ; combattre, compétiteur
, commutation. On fe fert de C o l, quand
le mot fimple commence par l ; collection , colliger
, collufion : le mot colporteur n’eft point
contraire à cette règle , il fignifie porteur au col.
On fait ufage de Cor devant les mots qui commencent
par r; corrélatif, çorrefpondancei Dans
toutes les autres occafions on fe fert de Con; concordance
,condenfer, confédération, conglutiner,
conjonctif , connexion, conquérir, confentir,
confpirer , contemporain , convention.
Contre , fervant comme Particule., conferve le
même fens d’oppofition, qui eft propre à la prépofition;
contredire , contremander contrevenir :
contrefaire c’eft imiter contre la vérité; contrefa
i t veut quelquefois dire , fait contre les lois
ordinaires & les proportions de la nature ; con-
tretirer une eftampe, c’eft la tirer dans un fens
oppofé & contraire. Mais dans contrefigner, contre
veut feulement dire auprès.
JDé fert quelquefois à étendre la lignification
du mot, elle eft ampliative , comme dans déclarer,
découper., détremper, dévorer : d’autres fois elle
eft négative & fert à marquer la fuppreffion de
l ’idée énoncée par le mot fimple , comme dans
débarquer, décamper, dédire-, défaire, dégénéré[,
déloyal, démafqué, dénaturé, dépourvu, dérèglement,
défabufer, détorfe, dévalifir.
D é s eft toujours négative dans le même fens que
l'on vient de voir ; défaccorder, défennuyer , déshabiller
, déshérité,. déshonneur, défintérejfemçnt,
défordre, défunion. '
D i eft communément une Particule extenfîve ;
diriger, c’eft régler de point en point; dilater, c’eft
donner beaucoup d’étendue j diminuer, ç’eft rendre
plus menu, &c.
D is eft plus fouvent une Particule négative ;
djfcordançe , difgrâce, difproportion , difparité.
Gkamm* et Littéral* Tme Ulh
Quelquefois elle marque diverfité j difputer ( dif-
putare ) fignifie littéralement diverfa puiare, ce
qui eft l’origine des difputes j diftinguer, félon
f abbé de Dangeau ( Opufc. de page 13ft ) > v‘ent dis & de tingere (teindre) , & fignifie proprement
teindre d’une couleur différente , ce qui eft
très-prppre à diftinguer j difçerner , voir les difte-
rences; difpofer, placer les diverfes parties, réc. Dans diffamer , difficile , difforme , ^ c eft la
Particule d i s , dont le s final eft changé enƒ , a
caufe du f initial des mots fimples, & elle y eft
négative.
E & Etc font des Particules qui viennent des
prépofitions latines e ou ex , & q u i, dans la compofition
, marquent une idée acceffoire d’extraétion
ou de réparation : ébrancher , ôter les branches j
écervelé, qui a perdu la cervelle ; édenter , ôter
les dents ; effréné, qui s’eft fouftrait au frein; élargir
, c’eft réparer davantage les parties élémra-
taires ou les bornes ; émifflon ,i.’a&ion de pouffer
hors de foi ; énerver , ôter ' la force aux nerfs ;
épeuffeter, ôter la pouflière, &c. E xa lter , mettre
au deffus des autres , excéder , aller hors des bornes
; exhéréder , ôter l ’héritage ; exifter, être hors
du néant ; expofer , mettre au dehors ; exterminer,
mettre hors des termes ou des bornes, &c. I l ne-
faut pas croire au re fte c om m e le donne a entendre
l’àbbé Regnier ( Grammaire franpoïfe ,
i n - u , page Ç45 , 4”. page 5 7 4 );. que ce foit
la Particule É qui fe trouve d la tête des mots
écolier, épi , éponge , état , étude, efpace ,
efprit, efpèce, & de plufieurs autres qui viennent
de mots latins commençant par ƒ fuivie
d’une autre confonne, fcholaris , fpica , fp on g ia ,
ftatus , Jludium, fpatium, fpiritus , fp e c ie s ,
&c. La difficulté que l ’on trouva, à prononcer de
fuite les deux,confonnes initiales, fit prendre naturellement
le parti de prononcer la première
comme dans l’alphabet, es ; & dès lors ou dit êc
l ’on écrivit enfuite ,.efcolier, e fp i, efponge, eftat,
efpace, efprit, efpèce, &c : l ’Euphonie, dans la
fUite j fupprima la lettre ƒ dans la prqnonciatnn
de quelques-uns de ces mots, & l ’on dit écolier ,
ép i] éponge, é ta t , étude ; & ce n’ eft que depuis
peu que nous avons fupprinié cette lettre dans
l'orthographe : elle fubfifte encore dans celle des
mots efpace , efprit , efpèce , parce qu’on l’y prononce.
Si cet e ne s’eft point nus dans quelques
dérivés de ces mots, ou daps d’autres mots d’ori-
eine femblable ; c’eft qu’ils fc font introduits dans
fa langue en d’autres temps, & qu’étant d un ulâge
moins populaire , ils ont été moins expofés a fouffrir
quelque altération dans la touche -d.çs gens éclairés
qui les introduiûrent.
La Particule En ; dans la compofition, conferve
le même fens à peu près que la prépofition , de-
marque pofition ou difoofition : pofition , comme
dans encaiffer , endoffer, enfoncer , engager, enjeu
j enlever, enregijlrer , enfevelir , entaj/er 4