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» & quand bien même elle m’aurait fuccédé une
». première f o i s , je ne LaiJe rois pas de fléchir
» & me démentir à une fécondé tâche : je ne puis
» me forcer & contraindre pour quelconque à être
» fier ».
Voilà certainement bien lë langage de Montagn
e , mais diffus, & tournant fans ceffe autour
de la même perrfée. Ce qui en eft difficile à imiter ,
c eft la plénitude , la vivacité , T énergie , le tour
"’preffé > vigoureux, & rapide. la métaphore imprévue
& jufte, & plus que tout t,cela le liic & la
iubftance. Montagne caufe quelquefois nonchalamment
& longuement : c’eft ce que la Bruyère en a
copié, le défaut.
Un talent rare & fort au defTus du petit mérite
de cette fiiigène, qu’on appelle Pafiiche , c’eft
de lavoir réellement s’affimiler à un grand écrivain j
c eft de fe pénétrer de fon âme & de fon génie ,
loft potlr le caraéférifer en le louant, foit pour
écrire dans fon genre. C’eft ainfi que , dans un dés
meilleurs livres de notre fiècle & des moins connus
du vulgaire , dans ŸIntroduction à la connoijfance
de Vefprit humain, le fenfible , le vertueux , b l o quent
Vauvenargue femble avoir pris la plume
de Boffuet & de Fénélon ; lorfqu’i l les a loués,
©u qu'il a effayé d'écrire à leur manière : c’eft
ainfi que, • dans les Éloges de ces deux grands
hommes , on a plus récemment encore pris la couleur
, le ton, le caraétèfe de leurs écrits. Voye-[ Imitation. ( M. Ma rm o n te l. )
P A S TO R A L E . (P oésie). Poéfie. On peut définir
la Poéfie pafiorale , une imitation de la vie
champêtre , repréfentée avec tous fes charmes pof-
fibles.
;• Si cette définition eft jufte , elle termine tout
d'un coup la querelle qui s'eft élevée entre les
partifans de l’ancienne Pafiorale & ceux de la
moderne. Il ne fuffira point d’attacher quelques
guirlandes de fleurs à un fujet qui par lui - même
n’aura rien de champêtre ; il fera néceffaire de
montrer la vie champêtre elle-même , ornée feulement
des grâces qu'elle peut recevoir.
On donne auflï aux pièces pafiorales le nom
d’Églogues ; .sxÂoyn , en gfec, ngnifioit un Recueil
de pièces choifies , dans quelque genre que ce' fut.
On a jugé à propos de donner ce nom aux petits
poèmes lur la vie champêtre-, recueillis dans un
même volume. Ainfi, on dit les Églogues de
Virgile , e’eft à dire, le Recueil de fes petits
ouvrages fur la vie pafiorale.
Quelquefois aufli on les a nommés Idylles .Idylle,
èn grec é’iJ'vàAjV , lignifie une petite image, une
peinture dans le genre gracieux &rdoux.
S’il y a quelque différence entre les Idylles &
les É gl ogues , elle eft fort légère ; les auteurs
les confondent fouvent. Cependant il femble que
l ’ufage veut plus d’aôtion & de mouvement dans
l ’É glogue , & que dans l ’Idylle on fe contente d’y
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trouver des images , des récits, ou des fentihients-fe*-*
lement.
Selon la définition que nous avons donnée , l’objet
ou la matière de l ’Églogue eft le repos de la vie
champêtre , ce qui 1 accompagne , ce qui le fuit.
Ce repos renferme une jufte abondance , une liberté
parfaite , une douce gaieté : il admet des paflions
modérées , qui peuvent produire des plaintes,de^
chanfons-, des combats poétiques , des récits inté-
reffants. - -
, Les Bergeries fon t, à proprement parler , la
peinture de l ’âge d’or mis à la portée des hommes
, & débarraffé de tout ce merveilleux hyperbolique
dont les poètes en avoient chargé la
delcription. C’eft le règne de la liberté, des plaifîrs
innocents, de la paix , de ces biens pour lefquels
tous les hommes fe fentent nés , quand leurs paf-
fions leur laiflent quelques moments de filence
pour fe reconnoître. En un mot , c’eft la retraite
commode & riante d’un homme qui a le coeur
fimple & en même temps délicat, & qui a trouvé
le moyen de faire revivre pour lui cet heureux
fiècle,
Quand le Ciel libéral verfoit à pleines mains
Tout ce dont l’abondance aflouvic les humains,
Et que le monde enfant n’ avoit pour nourriture
Que les mets apprêtés par les foins de nature.
-Tout ce qui fe paffe à la campagne , n’eft dope
point digne d’entrer dans la Poéfie pafiorale. On
ne doit en prendre que ce qui eft de nature à
plaire ou à intéreffer ; par conféquent i l faut en
exclure les groflîèretés , les chofes dures, les menus
détails, qui ne font que des images oifives &
muettes , en un mot, tout ce qui n’a rien de piquant
ni de doux : à plus forte raifon , les évènements
atroces & tragiques ne pourront y entrer ; un berger
qui s’étrangle à la porte de fa bergère n’eft point
un fpe&acle pafio ral, parce que dans la vie des
bergers on ne doit point connoître les degrés des
paflions qui mènent à de tels emportements.
L a Poéfie pafiorale peut fe préfeBter, non feulement
fous la forme du récit, mais encore fous
toutes les-' formes qui font du refîort de la Poéfie.
Ce font des hommes en fociété qu’on y préfënte
avec leurs intérêts , & par .conféquent avec leurs
paflions ; paflions plus douces & plus innocentes
que les nôtres, il eft vrai , mais qui peuvent
prendre toutes les mêmes formes quand elles font
entre les mains des poètes. Les Bergers peuvent
donc avoir des Poèmes épiques , comme l ’Atys de
Ségrais ; des Comédies, comme les Bergeries de
Racan; des tragédies., des opéra, des élégies , des
églogues, des idylles, des épigrammes, des iaferip-
tions, des allégories, des chants funèbres, &c : & ils
en ont effectivement.
On peut juger du .caractère des bergers par les
lieux où en les place : les prés y font toujours
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verts ; Tombre y eft toujours fraîche; Pair, toujours
pur : de même les aCieurs & les a&ions, dans la
Bergerie, doivent avoir la plus riante douceur.
Cependant comme leur ciel fe couvre quelquefois
de nuages , ne fut-ce que pour varier la fcène &
renouveler par quelques rolées le vernis des prairies
& des bois ; on peut aufli mêler dans leurs
caractères quelques panions triftes , ne fût-ce que
pour relever le goût du bonheur 8c affaifonner l ’idée
du repos.
Les bergers doivent être délicats & naïfs : c’eft
à dire que, dans toutes leurs démarches & leurs
difeours, il ne doit y avoir rien de défagréable ,
de recherché, de. trop fubtil ; & qu’en même temps
ils doivent montrer du difeernement, de l’adrefle , de
l ’efprit même, pourvu qu’il foit naturel.
Ils doivent être contraftés dans leurs caractères, au
moins en quelques endroits; car s’ils l ’étôient partou
t, l ’art y paroitroit.
Ils doivent être tous bons moralement. On fait
que la bonté poétique confifte dans la reflemblance
du portrait avec le modèle ; ainfi f dans une tragédie,
Néron,peiiit avec toute fa cruauté, aune bonté
poétique. La bonté morale eft la conformité de la
conduite avec ce qui eft ou qui eft cenfé être la
règle & le modèle des bonûes moeurs.
Les bergers doivent avoir cette fécondé forte dé
bonté aufli bien que la première. Un fcélérat , un
fourbe infigne , un aflaflin feroit déplacé, dans la
Poéfie pafiorale. U n berger offenfé doit s’en prendre
à fes ieux, ou bien aux rochers, ou bien faire
.comme Alcidor , fe jeter dans la Seine , fans cependant
s’y noyer tout à fait.
Quoique les caraCtères des bergers ayent tous à
peu près le même fonds, ils font cependant fuf-
ceptibles d’une grande variété. Du feul goût d elà
tranquilité & des plaifirs, innocents , on peut faire
naître toutes les paflions. Qu’on leur dorme la
-couleur & le degré de la Pafiorale, alors la crainte,
la triftefle , l ’efpérance , la joie’ , l ’amour , l ’amitié,
la haîne , la jaloufie, la générofité, la pitié, tout
cela fournira des fonds différents, lefquels pourront
fe diverfifier,encore félon les âges,-Les fexes , les
lieux, les évènements,'^’.
Après tout ce qu’on vient de dire fur la nature
de la Poéfie pafiorale , i l eft aifé maintenant
d’imaginer quel doit être le ftyle de cette Poéfie.
11 doit être fimple , c’eft à dire que les termes
ordinaires y foient employés fans, fafte , fans apprê
t, fans deffein apparent de plaire. I l doit être
doux : la douceur fe fent mieux qu’elle ne peut
s’expliquer ; c’eft un certain moelleux mélé de déli-
catefle & de fimplicité , foit dans les penfées, foit
dans les tours, foit dans les mots.
Timarète s’en eft allée :
4 L ’ingrate, méprifaat mes foupirs •&: nies,pleurs,
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Laiffe mon âme' défolée
A la merci de mes douleurs.
Je n’ efpérai jamais qu’ un jour elle eût envie
De finir de mes maux le pitoyable cours j
Mais je l’a i mois plus que ma vie ,
Et je la voyois tous les jours.
Il doit être naïf.
Si vous vouliez venir, ô'miracle des Belles î
Je veux vous le donnée pour gage de ma foi ;
Je vous enfeignerois un nid de tourterelles,
Car on dit qu’elles font fidèles comme moi.
Il eft gracieux dans les deferiptions.
Qu’en fes plus beaux habits, l’Aurore au teint vermeil
Annonce à l’Univers le retour du'Soleil ,
Et qu’autour de fon char fes légères Suivantes
Ouvrent de l’Orient les portes éclatantes ;
Depuis que ma bergère a quitté ces beaux lieux,
Le ciel n’a plus ni jour ni clarté pour mes ieux.
Les bergers ont des tours de phrafe qui leur fonï
familiers , des comparaifons qu’ils emploient, fut-*
tout quand les expreflions propres leur manquent»
Comme en hauteur ce faule excède les fougères,
Araminte en beauté furpafle nos bergères.
Des fymétries.
Il m’appeloit fa foeur, je l’appelois mon frère ;
Nous mangions même pain au logis de mon peret
Et pendant qu’ il y fut , nous vécûmes ainfi j
Tou t ce que je v oulois, il le vou'loit aufli.
Des répétitions fréquentes.
Pan a foin des brebis, Pan a foin despafteuts,
Et Pan me peut venger de toutes vos rigueurs.
Dans les autres genres , la répétition eft ordinal«*
rement employée pour rendre le ftyle plus v if:
ici i l femble que ce foit par pareffe, & parce qu’on
ne veut point fe donner la peine de chercher plus
.loin.
Ils emploient volontiers les lignes naturels plus
tôt que les mots confacrés. Pour dire IL efi midi :
ils difent, Le troupeau eft à l ’ombre des bois ; I l efi
tard, L ’ombre des montagnes s’alonge dans les
valées.
Ils ont des deferiptions détaillées , quelquefois
d’une coupe , d’une corbeille ; des circonftances
menues , ; qui tiennent quelquefois au fentiment :
telle eft celle que fe rappelle une bergère dç
Racan ;
Il me pafloit d’ un an , & de fes petits bras
Cueilloic déjà desTruits dans - les branches d’en bas£ J
D à 4