
I l n’y a qu’une oreille faite au rhythme de la
Poéfie & capable d’ en fenlir l ’effet, qui puiffe.
apprécier l ’énergie de ce petit-vers Tout effrayé,
ui vient fubitement s’interpofer entre deux autres
e mefure plus longue. [ A n o n ym e .)
ROM ANC IER , f . m . Littérature. Auteur qui
compofe ou qui a compofé des Romans. On donnoit
le même nom aux poètes du dixième fiècle. ( A n Q-
N Y M E . )
ROMANE ou ROMANCE ( L angue). H iß .
des Langues. Quelques-uns l’ont appelée Romans
ou Romant , 1. m. C’étoit une langue compofée
de celtique & de latin, mais dans laquelle celui-
ci l ’emporloit affez pour autorifer les noms qu’on
vient de dire. Ce fut celte langue qui fut en u;fage
durant les deux premières races : elle étoit nommée
rufiique ou provinciale par les romains, & par
ceux qui leur fuccédèrent j ce qui femble prouver
qu’elle n’étoit parlée que par le peuple & les
habitants de la campagne. Les auteurs du Roman
d’Alexandre difent cependant qu’ils l ’ont traduit du
latin en Roman•
I l y avoit dans la Gaule , lorfque les françois
y entrèrent , trois langues vivantes \ la latine , la
celtique, & la romane : & c’eft de celle-ci fans
doute que Sulpice-Sévère, qui écrivoit au commencement
du cinquième fiècle , entend parler,
lorfqu’i l fait dire à Pofthumien , Tu vero v e lc e l-
ticè v e l, f i mavis , gallicè loquere. La langue
qu’i l appeloit gallicane devoit être la même, qui
dans la fuite fut nommée plus communément la
romane : autrement , il faudroit dire qu’il régnoit
dans les Gaules une quatrième langue , fans qu’il
fût poffible de la déterminer $ à moins que ce ne
fût un dialecte du Celtique non corrompu par le
latin , & tel qu’i l pouvoit Ce parler dans quelque
canton d e la Gaule avant l ’arrivée des romains.
Mais quelque temps après l ’établiffement des francs,
il n’eft plus parlé d’autre langue d’ufage que de la
romane & de la tudefque.
L e plus ancien monument que nous ayons de
la langue romane , eft le ferment de Louis le germanique
, auquel répondent les feigneurs françois dut
parti de Charles le chauve.
Les deux rois , Louis de Germanie & Charles-
le chauve, ayant à fe défendre contre les entre-
prifes de Lothaire , leur frère aîné, font entre eux,
a Strafbourg, en 841 , un traité de paix , dans
lequel ils conviennent de fe fecourir mutuellement,
& de défendre leurs États refpeftifs avec le fecours
des. feigneurs & des vaffaux qui avoient embraffé
leur parti. Du côté de Charles le chauve étoient
les feigneurs fr an cois habitants de la Gaule, & du
côté de Louis étoient les françois orientaux ou ger-.
mains : les premiers parloient la langue romane, &
les germains parloient la langue tudefque.
Les françois occidentaux, ou les fujets de Charles
le chauve , ayant donc une langue differente de celle
que partaient les françois orientaux , ou fujets de
Louis de Germanie, i l étoit néceflaire que ce'
dernier prince parlât, en fefant fon ferment, dans
la langue des fujets de Charles , afin d’en être-
entendu dans lès -promeffes- qu’il fêtait 5 comme
Charles fe fërvit de la langue tudefque, pour faire
connoître fes fentiments aux germains : & l ’un &
l ’autre de ces peuples fit auffi fon ferment dans la-
langue qui lui étoit particulière.
Nous ne parlerons point des ferments'en langue
tudefque ; il ne s’agit ici que des ferments en langue
romane. On mettra d’abord le texte des ferments ÿ
au deffous , l ’interprétation en un latin du tempsÿ
& enfin , dans une troifîème ligne, les mots françois
ufités dans les douzième & treizième fiècles ,
qui répondent à chacun des mots des-deux ferments :
par là on verra d’un coup d’oeil la reffemblance
des deux langues françoifes , & leur raport commuai
avec le latin.
Serment de Louis , roi de Germanie.
Pro Den amur, & pro chriftian poblô, & noftro ; commun falvament, dift ,
P ro D e i amore, & pro chrifiiano poplo , & noftro communi falvamento , de ifia
Por Deu amor, & por chriftian p o p le , & noftre commun falvement, de fte
di in avant in quant Deus favir & podir me dunat, fi falvarai jo cift
die in abante in quantum Deus f apere & potire mî donat , fie falvaro ego eccifium.
di en avant en quant Deu - faveir & poïr me donne , fi falvarai - je cift
meon fradre K a r lo , & in adindha er (1) in cadhuna cota f ' fi cam om
meum fratrem K a r lum , & in adjutum era in quâque unâ causa, fie quomodo homo
mön frère Ka rle , & en adiude ferai en cas-cutie cofe-, - fi eum. omper
dreit fon fradre falvar dift, in o quid i l me altrefi fazetj &. ab
per directum fuum fratrem falvare debet, in hoc quid ïlle mî alteritm-fic_ faceret ,* & ab
per dreiefc fon frère falvér d ift, en o qui i l me altrefi fafcet; a
Luder nul plaid numquam prindrai q u i,
Lothario
Lothaire
Karle in damno fit.
Karlo in damno ßt.
nullum placitum nunquam prendero q u o i
*'"î plaid nonques prendrai q u i,
&
meon v o l , eiff meon fradre
meo voile , eccifli meo fra tr i
par mon v o il, à cift; mon freie
Karle en dam feit« (5) Je lis er pour erot au lieu de G,
c ’eft: à dire : » Pour l'amour de Dieu, &
» pour' le peuple chrétien , & notre commun
» falut, de ce jour en avant autant que Dieu m en
•> donne le'favoir & le pouvoir , je fauverai mon
» frère Charles Ici préfent, & lui ferai en aide dans
» chaque chofe , ainfi qu’un homme felon la jnftice
v> doit fauver fon frère, en tout ce qu’il feroit de
» la même manière pour moi ; & je ne ferai avec
» Lothaire aucun accord q u i, par ma volonté, foit
» préjudiciable à mon frère Charles ici préfent».
Serment des feigneurs françois. fuje ts de Charles le chauve.
01 uuuuuivi laviaiiicm , fon fradre Karlo jurat, confervat, & Karlus
S i Ludovuits facramentum , quod p u s frater Karlus jurat, confervat, & & ar\us
Si Lodhuigs fag rament ,
Si Louis le fagrement, que fon
'fendra de fuo part non los tanit ;
T - J V__ • Rr Karle
{
frère Karle jure, conferve,
& Karle
{ tendra de' luö' rlon xamv§ U fi SH jo B I returnar H W l non Tint
. , pois r ~ ~ ’
. meos
meus
mon
)° a
ego>
I e >
fenior de fu i parce non illud teneret ; f i ego retornare non ilium mie poßum , ne.
fenhor de fue part ne lo tanift ; fi je retourner ne lent pois , ne
v ) j ue^
r ne neuls cui jo returnar int pois, in nulla aindba contra Loduwig non lr(lli t.
fuero.
J nee nullUS quem egà feiöMare inde pojfum, in nullo adjuco contra Luioyicum non M'
ferai.
I ne nuis cui je retourner ent pois , en nul aïnde contre Louis nun 11
C’eff à dire : » Si Louis obferve le ferment,
» que fon frère Charles jure, & que Charles mon
» ieigneur de fa part rie le tînt point j fi je
» ne puis l ’en détourner, ni moi, ni aucun de
» ceux que je puis en détourner, ne lui ferons aucu-
» nement en aide contre Louis ».
On v o it , par cet exemple , que la langue romane
avoit déjà autant dé raport avec le françois,
auquel elle a donné naiflanee, qu’avec le la tin,
dont elle fortdit. Quoique les expreflions en foient
latines , la fyntaxe ne l ’eft pas ; & l ’on fait qu’une
langue eft auffi diftinguée d’une autre par fa fyntaxe
que par fon vocabulaire. Mém. de VAcad, des
ïnfe rip t, tom. x v i i & x x v i . ( Le chevalier DE
JAV COURT. )
ROM AN E SQ U E , adj. Grammaire. Qui tient
du Roman. 11 fe dit des chofes & des perlonnes.
Une paflîon romanèfque ; des idées romanefques ;
une tête romanefque ; un ftyle , un tour romane/-
que f un ouvrage romanefque. ( A n o n y m e .') .
R O N D E AU , f. m. Poéfie franç. Le Rondeau
eft un petit poème d’un caractère ingénu, badin
n a ïf, ce qui fait dire à Defpréaux ,
L e Rondeau, né g a u lo is , a la na ïv eté .
I l eft compofé de treize vers partagés en trois
ftrophes inégales fur deux rimes, huit masculines
& cinq féminines, ou cinq mafculines & huit féminines.
Les deux ou trois premiers mots du premier vers
de la première ftrophe fervent de refrain, & doivent
fe trouver au bout des deux ftrophes fuivantes ,
c’eft à dire que le refrain doit fe trouver après
le huitième vers & après le treizième. Outre cela
(1) Du Cange lie fuer pour fuero, au lieu de j#er ou
iver.
il y a un repos néceffaire apres le cinquième
vers.
L ’art confifte à donner aux vers de chaque ftrophe
un air original & naturel , qui empêche qu ils ne
paroifient faits exprès pour le refrain, auquel ils
doivent le raporter comme par hafaïd.
La troifième ftrophe doit être égale a la première
, & pour le nombre des vers & pour la dif-
pofition des rimes : la fécondé ftrophe , inégalé
aux deux autres , ne contient jamais que trois vers SC
le refrain , qui n’eft point compté pour un vers.
Ce petit poème a peut - être- bien autant de
difficultés que le Sonnet : on Y ^ borné pour
les rimes, & on eft de plus affujéti au joug du
refrain j d’ailleurs cette naïveté qu’exige le Rondeau,
n’eft pas plus aifée à attraper, que le ftyle noble &
délicat du Sonnet.
Les vers de huit & de dix fyllabes font prefque
les feuk qui conviennent au Rondeau : les uns
préfèrent ceux de huit j & d autres, ceux de dix
fyllabes ; mais c’eft le mérite du Rondeau qui
feul en fait le prix. Le vrai tour en a été trouvé
par Villon , Marot , & Saint Gelais : Ronfard
vint enfuite, qui le méconnut ; Sarrazin , La Fontaine
, & madame Des Houlières , furent bien
l ’attraper, mais ils furent les derniers. Les poètes
plus modernes méprifent ce petit poème , parce
que le naïf en fait le cara&ère, & que tout le
monde aujourdhui veut avoir de l ’efprit qui brille ôc
qui pétille.
Après avoir donné les règles, je vas citer un
exemple qui contient ces règles mêmes j i l eft de
Voiture.
M a fo i c e j l f a i t de m o i ; car Ifabeau
M ’ a commandé de lu i faire un R onde Au ;
C e la me met en u ne peine extrême.
Q u o i ! treize v e r s , h u it en eau , c in q en éme!
J e lu i fe ra is auffi tô t un -bateau.
X X z