
trois, fùivls d’un vers adonique ou adonieu , pour
former une ftrophe , comme celle-ci :
Scandit ceratas vitiofa naves
Cura , nec turina s equitum relinquit ,
Ocyor cervis & agente nimbos
Ocyor Euro.
dans ce Sarcafme blafphématoire qu’elle adrefle 1
Jofabeth ( A thaï. IT, v ij ) :
C e D ieu , depuis lon g temps v o tre uniqu e refuge ,
Q u e de vien d ra l’ effet de fes p réd irio n s ï
Q u ’i l vous d onn e ce roi promis a u x .n a t io n s ,
Ç e t enfant de D a v id , vo tre e fp o ir , vo tre attente,'
I l y a dans Horace vingt fïx odes compofées de
cette manière. J’ai dit que tel eft i’ ufage ordinaire ,
parce qu’on en a quelquefois ufé autrement. Sénèque
a employé les vers Japhiques leuls dans fes
choeurs de tragédies, en y mêlant de loin à loin
le vers adonique ; & dans le choeur du troifîème
a été d ' Hippolyte , les faphiques font abfolument
feuls. ( M. B e a u z é e .)
(N .) SARCASME, f. m. Efpèce particulière
d’ironie ( V o y e \ Ir o n ie ) , d’autant plus cruelle ,
qu’elle tombe ordinairement fur un fujet déjà hors
d’état de s’ en venger, ou parce qu’il eft dans la
plus profonde humiliation , ou parce qu’il eft njourant,
ou même paree qu’ difcours infultant des juirs ; la croix ( Match, xxviji 40
40. Vah ƒ qui defl ruis
templum De i , & in
triduo illud recedificas,
fa lva temetipfum ; Jï
f iliu s De i es , defpende
de cruce.
41. A lio s f adv os f e cit
, feipfum non potefi
falvum facere : f i recc
Ifraël ejl , defcendat
nunc de cruce , & credi-
mus ei.
43. Confidit in Deo:
liberet nunc , Ji v u lt ,
eumr dixit enim : Quid
f iliu s D e i fum.
il eft mort. T e l eft le
i Jéfus-Chrift attaché fur
» r - > 4 3 ) :
Eh bien 1 toi qui détruis
le temple de Dieu,
& qui le rebâtis en trois
jours , fauve-toLtoi-même
; fi tu es fils de Dieu ,
defcends de la croix.
Il a- fauve les autres ,
il ne peut fe fauver lui-
même : s’il eft roi d’Ifrael,
qu’il defcende maintenant
de la croix , & nous
croyons en lui.1
I l a mis fa confiance en
Dieu : qu’il le délivre
maintenant, s’il veut; car
i l a dit : Je fuis le fils de
Dieu.
T e l eft encore le difcours de Turnus à Eumède ,
après l ’avoir percé de fa propre épée ( Æneid.xY].
359) : » C’eft ainfi, Troyen , qu’étendu par terre
» tu mefureras les campagnes de 1 Hefpérie , ou
» tu as aporté la guerre : voilà le prix que rem-
» portent ceux qui ont eu l ’audac» de tirer l ’épée
» contre moi ; voilà comme ils bâtilfent des
# villes ».
E n agros & quam bello, Trojane, petïjli
Hefperiam mettre jacens : hac proemia, qui me
Eerro ' auji tentare, ferunt ; fie mania condunt.
Ce langage ne peut jamais convenir qu’à un
perfonnage d’une barbarie outrée , ou d’une baffefle
abje&e , ou emporté par une fureur aveugle. Auffi
eft-ce à ces traits que i on reconnoît Eimpie Athalie,
Sarcafmè , en grec Eapxaw^oî, nom dérivé dis
verbe o-apxa^eiv carnes diduclo riclu ex oljibus
detrahere ) ; ce qui fe dit proprement des chiens
affamés , St peint a merveille l ’acharnement furieux
de çelte efpèce d’ironie. R. S a p , caro, chair. (AT. B e a u z é e .)
S A T I R E , f. f. Be tes - Lettres. Poéfie«
Peinture du vice & u ridicule , en fimple difcours,
ou en aCtion.
Diftinguons d’abord deux efpèces de Satire : l ’une
politique, & l ’autre morale ; & l ’une & l ’autre, ou
généraleou perfonnelle.
La Satire politique attaque les vices du Gouvernement.
Rien de plus jufte & de plus falutaire
dans un État démocratique ; & lorfqu’un peuple
qui fe gouverne,-eft allez lage pour fentir lui-même,
qu’il peut, ou fe tromper, ou fe laiffer tromper ;
qu’il peut s’amolir ou fe corrompre , donner dans
des travers ou tomber dans- des vice? qui lui feroient
pernicieux ; il fait très-bien d’autorifer des çen-
îeurs libres & févères à lui dire fes vérités, à les
lui dire publiquement, & par écrit & fur la fcène ;
à l ’avertir de la. décadence ou de fçs lois , ou
de fes moeurs ; à lui dénoncer ceux qui abufent
de fa foibleffe ou de fa confiance, fes complai-
fants, fes adulateurs , fes corrupteurs intéreffés’ ,
l ’incapacité de fes Généraux, l’infidélité de fes
juges , les rapines de fes intendants, la mauvaise
foi de fes orateurs , les folles dépenfes de fes mi-
niftres , les intrigues & les manèges. de fes oppref-
feurs fiomeftiques, &c , &c.
Le peuple athénien eft le feul qui ait eu cette
fageffe : non feulement il avoit permis à la Comédie
de cenfurer les, moeurs publiques vaguement
6t en général, mais d’articuler en plein théâtre les
faits repréhenfibles , de nommer , de mettre en
fcène ceux qui en étoient accufés. Ce qui n’avoit
été qu’un badinage , qu’une licence de l’ivreffe fur
le chariot de Thefpis , devint férieux & important fur
le théâtre d’Ariftophane.
C’eft une chofe curieufe de voir ce peuple aller
en foule s’entendre traiter d’enfant crédule , ou de
vieillard chagrin , capricieux , avare, imbécile ,
& gourmand ; s’entendre dire qu’il aime à être
flatté , careflfé par fes. orateurs ; que fes voifins fe
moquent de lui en lui donnant des louanges ; qu’il
ne veut pas voir qu’on l ’abufe, qu’on le vole, &
qu’on le trahit ; qu’il vend lui-même fes fuffrages
au plus offrant, & que celui qui fait le mieux l ’amadouer
eft Ion maître, &ç.
On juge bien que la Satire y autorifée contre
le peuple, n’avoit plus rien à ménager : de là“
l ’audace avec laquelle Ariftophane ôfa traduire-en
plein théâtre, d’un côté , le peuple d’Athènes ,
comme un imbécile vieillard , trompé & mené
par Cléon ; de l ’autre , ce même Cléon , tréforier
de l ’État , comme un impudent, un voleur , un
homme vil St déteftable.
Athènes n’avoit pas toujours é té . auffi facile,
auffi patiente envers les poètes fatiriques. Ariftophane
lui-même avoue que , plus timide en
commençant, le fort de fes prédéceffeurs les plus
célèbres , tels que Magnés , Cratinus , & Cratès ,
lui avoit fait peur ; ce qui feroit entendre qu’on
les avoit punis pour avoir pris trop de licence.
Mais enfin le-peuple avoit fenti le befoin qu’il
avoit d’être éclairé, repris lui-même avec aigreur ,
& de donner aux gens en place le frein de la
honte & du blâme. Cette licence de la Satire
avoit pourtant quelque reftriétion ; & c’eft , dans
le carâétère des athéniens, un trait de prudence
de dignité remarquable : ils vouloient bien qu’à
portes .ciofes , lorfqu’ils étoient feuls dans la ville ,
comme vers la fin de l ’automne, la Comédie les
traitât fans ménagement & les rendît ridicules1 à
leurs propres ieux ; mais ce qui étoit permis aux
fêtes lënéennes ne l’étoit pas aux dionyfiales, temps
auquel la ville d’Athènes étoit remplie d’étran-
gers.
Lorfque le gouvernement paffa des mains du
peuple dans celles d’un petit nombre de citoyens, St pencha vers . l ’ariftocratie ; l ’intérêt • public ne
tint plus contre l ’intérêt de ces hommes puiffants,
qui ne voulurent pas être expofés à la cenfure
théâtrale. Dès lors la Comédie ceffa d’être une Satire
politique, & devint par degrés la peinture vague
des moeurs.
A Rome , elle fe garda bien d’attaquer le Gouvernement.
Où Bruni,oi a-t-il pris que Plaute ait
quelque reffemblance avec Ariftophane ? Le poète
qui auroit bleffé l ’orgueil des patriciens, & qui
auroit ôfé dire au peuple qu’il étoit la dupe ,
l ’efclave , & la viétime du Sénat; que c e lui-c i ,
engraiffé de fon fang & enrichi par les conquêtes,
nageoit dans l ’opulence & lu i refufoit tout ; qu’on
le jouoit avec des paraboles ; qu’on l ’amorçoit
par de vainçs promeffes ; que les -guerres perpétuelles
dont on l’occupoit au dehors , n’étoient
qu’un moyen de le diftraire de fes injures & dé
fes maux domeftiques ; qu’en lui fefant une néceffité
d’être. fans ceffe fous les armes , on lui envioit
même le travail de fes mains ; qu’en l’appelant le
maître du monde , 011 lui préféroit des efclaves ;
& que dans ce-monde qu’il avoit fournis , le foldat
romain n’avoit pas un toit où repofer fa vieilleffe,
ni le plus petit coin de terre pour le nourrir &
rinhumer : un po.ète enfin qui auroit ôfé parler
comme les Gracches, auroit été affommé comme
eux. Il -n’en falloit pas tant; le feul crime d’être
populaire perdoit à jamais un conful ; il payoit bientôt
G R AMM. e t L it t ér AT. Tome III.
de fa tête un mouvement de compaffioti pour ce
peuple qu’on oppr^moit.
La Comédie grèque du troifième âge , celle
qui nattaquoit que les moeurs privées en général,
fans nommer, fans défigner perfonne , Fut donc
la feule qu’on admit à Rome ; on l’appeloit P a l-
liata. Térence l ’imita d’après Ménandre ; & Plaute,
d’après Cratinus : mais aucun ne fut affez hardi
pour imiter Ariftophane , fi ce n’eft peut-être
Névius , -qui fut chaffé de Rome par la tà&ion des
Nobles, fans doute pour quelque licence qu’i l avoit
voulu fe donrier.
L a Satire politique auroit eu , fous les empereurs
, une matière encore plus ample que du temps
de la république ; mais une feule allufion , à laquelle
, fans y penfer , un poète donnoit lieu , lui
coutoit la vie : Émilius - Scaurus en fut l ’exemple
fous Tibère.
Parmi les nations mode rnesla feule qui, fui-
vant fon génie , auroit pu permettre la Satire politique
fur fon théâtre, c’étoit la nation angloife :
mais comme elle eft toujours divifée en deux partis,
i l auroit fallu deux' théâtres ; & fur l ’un & 1 autre,
des attaques trop violentes auroient dégénéré en
difeordé civile. La petite guerre des papiers publics
leur a paru moins dangereufe & fuffifamment dé-
fenfive.
Ce qui doit étonner ÿ c’eft que dans une monarchie
, la Satire politique ait paru fur la fcène.
Louis XII l ’a voit permife : & en effet, lorfqu’i l
ÿ a dans les moeurs publiques de grands vices à
corriger, une grande révolution à faire, c’eft un
moyen puiffant dans la main du monarque, que
le fléau du ridicule. Ce fage roi l’employa donc
contre'les vices de fon fiècle, furtout contre ceux
du Clergé ; & afin que perfonne n’eut à s’en.plaindre
,. i l s’y fournit lui - même. Utile & frapànte
leçon ! Mais le monarque q u i, comme lui , vou-
droit donner cette licence , auroit à s’affùrer d’abord
qu’il n’y auroit à reprendre en lui qu’une économie
exceffive : beau défaut dans un roi, quand c’eft fon
peuple qui le juge.
Le caraârère général de la Comédie eft donc
d’attaquer les vices & les ridicules, abftra&ion
faite des perfonnes ; & en cela elle diffère de la
Satire : mais ce qui les diftingue encore , c’eft:
leur manière de procéder contre le vice qu’elles
attaquent. Chaque ligne ', dans Ariftophane , eft
une infîilte ou une allufion ; . & ce n’eft pas ainfi
que doit invectiver la véritable Comédie : elle
met en fcène & en fituation le caraétère qu’elle,
veut peindre , le fait agir comme il agiroit, &
lui fait parler fon langage ; alors c’eft le vice
perfonnifié , qui de lui - même fe rend méprifable
& ritfible. T e l fut le Comique de Ménandre, &
tel eft celui de Molière. Ariftophane le fait fou-
vent ainfi, mais toujours en poète fatirique, &
non pas en poète comique : car l ’un diffère encore
de l ’autre par l ’individualité ou la généralité du.