
l ’intéreffer. Les nations qui ont cultivé le corps
plus que l’efprit, ont donné la préférence aux Spectacles
où la force du corps & la ' fouplefle des
membres fe montrojent, Celles qui ont cultivé l'esprit
plus que le corps, ont préféré les Spectacles où on voit les reflourçes du génie & les reflorts
des pallions. U y en a qui ont cultivé l'un & l’autre
egalement, 8c les. Spectacles des deux elpèces ont
été également en honneur chez eux.
Mais il y a cette différence entre ces deux fortes
de Spectacles, que dans ceux qui ont raport au
corps, il peut y avoir réalité , c’eft à dire que
les chofes peuvent s’y paffer fans feinte & tout de
bon , comme dans les Spectacles des gladiateurs,
où il s’agifloit pour eux de la vie. If peut fe faire
suffi que ce ne foit qu’une imitation de la réalité ,
pomme dans ces batailles navales où les romains
flatteurs repréfentoient la victoire d’A&ium. Ainfi ,
dans ces fortes de Spectacles, l’aétion peut être ou
réelle ou feulemenr imitée.
Dans les Spectacles où l’âme fait fes preuves ,
al n’eft pas poffible qu’il y ait autre chofe qu’imi-
tation ; parce que le deflein. feul d’être vu, contredit
la réalité des pallions : un homme qui ne le met
en colère que pourparoître fâché, n’a que l’image de
la colère. Ainff , toute paffion , dès qu’elle n’eft
que pour le Spectacle , eft néceflairement paffion
imitée, feinte, contrefaite : & comme les opérations
de l’efprit font intimement liées avec celles
du coeur.; en pareil cas, elles font, de même que
celles du coeur , feintes ou artificielles.
D’où il fuit deux chofes.: la première, que les
Spectacles où on voit la force du corps & la fouplefle
, ne demandent prefque point d’art, puifque
le jeu en eft franc , férieux, & réel ; & qu’au contraire
ceux où l’on voit l’action de l’âme , demandent un
#rt infini, puifque tout y eft menfonge, & qu’on veut
le faire paîTer pour vérité.
La féconde eonféquence eft que les Spectacles du corps doivent faire une impreflion plus vive ,
plus forte : les fecoufles qu’ils donnent a l’âme
doivent la rendre ferme , dure, quelquefois cruelle.
Les Spectacles de l’âme , au contraire, font une
impreflion plus douce, propre à humanifer, à attendrir
le coeur plus tôt qu’à l’endurcir. Un homme,
égorgé dans 1’arçne , accoutume le fpeëtateur avoir
le fang avec plaifir ; Hippolyte, déchiré derrière
la fcène, l’accoutuine à pleurer fur le fort des malheureux.
Lepremier Spectacle convient à un peuple
guerrier , e’eft à dire , deftrudteur ; l’autre eft vraiment
un art de la paix, puifqu’il lie entre eux les
citoyens par la compaftion & l’humanité.
Les derniers Spectacles font fans doute les plus
dignes de nous, quoique les autres foient une
paffion qui remue l’âme 8c la tient occupée. Tels
étoient, chez les anciens , le Spectacle des gladiateurs,
les jeux olympiques, circenfes, & funèbres;
de chez les modernes , les combats à outrance 8c
JLes joutep à fer émoulu, qui ont çefle. La plupart
des peuples polis ne goûtent plus que les Spectacles* menfongers qui ont raport à l’âme , les opéra,
les comédies, les tragédies, les pantomimes. Mais
une chofe certaine , c eft que , dans toute efpèçe
de Spectacles, on veut être ému, touché, agité,
ou par le plaifir do l’épanouiflement du coeur , ou
par fon déchirement, efpèce de plaifir ; quand les
acteurs nous laiffent immobiles , on a regret à la
tranquilité qu’on emporte , 8c on eft indigné de ce
qu’ils n’ont pas pu troubler notre repos.
C’eft le même attrait d’émotion qui fait aimer
les inquiétudes 8c les alarmes que caufent les périls
où l’on voit d’autres hommes expofés, fans ayoir
part à leurs dangers. Il eft touchant, dit Lucrèce
( D e nat. rer. lib. i l ) , de confidérer du rivage un
vaiffeau luttant contre les vagues qui le veulent engloutir,
comme de regarder une bataille d’une hauteur
d’où l’on voit en sûreté la mélée.
Suave mari magna turbantibus oequora ventis
È terra alterius magnum fpectare ïdborem ;
Suave etiam belli certamina magna tueri
Ter campos injïruâa tui fine perte pericli,
Perfonne n’ignore la dépenfe exceflive des grecs
& des romains en fait de Spectacles , 8c furtout de
ceux qui tendoient à exciter l’attrait de l’émotion.
La repréfentation de trois tragédies de Sophocle
coûta plus aux athéniens que la guerre du Pélo-
ponèfe. On fait les dépenfes immenfes des romains
pour élever des théâtres 8c des cirques, .même dans
les villes des provinces. Quelques-uns dè ces bâtiments
, qui fubfiftent encore dans leur entier , font
les monuments les plus précieux de l’Architeélure
antique ; on admire même les ruines de ceux qui
font tombés. L’Hiftoire romaine eft encore remplie
de faits qui prouvent la paffion dèmefurée du peuple
pour les Spectacles , 8c que les princes 8c l’es particuliers
fefoient des frais immenfes pour la contenter.
Je ne parlerai cependant ici que du payement
des acteurs. Æfopus, célèbre comédien tragique
, 8c le contemporain de Gicéron, laifffa , en
mourant, à fon fils, dont Horace 8c Pline font
mention comme d’un fameux di/fipateur, une fuc-
ceffion de cinq millions qu’il avoit amaffés à jouer
la Comédie. Le comédien Rofcius, l’ami de Cicéron
, avoit par an plus de cent mille francs de
gages. Il faut même qu’op eût augmenté fes- appointements
depuis l’état que Pline en avoit vu
drefle, puifque Macrobe dit que.ee comédien tou-
çhoit des deniers publics près <fe neuf-cents francs par
jour , & que cette Tomme étoit pour lui feul ; il n’en
partageoit lien avec fa troupe.
Voilà comment la république romaine payoit
les gens de Théâtre. L’Hiftoire dit que Jules-Céfar
donna vingt-mille écus à Labérius, pour engager
ce poè.te à jouer lui - même dans une pièce’ qu’il
avoit compofée. Nous trouverions bien d’autres pro-
fufions fous les a.ujres empereurs. Enfin Març-
A urè le , qui fouvent eft défigné par la dénomination
d’Àntonin le philofophe , ordonna que les
aéteurs qui joueroient dans les Spectacles que certains
magiftrats étoient tenus de donner au peuple,
ne pou noie ni point exiger plus de cinq piéçes dor
par repréfenialion , 8c que celui .qui en fefoit les
frais ne pourroit pas leur donner plus du double.
Ces pièces d’or écoient à peu près de la valeur de
nos louis, de trente au marc , & qui ont cours pour
vingt-quatre francs. Tite-Live finit fa diffenaiion
fur l’origine 8c le progrès des repréfentaiions théâtrales
à Rome, par dire, qu’un diverciffement, dont
les commencements avoient été peu de chofe , avoit
dégénéré en des Spectacles fi tomptueux , que les
royaumes les plus riches auroient eu peine à en foù-
tenir la dépenfe.
Quant aux beaux arts qui préparent les lieux de
la fcène des Spectacles■ , c’étoit une chofe magnifique
chez les romains. L’Architecture , après avoir
formé ces lieux, les embéllifloit par le lecours de
la Peinture 8c de la Sculpture. Comme les dieux
habitent dans l ’Olympe , les rois dans des palais,
le citoyen dans fa maifon , 8c que le berger eft
affis à l ’ombre des bois; c’eft aux arts qu’i l apar-
tient de repréfenter toutes ces chofes avec goût dans
les endroits deftinés aux Spectacles. Ovide ne pou-
voit rendre le palais du Soleil trop brillant ; ni
Milton, le jardin d’Édén trop délicieux : mais fi
cette magnificence eft' au defltis des forces des rois.,
il faut avouer, d’un autre côté, que nos décorations
font fort mefquines , 8c que nos lieux de
Spectacles , dont les entrées reflemblent à-celles des
prifonsoffrent une perlpeCtive des plus ignobles.
( Le chevalier d e J AU court. )
S PO N D A IQ U E , adj. Littérature.Sorte de vers
hexamètre dans la Poéfie grèque 8c latine, ainfi
nommé parce qu’au lieu d’un daCtyle au cinquième
pied , il a un fpondée ; ce qui eft une exception à la
règle générale de la conftruélion du vers hexamètre.
Tels font ceux-ci :
Nec bracchia longo,
Margïne terrarum poirexerat amphitritc. .
Ovide.
Supremamque auram, ponens cap u t , exfpiravit.
Vida.
Ces fortes de vers font fort expreffifs par leur
cadence ; mais il n’eft permis qu’aux grands poètes
de les employer. Homère en eft plein. Perfonne n’a
peut-être remarqué dans ce poète,'qu’il eft rare de
lire vingt vers de l ’Iliade , fans en rencontrer un ou
deux fpondaiques. ( A n o n y m e . )
SP O N D É E , f. m. Littérature. Dans la Profodie
grèque 8c latine, c’eft une mefure de ve'rs ou pied
compofé de deux fyllabes longues , comme vèrtünt}
dïvos f càmpos, Voye1 Pied , Quantité.
Le Spondée eft une mefure grave & lente , à la différence du dactyle , qui eft rapide 8c léger; tous
les vers hexamètres grecs 8c latins finiflent ordinairement
par un Spondée. TFoye\ V ers & Mesure.
( A n o n ym e. )
( N . ) S T A B I L I T É , C O N S T A N C E , F E R -
METE. Synonymes *
La Stabilité empêche de varier , & foutient le
coeur;contre les mouvements de légèreté 8c de curio-
lî té , que la diverfité des objets pourroit y produire ;
elle tient de la préférence, & juftifie le choix. La
Conjtance empêche de changer, 8c fournit au coeur
des reffources contre le dégoût 8c l’ennui d’un même
objet ; elle tient de la perfévérance , 8c fait briller
l’attachement.' La Fermeté empêche de céder, 8c
donner au coeur des forces contre les attaques qu’oit
lui porte ; elle tient de la réfiftance , 8c répand un
éclat de viéloire.
Les petits-maîtres fe piquent aujourdhui d’êfre
volages , bien loin de fe piquer de Stabilité dans
leurs engagements. Si ceux des dames ne durent pas
éternellement ; c’eft moins par défaut de Confiance pour ce qu’elles aiment , que par défaut de F e r meté
contre ceux qui veulent s’en faire aimer. Foy e\ Constant , Ferme , Inébranlable , Inflexible,
Syn. 8c Fermeté, Constance, S jn . ( L ’abbé Gir a r d . )
S T A N C E , f. f . Poéfie. O n n o m m e Stance ^
u n n o m b r e a r r ê t e d e v e r s , c o m p r e n a n t u n fe n s p a r f a i s
8c m é l é d ’u n e m a n iè r e p a r ti c u l i è r e q u i s’o b fe r v e d a n s
t o u te l a p i è c e . Une loi eflencielle , c’eft de ne point enjamber
d’une Stance à l’autre. 11 eft néceflake de régler
fes vers en forte que, paffant d’une Stance à l’autre,
011 ne rencontre pas deux vers mafeulins , ou deux
vers féminins confécutifs qui riment enfemble : lavoir,
le dernier de la Stance qu’on a lue , 8c le premier de
celle qu’on va lire.
Il y a des Stances régulières 8c des Stances
irrégulières, On appelle Stance irrégulière, de3
Stances de fuite, qui ne font pas aflujéties a des
règles déterminées. Le poète emploie indifféremment
toutes fortes de Stpnces. Le mélange des
rimes y eft purement arbitraire , pourvu toutefois
qu’on ne mette jamais-plus de deux rimes mafeulines
ou féminines de fuite.
Les Stances font de 4 , 6, 8 , 10 , iz , 8c 14?
vers. On fait aufli des Stances de ? , de 7 ,de 5> , 8c
de 10 vers. Les Stances te 4 vers font un quatrain;
5 vers font unquintil; 6, un fixain; 8 , un huitain ;
10, un dixain.
Il n’y a que les Stances composées de fept, de
neuf, de douze, de treize , 8c de quatorze vers ,
qui n’ont p'as un nom particulier. Il en faut dire
un mot. Les Stances de douze fe compofent comme
le dixain ou Stance de dix vers , à laquelle on
ajoute deux vers, qui font pour l’ordinaire de