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& eadem gravis quoe compta ; il eft cependant
certain que ce font ordinairement les Voix graves
qui font longues, & les Voix aiguës qui font brèves ;
à ou il fuit que la préfence ou l ’abfence du fîo-ne
de longueur ferviroit encore à défîgner que la Voix
variable eft grave ou aiguë. Ainfî, par exemple,
a feroit oral , bref, & aigu ; à feroit o r a l, lono-,
& grave ^ a feroit nafàl : au lieu donc, d’écrire
P af ie » pâte, ponte, nous écririons p â te , pâte ,
pâte» C eft , a mon fens , un vrai fuperftu dans l'a lphabet
grec, que les deux s , * , & le s deux 0,
iigurés diverfement.
Loin d avoir du fuperflu , notre alphabet pèche
dans un fens contraire; nous n’avons pas allez de
Voyelles , & nous ufon's de celles qui .exiftent
d unemaniere affez peu fyftématique. Nous n’avons,
pour peindre nos huit Voix fondamentales , que
cinq Voyelles , A , E , I , O , U ; & nous fommes
xorççs de fuppléer à ce qui nous manque, par des
accents qui changent le fon de la Voye lle, ou par
cres combinailons qui le rendent équivoque.
,P mot ^ ermeîe' » par exemple , qui a trois
iyllabes, la Voyelle E y eft employée trois fois
& y répréfente trois Voix différentes : dans la première,
c eft la fécondé Voix retentiflante, orale ,
aigue; dans la fécondé., c’eft la première Voix
labiale, orale,-muette; & dans la troifîème, c’eft
la troifîème Voix retentiflante. La première & la
Quatrième Voix labiale n’ont point chez nous de
ngnes propres; nous les repréfentons par des com-
binaifons de Voyelles , qui au fond ne devroient
avoir lieu que pour repréfenter des Voix Amples
confecutives : ainfî, nous écrivons jeuneJJe avec eu
comme réunir; tous avec ou-, comme Pirithoïis. 1
Nous avons encore i y , que l ’on regarde comme
nne fixieme Voyelle, parce qu’on a coutume de
1 employer pour i , i°. dans plufîeurs mots dérivés
des mots grecs qui avoientun v ou upfilon; z°. dans
plufîeurs autres mots (ans aucune rai (on apparente ,
comme yvre , les y e u x , Sc anciennement rnoy^toy^
luy , bcully, &Gr C ’eft encore un abus. Voyez Y.
{ M . B e a u z é e . ) -
• VÉRITABLEf. Synon. Vrai marque
precifément la vérité objective ;- c’eft à dire q uil
tombe directement fur la réalité de la chofe , & '
flgnifîe qu’elle eft telle qu’on la dit. Véritable dé-
ligne proprement la vérité expreffive ; c’eft a dire
q u il fe raporte principalement .à l ’expofîtion de
la chofe , Sc fignifie qu’on la dit telle qu’elle eft.
Ainfî, le premier de ces^mots aura une grâce particulière
, lorfque, dans l ’emploi, on portera d’abord
Ion point de vue fur le fujet en lui-même ; & le
fécond conviendra mieux, lorfqu’on portera ce point
de vue fur le difcours. ( U abbé G i r a r d . )
( T C e qui eft vrai exifte réellement, & c’eft '
la realite qui en eft le fondement. Ce qui eft véritable
eft exactement conforme à la réalité % &
c eft cette conformité qui en eft la bafe. )
( M . B E A U Z É E » )
Cette différence eft extrêmement métaphyfique,
& j’avoue qu’il faut des ieux fins pour l ’apercevoir
; mais elle n’en fùbfîfte pas moins, & d’ailleurs
on ne doit pas exiger de moi des différences
marquées, ou l ’ufage n’en a mis que de très-délicates
: peut-être que l ’exemple fuivant donnera du
jour à ce que je viens d’expliquer , & qu’on fentira
mieux cette diftinCtion dans l’application que dans la
définition.
Quelques auteurs, même proteftants , foutiennent
qu’il n’eft pas vrai qu’il y ait eu une papeffe J e an ne ,
& que l’hiftoire qu’on en a faite n’eft pas véritable.
( U abbé G i r a r d . )
VR AISEMBLANCE, f. f. Poéfie. L e but que
fe propofe immédiatement la fiction , c’eft de per-
fuader ; or elle ne peut perfuader qu’en reffemblant
a l ’idée que nous avons de ce qu’elle imite. Ainfî,
la Vraifemblance confifte dans une manière de
feindre confonde â notre manière de concevoir ; de
tout ce que l ’efprit humain peut concevoir , il peut
le croire, pourvu qu’il y foit amené.
Tant que le poète ne fait que nous rappeler
ce que nous avons vu au dehors ou éprouvé au
i dedans de nous-mêmes, la reffemblance fuffit à
l ’illufîon; & comme nous voyons dans la feinte
l ’image de la réalité , le poète n’a befoin d’aucun
artifice pour gagner notre confiance. Mais que la
fiétion nous préfente un évènement qui n’ait point
d’exemple, un compofé qui n’ait point de modèle :
comme la reffemblance n’y eft pas, nous y cherchons
la vérité idéale ; & c’eft alors que le poète
eft obligé d’employer tout fon art pour donner au
menfonge les couleurs de la vérité. Nous' favons
qu’il feint, nous devons' l ’oublier ; & fi nous nous
en fouvenons , le charme eft détruit & l ’illufîon
ceffe. Dove marie a la fede , •non pao abbondare
VaffettO y Q ilpiacere di quel che J î legge o s ’ af-
colta. f j ,E T a s s e ),.
I l y a, dans notre manière 3e concevoir, ün.e vérité
directe & une vérité réfléchie ; l ’une & l ’autre
eft de fentiment, de perception, où d’opinion.
La vérité de fentiment eft l ’expérience intime de ce
qui fé paffe au dedans de nous-mêmes, & par réflexion,
de ce qui doit fe paffer en général dans f efprit
& dans le coeur de l ’homme. C’eft à .,ce modèle, fans
ceffe préfent, qu’on rapporte la fîétion dans la
poéfie dramatique. Nous fommes tels : c’eft la. vérité
direéte. Nous fentons qu’il eft de la. nature de
l ’homme d’être modifié de te lle ou de telle façon,
par telle ou telle caufe , dans telle ou telle cir-
conftance; que dans notre compofé moral, telles
qualités, tels accidens s’accordent & fé concilient,
tandis que tels Je combattent & s’excluent mutuellement
: c’eft la vérité réfléchie.
Mais comment fe peut-il que la vérité'de fentiment
foit la même dans tons les hommes ? C’eft
que, dans tous les hommes, le fond du naturel Je
reffemble, Sc qu’on y revient quand on veut, quel-
V R a 0m
quefôis même fans lé vouloir. Chacun de nous a,
comme le poète, la faculté de fe mettre à la place
de fon femblable, & l’on s’y met réellement tant
que dure l’illufion. On penfe , on agit, on s’exprime
avec lui comme fi on étoit lui-même; & félon qu’il
fuit nos preffentiments ou qu’il s’en .écarte, la fiction
qui nous le préfente eft plus ou moins vrai-
femblable à nos ieux.
Ces preffentiments qui nous annoncent les mouvements
de la nature, ne font pas affez décififs
pour nous ôter le plaifir de la furprife : il arrive
même affez fouv.ènt que le poete nous jette dans
l ’irréfolution, pour nous en. tirer par un trait qui nous
étonne & qui nous foulage; mais fans être décidés
à fuivre telle ou telle route, nous diftinguons très-
bien fi celle que tient le poète eft la même que
la nature eût prife ou dû prendre en fe décidant.
Ne vous êtes-vous jamais aperçu de la -docilité
avec laquelle notre âme obéit aux mouvements
de celle d’Ariane ou de Mérope , d’Orof-
mane ou du vieil Horace ? C’eft que, durant l’illufion,
votre ame 6c la leur n’en font qu’une ; ce font
comme deux inftruments organifés de même &
accordés à l’uniffon. Mais fi l ’a me du poète ne
s’eft pas montée au ton dé la nature, le perfon-
nage auquel il a communiqué fes fentiments & fon
langage,, n’eft plus dans la vérité de fa utuation
& de Ion caractère ; & vous,..qui vous mettez à fa
place mieux què n’a fait le poète , vous n’êtes plus
d’accord avec lui. Voila dans quel fens on doit
entendre ce que dit le Taffe : I l folfio non ê , e
quel phe non è non f i puo imitare. Mais il s’eft
quelquefois lui-même éloigné de ce principe : je
l’ai obfcivé a propos de Tancrède fur le tombeau
de Clorinde; je l’obférve encore dans le langage
que tient Renaud fur les genoux d’Armide. Rién de
plus naturel, de plus beau, que ce qu’on voit dans
cette, peinture ; rien de moins vrai que ce qu’on
entend.
Quai raggio in onda, le fcenitlila 1 in rifo ,
B eg li limidi occhi, tremulo e lafcivOy
Sovra lui pende : ed ei nel grembo molle
Le pofa i l cap0 ; i l yolto alv olto attolle„
Cela eft divin ; mais vous n’allez plus trouver
la même vérité dans ces froides hyperboles :
Bon pub fpècchio ritrar f i dolce immago,
B e in picciol vei'fo è un parodifo accolto.
Specchio t’e dègno i l cielo ; è nelle J lelle
Tuoi riguardar le tue fembiançe belle.
Avouez qu’à la place de Renaud ce n’eflrpoxnt là
ce que vous auriez dit.
La Vraifemblance, dans les chofes de fentiment
, n’eft. donc que l’accord parfait du génie du
poète avec l’âme du fpeélateur. Si la direction que
l’un donne à la nature décline de celle, que l’autre
lent qu’elle eût.voulu fuivre, Sc s’il en preffe ou
ralenti! mal à propos les mouvements; l’âme du
fpedateur , fans ceffe contrariée & laffe enfin de
céder , fe rebute : de là vient qu’avec des qualités
intéreffantes et des filuations pathétiques, un caractère
inégal & difeordant ne nous attache point.
La vérité de perception eft la réminifcence des
impreflions faites fur les fens, & par réflexion, la ■
connoiflance des chofes fenfîbles , de leurs qualités
communes , de leurs propriétés diftinélives , de
leurs raports en général, loit entre elles foit avec
nous-mêmes. En nous repliant fur cette foule d’idées
qui nous viennent par toutes les voies, nous nous
fommes fait un plan des procédés de la nature dans
l’ordre phyfîque : ce plan eft le modèle auquel
nous raportons le. compofé fidif que la Poéfie nous
préfente ; & fi elle opère comme il nous femble
qu’eût opéré la nature , elle fera dans la vérité.
La vérité, foit qu’elle ait pour objet l’exiftence
ou l’aétion , ne peut rouler quéfur des raports de
’convenance & de proportion , de la caufe avec
l’effet, des parties rune avec l’autre, & de chacune
avec le Tout. Si donc les éléments d’un compofé
phyfîque , individuel ou collectif, font faits pour
être mis enfemble , Sc fuivent dans leur union les
lois Sc le plan de la nature, l’idée de ce compofé
a fa vérité dans la cohéfion de fes parties Sc dans
leur mutuel accord. De rnême, fi les raports d’une
caufe avec , fon effet font naturels Sc fenfîbles , l’idée
de l’aétion portera fa vérité en elle-même. Il eft
donc bien aifé de voir dans le phyfîque ce qui eft
fondé fur la Vraifemblance, & par conféqueut ce
qui ne l’eft pas.
L ’opinion fur les faits eft tantôt férieufe & de
pleine croyance, tantôt reçue à plaifir Sc de fimple
adhéfion ; mais quelque foible que foit le contentement
qu’on y donne , il fuffit à l ’illufion du moment.
Un menfonge connu pour tel, mais tranfmis ,
reçu d’âge en âge , eft dans la claffe des faits authentiques;
on le paffe fans examen. A plus forte
raïfon ,%(fi les faits font folennellement atteftés
par l’Hiftoire, ne laiffent-ils pas à i’efprit la liberté
du doute; Sc le poète , pour les fuppofèr,
n’a pas befoin de les rendre croyables : qu’ils (oient
d’accord avec l’opinion, cela fuffit à leur Vraifem-
b lance >
Mais diftinguons ï°. l’opinion d’avec la' vérité
hiftorique ; z6. les faits compris dans le tiffu du
Poème d’avec les faits fuppofés au dehors. » Je
-» ne craindrai pas d’av'ancer , dit Corneille à propos
du facrifîçe qu’a -fait Léontine en livrai# fon fils
à la mort, » que le fujet d’une belle tragédie doit
» n’être pas Vraifemblable. »> Et il fe fonde fur le
précepte d’Ariftote, » de ne p,*.s piendre peur fujet
» un ennemi qui tue fon ennemi , mais - un père
» qui tue fon fils ,, une femme fon-mari, un frère
>■> fà feeur, &c; ce qui n’étant jamais Vraifiembla- >> ble , ajoûte Corneille, doit avoir l’autorité de
» l’Hiftoire ou de l’opinion commune ».
J’ai fait mes preuves de refpeét pour ce grand