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» peut-être ce qui a rendu le mot Rhapfodie odieux
» en françois, où il veut dire un Amas de méchantes
» pièces recoùfues ». ( A n on Y m e . )
RH É TEU R , f. m. Belles - Lettres. Nom que
l ’on donnoit autrefois à ceux qui fefoi-ent profeffion
d’enleïgncr l ’Éloquence , & qui en ont laiffé des
préceptes. Quintilien, dans le troi-fième livre de
les Inftitutions oratoires, a fait un affez long dénombrement
des anciens Rhéteurs tant grecs que
latins. Les plus connus font parmi les grecs ,
Empédocle,. Corax-, Tifîas, Platon , q ui, dans
fes Dialogues & furtout dans le Phèdre & dans le
G o rgias, a femé- tant de réflexions folides fur
l ’Éloquence ; Ariftote, a qui l’on eft redevable de
cette belle Rhétorique divifée en trois livres , où
l ’on ne fait ce qu on doit admirer le plus , de
l ’ordre & de la jufteffe. des préceptes, ou- de la
profonde connoiffance du coeur humain , qui paroît
dans ce que l ’auteur dit des moeurs & des pallions ;
Denys d’Halycarnaffe , Hermogène , Aphtonius ,
Longin : & parmi les latins, Photius , Gallus ,
Cicéron, Sénèque le père, & Quintilien fe font
le plus diftinguer. Parmi les Pères de l ’Églifè ,
nous en avons plu fleurs qui ont enfeigné la Rhétorique
, tels que S. Cyprien , S. Grégoire de Na-
zienze,S. Auguftin. Lès PP.. Jouvenci &de Çolonia,
& MM. Rollm & Gibert ont brillé parmi les Rhé-
leurs modernes. ( A n o n ym e . )
RH É TO RICIEN , IL m. Terme d’école. I l fe
dit du profeffeur qui montre la Rhétorique1 &'de
l ’écolier qui l’aprend , mais plus communément de
ce dernier.. ( ANONYME. )■
R H É TO R IQ U E , f. £. Belles-Lettres. Art de
parler fur quelque fujet que ce foit.avec Éloquence
& avec force. D ’autres la définirent l ’Art de bien
parler, A r s hene dicendi : mais ,. comme le remarque
le P. Lamldans la Préface de fa Rhétorique
y. il fufSt de la. définir Y A r t de- parler car le
mot Rhétorique n’a point d’autres Idées dans la
langue grèque , d’où il eft emprunté linon que
e’eft Y A r t de dire ou de parler» I l n’eft pas nécef-
fàire d’ajouter que c’eft Y Ar t de.hien parler pour,
perfuader. : il: eft vrai que nous ne parlons que
pour faire entrer dans nos fentiments ceux qui nous
écoutent ; mais, puifqu’il ne faut point d’art pour
mal faire, & que c’eft. toujours pour aller à fes
fins qu’on l ’emploie, le mot.d3A r t dit fuffifamment
tout ce qu’on vouloit dire de plus.
Ce mot vient du grec PVlopiioiV, qui-eft formé
de flco y ( je parle)., d’où l ’on a . fait , orateur.
. Si l ’on en croit le- même auteur., la Rhétorique
eft d’un ufage fort étendu ; elle renferme tout
ce- qu/on appelle en français B elles-Lettres-, ea
latin- & en grec Philologie. Savoir les Belles-
Lettres y ajoute-t-il, c’eft favoir parler , écrire,
©ti: juger; de ceux qui écrivent. oc cela eft fort
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étendu; car l ’Hiftoire n’eft belle & agréable que
lorfqu’elle eft bien écrite , il n’y a point de livre
qu’on ne life avec plaifir, quand le ftyle en eft
beau. Dans la Philolbphie même, quelque auftère
qu’elle fo it, on veut de la politeffe, & ce n’eft
pas fans raifon : car l’Éloquence eft- dans les feiences
ce que le foleil eft au monde ; les feiences ne font
que ténèbres , fi ceux qui les traitent ne fayent pas;
écrire? L ’art de parler eft également utile aux
philofophes 8c aux mathématiciens. La Théologie
en a. befoin ; puifqu’elle ne peut expliquer les vérités
fpirituelles , qui font l'on objet, qu’en les
revêtant de paroles fenfibles. En un mot,. ce même
art peut donner de grandes ouvertures pour l’étude
de toutes les langues, pour les parler purement
& poliment, pour en découvrir le génie & la beauté :
car quand on a bien connu ce qu’il faut faire pour
exprimer fes penfées , & les différents- moyens que
la nature dorme pour le faire ; on -a-une connoiffance
générale de toutes les la n g u e s q u ’il eft
facile d appliquer en particulier à celle qu’on voudra
aprendre.
L e chancelier Bacon définit très-philefophique-
ment la Rhétorique , l ’Art d’appliquer & d’adreffep
les préceptes de la raifon a l’imagination, & de
les rendre fl frapants ,pour elle , que la volonté &
les défirs en foient affeâés. La fin ou le but de la*.
Rhétorique , félon la remarque du même auteur T
eft de remplir l ’imagination d’idées & d’images
vives| qui puifient ainfi aidée la nature fans l ’accabler.
Voyt^ Image.
Ariftote définit la Rhétorique-, un Art ou une
Faculté qui confidère en chaque fujet ce qui eft
capable de perfiiader ( Rhet. 1. z-) ; & Volfius la
définit de même, après ce phllôfophe l ’Art de
découvrir dans chaque fujet ce qu’il peut fournir
pour la perfùafîon. Or chaque auteur doit trouyer-
& chercher des arguments qui faffent valoir le
plus qu’i l eft pôffible la matière qu’il traite; il4
doit enfuite difpofer ces arguments entre- eux dans
la place qui leur convient à chacun*, les embellir
de tous les ornements du langage dont ils font fufi-
ceptibles, & enfin, f i le difcours doit être débité
en public, le prononcer avec toute la décence &
la force la plus capable de fraper l ’auditeur. Delà
en divife la Rhétorique en quatre parties, favoir
l ’Invention-, la Difpofition , l ’Élocution , & la-
Prononciation. TToye-%,Invention, Disposition
&c^
L a Rhétorique eft à l ’Éloquence ce que la théorie
eft- à la pratique,, ou comme la roétiquë eft-i
à la Poéfîe. Le Rhéteur- preferit des règles d’Élo-
quenoe, l ’orateur ou l ’homme éloquent fait ufage
de ces.-règles pour bien parler : au lu la Rhétorique-
eft-elle appelée Y Ar t de parler, & fes règles, Rèr
g les d’Lloquence.
I l eft vrai, dit Quintilien ( Proëm. lij>. i ) ; que
fans le fecours de la nature, ces préceptes ou règles
ne- font d’aucun ufage ;• mais il eft vrai auffi qu'ils;
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PaidcnC & la fortifient beaucoup, en lui fervânt de
guides. Ces préceptes ne font autre chofe que des
obfervations qu’on a faites fur ce qu’i l y avoit
de Beau ou de défectueux dans les difcours qu’on
entendoit : car, comme le dit fort bien Cicéron
( I. De O rat. xxxij. 146 ) , l ’Éloquence n’eft point
née de l ’Art , mais l ’A rt eft né de l ’Éloquence ;
ces réflexions , mifes par ordre, ont formé ce qu’on
appelle Rhétorique.
On appelle aufli Rhétorique, la elaffe où l’on
enfeigne aux jeunes gens les préceptes de l ’Art
oratoire. . On fait la- Rhétorique avant la Philo-
fophie ; c’eft à dire , qu’on aprend à être éloquent,
avant d’avoir apris aucune chofe, & , à bien dire,
avant de favoir raifonner. Si jamais l ’Éloquence
devient de quelque importance dans la fociété , par
le changement de lp. forme du Gouvernement ; on
renverfera l’ordre des deux dalles appelées Rhétorique
8c Philofophie. ( ANONYME.)
( N. 1 R H É T O R I Q U E , B elle s-Lettre s.
Théorie de l ’art oratoire. L ’Éloquence eft - elle
un art que l ’on doive enfeigner? Ce fut un problème
chez les anciens. Socrate avoit coutume de dire
que tous les hommes étoient. allez éloquents lorsqu'ils
parloient de ce qu’ils favoient bien. Socrate
tenoit ce langage , après que l ’étude , la méditation
, l ’exercice , la coranoifiance dé l ’homme &
des hotnmes , 8c tout ce que la culture peut ajouter
à un beau naturel, avoit fait de lui-, non feulement
îe plus fubtil des dialecticiens , mais le plus
éloquent des Sages. Socrates fu i t is qui, omnium
eruditorum tefli-monio- totiufque judicio Groe-
cicç ■> quum prudentiâ, & aeumine , & venujlate,
& fuhtilit ctte , tum vero Eloquentid , varietate ,•
eopiâ, quam fe cumque in partem dediffet, omnium
fu it fa c ilè princeps. ( De Orat. Life. IIL )
Bon Socrate , au roi t-on pu lui dire,- vous qui raé-
prifez l ’art dans l ’Éloquence, croyez - vous ne
devoir. qu’à la fimple nature les agréments , la
variété , l ’abondance qu’on admire dans vos difcours?
Vous êtes riche; lai lie z - nous-travailler à le devenir.
L ’école de Zenon penfoit comme Socrate , que
toute elpèce d’artifice étoit indigne de l ’Éloquence
; 8c cette opinion coûta la vie aux deux
hommes peut - être les plus vertueux de l ’antiquité';
■
L e ftoïcien Rutî-lius , - par la famteté de fes
moeurs, étoit à Rome un autre Socrate ; il fut calomnié
comme lui , & comme luife laiffa condannsr,
fans vouloir qiron prît fa défenfe.
» Que n’avez-vous parlé ( dit Antoine à CrafFus",
dans' le livre de l ’Orateur) ! » que n’âvcz-vous
» parlé pour ce Rutilius, If indignement accufé !
» que n’avez-vous parlé pour lu i, non pas à la
» manière dès philofophes , mais à la vôtre ! Tout
» fcélérats qu’euflent été fes juges, comme ils le
9 furent- etr effet i, ce? citoyens pervers- & dignes du
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» dernier fupplice, la force de votre Éloquence leur
» auroit arraché du fonds de l ’âme toute cette per-
» verfité ».
On peut dire avec vraifemblance la même-chofe
de Socrate. Ce n’étoit point un Lyfîas qui étoit
digne de le défendre, avec la molleffe de fon langage
; mais un Démofthène , avec la véhémence
& la vigueur du lien , l ’auroit fauvé : & cette
Éloquence pathétique , dont Socrate ne vouloit
point, en fefant ho rieur à fes juges de l ’iniquité qu’ils
alloient commettre , leur auroit épargné un crime
irrémilfible & un opprobre ineffaçable.
Des philofophes moins auftères, en admettant
comme permis les artifices de l ’Éloquence , pré-
tendoiènt que tout fon manège nous étoit donné
par la nature que chacun de nous étoit né avec
le don de careffer & de flatter d’un air timide &
fuppliant de menacer fon adyerfaire lorfqn’on
vouloit l ’intimider, d’appüyer de raifons plaulibles
fon opinion ou fes- demandes , de réfuter les raifons-
d’autrui,.. de raconter les faits avec adreffe & à fon
avantage, enfin d’employer la plainte ou la prière
pour obtenir jùftice ou grâce.
Oui,, ce don fuifit aux enfants-; i l fufl.it même
au commun des hommes ,. dans les débats de
la fociété.*jVIais pour fléchir Céfar ou le peuple
romain, pour réveiller l ’indolence d’Athènes 8c
la foule ver contre Philippe, étoit-ce affez des petits
moyens de cette Éloquence vulgaire ? & la nature
nous a-t-elle apris à raifonner , à réfuter, à menacer,
comme Démofthène ; à fupplier,. à careffer, à flatter
comme Cicéron ?
I l eft affez vrai que tout homme paffion'né-, ou
vivement ému , eft éloquent fur l ’objet qui le touche
, lorfque l’objet eft fimple & n’a rien de litigieux.
Mais fi la caufe de la vérité , de l ’inno-.
cence, de la juftice, fe préfente, comme elle eft
fouvent, hériffée de difficultés & obfcurcie de nuages
; fi elle eft aride, épineufè , fans attrait pour
l ’attention & pour laeuriofité-; ff Ton1 parle devant-
un juge aliéné ou prévenu, foit par des affeélions
contraires , foit par de fauffes apparences, foit par
un adverfaire adroit & armé de tous les moyens d’une
Élo quenee artificieufe ; fera-t-on prudent de fe fier
au don naturel & commun de parler de ce qu’on fait
bien.,, ou de ce qu’on font vivement ?
Dans tous les genres de contention qui s’élèvent
entre les hommes, fi la force méprifoit l’adreffe ,
la foibiéffe l ’inventeroit. Dès que l ’homme s’eft
exercé à manier la mâffue ou la fronde , l ’art de
la guerre a pris-naifiance : dès que l ’homme, avant
de parler , a réfléchi’ a ce qu’il devoit dire, la-
Rhétorique^a commencé’. Ainfi, depuis que l ’on
s’eft aperçu que, par la puiffance de la parole,
on dorninoit les.efprits & les âmes; depuis qu’entre
la vérité 8c le menfonge, entre le bon droit <5£
la fraude, s’eft èleyée cette gueyre , dont l’Éloquence
eft tour à tour l ’arme offenfive & défenfive ; chacun
à- l ’envi- s’exerçant au combat, pour s’en procurer