
quelconque : donnant eft au préfent indéfini }
ayant donné eft au prétérit indéfini ; devant donner
eft au futur indéfini} & partout c’eft le Participe
aétif.
Duclos prétend qu’en beaucoup d’occ'afions le
gérondif & le Participe peuvent être pris indifféremment
l ’un pour l ’autre} & il cite en exemple
cette phrafe} Les hommes jugeant fu r ïapparence
, font fujè ts à fe tromper ; • il eft affez indifférent
, dit-il, qu’on entende dans cette propo-
fition , les hommes en jugeant ou les hommes
qui jugent fur l ’apparence. Pour moi , je ne crois
point du tout la- chofe indifférente : fi l ’on regarde
jugeant comme un gérondif, i l me femble que
la propofi:ion indique alors le cas où les hommes
font fujets à fe tromper, c’eft en.jugeant y in
judicando , lorfqu’ils jugent fur l ’apparence } fi
jugeant eft un P a n ic ip e , la propofition énonce
par là la caufe pourquoi les hommes font fujéts
a fe tromper , c’eft que cela eft le lot ordinaire
des hommes qui jugent fur l’apparence : or il y
a une grande différence entre ces deux points de
yùe j & un homme délicat , qui voudra marquer
l ’ un plus tôt que l’aàtre, fe gardera bien de fe
fervir d’un tour équivoque } il mettra la propofition
en avant le gérondif, ou tournera le P anicipe
par qui ,' conformément à l ’avis même de
Duclos.'
I l n’eft plus queftion d’examiner aujourdhui fi
nos Participes aétifs font déclinables , c’eft à dire ,
s’ils prennent les inflexions des genres & des nombres.
Ils en étoient autrefois lgfceptibles ; mais
aujourdhui ils font absolument indéclinables. Si
l ’on dit, Une maifon appartenante à Pythius ,
Une requête tendante aux fin s , &c , ces prétendus
Participes doivent plus tôt être regardés
comme de purs adjeétifs qui font dérivés du verbe ,
& femblables , dans leur conftru&ion, à quantité
d’autres adjectifs , comme utile a La fante , ne-
ceffaire à la v ie , docile aux bons a v is, &c.
C ’eft ainfi que PAeadémie françoifemelle - même
le décida le 3 Juin 1679 ( Opufc. page 343 )}
j& cette décifîon eft d’une vérité frapante^: car il
eft évident que , dans les exemples allégués & dans
tous ceux qui feront femblables, onn a égard a aucune
circonftance de temps } ce qui eft pourtant effenciel
dans les Participes.
Au refte , l ’indéclinabilité de nos Participes
aftifs ne doit point empêcher qu’on ne Je$ regarde
comme de vrais adje&ifs - verbes} cette indéclina-
bilité leur eft accidentelle, puifqu’ânciennement
jls fe décïinoient} & ce qui eft accidentel ne change
point la nature indeftruéfible des mots. Lçs ad-
jçétifs numéraux, quatuor , quinque , f e x , fep-
fém , &e , & en François, deux , trois, quatre ,
çinq , f i x , fept , & c , plufieurs , ne font pas moins
adjëôlifs', quoiqu’ils gardent conftamment la même
forme : les verbes de la langue franque ne laif-
féûi pas d’être des verbes, quoique l ’ulage ne leur
ait accordé ni nombres, ni perfonnes, ni modes* ni
temps.
A r t. II. Si la plupart de nos grammairiens ont confondu
le gérondif françois avec le préfent du P articipe
aétif, trompés en cela par la reflemblance de la
forme & de la terminaifon} on eft tombé dans mie
méprife toute pareille au fujet de notre Participe
paffif fimple , que l ’on a confondu avec le fupin de
nos verbes a&ifs , parce qu’ils ont auifi le même matériel.
Je ne doute point que ce 11e fo it, pour bien des.
Grammairiens, un véritable paradoxe , de vouloir
trouver dans, nos verbes un fupin proprement dit :
mais je prie ceux qui feroiënt prévenus contre cette
idée , de prendre garde que je ne fuis pas le premier
qui l ’ai mife en avant , & que Duclos , dans
fes Remarques fur le chapitre x x j de la part. I l
de la Grammaire générale , indique affez nettement
qu’i l a du moins entrevu que ce fyftême peut
devenir probable. « A l’ egard du lupin , dit — il »
» fi nous en voulons reçonnoître en françois , je
» crois que c’eft le Participe paffif indéclinable ,
» joint a l ’auxiliaire avoir ». Ce que dit ici cet
habile académicien , n’eft qu’une efpèce de doute
qu’il propofe} mais c’eft un doute dont ne fe feroit
pas avifé un grammairien moins accoutume a démêler
les nuances les plus délicates & mqins propre
à approfondir la vraie nature des,, chofes.
Ce n’eft point par la forme extérieure ni par
le fimple matér ielles mots qu’il faut juger de
leur nature } autrement, on rifqueroit de paffer
d’erreur en erreur & de tomber-; fouvent dans
des difficultés inexplicables. Leur n’eft-il pas fou**
vent article & d’autres fois pronom ? S i eft adverbe
modificatif dans cette phrafe} Bourdap
loue ejl f i éloquent qu’ i l enlevé les coeurs : i l
eft adverbe comparatif dans celle-ci^ A lexan dre
n’efl pas f i grand que Céf@r : il eft conjonction
hypothétique dans celle - c i } S i ce livre
ejl utile !$p ferai content y & dans cette autre;
Je ne fa is f i mes vues réuffiront. L a reflemblance
matérielle de notre fupin avec notre Participe
paffif, ne peut donc pas être une raifon fuffifarite
pour rejeter cette diftinétion , Surtout fi on peut
rétablir fur une différence réelle de fervice, qui feule
doit fixer fa diversité des efpèces.
Il faut bien admettre ce principe dans la Gram-<
maire latine, puifque le ffipin y eft abfolument
femblable au Participe paffif neutre , & que cette
fimilitude n’a pas empêche la diftin&ion, parce
qu’elle n’a pas confondu les ufages. Le fupin y
a toujours été employé comme un nom,^ parce
que ce n’eft en effet qu’une forme particulière de
l ’infinitif \voye\ Supin) : quelquefois.il eft fujet
d?un verbe , fletum eft ( avoir pleuré eft ) , o n a
pleuré ( voyex Impersonnel) } d’autres foi? il eft
complément objeCtif d’un verbe, comme dans cette
phrafe de Vairon , Me in Arcadiâ fcio fpecla-
tuai fuem ? dont la conftruttion eft Erga me
fc io fpeélatum fuem in Arcadiâ (je fais avoir vu) ,
car la Méthode latine de Port - Royal convient '
que fpeclatum eft pour fpeclaffe , & elle a raifon }
enfin,, dans d’autres occurrences , il eft complément
d’une prépofition dû moins foufentendue , comme
-uaud Sallufté dit, Nec ego vos ultum injurias
ortor, c’eft à dire:-, A d ultum injurias. Au lieu
que le Participe a teujours été-traité & employé
comme adjectif, avec les diverfités d’inflexions exigées
par la loi de là concordance.
C ’eft encore la même chofe dans notre langue}
8c outre les différences qui diftinguent effenciel-
lement le nom & l ’adjectif, on fent aifément que
notre fupin conferve le Cens a d if , tandis que
notre Participe a véritablement le fens paffif.
J'ai lu vos lettres, : fi on veut analyfer cette
phrafe , on peut demander j 'a i quoi ? & la ré-
ponfé fait dire , j 'a i lu ; que l’on demande enfuite ,
lu quoi? on répondra, vos lettres: ainfi, lu eft
le complément immédiat de j 'a i , comme lettres
eft le complément immédiat de lu. L u , comme
complément de j 'a i , eft donc un mot de même
efpèce que lettres, c’eft un nom} & comme ayant
lui-même un complément immédiat, c’eft un mot
de la même efpèce que j ' a i , c’eft un verbe rela
tif au fens adifi Voilà lés vrais caractères de
l ’infinitif, qui eft un nom-verbe (voye% Infinitif)}
.& conféquemment ceux1 du fupin, qui n’eft rien autre
chofe que l ’infinitif fous une formé particulière.
Voye\ Supin.
Que l ’on dife au contraire , V o s lettres lues ,
vos lettres étant lu e s, vos lettres fon t lues y
vos lettres ayant été lu e s, vos lettres ont été
lues y vos lettres devant être lu e s, vos lettres
doivent être lues, vos lettres feront lues , &c ;
on fent bien que lues a , dans tous ces exemples,
le fens paffif } que c’eft un adje&if q u i, dans la
première phrafe , fe raporte à lettres par appo-
fition , 8c qui , dans les autres * s’y raporte par
attribution} que partout c’eft un • adjedif mis en
concordance de genre & de nombre avec lettres ;
8c que c’eft ce qui doit caraârérifer le Participe ,
qui , comme je l ’ai déjà d it, eft un adjedtif-
verbe.
Il paroît qu’en latin le fens naturel 8c ordinaire
du fupin eft d’être un prétérit : nous venons de
voir, i l n’y a qu’un moment, le fupin fpeclatum,
employé pour fpeêtaffe ,* ce qui eft nettement indiqué
par fcio , & juftement reconnu par Lancelot.
J’ai préfenté ailleurs ( voye\ Impersonnel ) l ’idée
d’une conjugaifon dont on a peut - être tort de
ne rien dire dans les Paradigmes des Méthodes,
& qui me femble établir d’une manière indubitable
que le fupin eft un prétérit } ire eft [o ù
va ) , ire erat ( on alloit) , ire erit- ( on ira ) ,
font les trois préfents de cette conjugaifon, & répondent
aux préfents naturels, eo , ibam , ïbo ;
itum efi ( on eft allé yitum erat ( on étoit allé ) ,
itu n erit (011 fera, a llé ) , font les trois prétérits
G&a m m . e x L i t i &r a i > Tome H L
qui répondent aux prétérits naturels iv i t iveram »
ivèro ; enfin eundum ejl ( on doit aller ) , eundum
erat (on devoit aller) , eundum erit (on dévia
aller ) , font les trois futurs , & ils répondent aux
futurs naturels iturus j <2, Um, fum , iturus eram g
intrus erô : or on retrouve dans chacune1 de ces-
trois efpèces de temps les mêmes temps du verbe
fubftantif auxiliaire , & par conféquent les efpèces
doivent être èaraôtérifées par le mot radical qui
y fert de fujet à l’auxiliaire } d’où il fuit qu’/rc
eft le préfent proprement d it , itum le prétérit 9
8c eundum le futur, 8c qu’il doit ainfi demeurer pouc
confiant que le fupin eft un vrai prétérit dans la lan-<
gue latine.
I l en eft de même dans notre langue} & c çff
pour cela que ceux : de nos verbes qui. prennent!
l ’auxiliaire avoir dans leurs prétérits, n’ en emploient
que les préfents accompagnés du ^fupin , qui de-
ngne par lui-même le prétérit} j'a i lu , j avois
lu y j ’aurai lu , comme fi l ’on difbit j ’ai actuellement
, j ’avais alors , j ’aurai alors par devers
moi l’afte à’avoir lu ; en latin, haheo , habebam»
ou habebo tectum oulegijfe. En forte que les diffé*
reats préfents de l ’auxiliaire fervent à différenciée
.les époques auxquelles fe raporte . le prétérit fonda.-*
mental 8c immuable énoncé par le fupin.
C ’eft dans le même fens que lés mêmes auxiliaires
fervent encore à former nos prétérits avec
notre Participe paffif fimple , & non avec: le
fupin } comme quand on dit-, en parlant de lettres
, j e les ai lues y je les avois lu e s, j e les
aurai lues , &c. La raifon en eft la même : ce
Participe paffif eft fondamentalement prétérit, 8c
les diverfes époques auxquelles on le raporte fonC
marquées par la diverfité des préfents du verbe
auxiliaire qui l ’accompagne : je les ai lues , j e
les avois lu e s , j e les aurai lues ,• c’eft comme
fi l’on difoit en latin, easleclas habeo , ou habebam%
ou habebo.
Il ne faut pas diffimuler que l’abbé Regnier ,
qui connoiffoit cette manière d’interpréter nos prétérits
compofés de l ’auxiliaire 8c du Participe »
né la croyoit point exatte. « Quant habeo ama-
» tam y félon lui ( Grammaire françoife , in-1» ,
page 467} i n - p a g e 493 ) , » ne veut nullement
» dire que j ’ai aimée ; il veut feulement dire que
» j ’aime ( quam habeo caram ). Que fi l ’on vou-
» loit rendre le fens du françois en latin par le
» verbe habere , ilfaudroitdire , quam habui ama*
» tam ,* & c’eft ce qui ne fe dit point >».
Mais i l n’eft point du tout néceffaire que les
phrafes latines par lefquelles on prétend interpréter
les gallicifmês, ayent été autorifées par l ’ufage
de cette langue : il fuffit que chacun des mots
que l’on y emploie ait le lens individuel qu’on
lui fuppofe dans l’interprétation, & que ceux a
ui l’on parle conviennent de chacun de ces fèns..
le détour peut les conduire utilement à l ’efprii
L du gaüicifmë que l ’on conferve tout entier, mai*
l * ' > ' 3