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le mot, auquel on peut fubftituer ou une péri-
phrafe ou une définition j en un mot, rien n’eft
ou ne demeure bas entre des mains intelligentes.
j i y a-t-il de plus bas
du duvet, de l'écume , de
TEfprit faint lui-même en
pittorefques & très-utiles :
Spes impii tanquam
lanugo ejl^quæ à vento
tollitur ,* Ù tanquam
fpuma gracilis , quoe à
procella difpergitur ,• &
tanquam fumus , qui
4 vento diffufus ejt.
( Sap. V.,15. )■
: de plus méprifable que
la fumée ? & cependant
tire des Similitudes très-
I/efpérance de l’impie
eft femblable à du duvet,
que le"vent enlève j femblable
à une écume légère
, qu’un ouragan fait
difpàroître $ femblable à
de la fumée, qui eftdif-
fipée par le vent.
On donne allez communément à la Similitude
le nom de Comparaison ; & l ’Académie remarque
même , dans fon Dictionnaire en .17 6 1 , que le
terme de Similitude vieillit. Ce feroit à elle à
le rajeunir , parce quelle le peut, & que c’eft
aux maîtres à fixer les termes de l’art : je crois
d’ailleurs qu’il convient, pour les intérêts de la
précifion & de la clarté , de défignpr par des noms
différents des figures auffi différentes. Mais il me
femble furtout que celle dont i l s’agit ici doit fe
nommer Similitude , parce qu’on n’y confidère en
effet que ce qu’il y a de femblable dans les deux
objets raprochés : dans l ’autre, au contraire , fi Ton
fait quelquefois attention a la reffemblance des
objets raprochés, comme quand on conclut de
parité j i l arrive, encore plus fouvent qu’on y remarque
la diffemblance , comme quand on conclut
du plus au moins ou du moins au plus. ( Voye^ C omparaison ). Cependant c’ eft fous ce dernier
nom que M. Marmontel a traité de la Similitude.
oye\ Comparaison , Rhét. & Poéf.
La figure appelée Parallèle ( voye\ ce mot ) fe
fait encore par comparaifon $ c’eft, comme la Similitude
, une figure purement pittorefque , & qui
mériteroit beaucoup mieux le nom fimple de Comparaifon
, puifqu’elle montre, dans les objets raprochés
, les points par où ils diffèrent auffi bien
que ceux par où ils fe reffemblent : cependant elle
a un nom propre & diftindif. M. Marmontel a
bien fenti la différence, des deux termes que l ’on
confond ici , & fes ledeurs la fentent comme lui
quand ils le lifent ( article Anciens ) : Pourquoi
11e p as reconnaître . . . que des Comparaifbns
prolongées au delà de la Similitude choquoient
le bon fens ?
Cette réflexion regarde Homère, dont quelques
Critiques ont cenfuré les Similitudes ; & La
Motte les appeloit des Comparaifons à longues
queues.
» I l eft v ra i, dit l ’auteur de Y Année littéraire
( 1777 a To'm. I I , Lett. x iij, p . Z11 ) y'» qu elles
» font fréquentes, un peu uniformes, & n’ont pay
» toujours avec leur objet un raport bien jufte &
» bien marqué : mais doit - on chercher dans une
» Similitude, deftinée à embellir un poème , une
» jufteffe philofophique ? » Pourquoi ne l’y’cher-
cheroit-on pas , puifqu’on a droit d’y chercher de
la raifon ? Pourquoi ne.fe dégouteroit-on pas du
trop de Similitudes , puifque le Trop a toujours
cet effet ? Pourquoi ne s’ennuieroit-on pas de leur
uniformité , puifque la monotonie eft une caufe
naturelle d’ennui ? Pourquoi enfin ne feroit on
pas choqué de leur incohérence avec leur objet ,
puifque toute digreffion déplacée eft en effet choquante
? Je parle ici d’après les aveux du Cenfeur
littéraire.
» Tout homme fenfible, d it- il, aux charmes
» de la Poéfie, lira toujours avec le plus grand
» plaifir les Similitudes d’Homère, qui font des
» tableaux admirables des objets les plus frapants de
» la nature ».
On peut dire de même que tout homme fenfible
aux charmes de la Peinture & de la Sculpture-, verra
toujours avec le plus grand plaifir les magnifiques
tableaux de Le Brun qui repréfentent les Batailles
d’Alexandre, ainfique la Vénus de Médicis & l’Hercule
Farnèfe : mais fon enthoufiafrne même n’em-
pêcheroit jamais cet admirateur de trouver ces
chef-d’oeuvres déplacés , & par là même dégradés ,
fi on s’avifoit de. les placer,dans un de nos temples
pour l’embellir un jour de fête.
On raporte que le Pouflin, dans fes commencements
, lorfqu’il copioit les ouvrages du T itien
, trouva la partie du coloris trop dangereufe
pour s’y attacher , & qu’il craignit de négliger le
deffin : Le charme de l’ un , difoit-il ,, pourrait
faire oublier la néceffité de l’autre. C’eft un écueil
où beaucoup d’écrivains ont échoué, & contre lequel
les jeunes gens furtout garde. doivent fe tenir en
Je dois avertir, en finiffant, que la Similitude , fous une certaine forme, prend chez les anciens le
nom d’Antapodofe. Voyez ce mot. ( M. B e a u -
Z É E . )
SIMPLE’, ad j. A r t orat. L ’un des Jrois genres
d’Éloquence que les rhéteurs ont diftingués.
Rollin, qui , d’après Cicéron & Quintilien, a
très-bien analyfé ces trois genres , le fimple, le
fublime, & le tempéré , compare le fimple à ces
. tables fervies proprement , dont tous les mets
font d’un goût excellent, mais d’où l’on bannit
tout rafinement, toute délieateffe étudiée, tgut
ragoût recherché. Cette imagé eft d’autant- plus
jufte, qu’en effet, dans l’un & 1 autre fens, plus nous
avons le goût pur & fain, plus nous aimons les çhofes
fimples.
Cicéron, de fon côté, en pariant de ce genre
de ftyle & d’ÉIoquence naturel & modefte, nous
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l e préfente fous la figure de ce négligé décent,
q u i, dans une femme , eft quelquefois plus' fédui-
fant que la parure, & qui n’admet pour ornement
qu’une élégante Simplicité ; Elegantia modo &
munditia renianebit : il lui interdit toute efpèce
de fard ; Fucati vero médicamenta candoris &
ruboris omnia repelluntur ; en quoi il femble
faire la fatire du genre tempéré, du genre des fo-
phiftes , qui admettoit ces fauffes couleurs.
Quoi qu’il en fo it , la même obfervation qui
confirme la comparaifon de Rollin , prouve encore
la jufteffe de celle-ci $ car moins nos ieux font
fafeinés par les preftiges de la mode & du luxe,
plus nous ftjmmes touchés des charmes de la beauté
naïve & fimple : mais dans l ’une & l ’autre image,
n’oublions pas que la Simplicité, pour avoir tout
fon prix , fuppofe ou la bonté ou la beauté réelle. Ce
font en effet les deux attributs d’un naturel exquis.
Ici difparoît la diftinétion que l’on a faite du
genre fimple , du tempéré , & du fublime , en def-
jtinant l ’un à 'inftruire , l ’autre à plaire , & le troi-
fième à émouvoir. Ce font bien là réellement les
trois fondions de l ’Éloquence ; mais elles ne font
ni exclufives l ’une de l ’autre , ni exclufîvement atta^-
chées au genre quij leur convient le mieux. Il ne
feroit pas raifonnable de refufer le don de plaire
& de toucher à la' beauté fimple & fans fard. Or
il eft bien vrai qu’en inftruifant, il eft permis de
négliger le foin de plaire ; que , fi l’objet dont on
s’occupe eft férieux & grave, i l a droit d’attacher
par fon utilité, fans avoir l ’attrait du plaifir ; qu’il
ne feroit pas digne de la Philofophie , de l ’Hif-
toire , dè l ’Éloquence même d’un certain caraétère,
de donner trop à l ’agrément-: mais la fageffe, la
vérité, l e fentiment ont leur beauté , leurs grâces
naturelles. Et ce n’eft pas fans choix , fans étude,
& fans a r t, mais avec un choix , une étude, un art
imperceptible , & d’autant plus difficile & rare,
que fe eoinpofe une Simplicité qui plaît comme
fans le vouloir : Quod f it venufiius, fed non ut
apparent.
Ce genre de beauté, ce don d’attacher & de
plaire , convient également au fimple & au fublime ;
car l ’un & l ’autre fe confondent affez fouvent :
rien même ne fied mieux au fublime que d’être
fimple, mais il l ’eft avec majefté ; & voilà ce qui les
diftingu-e. En Sculpture, l’Apollon, le Laocoon,
le Moife de Michel-Ange, font du genre fublime,
& vraifemblablement le Jupiter de Phidias en étoit
le chef-d’oeuvre j le Gladiateur mourant, le Faune,
la Vénus font du genre fimple. I l n’y a pas une
ftatue antique du caraétère que Cicéron attribue au
genre que nous appelons tempéré.
Celui - ci cependant, quoique plus visiblement
orné que les deux autres , ne Iaiffe pas d’avoir du
naturel-, lorfque fon luxe & fa parure ne femblent
«tre que l ’abondance & la richeffe de fon fujet j &
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que le fim ple , en s’y mêlant, comme cela doit
être, lui donne quelquefois un air de négligence
& d’abandon. Mais ce qui fait fa bonté réelle &
donne du prix à fa beauté, c’eft de ne plaire que
pour inftruire ; &. c’eft le dégrader que d’en faire un
objet frivole & de pur agrément.
A l ’égard du don d’émouvoir, i l eft certain qu’au
plus haut degré il caraétérife le fublime. Mais diftin-
guonsdeux pathétiques: l ’un, qui fans douten’apar-
tient qu’aux mouvements de la haute Éloquence , c’eft
celui' qui ébranle & renverfe'j l’autre , q u i, plus
doux, plus modefte , & fouvent humble & fup-
pliant , pénètre & s’infinue fans éclat & fans
bruit :
Telephus aut Peleus, qvumpauper &exul uterque,
& celui-ci me femble le partage du genre fimple 5
à moins qu’on ne dife qu’alors le fimple eft fublime
lui-même $ & tel eft bien mon fentiment. Mais ce
n’eft pas ce qu’ont dit lés rhéteurs.
I l n’y auroit donc que le genre moyen dont l ’artifice
& la parure feroient incompatibles avec la
gravité de l ’indignation 3 avec la fougue & l ’énergie
de la colère, des menaces, des reproches , de I a
douleur véhémente & impétueufe j avec l ’humilité
craintive des prières, des plaintes, des fupplica-
tions. Mais dans un fujet même où la richeffe des
peintures & des imagés folliciteroit l ’Éloqjfence ,
& l ’orneroit comme a fon infu ; fi l ’un ou l ’autre
genre de pathétique trouvoit fa place, le fimple,
ou le fublime viendroit s’en emparer. V o y e z , dans
les Géorgiques, l’Épifode d’Orphée.
Ainfi, fans refufer à aucun des trois genres l ’avantage
d’inftruire, ni les moyens de plaire, ni le don
d’emouvoir , tâchons de prendre dans fon vrai fens
ce partage de Cicéron : Quot funt' officia orato-
ris , tôt fu n t généra dicèndi : fubtile , in pro-
bando j modicum , in deleétando ,* vehemens in
flecîendo.
Voulez-vous inftruire , éclairer, perfuader par
la raifpn ? appliquez-vous à donner à votre É loquence
un caraftère délié, un langage fin & fubtil.
Voulez-vous délaffer l ’attention & un moment vous
occuper à plaire ? employez - y la féduftion d’un
ftyle tempéré,, légèrement femé de fleurs. ( Voye\
T e m p é r é ' ) . Voulez - vous toucher, émouvoir ,
étonner , troubler, entraîner vos auditeurs ? eni-
ployez-y la véhémence. Et en effet chacun de ces
trois caraéfères convient plus ou moins au fujet,
au lieu, aux perfonnes , au naturel de l ’orateur j
l ’erreur n’eft quej| de les claffer & de leur marquer
des limites : car le plus fouvent ils fe mêlent &
fe combinent comme les éléments. T e lle fable de
L a Fontaine, telle ode d’H orace, telle page de
Cicéron , de Boffuet , ou de Racine , nous les pré-
fentç tous les trois. Les fujèts les plus favorables