
jouît réellement plus de fa Réputation que de fa
Renommc'e. On ne jouît en effet de l ’amitié , de
l ’eftime , du refpeôfc, & de la Confédération , que
de la part de ceux dont ou eft entouré : il eft donc
plus avantageux que la Réputation foit honnête ,
que fi elle netoit qu’étendue & brillante. La Renommée
n’e ft , dans bien des occafions, qu’un hommage
rendu aux fyllabes d’un nom.
Si on reduifoit la Célébrité à fa valeur réelle,
on lui feroit perdre bien des fettateurs. La Réputation
la plus étendue eft toujours très - bornée ;
la Renommée même n’eft jamais univerfelle. A
prendre les hommes numériquement, combien y
en a - t - il à qui le nom d’Alexandre n’eft jamais
parvenu? ce nombre furpaffe , fans aucune proportion
, ceux qui favent qu’il a été le conquérant de
l ’Afie. Combien y avoit - il d’hommes qui igno-
roient l ’exiftence de Kouli - kam, dans le. temps
qu’i l changeoit une partie de la face de la terre ?
On fe flatte du moins que l ’admiration des hommes
inftruits doit dédommager de l ’ignorance des autres :
mais le propre d e là Rençmméè eft de compter ,
de multiplier les voix , & non pas de les apprécier.
Cependant plusieurs ne plaignent ni travaux
ni peines, uniquement pour être connus : ils veulent
qu’on parle d’eux , qu’on en foit occupé ;
ils aiment mieux être malheureux qu’ignorés : celui
dont les malheurs attirent l ’attention eft à demi ;
confolé.
Quand le défir de la Célébrité n’eft qu’un, fentiment;
il _peut être, fuivant fon objet, honnête
pour celui qui l ’éprouve & utile à la fociété. Mais
fi c’eft une manie ; elle eft bientôt injufte , arti- '
ficieufe, & aviliffante par les manoeuvres, qu’elle
emploie : l ’orgueil fait fairejautant de baffefles que
l ’intérêt. Voilà ce qui produit tant de Réputations ;
ufurpées & peu folides. Rien ne rendroit. plus in- ‘
différent fur la Réputation, que de voir aomment *
elle s’établit fouvent ', fe détruit, fe varie, & quels •
font les auteurs de ces révolutions. 11 arrive fou-
vent que le Public eft étonné de certaines Répu- : .
tâtions qu’il a faites: i l en cherche la caufe; & jj
ne pouvant la découvrir, parce qu’elle n’exifte pas,
i l n’en conçoit que plus d’admiration & de refpeéi ;
pour le fantôme qu’ il a créé. Çes Réputations
reffemblent aux fortunes q u i, fans fonds réels, portent
fur le crédit & n’en font que plus brillantes.
Comme le Public fait des Réputations par caprices;
des particuliers en ufurpent par manège , ou par
une forte d'impudence, qu’on ne doit pas même
honorer du nom d’amour propre. Qn entreprend
de deffein formé de faire une Réputation, & l ’on
en vient à bout : quelque brillante que foit une
telle Réputation , il n’y a quelquefois que celui
qui en eft le fujet qui en foit la dupe; ceux qui
l ’ont créée favent à quoi s’en tenir , quoiqu’il
y en ait aufli qui finiffent par refpecter leur propre
ouvrage : d’autres , frapés du contrafte de la per-
fonne& de la Réputation, ne trouvant rien qui
iuftjfie l ’opinion publique, n’ôfent ût^mfeftej: leur
fentiment propre ; ils aquiefcent au. préjuge par
timidité, complaifance, ou intérêt; de forte qu’il
n’eft pas rare d’entendre quantité de gens répéter
le même propos, qu’ils cféfavo fient tous intérieurement.
Les Réputations ufurpées qui produifent
le plus d’illufion- ont toujours un côté ridicule,
qui devroit empêcher d’en être fort flatté ; cependant
on voit quelquefois employer les mêmes manoeuvres
par ceux qui auroient allez de mérite pour
s’en paffer : quand le mérite fert de bafe à la Réputation
, c eft une grande maladreffe que d’y joindre
l ’artifice ; parce qu’il nuit plus à la Réputation
méritée, qu’i l ne fert à celle qu’on ambitionne.
Une forte d’indifférence fur fon propre mérite eft
le plus sur appui de la Réputation ,* on ne doit
pas affeéter d ouvrir les ieux de ceux que la lumière
éblouît : la modefUe eft le feul éclat qu’il
: foit permis d’ajouter à la gloire. Si les Réputations
fe forment & fe détruifent avec facilité, il
n’eft pas étonnant qu’elles varient & foient fouvent
contradictoires dans la même perfonne. T e l a une
Réputation dans un lieu., qui dans un autre en a
une toute différente ; i l a Celle qu’il mérite le
moins, & on lui refufe celle à laquelle il a lè
plus de droit : ôri en voit des exemples dans tous
les ordres. Ces faux jugements ne partent pas toujours
de la malignité ; les hommes font beaucoup
d’injuftlçes fans méchanceté, par légèreté , précipitation
, fottife , témérité , imprudence. Les déci-
uons hafardées avec le plus de confiance font le
plus d’imprefïion. Eh ! qui font ceux qui jouiffent'
du droit de prononcer ? des gens q u i, à force de
braver le mépris , viennent à bout de fe faire ref-
peéter & de donner le ton ; qui n’ont que des opinions
, & jamais de fentiments ; qui en changent,
les quittent, & les reprennent, lans le favôir ni
s’en douter ; ou qui font opiniâtres fans, être .constants.
Voilà cependant les juges des Réputations :
voilà ceux dont on méprife le fentiment, & dont
on recherche le fuffrage ; ceux qui procurent la
Confidération, fans en avoir eux-mêmes aucune.
La Confidération eft différente de la . Célébrité ;
la Renommée même ne la donne pas toujours, 8ç
l’on peut en ;afct>ir fans impofer par un grand éclat*
L a Confidération eft un fentiment d’eftime mêle
d’une, forte de reljbeét perforinel qu’un homme inf-
pire en fa faveur; On peut en jouir également
parmi fes inférieurs, fes égaux, & fes fupérieurs
en naiffance : on peut, dans un rang élevé ou avec
une naiffance illuftre, avee( un efprit fupérieur on
des talents diôjngués 5 on p.eut, même avec de la
vertu, fi elle eft. feule & dénuée de tous les autres
avantages ;,, erré fans; Confidération : on peut en
avoir avçç. u.n efprit borné , ou maigre l ’obfcurité
de la naiffance ou de l ’état. La Confidération ne
fuit pas néeeffairement le grand homme .-l’homme
d.e mérite y a toujours droit; & l ’homme de mérite
eft celui qui;, ayant .tputes les qualités & tous les
^avantages d,e fon état{, ne les ternit par aucun
endroit. Four donner enfin une idée plus précife de
la Confidération : on l ’obtient par la réunion du
mérite , de la décence , du refpect pour fol- meme ;
par le pouvoir connu d obliger & de nuire ; &c par
l ’ufage éclairé qu’on fait du premier, en s abftenant
de l ’autre.
On doit conclure de l ’analyfe que nous venons
d é fa ir e , & de la difcuflt.ori dans laquelle nous
fommes entrés ; que la Renommée eft ie prix des
talents fupérietirs , foutenus de grands efforts ; dont
l ’effet s’étend fur.les hbmmes en général ou du~v
moins fur une nation ; que la' Réputation à moins
d’étendue que la Renommée -, & quelquefois d’autres
principes,; que la Réputation ulurpée n’eft
jamais sûre ; que la plus honnête eft toujours la
plus utile ; & que chacun peut afpirer à la C'onfi-
dération de fon état. V oye\ Considération ,
Réputation , Synon. & Fameux , Illustre
C élèbre,. Renommé, Synon. ( D u c l o s . )
( N. ) RETENTISSANT , E , adj. Dans le
f in s a i ï i f 3 Qui répercute le fon avec force. Daris
le fin s p a jf if , Qui eft rendu éclatant par la réper-
cüflion. C’eft donc un adjeCtif moyen. Voye\ Moyen.
Les voix élémentaires font bu labiales ( voye\ L abial ) , ou retentifjantes. Celles - ci exigent
une fimple ouverture plus ou moins grande de la
bouche, dans la cavité de laquelle elles fe font
entendre; & elles y retentiffent en effet , puifque
l ’air fonore y eft effectivement répercuté par la voûte
du p a la is :,A , E , É , I , font les quatre voix
retentijfantesi. Voye\ les articles de ces lettres, &
le mot V o ix . ( M. R e a u z é e . )
( N. ) R É T IC EN C E , f. f. Figure de penfée
par fiction, qui confifte à interrompre fubitement
une phrafe commencée, comme fi l ’on étoit violemment
entraîné par une pafiïon ,xjul fe réveille
tout à coup, ou arrêté par une réflexion qui empêche
de continuer : dans l ’une & dans l ’autre fup-
pofiiion, le peu qu’on a d it , avec le feçours des
circonftances, doit luffire pour faire deviner ce
que l ’on ne dit pas ; & c’eft fouvent un moyen d’en
faire imaginer beaucoup plus qu’on ne fe feroit
permis d’en dire. » Cette figure , dit M. l ’abbé de
Befplas , dans fon Ejfai fu r Véloquence de la
Chaire y en parlant des Images ou figures y
» Cette figure fait tourner à la gloire de l’orateur
.» toutes les penfées qu’il n’exprime pas , & qui
» naiffent en foule dans l ’efprit de ceux qui l ’ écou-
» tent : mais aufli ne faut-il employer ce moyen,
» que dans le moment où l’art parvenu à fon plus
» haut point, on les fentiments pou fies à leur
» dernier terme, ne laiffent pour toute reffource
» que le filence & tout ce qu’il peut infpirer ‘ ‘
En voici un exemple , où la Réticence eft caufée
par un effroi fubit :
Le canon, fi fatal aux plus braves guerriers,
N’a jamais des héros retpeCté les lauriers \
Ec c e u x ,d o n t v o tre front fe fait une c o u r o n n e ,
N'en garantiffent pas votre illuftre perfonne :
Il ne faut qu'un malheur. . . Dieu ! je n’ôfe y penfer ;
Je fensà ce difeours tout mon fan g fe glacer.
Quelquefois la modération fufpend l ’impétuofite
de la colère : c’ eft ainfi que Neptune ( I . Æ.neid.
131— 136 ) , gourmandant avec vigueur les vents
qui s’étoient déchaînés contre la flotte d’Énée , s’arrête
tout à coup par modération & afin d’apaifer la
tempête :
Taniane vos generis ténuit fiducia vejiri ?
Jam. coelum terramque meo Jine numine , V e n d ,
JHîfcere & iantas audetis tollere moles ?
Quos ego . . . S.ed motos pr&ftut componcre flüclus ;
P o ji mihi non -Jimiîi poenâ commijja luetis..
C’eft de même par modération, mais par une
modération feinte, qu’Athalie, furieufe comte Joad,
emploie la Réticence ( A d . V 3 f i . v ) :
En l’apui de ron Dieu tu t’étois repofé :
D e ton elpoir frivole es-tu défabufé ?
Il laiiîe en mon pouvoir & fon temple & ta vie.
Je devrois, fur l'autel où ta mainfaCrifie,
T e . . . Mais du prix qu’on m’ offre il faut me contenter :
Ce que tu m’a promis, fonge à l’exécuter.
Quelquefois la Réticence eft amenée par Un motif
de bienveillance , d’éftime, de reïpecf, &c. Flé-
çliiér {Panégyr. de S. Thomas de Cantorberyf
Part. I l ) parlé des courtifans lâchés & mercénaires 7
q u i, pour flatter1 le roi d’Angleterre, eurent la
baffe fie de devenir les meurtriers du S. archevêque :
I ls partent de la Cour, dit-il, ilspa ffentla mer >
ils arrivent, ils entrent dans Véglife où le fa in t
célèbroit Voffice ; & s'avançant vers lui y la f u reur
dans le coeur , le fe u dans les ieux , le fe r
à la main , fa n s refpecl des autel s y ni du fan e -
tuaire de Jéfus-Chrtfi, ni de f i s minifires . . . .
Vous entende^p r e f que le refie , Me (fleurs j & j e
voudrois pouvoir me difpenfir de vous repréfenter
un f i pitoyable fpecîacle.
Dans la Phèdre de Racine ( A cl. V , f c . iij ) ,
Aricie, qui voudroit fairè connoître à Théfée l’innocence
d’Hippolyte , n’ôfe pourtant lui dévoiler
l ’amour inceftueux de Phèdre ; mais par une Re-
tice7ice réfléchie, elle le mène du moins àfoupçonnex
que ce prince eft viélime de la calomnie :
Prenez garde , Seigneur ; vos invincibles mains
Ont de monftres fans nombre affranchi les humains 5
Mais tout n’eft pas détruit, & vous en laiflez vivre
■ U n . . . Votre fils, Seigneur, me défend de pourfuivre ?
Inftruite du refpeft qu’ il veut vous conferver,
Je l’affligerois trop fi j’ôfois achever.
, Tu ifia nunc au- Tu ôfes maintenant tenir
des dieere , qui nuper ce difeours, toi qui dèr