
quelque choie de femblablc : i l lifoit avec attention
ou une tirade de beaux vers ou quelque pièce
«l'Éloquence , dans la vue de retenir le fonds des
chofcs & de le rendre enfuite en d’autres termes,
les meilleurs toutefois qu'il lui étoit polfible.
» Mais je m'aperçus depuis qae cet exercice étoit
» vicieux, parce qu’Ennius, fi c’étoit fur fes vers
» que je ni exerçafle , ou Gracchus , fi je nfavi-
» fois de prendre pour modèle un de fes difcours,
» avoient employé les termes les plus propres à
» chaque objet, les plus brillants & les meilleurs :
» qu'ainfi, fi j'ufois des mêmes termes, c'étoit
» peine perdue j & fi j’en employois d'autres, c’étoit
» un travail nuifible, puifqu’il m’accoutumoic à ufer
» de termes impropres. Mihi adolefcentulus pro-
pojierefolebam ilium exercitationem maximè, ....
u t , aut verfibus propofitis quam maxime gra-
vibus , aut ^oratione aliquâ leflâ ad eum finem
quem memoriâ pojfem comprehendere, eam rem
ipfam quam legijj'em verbis a liis , quam maximè
pojfem le élis , pronunciarem. Sed pojl animad-
verti hoc ejfe in hoc vitii , quod ea verba quæ
maximè cujufque rei propria , quoeqye ejfent ornât
ifjima atque optima occupajfet, aut :Ennius,
Ji ad ejus verfus me exercerem , aut Gracchus ,
f i ejus orationem forte mihi propofuijfem : ita ,
f i iijdem verbis uterer , nihil prodejfe ; f i a liis ,
etiam obejfe , quum minùs idoneis uti confuefce-
rem. (I. De Orat. x x x jv , 154.)
Jugeons par là de l ’intérêt que nous pouvons
avoir nous-mêmes, à conftater dans le plus grand
détail l ’état aCtuel de notre langue, afin d’en
aflurer l ’intelligence aux fiècles à venir , nonobf-
tant les révolutions qui peuvent l’altérer ou l ’anéantir.
Ce feroit véritablement confacrer à l ’immortalité
les ouvrages & les noms de nos Homères &
de nos Pindares , de nos Sophocles & de nos Eu-
ripides , de nos Xénophons & de nos Thucydides ,
de nos Platons & de nos Socrates, de nos Démof-
thènes & de nos Ifocrates, & pour tout dire, de nos
Bafiles & de nos Chryfoftomes.
Voilà un grand motif pour encourager les gens
de Lettres à s’occuper du dèvelopement de nos
Synonymes,• & M. l’abbé Roubaud , touché de ces
confidérations vraiment importantes, vient de publier
quatre volumes de Synonymes françois, que
l ’abbé Girard ne défavoueroit point. La Motte ,
excellent juge des délicatefles de la langue, &
l ’homme de fon temps qui auroit eu le plus d’efprit
s’il n’avoit été contemporain de l ’illuftre Fonte-
nelle, jugea, en 1718 , d’après la première édition
de l’ouvrage de l'abbé Girard , fous le titre de
Jufiejfe de la langue françoife, que l'Académie
françoife ne pourroit fe difpenfer de l ’admettre dans
fon fan&uaire, s 'il s’y préfentoit avec fon livre.
» Il fubfîftera, dit Voltaire (Siècl. de Louis X I V ) ,
» autant que la langue , Scfervira même à la faire
» fubfifter. » ) ( M. B e a u z &e .)
( N . ) S YN O N YM IE , f. f. Ce mata» dans
le langage grammatical, deux lignifications différentes.
I. Il exprime l'identité de lignification entre plu-
fieurs exprefiions de la même langue. C ’ell le fens
le plus naturel du mot. On peut voir dans l ’article
précédent à quoi fe réduit cette identité, qui au
tonds n’eft jamais entière.
II. On entend aufli par Synonymie, la figure
de penfée par dèvelopement, dont j’ai parlé tous
le nom de Métabole ( Voye\ Métabole). L’identité
de lignification entre plufieurs exprefiions, &
l ’ulage que l ’on fait de ces exprefiions en les accumulant
, ne doivent pas avoir la même dénomination
: voilà pourquoi je garde pour l ’un le nom
de Synonymie, & pour l ’autre celui de Métabole.
(M . B e a u z é e . )
( N. ) S YN T A X E , f. f. Ce mot eft compofé
de deux mots grecs ; <rvv, cum , & rdro-to , ordino :
de là ervvru^tf , coordinatio. Selon cette étymologie
, la Syntaxe eft l ’art d’établir l ’ordre convenable
entre les mots réunis pour l’exprefiion d’une
même penfée. L ’ordre des mots doit évidemment
dépendre des raports qu’ils ont les uns aux autres ,
& ces raports des mots doivent peindre ceux des
idées élémentaires de la penfée que l ’on veut mani-
fefter.
Les raports des mots ne peuvent être rendus
fenfibles que par deux moyens , lavoir par la place
qu’ils occupent dans laphrafe,ou par quelque forme
accidentelle.
La luceeffion analytique des idées, qui a’eftque
la fuite non interrompue de leurs relations, doit
être repréfentée par la fiicceftion des mots énon-
cialifs de ces idées : c’eft ce qu’on nomme proprement
Confiruclion ,• mot compofé des deux
mots latins , cum , avec, & (Iruere , aflembler ,
arranger. Le mot de Confiruclion a donc étymologiquement
le même fens que celui de Syntaxe :
mais l’Ufagc a confacré le terme latin pour déli-
gner feulement l ’ordre analytique des mots d'une
phrafe ( Voye\ Construction & Méthode ) j
& le terme grec pour défigner tout ce qu’il y a
à obferver dans la réunion de ces mots , tant par
raport à l ’ordre que par raport aux formes accidentelles.
Ces formes accidentelles des mots font les Nombres
, les Cas , les Genres , les Perfonnes , les
Temps, les Modes ( V'oye\ tous ces mots ). Le
choix s’en décide par la confidération du raport
qui eft entre les idées. Si c'eft un raport d'identité
, il foumet les mots aux lois de la Concordance
( Voye\ Identité , Concordance, Apposition
). Si c’eft un raport de détermination , il
foumet les mots aux lois du Régime. Proye\ D étermination
, Régime, & Préposition.
Mais la nécefiité de donner à la phrafe de
l’énergie , de l ’agrément, quelquefois même de
la clarté , donne fouvent occafion de déroger ea
quelque
quelque point aux lois de la Syntaxe : & ce font
ces locutions , dont l ’Ufage autorife l ’irrégularité ,
que l’on nomme Figures de Syntaxe. Les unes
altèrent la plénitude de la phrafe, ou par défaut
ou par rédondance j ce font ÏE llip fe & le Pléo-
najme .( Voye-{ ces mots ). Les autres dérangent
l ’ordre analytique, & çe font ÏLiverfion & YHyper-
bate. PToye\ ces mots.
Lorfque quelque locution figurée de ce genre
eft devenue, par l ’Ufage, tellement propre aune
langue , qu’on y néglige entièrement l ’expreflion
naturelle j c’eft cequon appelle Idiotijme. V9ÿe\
U s a g e , A n a l o g i e , I d io t i s m e , G a l l i c i s m e ,
H é b r a ï sm e , H e l l é n i sm e . ( M. B e a u z é e . )
( N .) SYN THÈSE, f. f. » La Synthèfe fert,
dit du Marfais , qui l ’appelle Syllepfe ( voye\ Figuré ) , » lorfqu’au lieu de conftruire les mots
» félon les règles ordinaires du nombre , des
» genres <, on en fait la conftru&ion relativement à
» la penfée que l ’on a dansl’efprit 5 en un mot, lorf-
» qu’on fait la conftruétion félonie fens, & non pas
1» lelon les mots ».
1. Synthèfe dans le genre. Samnitiurn duo
milita CÆ S l. Tit. Liv. & iion pas ccefci, dit
Lancelot, parce que l’auteur le raporte à homi-
nes qu’il a dans 1 efprit. Daret ut catenis fatale
monfirum, Q UÆ generofiàs perire quoerens , &c.
Hor. Il a mis quæ , dit le même grammairien ,
parce que par monfirum il entend Cléopâtre.
C’eft par une figure femblable que Malherbe a
dit : J’ ai eu cette confolation en mes ennuis ,
qu’une infinité de perfonnes qualifiées ont pris
la peine de me témoigner le déplaifir qii ils en
ont eu. » I ls , dit Vaugelas ( Rem. 7 fi'eft plus
» élégant que ne feroit elles, parce que l ’on a
» égard à la choie lignifiée , qui font les hommes
» en cet exemple , & non pas à la parole qui
» lignifie la chofe : ce qui eft ordinaire en toutes
» les langues ». Le P. Bouhours ( Doutes, Part, iij )
obferve a ce fujet que la langue italienne met
fouvent le genre jüafculin après ferfona , qui eft
féminin.
Nous devons dire de même ( D ifl.d e l’Acad.),
Les vieilles .gens font s o u p ç o n n e u x , & non-
pas foupçonneufes , quoique vieilles gens foient
du féminin.
2. Synthèfe dans le nombre. M i (fi , magnis
de rebus U T E R Q U E , legati. Hor. On trouve de
même dans la phrale de Malherbe , Une infinité
de perfonnes qualifiées o n t pris la peiné de me
témoigner le déplaifir qu'iLs en O N T eu. Nous
difons de même, La plupart fe L A I S S E N T emporter
à la coutume. Vaug.
Les grecs avoient aulfi adopté une Synthèfe de
nombre, qui étoit devenue chez eûx une loi générale
; elle confiftoit à mettre au fingulier un
verbe dont le fujet étoit un .neutre pluriel : ïiï*.
Tp6X.« » animalia CU R R 1T pour currunt•
Grjlmm. ET L i t t é r a t . Tome I I L
3. Synthèfe dans le genre & dans le nombre.
Pars in carcerem A CTl , pars beftiis OBJECTI.
SalL Lancelot trouve çèlle-ci plus hardie. Pharna-
bafus -cum Apollonide & Athenagora V IN e f t
TRADUNTUR. Q* Curt. Laijfant fa mère avec
fa femme & f i x enfants P r i s o n n i e r s .
Vaug.
I l s’a g i t ju fq u ’ic i de la Synthèfe fimple : le s
gramm airiens en o n t encore im a g in é une autre ,
qu ’ils a p p e lle n t relative 5 c’ eft lo r fq u ’ on em p lo ie
un m o t a v e c r e la t io n à un autre q u i n e ft p o in t
e xp lic item en t énoncé auparavant , q u o iq u ’ i l fioit
fu p p o fé par l e fens. Inter alla prodigia, etiam
carne pluit ; Q U EM I M B r e m aves fe r untur ra-
puijfe. T . L i v . .
I l me fem b le qu’ i l é to it a lle z in u t i le de recou rir
à au tre ch o fe qu ’à l ’E l lip fe p o u r rendre raifon de
la p lu p a r t des phrafes q u e l ’on rap o r te à la Synthèfe.
R epren ons l'es e x em p le s cité s , & p a r de
fim p le s fu p p lém en ts d’E i l ip le 011 v a le s v o i t rentrer
dans le s r è g le s g én é ra le s.
Samnitiurn duo milita CÆ S l ; c’ eft à dire ,
duo millia ( hominuÆ) fimnitium ( fuerunt homi-
nes j ça?fi.
Daret ut catenis fa ta le monfirum , quae ge-
nerofiits perire quoerens ; c’ eft à dire , ut daret
catenis ( Cleopatram) monfirum fa ta le , quæ
(.mulier ) quoerens perire generofiùs.
Les vieilles gens fo n t s o u p ç o n n e u x , c’ eft
à dire , Les vieilles gens font (h om m e s ) foup-
çonneux.
Miffi , magnis de rebus U T E R Q U E , leg a ti,
c ’ eft à dire , M iffi legati, ( & ) uterque ( le g a tu s
miflus ) de rebus magnis.
Pars in carcerem A C T I pars beftiis o b j e c t i ;
c’e ft c om m e fi S a llu fte a v o it d i t , (D i v i f î funt in
pa rtes duas , i l q u i funt p r io r ) pars incarcèrent
afli ( funt , i i q u i funt a lté r a ) pars befiiis objefli
( funt )•
J e ne v o is rien de fi h a r d i , ni dans l a p h ra le
la t in e , Pharnabafus cum Apollonide & Athe-
nagorâ V IN C T I T R A D U N T U R ; ni dans la p h ra fe
fr a n ç o ife , Laijfant fa mère avec fa femme & f i x
enfants p r i s o n n i e r s . Dan s l ’ une & -dans l ’au tre
i l y a une p lu r a lit é r é e l le d é ta illé e p a r individu s ;
q u e lle ha rdiefle p e u t - i l y a v o ir à m e ttre au p lu r ie l
le s mots q u i fe rap ortent en e ffe t à tous ces in dividus
? C eft com me fi l ’on d ifo it en l a t in , ( T r è s
homines f c i li c e t ) Pharnabafus cum Apollonide
& Athenagora , vinfli traduntur ; & en françois
, Laijfant ( h u it fujets ) prifonniers, ( fa v o ir )
f a mère avec fa femme & f i x enfants. C e s - fu p plém
en ts ju ftifient le s p lu r ie ls vinfli traduntur
& prifonniers : mais ils ne font pas moins juftifiés
fans le s fu p p lém en ts j l ’ énumération des individus
en fixe l e nombre de pa rt & d’autre , & ce n ombre
eft autant p lu r ie l a v e c le s prépo fitions cum , avec ,
q u ’ i l le fe ro i t a v e c la con jon ction c o p u la t iv e .
Inter aüa prodigia etiam carne pluit, quem
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