Bouhours a écrit : J’ai exprimé autrefois, qu*//
fetut que le prince fuive les règles de la religion
& de la prudence pour bien gouverner, par une
boujfole tournée vers Vétoile polaire (Non rego
ni regar); que les principes de fa conduite doivent
être cachés , quoique fes acliohs foient
publiques, par une montre dhorloge ( Motibus
arcanis ) ; çpi avant que d’entreprendre une guerre
il doit bien confidérer ce qu’il fait, par une licorne
( Non impetu cæco |.
Cette période eft pleine d’équivoques groftïères
& ridicules , à caufe de la mauvaife difpofition des
parties ; & renfemble en eft obfcur , parce que
tous les membres font dans la dépendance, du feu!
verbe j ’ai exprimé) qui commence la pbraie. On
auroit pu dire : Afin de marquer, qu’il faut que
le prince fuive les règles de la religion & de la
prudence pour bien gouverner, j ’ai autrefois prot
pofé une boujfole tournée vers l’étoile polaire
( Non rego ni rega r); dans l’intention défaire
entendre , que les principes de fa conduite doivent
être cachés quoiqïie fes actions f oient publiques
, j ’ai repréj'enté une montre d’horloge ( Motibus
arcanis ) ; & pour montrer , qu’avant d’entreprendre
une guerre il doit bien confidérer ce
qu’il fait, j ’ai peint une licorne ( Non impetu
cceco ||
4°. Lorfqu’un terme d’une lignification vague &
générale a une relation incertaine, fur laquelle il
eft aile de fe méprendre , comme un pronom 4 e
la troifîème perfonne , un adjeélif poflelïif de la
même perfonne , un mot démonftratif, &c ; afin de
prévenir toute équivoque, i l faut hardiment répéter
le nom auquel fe raporte le terme d’une relation
douteufe.
Hypéride a imité Démofihène en tout ce qu’il
a dit de beaui C’eft une phrafe équivoque , à caufe
du fens trop vague du pronom il , qui peut également
fe rapporter a Hypéride & à Démofihène.
I l faut donc dire, félon le fens qu’on envifage ;
Hypéride a imité Démofihène en tout ce que Dé-
mofthène a de beau, ou Hypéride a imité De-
mojlhène en tout ce Hypéride a de beau : cette
Répétition de l ’un ou de l ’autre nom, quoique peu
agréable , a du moins le mérite de Vfauver l ’équivoque.
Mais i l feroit encore mieux de tourner la
phrafe de quelque autre manière , par exemple ,
dans le premier fens : Hypéride a imité tout ce
que Démofihène a de beau; & dans le fécond fens ;
jEn t ut ce quHypéride a de beau, il a imité Démofihène,
L a vue de l’efprit a plus d’étendue que la vue
du corps : cela eft plus net, que fi Malebranche
avoit dit celle du corps.; parce que celle pourroit
fe raporter à étendue aum bien qu’à vite. Il eft
vrai que , quand il y, auroit celle du corps, le fens
total Feroit peut-être allez voir que celle fë raporte
à vue , & non pas à étenduemais cen’eft pas au
fens à faire entendre les paroles , c’eft aux parolés à
faire entendre, le fens.
5°. Prefque toujours on doit, dans les derniers
membres, fupprimer lejs termes déjà énoncés dans
lé premier , afin de donner à l ’Élocution la brièveté
& la rapidité qu’exige l ’aftivité de l’efprit :
mais fi cette eliipfe aonnoit lieu à la moindre équivoque
, i l faut préférer 'la,Répétition , parce que
la perfpicuïté eft préférable à la brièveté.
Ainfi, Boffuét auroit pu dire, Le courage avoit
plus befoin d’être réprimé , que la lâcheté d’ être
excitée : niais l ’auditeur pouvoit croire que d’être
excitée étoit le complément du nom lâcheté,
comme quand on dit la lâcheté de mentir-, la lâcheté
de rougir de fa religion; au lieu qu t d’être
excitée eft le complément d’avoir befoin L’orateur
a donc eu raifon de prévenir la méprife par
une Répétition , & de dire , Le courage avoit plus
befoin d’ être réprimé, que la lâcheté n’avoit befoin
d’être excitée.
Si l ’on difoit Amplement, Je vous aime aujji
tendrement que mon frère ; il y auroit équivoque :
pour l ’éviter, il faut ufer de Répétition & dire ,
félon la manière dont on l ’entend, Je vous aime
aufji tendrement que mon frère vous aime, ou
bien, Je vous aime aufji tendrement que j’aime mon
frère, , -
II. La Répétition fimple eft vicieufe, dès qu elle
introduit dans l ’Élocution de l ’obfcurité , delà cacophonie
, ou de l ’inutilité ; ce qui fe fait en plufieurs
manières. _ ,, •
j , La Répétition, dans la même phrafe , d un
mot général qu’on y prend en deux fens differents ,
eft une fburce d’obfcurité.
i°. On répété. On ' peut à peu près tirer f i
même avantage d’un livre où on a grave ce qui
nous refie des antiquités de cette ville : les deux
on fe raportent à dès fujets différents , quon eftr
toutefois tenté de prendre pour le même ; il faut dire,
où eft gravé ce qui nous refie, &c. . '•
i ° . Pronom de la troifième perfonne. Ce n’efi
pas fans raifon qu iV efi confidéré comme le père
du Monafière, puifque c’efi par. fa vigilance &
par fes foins qu’il fubfifie. S’agit-Ü de la vigilance
& des fo in s de l ’homme ou du Monaftère >
eft-ce l’homme ou le Monaftère qui fubfifie? L ’in-
certitudé fera levée , fi l’on dit, Puifque c 'efi par
la vigilance & par les foins de cet homme que le
Monaftère fubfifie,
30. Prépofitions. Les ennemis étoient fur le point
de fondre fur- eux. Ces deux fu r , pris en des fens
différents , jettent dé l ’obfcurité dans la phrafe r
dites , Les ennemis etoient près de 'fondse fu r
eux.
H fu t obligé de f e déclarer pour l’un d’eux ,
pour ne les avoir pas tous deux pour ennemis-
On eft étourdi par cette triple Répétition de poury
& l’on eft tenté de les prendre tous trois dans le
même fens : il étoit aifé de dire fans cacophonie
& fans obfcurité, I l fu t obligé de fe déclarer en f a veur
de l’un d’eux , afin de ne les avoir pas tous
deux pour ennemis*
I l n’cft pas difficile de généralifer cette remarque,
& de l ’étendre à toutes les prépofitions. Voye\ Pr e-
POSITION. , .
4°. Conjon&ions. Ne confierons plus la. mort
comme des pa ïens, mais commè des chrétiens y
c ’efi à dire -, avec l ’efpérance , comme S. Paul
l ’ordonne. J’ai déjà remarqué ailleurs ( voye\ P r é position
) en quoi pèche cette triple Répétition
de comme ; c’eût que le troifième n a pas le même
fens que les deux' premiers , &*qu’il faut le changer
en di/anc, ainfi que S l'P a u ll’ordonne.
ij. La Répétition d’un même mot avec le même
fens dans des phrafes fubordonnees les unes aux
autres, outre qu’elle peut occafionneu quelque obfcurité
, jette au moins de la cacophonie dans 1 Elocution.
i° . La même prépofition répétée. Cela efi approuvé
par des hommes corifi dé r ab le s par leur
mérite : il vaut mieux dire , Cela eft approuvé par
des hommes que leur mérite rend conjidérables ;
ou bien , Cela a Vapprobation d’hommes conjidérables
par leur mérite,; ou de toute autre manière
qui fera difparoître la cacophonie des deux par fu-
bordonnes. 1
L a délicateffe des penfées de V auteur de t Éloge
de Trajati : on peut éviter cette cacophonie monotone
en variant les tours ; par exemple , La
délicateffe qui caraclérife les penfées de l’auteur
auquel nous devons l ’Èloge de Trajan.
i ° . Conjonction répétée,, Fléchier dit , en parlant
d’un juge méchant & d’un juge ignorant : L ’un
pèche avec c&nnoiffance , & i l efi plus inexcu-
f ib le ; mais l ’autre pèche fa n s remords, & i l efi
p lus incorrigible : mais ils fo n t également criminels
à Végard de ceux qu’ils condannent, ou
par erreur ou par malice. Ces deux mais font mal
fonnants ; la fimple fuppreflion^u premier fauvoit la
cacophonie.
Si l ’on veut juger Von fera du nombre des
élus , on n’a qu’a voir , &c. Ces deux f i , dont
l ’un eft fubordonné à l’autre , font un mauvais effet;
i l falloit dire, Pour juger f i l’on fera du nombre
des éhis ; ou bien , Heut-on juger f i l ’on fera
du. nombre des élus ? on n’ a qu’a voir) &c.
I l eft de grande importance que les rois &
les magifirats ne donnent que de bons exemples :
car l ’imitation eft te reffort le plus puiffant dont
l ’ufage fe fert pour établir fa tyrannie ; car
ceux qui ne fe conduifent pas par raifon , fe
laiffent conduire par Vimitation. Il étoit aifé
d’éviter le concours mal fonnant de ces deux ca r ,
en mettant parce que au lieu du-fecond.
3°. Article çonjonétif répété. Les mefures que
celui que je défends a prifes. Cette Répétition
feroit moins vicieufe , fi l ’on avoit féparé davantage
le [que , en difant , Les mefures qu’a prifes
celui que je défends ; d’autant que le matériel
du premier eft changé pour l ’oreille de que eh
qu’ a : mais le mieux étoit d’en fupprimer un , &
de dire , Les mefures que ma partie a prifes ; bu
bien, les mefuies prifes par celui que j e défends.
, , ..
iij. Il y a des Répétitions purement materielles ,
qu’en éviteroit en changeant le mot en un autre,
ou même en fupprimant des mots inutiles.
i° . Répétitions qui exigent un changement.
Après qu’ellè eut vu la magnificence du roi,
la fageffe de fe s difeours , fa. pénétration dans
les chofes les plus cachées , L’ordre de f a maifon ,
& le nombre de fe s officiers ; elle était toute hors
hors d’elle, dit l ’Écriture , & elle dit a ce prince^ z
Je reconnois maintenant que tout ce qu on m et
dit de vous eft véritable. Pour faire difparoître
les deux premiers d i t , on pouvoit mettre au liett
du premier, félon la Remarque de l Écriture ,*
& au lieu du fécond , elle parla ainji a cept ince»
Dans fa douleur i l alla au fond du vaiffeau „
où i l fe laiffa aller à un fommeil profond, fow c
ne pas employer deux fois aller, on pouvoit dire
au premier , i l defeendit ; ou au fécond , il-
tomba.
Cette viéloire de J vida, qui fut honorée parmi,
les ju ifs d’une fê te folennelle, fut la dernière,
qu’ i l remporta. Pour éviter le premier , J1 l^y
avoit qu’à dire, que les ju ifs honorèrent d une fetS\
folennelle*
z°. Répétitions qui exigent une fuppreftîon.
Soit que la chofe dont on les loue ne fo it pas véritable
, o it, fi elle eft véritable., qu’ elle ne foie
pas digne de louange. Il y a de trop , f i elle efi
véritable. "
I l efi donc vifible qu’étant nouvelles comme
elles font, elles font des preuves fenfibles^de Icù
nouveauté des hommes. Ôtez comme elles fon t >
& vous délivrerez l ’oreille de l ’efpece d écho qus
amène le fécond elles f o n t , .& qui ne fert de rien
au fens. f
On Vavoit confiée à une tante qu’elle avoit *
qui avoit un fo r t grand mérité. Cette efpece de
tautologie eft d’autant plus choquante, qu’il étoit
aifé, de dire plus brièvement, On l ’avait confiée ■
à une tante d’ un fo r t grand mérite.
L a Periffolo'gie, la Tautologie, la Battolo-
gie y font auffi des Répétitions vicieufes. Voye\ ces
mots.
§. II. La Répétition figurée eft une figure d’Élo-
cution , que l ’on affeéte dans des vues particulières
d’ornement ou d’énefgié , 8c indépendamment des
befoins de la Syntaxe. Selon -les différentes fitua-
tions des mots ré p ^ é s , on a diftingue differentes
-efpèees de Répétitions , qui "font autant de figures
particulières cara&érifées par des noms propres.
Les unes font parallèles, parce que les mots
répétés fout placés femblablement dans des membres
femblables ; çë font 1’Anaphore , l^Converfion 3 8c
la Complexion.
Les autres font antiparallèle s , parce que les
mots répétés fon t, ou dans le même membre, ce
R t a