
S Y S T È M E D E S T E M P S D U P A R T I C I P E .
i l
PRÉSENT, chantant.
I L I I I.
arrivant• me révoltant•
fp osiT ip , ayant chanté.
PRÉTÉRITS ^comparatif, ayant eu chante•
étant arrivé, ou vée. m'étant révolté, ou tée,
ayant été arrivé, ou vée. m'étant eu révolté\ ou tée*
( prochain, venant de chanter.
F U T U R , devant chanter•
venant d'arriver• venant de me révolter,
devant arriver. devant me révolter.
A rt . VII. Obfervations générales. Après une
expofiîion fi décaillée & des difcuiîions fi longues
fur la nature des Temps, fur les différentes efpeces
qui en conftituent le fyftême , & furies cara&èrès
qui les différencient ; bien,des gens pourront croire
que j’ai trop infîfté far un objet qui peut leur
pa-oître minutieux , & que le fruit qu’on en peut
tirer n’eft pas proportionné à la peine qu’il faut
prendre pour déméler nettement toutes les diftinc-
tions délicates que j’ai affignées. Le favaut V o f-
lîus, qui na guère écrit fur les Temps que ce
qui avoit été dit cent fois avant lui & que tout
le monde avouoit, a craint lui - même qu’on ne
lu i fît cette obje&ionj & i l y a répondu en fe, couvrant
du voile deTautorité des Anciens ( Anal. I I I ,
xüj ). Si ce grammairien a cru courir quelque
rifque en expofant Amplement ce qui étoit reçu &
qui fefoit d’ailleurs une partie eflencielle de fon
lyftême de Grammaire} que n’aura-t-onpas à dire
contre un fyftême qui renverfe en effet la plupart
des idées les plus communes & les plus accréditées
, qui exige abfolument une nomenclature toute
neuve, & qui , au premier afpeét, reffemble plus
aux entreprifes fédicieufes d’un hardi novateur
qu’aux méditations paifîbles d’un philofophe mo-
defte?
Mais j’obferverai 10.. que la nouveauté d’un fy ftême
ne fauroit être une raifon fuffifante pour le
rejeter ; Lrarce qu’autrement , les hommes une fois
engagés dans l’erreur ne pourroient plus en fortir,
& que la fphère^e leurs lumières n’auroit jamais
pu s’étendre au point où nous la voyons aujour-
dhui, s’ils avoient toujours regardé, la nouveauté
comme un figne de faux. Que l ’ on foit en garde
contre les opinions nouvelles, & que l ’on n’y
aqniefce qu’en vertu des preuves qui les étaient}
à la bonne heure , c’eft un confeil qui fuggère la
plus faine Logique : mais par une confluence
néceflaire , elle autorife en même temps ceux qui
propofent ces nouvelles opinions , à prévenir & à
détruire toutes les impreftions des anciens préjugés,
par les détails les plus propres à juftifier ce qu’ils
mettent en avant.
z°. Si l ’on prend garde à la manière dont j’ai
procédé dans mes recherches fur la nature des
Temps , un leéteur équitable s’apercevra aifénient
que je n’ai fongé qu’a trouver la vérité fur une '
matière qui ne me femble pas encore avoir fubi
l ’examen de la Philofophie. Si ce qui avoit été
répété jufqu’ici par tous les grammairiens s’ étoit
trouvé au réfultat de l ’analyfe qui m’a fervi de
guide, je l ’aurois expofé fans détour & démontré
lans aprêt. Mais cette analyfe , fuivie avec le
plus grand fcrupqle, m’a montré, dans la déeôm-
pofition des Temps ufîtés chez les différents peuples
de la terre , des idées élémentaires qu’on
n’avoit pas affez démélées jufqu’à préfent} dans la
nomenclature ancienne, des imperfections d’autant
plus grandes qu’elles étoient tout à fait contraires
à la vérité ; dans tout le fyftême enfin , un dé-
fordre , une confufion, dès incertitudes, qui m’ont
paru m’autorifer fuffifammênt à expofer fans ménagement
ce qui m’a femblé être plus conforme à la
vérité , plus fatisfefant pour l ’efprit, plus marqué au
coin de la bonne analogie. Amicus Ariftoteles
' amicus R lato i magis arnica veritas.
30. Ce n’eft pas juger des chofes avec équité,
que de regarder comme minutieuie la doétrine
des Temps : il ne peut y avoir rien que d’important
dans tout ce qui apartient à l ’art de la parole ,
qui diffère fi peu de l’art de penfer & de l’ art d’être
homme. »’ Quoique les queftions de Grammairepa-
» roiffent peu de chofe à la plupart des hommes, &
» qu’ils les regardent avec dédain, comme des
» objets de l’enfance , de l’oifiveté, ou du pédan-
» tifme y i l eft certain cependant qu’elles font
» très-importantes à certains é g a rd s ,trè s -d ign e s
» de l ’aitention des Efprits les plus délicats & les
» plus folides. La Grammaire a une liaifon im-
» méJiate avec la conftruclion des idées} en forte
» que plufieurs queftions de Grammaire font de
» vraies queftions de Logique , & mêine de Méta-
» phyfique •». Ainfi s’exprime l’abbé Des Fontaines,
au commencement de la préface de fon Racine
vengé : & cet avis, dont la vérité eft fenfible
pour tous ceux qui ont un peu aprofondi la Grammaire,
étoit, comme on va le voir , celui de
Voflius & celui des plus grands hommes de l ’Antiquité.
Majoris nunc apud me funt judicid' augujlæ
Antiquitatis , quoe exijlimabat, ab horum notitiâ
non multa modopo'étarum aut hifloricorum loca
lucem foe ne rare , fed & graviffimas juris contro-
verjias. Hoec propter nec Q . Scoevoloe pater, ntc
<5.
P rutus ManiUufqite , nec Nigidius Figulus ,
romanorum pojl Farronem docïiffimus, difqui-
rere gravabantur utrum vox furreptum erit in
poji f a fia. an ante facta valeat, hoc e f l , fil-
turine anpueteritijit t e m p o r i s , quatido in veteri
leee Atin'ui legitur; quod furreptum erit, ejus j
rei «terna autoritas Aefto. Necpudu.it A . Gellium
hâc de re cap ut integrum contexere xvij atticarum
nociium libro. A pu d eundem , cap. i j , lib. x v i i i ,
Ugimus , inter faturnalicias quceJUones eam
fuijje poftrémam ; fcripferim , venerim , legerira ,
cujus t e m p o r i s verba fint, Præteriti, au Futuri,
an utriufque. Quamobrem eos -mirari fa tis non
pojfum , qui hujufmodi fibi à pueris cognitijjima
fuiffe parum prudenter aut pudenter adferunt y
quu.m in iis olim hejitârint viri excellentes , &
quidem romani ,fuæ-jine dubio linguae fciejuijfmi.
J Voit. Anal. I I I , xii j. )
Ce que dit ici Voflius à l’égard de la langue
latine, peut s’appliquer avec trop de fondement à
la langue françoife , dont le fond eft fi peu connu
de la plupart même do ceux qui la parlent le
mieux , parce qu’accoutumés à fuivre en cela i'ufage
du grand monde , comme à en fuivre les modes dans
leurs habillements , ils ne réfléchiffent pa$ plus
fur les fondements de I’ufage de la parole que
fur ceux de la mode dans les vêtements. Que dis-
je ? il fe trouve même des gens de Lettres qui
ôfent s’élever contre leur propre langue, la taxer
d’anomalie, de caprice, de bizarrerie , & en donner
pour preuves les bornes des connoiflances où ils font
parvenus à cet égard.
» En lifant nos Grammaires , dit l’auteur des
Jugements fur quelques ouvrages nouveaux (r. i x ,
P- T$ ) > » il elt fâcheux de fentir, malgré fo i,
» diminuer fon eftime pour la langue françoife }
„ où l’on ne voit prefque aucune analogie ; où
» tout eft bizarre pour i ’expreflion, comme pour
»> la prononciation, & fans caufe j où l’on n’aper-
» çoit ni principes, ni règles , ni uniformité } où
» enfin tout paroît avoir été diCté par un capri-
» cieux génie. En vérité, dit-il ailleurs ( Racine
vengé, Iphig. /Z,v. 46), » l’étude de la Grammraaire
» françoife infpire un peu la tentation de méprifer
» notre langue' ».
Je pourrois fans doute détruire cette calomnie
par une foule d’obfervations vi&orieufes. Pour
faire avec fuccès l ’apologie d’une langue déjà affez
vengée des nationaux qui ont eu la maladrefle
de la méprifer, par l ’accueil honorable qu’on lui
fa'it dans toutes les Gours étrangères } je n’aurois
qu’à ouvrir les chef-d’oeuvres qui ont fixé l ’époque
de fa g io ire ,, Ôt taire voir avec quelle facilité &
avec quel fuccès elle s’y prête à tous les caractères
, naïveté, jufteffe, clarté, précifion, déli-
cateffe , pathétique , fublime, harmonie , &c.
Voye\ A b o n d a n c e { Langues ). Mais
pour ne pas trop m’écarter de mon fujet, je me
contenterai dé rappeler ici l ’harmonie analogique
des Temps , telle que nous l’avons obfeivée dans
notre langue : tous les Préfents y font Amples ;
les Prétérits pofitifs y font compofés d’un 7 emas
Ample du même auxiliaire avoir ou être y les
comparatifs, y (ont-doublementcompofés ; les prochains
y prennent l ’auxiliaire venir ; les Futurs
pofitifs y empruntent conftamment le fecours de
i ’auxiliaire^fevoiry & les prochains, celui de 1 auxiliaire
aller : & cette analogie eft vraie dans tous
les verbes de la langue & dans tous les modes
de chaque verbe. Ce qu’on lui a reproché comme
un défaut, d’employer les mêmes Temps , iciavec
relation à une époque, & là avec relation a une
autre, loin de la déshonorer , devient au contraire ,
à la faveur du nouveau fyftême , une preuve
d’abondance & un mofén de rendre avec une juftefle
rigoureufe les idées les plus précifes :c e ft en eftet
la deftination des Temps indéfinis , qui , relant
abûra&ion de toute époque de comparaifon , faxent
plus particulièrement l’attention fur ^ la relation
de l ’exiftence à l ’époque , comme on l’a vu en fon
lieu. t *
Mais ne fera - 1 - il tenu aucun compte a notre
langue de cette foule de Prétérits & de Futurs ,
ignorés dans la langue latine , au prix de laquelle
on la regarde comme pauvre ? les regardera-t-on
encore comme des bizarreries , comme des eftets
fans caufes, comme des exptertïons dépourvues de
fens , comme des fuperfluïtés introduites par un
ïuxe aveugle & inutile aux vues de L’Elocution > L a
langue italienne, en imitant à la lettre nos Prétérits
, fe fera-t-elle donc chargée d’une pure batto-
^’avouerai cependant àTabbé Des Fontaines, qu a
juger de notre langue par la maniéré dont le fyf-
tême en eft expofé dans nos Grammaires, on pour-
roit bien conclure , comme i l a fait lui - même*
Mais cette conclufion eft-elle fupportable à quia
la Boffuct, Bourdaloue , L a Bruyère , La Fontaine
, Racine, Boileau, Pafcal, &c , & c , &c ? Voila
d’où il faut partir ; & l’on conclura avec bien plus
de vérité , que le défordre , 1 anomalie , les bizarreries
font dans nos Grammaires , & que nos
grammairiens n’ont pas encore faifi avec allez de
j ufteffe ni approfondi dans un détail fumfant
le méJianifme & le génie de notre langue. Comment
peut-on lui voir produire tant de merveilles
fous différentes plumes , quoiqu'elle a i t , dans nos
Grammaires , un air mauffade , irrégulier, & barbare
; & cependant ne pas foupçonner le moins du
monde l'exaftitude de nos grammairiens, mais invec-
tiver contre la langue meme de la maniéré la plus
indécente & la plus injufte î
C e ft que toutes les fois qu’un feul homme voudra
tenir un tribunal pour y juger les ouvrages de tous
le's genres de Littérature , Sr faire feul ce qui ne
doit & ne peut être bien esécuté que par une
fociété affez nombreufe de gens de Lettres choilis
avec foin , il n’aura jamais le loifir de rien approfondir
; il fe a toujours preffé de décider d apres
| des vues fuperficielies j i l portera fouvent des