
celui de Manceau ne défigne quelquefois qu'une portion détachée par accident d’une mafïe ou d'un
amas.
On dit Un Tas de pierres , lorfqu'elles font des
matériaux préparés pour faire un bâtiment ; & l'on
dit Un Monceau de pierres , lorfqu’elles font les
reftes d’un édifice renverfc. ( L ’abbé G lRARD.)
Tas fe dit également au figuré en Profe & en
Vers j l’orateur ne doit point étouffer fes penfées
fous un Tas de paroles fuperflues.
Un Tas d’hommes perdus de dettes & de crimes.
Corneille
Quoiqu’un Tas de grimauds vantent Le plus sûr eft pour nous de garder lne oftilreen oÉel.oquence, . Defpréaux
( Le chevalier DE J A U cou R T .)
T AU TO G R AM M E , adj. Poéfie. De rawr«,
même , & yp«y-/*«- , lettre. On appelle un poème
tautogramme 8c des vers tautogrammes , ceux
dont tous les mots commencent par une même
lettre. Bailletcite un Petrus Placentius , allemand,
qui publia un poème tautogramme , intitulé
Pugnaporcorum, dont tous les mots commençoient
par un P . Le poème eft de 85b vers, 8c l'auteur
s’y cacha fous le nom de Publius-Porcius. Un
autre allemand , nommé Chriftianus Pierius , a
compofé un poème de près de izoo vers fur Jéfus-
Chrift crucifié , dont tous les mots commencent-
par un C. Un bénédidfin , nommé Hubaldus, avoit
préfenté à Charles le chauve un poème tautogramme
en l ’honneur des chauves , & tous les
mots de ce poème commençoient aulfi par un C.
On appelle encore ces fortes de fadaifes des vers
lettrifés, fur lefquels on a dit depuis longtemps,
Stultum eft difficiles habere nugas. (Le chevalier DE J AU CO U RT. )
( N. ) T A U T O L O G IE , f. f. Vîce d’ÉIocution,
oppofé à la concifion , & qui confifte a répéter
dans les mêmes termes, fans aucune nécefïité, ce
qu’ on vient déjà de dire. C'eft une vraie Tautologie
, que la réponfe de madame Jourdain à Dorante,
dans la comédie du Bourgeois gentilhomme
( III. v ) : Oui vraiment, nous avons fort envie
dé rire , fo r t envie de rire nous avons. C ’eft
véritablement un vice d’Élocution dans la bouche
de madame Jourdain ; mais c’eft , de la part de
Molière, un trait de génie, d’avoir fait connoître
par de fêmblables traits le naturel & l ’éducation de
cette bourgeoife.
Obfervez que la Tautologie eft une répétition inutile & fans nécefïité : car les répétitions qui fervent à donner au difcours , ou de la clarté , ou de l’énergie , ou de la grâce , loin d’y être des défauts
, y deviennent au contraire des Ornements.
Uoye\ RÉTÉTiTiofi & toutes fes cfpèces.
Tautologie , francifé du grec rav1aAo>/a, fignifie
littéralement Difcours identique. RR. t«vt«, pour
Ta avVa\ eadem ; 8c h l y a , dico. C'eft en effet
par cette identité des mots , que la Tautologie
diffère de la Périffiologie , qui eft aufli une répétition
inutile , mais en d’autres termes. Voye\ PÉ- RISSOLOGIE. (M . BEAUZÉE. )
( N . ) T A U T O L O G IQ U E , adj. Qui a raport
à la Tautologie , qui a le vice de la Tautologie.
Les femmes du peuple , dans leur babil ou dans
leurs accès de mauvaife humeur, tiennent beaucoup
de .propos tautologiques. On appelle auffi Écho
tautologique, celui qui répète plufieurs fois de
fuite les mêmes fons : & c’eft une preuve que la
Tautologie confifte en effet dans la répétition matérielle
des mêmes mots. ( M. B e a u z é e . )
(N . ) T A U X , T A X E , T A X A T IO N . Syn.
L ’idée commune qui fonde la fynonymie de ces
trois mots, eft celle de la détermination établie de
quelque valeur pécuniaire.
Le Taux eft cette valeur même .* la Taxe eft
le règlement qui la détermine : les Taxations font
certains droits fixes attribués à. quelques officiers qui
ont le manîment des deniers du roi.
Le Taux des denrées eft communément établi
par les marchands : la Taxe émane de l'autorité
publique : les Taxations font des conceffions du
prince.--
On ne dit que T a u x , quand il s'agit du denier
auquel les intérêts de l ’argent font fixés par l ’ordonnance
j parce, que la cupidité ne penfe pas tant
à l’autorité déterminante, qu’à fes propres intérêts.
On dit affez indifféremment Taux ou Taxe ,
en parlant du prix établi pour la vente des denrées,
ou de la fomme fixée que doit payer un contribuable
; mais ce n’eft que dans le cas où il n’eft
pas plus néceffaire de faire attention, a la valeur
déterminée qu’à l ’autorité déterminante : car un
contribuable qui voudroit repréfenter , qu’il ne peut
payer ce qu’on exige de lui faute de proportion
avec fes facultés , devroit dire que fon Taux eft
trop haut ; & s’il vouloit dire que les impofiteurs
ne l ’ont pas traité dans la proportion des autres
Contribuables , il devroit dire que la Taxe eft trop
forte.
On ne dit que Taxe , s’il s'agir du règlement
judiciaire pour fixer certains frais qui ont été faits
à la pourfuite d’un procès, ou d une impofition
J en deniers fur des perfonnes en certains cas : c’eft
ue l’on a alors plus d’égard à l’autorité de la
uftice , qui conftate le droit, ou à celle du prince,
qui eft plus marquée qu'à l’ordinaire.
On dit quelquefois Taxation au fingulier, pour
fignifier l ’opération de la Taxe. (M . B e a u z é e .)
(N .) TEMPÉRÉ , adj. Art orat. Genre d’Élo-
quencc qui tient le milieu entre le fublime & le
fimple,
fimple. On peut voir,; dans l 'article S-u r l im e ,
que Cicéron , en défini fiant le genre tempéré , ne
lui accorde que la fa c i li t é , l ’égalité, & quelques
légers ornements. Ailleurs pourtant il reeonnoît
que. c’eft à lui que font permifes toutes les parures
du ftyle. Datur etiam venia concinnitati Jenten-
îiarum ,• & drguti, certique, & cilcumfcripti ver-
borum ambitus conceduntur : de induftriâque,.
non ex injidiis , fed aperté ac palàm elabotatur ,
ut verba verbis quaji dimenfa & paria refpon-
deant ; ut crebro conferantur pugnantia, com-
parenturque contraria, ■ & utpariter extrema ter-
minentur, eundemque référant in cadendo f o n u r n .
( Qrat.,) . . ,
Comment açcorder ici avec lui-même ce grand
maître de l ’Éloquence , me demandez - vous ? Le
voici. Il a permis à l ’Éloquence tempérée ou médiocre
, de fe parer , loifqu’eliefi’auroit pour objet
que le foin,de, plaire , comme dans les écoles des
fophiftes & dès rhéteurs, ou dans des harangues
publiques, faites pour amufer un peuple j mais à
cette même Éi oquençe il a preferit d’être modefte
8c réfervée dans fa parure., lorsqu'elle fe montre
au Barreau : & cette'.dillinélion , il l'exprime à la
fin du pafiagè que je viens , dé citer ’Quæ , in vêtit
cite ’ eau j arum , & rdriîis multo faeitnus , &
certè occultiiis. ïfocratè , dans l ’éloge d’Athènes',
a recherché curieufemént, dit-il , tous ces orné-
ments'du langage , parce qu'il écrîvoit, non pour
plaider devant les juges, mais pour flatter & dé-
lefter l ’oreille dès athéniens. Non enitn ad judi-
cïorum certameU) fed ad voluptatem duriiim JCrip-
fierai, f Orat. )
C’eft , félon moi , une'marque de mépris que
Cicéron donne à cette Éloquence oifeufe des fô-
phiftês , que de Igi laiffér avec tant d’indulgence
lë luxe de l’Élocution & le foin curieux de plaire.
N a-t-il pas obfervé lui-même qu’en Éloquence ,
comme dans tous les grands- objets de la nature ,
le beau' & l’utile doivent fe réunir , & -que les
ornements de l ’édifice oratoire doivent contribuer
a fa folidité ? Columnas & templa & porticus
fiijfinent ; tamen habent non plus utilitatis quam
dignitatis . . . . hoc in omnibus item partibus
orationis evenit, ut utilitatem ac propè necef-
fitatem f invitas’ queedam & lepos confequatur.
( De orat. )
N’a-t-il pas obfervé que, dans le ftyle comme
dans les mê.ts, raflaifonnement, qui d’abord pique
le plus le goût, le lafle préfque aufli tôt &
1 émouffe , & qu’il., n’y a , pour ?l’efprit, que les
aliments Amples dont il ne fe laffe jamais ? D i f ficile
enirn diclu eft quoenam caufa f i t , cur ea
quee maxime fenfus noftros impellunt voluptate
&fpecie prima acerrimê commovent , ab iis celer-
rime faftidio quodam & fatietate abalienemur.
fct apres avoir prouvé, par l ’expérience de tous nos
fens , que, la fatiété fuit de,près les raffinements du
plaifir ; S i omnibus in rébus voluptatibus maxi-
misfaftldiumfinitimum eft : n’a-t-il pas reconnu
Gr a m m , e t L i t t é r a t . Tome III.
qu’il en étoit de même en Éloquence ? In quâ
vel ex poetis vel ex oratoribus poffumus judicare
concinnam, diftincîam, ornatamfeftivam, fine in-
termiffione , fine reprehenfione , fine varietate ,
quamvis claris f it coloribus picla velpoêfis vel
oratio , non poffie in delecîadone effie diuturnam.
Enfin n’a-t-il pas établi , comme un principe général,
que , dans un difcours , les ornements doivent
être femés légèrement 8c par intervalles , jamais
accumulés ni également répandus? Ut porrà confi-
perfa fit ( oratio ) quafi verborum fentenûarum-
que floribus , id non debet effie fùfum oequabi-
liter per omnem orationem ,fed ita diftinllum, ut
fint quafi in ornatu difpojita quetdam infignia &
lumina.
Mais dans un fujet frivole & dénué d’intérêt 8c
d’utilité, faut-il laifier à nu c e fonds aride , 8c
ne pas le couvrir de f le u r s ? Il faut d’abord éviter
u f i fu je t dont l ’indigence & la sèchereffe ont befoin
d’être fans ceffe ornées ; ne jamais fe réduire au
futile métier de beau parleur ; avoir au moins
l’intention d’idftruire , lorfqu’on cherche à plaire j
& dans lès chofes où la raifon & la vérité ne demandent
qu’à fe thontrer dans leur fimplicité naïve ,
fè : contenter* d’un ftyle naturel 8c d é c e n t . In pro-
priis verbis ilta laus oratoris, ùt abjecîa atqitc
obfoleta f u g ia t l e c l i s atque illuftribus uiatur.
Ainfi , le Simple fe mêlera au Tempéré, comme
il s’allie même au Sublime , fans détonner avec
l’un ni avec l ’autre, mais avec cette facilité d'ondulation
, fi jeT ’ôfe dire , qui doit régner dans
tous les g e n r e s d’Éioquence, & fans laquelle le
haut ftyle eft roide , guindé , . monotone , 8c le
ftyle fleuri n’ eft qu’un papillotage de couleurs ,
toutes vives & fans nuances , dont 1 éclat fatigue les
ieux.
C ’eft au moyen de ce mélange que l ’orateur,
dans le genre tempère' même , peut produire de
o-rands effets. Je'né dis pas que le genre fublime
ne s’y mêle auffi quelquefois j mais ce fout des
accidents rares : & il me fernble que Rollin s’eft
oublié , lorfqu’à propos de l’habileté à orner & à
embellir le difcours , il rappelle ce que dit C icéron
du ftoïcien Rutiiius', qui avoir dédaigné ,
comme Socrate, d’employer l ’Éloquence pathétique
pour fa déîenfe. Ce n’étoit pas des ornements
de l ’Éloquence tempérée , mais delà force, d e là
chaleur de la haute Éloquence de Craffus, qu’il
s’agiffoit dans cette caufe. C ’eft le genre fub lime
dans toute fa vigueur. & dans toute-fa véhémence ,
que Cicéron auroit voulu qu’on eut employé pour
fauver l ’innocence & la vertu même. Quum illo
nemo neqüe integrior effet in civitate neque fanc-
tior . . . quod (i tu tune, Craffie, dixiffies . . .
& f i tibi pro P . Rutilio , non philofophorum
more , fed tuo, licuiffet dicere, quamvis feelerati
illi fuiffient , ficuti fuerunt, peftiferi cives fiup-
plicioque digni , tamen omnem eorum importu-
nitatem ex intimis mentibus evelliffies vi orationis
tua. ( De orat. )
R r r