
•prête encore avec fuccès aux divifîons reçues de
cette partie d’oraifon ; elle en eft le fondement le
plus raifonnable j & elle en reçoit, comme par réflexion,
un furcroît de lumière, qui en met la vérité
dans un plus grand jour.
i°» L a première divifïon du Verbe eft en fubftantif
8c adjectif ,* dénominations auxquelles je
voudrois que Ton fubftituât celles abftrait & de
concret. Voye\ S u b s t a n t i f , art. il.
L e Verbe fubftantif ou abftrait , que du
Mariais appelle Jimple , eft celui qui défigne
par l*idée générale de l ’exirtence inteileétueile
fous une relation à une modification quelconque,
qui n’eft point comprife dans la lignification
du Verbe, mais qu'on exprime féparément ;
comme quand on dit, Dieu EST éternel, les hommes
s o n t mortels.
Le Verbe adjedtif ou concret, que du Marfais
nomme compofé, eft celui qui défigne par l ’idée
générale de l ’exiftence inteileduelle fous une relation
à une modification déterminée, qui eft co'm-
prife dans la lignification du Verbe, comme quand
on dit, Dieu e x i s t e ,-les hommes m o u r r o n t .
I l fuit de ces deux définitions qu’il n’y a point
de Verbe adj'eétjf ou concret, qui ne puilfe fe dé-
compofer par le Verbe fubftantif ou abftrait être.
C eft une conféquence avouée par tous les grammairiens
, & fondée fur ce que les deux eipèces
défignent également par l’idée générale de l'existence
intellectuelle ; mais que le Verbe adjeCtif
renferme de plus dans fa lignification l ’idée ac-
cefToire d’une modification déterminée, qui n’eft
point comprife dans la lignification du Verbe fubftantif.
On doit donc trouver , dans le Verbe fubftantif
ou abftrait, la pure nature du Verbe en général
j & c’eft pour cela que les philo fophes- en-
feignent qu’on auroit pu , dans chaque langue ,
n’employer que ce feul Verbe , le l’eul en effet
qui foit demeuré dans la fîmplicité de fa lignification
originelle & elfencielle , ainfi que l ’a remarqué
l ’auteur de la Grammaire générale (Part. IL c. xiii,
édit. 175 6. )
Quelle eft donc la nature du V e r b e Ê tr e , ce
Verbe elfencielle ment fondamental dans toutes les
langues ? I l y a près de deux-cénts ans que Robert
Eftienne nous l ’a dit , avec la naïveté qui ne
manque jamais à ceux qui ne font point préoccupés
par les intérêts d’un fyftême particulier. Après avoir,
bien ou mal à propos, diftingué les Verbes 111 aCtifs,'
paliifs, 8c n e u t r e s il S'explique ainfi ( Traité de
la Grammaire françoife , Paris, 1 $69 , p. 37 ) :
» Oultre ces trois fortes , i l y a "le Verbe nommé
» fubftantif, qui eft Eftre, qui ne lignifie ne action
» ne pafiîon , mais feulement il dénote Veftre 8c
» exiftence ou fubjiftance d’une chafcune chofe
» qui eft lignifiée par le nom ioinCt avec luy j
» comme le fu is , Tu e s , I l eft. Toutesfois il
» eft fi néceffaire a toutes allions & paillons, que
» nous ne trouuerons Verbes qui ne fe puiffent ré-
» fouldre par luy ».
Ce favant Typographe, qui ne penfoit pas à
faire entrer dans la lignification du Verbe l’idée de
¥ affirmation, n’y a vu que ce qui y eft en effet
. l ’idée de l ’exiftence ; & fans les préjugés , perfonne
n’ y verroit rien autre chofe.
J’ajoute feulement que c’eft l’idée de l ’exiftence
intellectuelle , & je me fonde fur ce que j’ai déjà
allégué , que les êtres abftraits & généraux, qui
n ont & ne peuvent avoir aucune exiftence réelle ,
peuvent néanmoins être & font fréquemment fujets
déterminés du Verbe fubftantif.
Mais je ne déguiferai pas une difficulté que l’on:
peut faire avec allez de vraifemblance contre mon
opinion, 8c qui porte fur la propriété qu’a le
V e r b e Ê t r e , d’être quelquefois fubftantif ou abftrait
, & quelquefois adje&if ou concret. Quand
il eft adjeCtif, pourroit-on dire, outre fa lignification
effencielle , i l comprend encore celle de
l ’exiftence j. comme dans cette phrafe , Ce qui e s t
touche p lus que ce qui A é t é , c’eft à dire,-ce
qui e s t E X I S T A N T touche plus que ce qui A
É T É E X I S T A N T : par conféquent on ne peut pas
dire que l’idée de l’exiftence conftitue la lignification
fpécifique du Verbe fubftantif, puifque c’eft au
contraire l ’addition acceffoire de cette idée déter-
- minée qui rend ce même Verbe adjeCtif.
Cette objection n’eft rien moins que viCtorieufe;
& j’en ai déjà préparé 1a- folution, en diftinguant
plus haut . l ’exiftence intellectuelle 8c l’exiftence
réelle. Être eft un Verbe fubftantif, quand il n’exprime
que l ’exiftence intellectuelle : quand je dis r
par exemple , Dieu e s t tout-puijfant , il
s’agit i c i , non de l ’exiftence réelle de Dieu , mais
feulement dé fon exiftence dans mon efprit fous la
relation de convenance à la toute-puiffance ; ainfi,
e f t , dans cette phrafe, eft fubftantif. Êtretft\m
Verbe adjeCtif, quand ' à l-’idée 'fondamentale de
l ’exiftence intellectuelle on ajoute acceffoirement
l ’idée déterminée de l’exiftence réelle ; comme Dieu
e s t , c’eft adiré, Dieu e s t e x i s t a n t r é e l l e m
e n t ou Dieu e s t préfent à mon efprit avec
Vattribut déterminé de Ve x i s t e n c e r é e l l e .
Quoique le Verbe être puilfe donc devenir
adjeCtif au moyen de l ’idée acceffoire d è l’exiftence
réelle , il ne s’enfuit point que l’ idée de l ’exiftence
intellectuelle ne foit pas l’idée propre de fa lignification
fpécifique. Que dis-je ? il s’enfuit au contraire
qu’il ne défigne par aucune autre idée , quand
il eft fubftantif, que par celle de l’exiftence intellectuelle;
puifqu’il exprime nécelfairement T exiftence
ou fubjiftance dl'une chafcune chofe qui eft
fignifiée par le nom ioincl avec luy $ que cette
exiftence n’eft réelle que quand Être eft un Verbe
adjeCtif ; & qu’apparemment elle eft au moins
intellectuelle quand il eft fubftantif, parce que
l ’idée acceffoire doit être la même que l ’idée fondamentale,
fauf la différence des afpeCts, vu que
le mo t eft le meme dans les deux cas hors la différence
des conftruCtions.
Tl faut obferver que cette réflexion a d’autaut
plus de poids, qu’elle porte fur un ufage uni-
verfel & commun à toutes les langues connues
& cultivées j & qu’on ne s’eft avifé, dans aucune»
de -changer le Verbe fubftantif en adjeCtif, par
l’addition acceffoire d’une idée déterminée autre
que celle de l ’exiftence réelle, parce qu’aucune
autre n’eft fi analogue à celle qui conftitue i ’ef-
ferice du Verbe fubftantif,. favoir l ’exiftence intellectuelle.
Dans tous les autres Verbes adjeCtifs ,
le radical du fubftantif eft détruit ; il ne paroît
que celui de l ’idée acceffoire de la modification
déterminée ; 8c les feules terminaifons rapel-
lent l ’idée fondamentale de l ’exiftence intellectuelle
, qui eft un élément néceffaire dans la fîgui-
fication totale des Verbes adjeCtifs.
z°. Les Verbes adjeCtifs fe foudivifent communément
en aCtifs , paffifs, & neutres. Cette divi-
fion s’accommode d’autant mieux avec le définition
générale du Verbe, qu’elle porte immédiatement
fur l’idée acceffoire de la modification déterminée
qui rend concret le fens des Verbes adjeCtifs : car
un Verbe adjeCtif eft aCtif, paffif, ou neutre ,.
félon que la modification déterminée, dont l ’idée
acceffoire modifie celle de l’exiftence intellectuelle,
eft une aCtion du fujet, ou une impreffion produite
dans le fujet fans concours de fa part , ou
fimplement un état qui n’eft dans le fujet ni aCtion ni
paffion/ Voye^ A c t if , Pa s s if , INeu t r e , Relatif
, art.i , n°. 3.
Toutes les autres diyifions du Verbe adjeCtif, ou
en abfolu 8c relatif,. ou en augmentatif, diminutif,
fréquentatif, inceptif, imitatif, & c , ne portent
pareillement que fur de nouvelles idées acceffoires
ajoutées à celle de la modification déterminée
qui rend concret le fens du Verbe adjeCtif ; &
par conféquent elles font toutes conciliables avec
la définition générale, qui fuppofe toujours l ’idée
de cette modification déterminée.
Après ce détail, où j’ai cru devoir entrer pour
juftiner chacune des idées élémentaires de la notion
que je donne du Verbe , détail qui comprend , par
©ccafion, i’examen des définitions les plus accréditées
jufqu’à préfent, celle de Port-Royal & celle
de Scaliger ; je me crois affez difpenfé d’examiner
les autres qui ont été propofées : fi j’ai bien établi
la mienne , les voilà fuffifamment réfutées ; 8c je
ne ferois au contraire qu’embarraffer de plus en
plus la matière, s’il relie encore quelque doute fur
ma définition. Je n’ajouterai donc plus qu’une remarque
, pour achever, s’i l eft poffible, de répandre
la lumière fur l’enfemble de toutes les idées que
j’ai réunies dans la définition générale du Verbe.
La Grammaire générale dit que c’eft Un mot
dont le principal ufage eft de JignifLer Vaffirmation.
Cette idée de Y affirmation , que j’ai rejetée ,
n’eft point la feule choie que l ’on puiffe reprocher
à cette définition ; & en y fubftituant l ’idée que
j’adopte de Y exiftence intellectuelle, je définirois
encore mal le Verbe, fi je dilbis fimplement que
c’eft Un mot dont le principal ufage eft de figni-
fier Vexiftence intellecluelle , ou même plus brièvement
& avec plus de jufteffe , Un mot qui fig iiifie
Vexiftence intellecluelle. Cette définition ne fuffi-
roit pas pour expliquer tout ce qui apartient a la
chofe définie ; & c’eft un principe indubitable de
la plus faine Logique, qu’une définition n eft exacte
qu’autant qu’elle contient clairement le germe de
toutes les obfervations qui peuvent fe faire fur
l ’objet défini. C’eft pourquoi, je dis que le Verbe
tb-Unmoi déclinable indéterminatif , qui défigne
feulement par Vidée générale de Vexiftence intellectuelle
fous une relation à une modification. t
Je fais bien que cette définition fera trouvée
longue par ceux qui n’ont point d’autre moyen que
la toife , pour juger de la brièveté des expreffions j
mais j’ôfe efpérer qu’elle contentera ceux qui n’exigent
point d’autre brièveté que de 11e rien dire de
trop. Or
i° . Je dis que c’eft un mot déclinable : afin;
d’indiquer le fondement des formes qui font communes
au Verbe , avec les*noms 8c les pronoms ; je
veux dire les nombres furtout, & quelquefois les
genres.
1®. je dis un mot déclinable indéterminatif : 8c
par l i je pofe le fondement de la concordance du
Verbe avec le fujet déterminé auquel on l’applique.
30. J’ajoûte qu’il défigne par Vidée générale der
Vexiftence : 8c voilà bien nettement l ’origine des
formes temporelles , qui font exclufivement propres
au Verbe, 8c qui expriment en effet les diverfes relations
de l ’exiftence à une époque,
4°. Je dis que cette' exiftence eft intellecluelle t
8c par là je prépare les moyens d’expliquer la
néceffité du Ve:rbe dans toutes les propofitions „
parce quelles expriment l ’objet intérieur de nos
jugements J je trouve encore, dans les différents
afpeâts de cette idée de Vexiftence intellecluelle, le
fondement des mode,s dont le Verbe , & le Verbe
feul, eft fufceptible.
5°. Enfin je cîis Vexiftenc'e intellectuelle fous
une relation à une modification : & ce dernier
trait, en facilitant l ’explication du raport qu’a le
Verbe à l ’expreffion de nos jugements objeétifs ,
donne lieu de divifer le Verbe en fubftantif & ad-
je é lif, félon que' l ’idée de la modification y eft
indéterminée ou expreffément déterminée j & de
foudivifer enfuite les Verbes adjeétifs en aéïifs ,
paffifs, ou neutres , en abfolus ou relatifs, &c y
félon les différences effencielles ou accidentelles
de la modification déterminée qui en rend le fens
concret.
J’ôfe donc croire que cette définition ne renferme
lien que de néceffaire à une définition exaéte , &
qu’elle a toute la brièveté compatible avec la
clarté, l ’univerfalité, 8c la propriété qui doivent
lui convenir : clarté, qui doit la rendre propre à