
'5 8 8 T R O nom de Jongleurs, joignirent aux inftrumènts le
chant bu le récit des vers ; & les autres prirent
Amplement le nom de Joueurs, Joculatores, ainfi
qu’ils (ont nommés dans les anciennes ordonnances
«
L’abbé Goujet, de qui nous empruntons ceci,
remarque que, parmi ces poètes , il y en eut qu’on
nomma Comiques , c’eft à dire , Comédiens ÿ parce
qu’en effet ils jouoient eux-mêmes .dans les pièces
qu’ils compofoient, & peut- être dans celles qu’ils
débitaient à la Cour des rois & des princes bu ils
étaient admis. Supplément de Moréry. ( A r o -
^tYME. )
* TROUPE , BANDE, COMPAGNIE. Syn. Plufieurs perfonnes jbintes énfemblè font la Troupe. •Plufieurs perfonnes féparées des autres pour fe lui-
vre & ne fe point quitter font la Bande. Plufieurs
" erfonnes réunies par l’occupation, l’emploi , ou
’intérêt, font la Compagnie. On dit Une Troupe de comédiens, Une Bande de violons , & La Compagnie des Indes.
Il n’eft pas honnête de fe féparer de fa Troupe ,
pour faire Ban'de à part; & il.convient ordinairement
de prendre le parti de la Compagnie où
l ’on, fe trouve engagé. ( h*abbé G i r a r d . )
( ^ Il me femble que c’eft une première erreur
de croire que la Troupe , la Bande, & la Compagnie
ne puiffent être formées que de perfonnes ;
puifqu’on dit, Des loups en Troupe, Une Bande d’étourneaux, Une Compagnie de perdrix. Je crois
d’ailleurs que la Troupe eft la réunion purement
locale de plufieurs individus qui font ou qui vont
enfemble ; que la Bande eft ou une portion détachée
d’un plus grand nombre , ou une fucceffion
d’individus; & qu’une Compagnie eft la réunion
de plufieurs individus, formée par l’identité de l’occupation
, de l’intérêt, ou de l’attachement.
La Troupe ne fuppofe ni choix ni but commun.
La Bande indique fouvent divifion. La Compagnie veut un choix & de l’accord. ( M. B e a u z é e .)
TROUVER , RENCONTRER. Synonymes. Nous trouvons les choies inconnues, ou celles que
nous cherchons. Nous rencontrons les chofes qui
font en notre chemin , ou qui fe préfentent à nous,
Sf que nous ne cherchons point.
Les plus infortunés trouvent toujours quelque
reflource dans leurs difgrâces. Les gens qui fe lient
aifément avec tout le monde font fujets à rencontrer
mauvaife compagnie. ( L ’ abbé ÇlRARD. )
Trouver fe dit dans un fens très-étendu au figuré;
il fignifie quelquefois Inventer : Newton a trouvé le calcul des fluxions. D’autres fois il fignifie donner
fpn jugement fur quelque chofe : Memeurs de P. R.
trouvent que Montaigne eft plein de vanité. ( Le
chevalier DE J AU COURT. )
JROUVjÈRE, f. fa, Poéfie provenç. Vieux
t r a
mot frànçois , fynonyme de Troubadour. Voye$
T r o u b a d o u r s .
C’eft le nom que l’on donnoit autrefois & que
l’on donne encore aux premiers poètes provençaux,
inventeurs de fyrventes, fatires, & chanfons , que
les Ménétriers alloient chanter chez les Grands. On
appelo.it aufli les TrouvèresyTrouveourS & Trou-
veurs.
Le préfîdent Fauchet nous aprend qu’il y avoit
autrefois en France des perfonnes qui divertiffoient
le Public fous le nom de Trouvères, Chanté res
Conteurs , Jongleurs , c’e-ft à dire , Ménefiriers, chantant avec la viole. Les Trouvères compofoient
les chanfons , & les autres les chantaient ; ils
s’affembloîent & alloient dans les châteaux. Ils
venoient, dit Fauchet, aux grandes affemblées&1
feftins donner plaifir aux princes > Comme il eft
expliqué dans ces vers tirés du Tournoiement de
l’Ântecbrift , çompofé au commencement, du règne
de S. Louis , par Huon de Méry :
Quand les tables oliées furent,
Cil jugleur en piés eftnrenc.
S’ont vielle & harpes prifes,
Chanfons., fons , la is , v e r s & reprifes',
Et de geftc chanté ^nos ont. .
L i efcuyer Antechrift font
Le rebarder par grand déduit.
Ils ne chantoient pas toujours ; fouvent ils récitaient
des contes qu’ils avojent compofés , & qu’ils
appeloient Fabliaux.. Voye^ F a b l i a u x . •( Lèche-
v aller D E J A U C O U R T .) .
T U , V O U S . Syrtonymes, Nous, ne nous
fervons aujourdhui qu’en Poéfie du mot Tu, ou quelquefois
dans le ftylë foutenu, ou en fefant parler des
barbares.
Plufieurs perfonnes trouvent que ce fingulier
avoit plus de grâce dans la bouche des Anciens
que le mot V o u s , que la politeffe a introduit &
qu’ils n’ont jamais connu; mais le meilleur eft
de les adopter tous les deux. Comme il y a des
occafions eu le mot Tu çhoqlie^réellement, il en
eft d’aûtres où il fait un meilleur effet que le mot
Vous ; c’eft une richeffe dans nos langues modernes,
dont les Anciens étaient privés .: car étant toujours
forcés de fe fervir de ce fingulier T u , ils ne pou-
voient faire fentir ni les moeurs , ni les pa/fions,
ni les caractères ; au lieu que c’eft un avantage
que fôurniffent ce fingulier & ce pluriel, employés.!
propos, avec difcernement , & lorfque les occa-
fiôns demandentl’un préférable ment à l’autre. Voici
donc le parti que prennent les bons traducteurs J
partout où il faut faire fentir de la fierté , de
l ’audace, du mépris, de la colère, ou un car.aCtère
étranger , ils emploient le mot Tu ; mais dans
tous les autres cas , comme quand un fujet parle
à fon roi qui lui eft fupérieur, ils fe fervent du
"■ jnoï
T
i
Tu 0
tflot Vous , pour s’accommoder â notre pbliteffe,
.qui le demande nécelfairement, & qui eft toujours
hleffée de ce fingulier Tu comme d’une familiarité
trop grande.
Par exemple , dans la V ie de Romulus par
Plutarque, quand on mène Rémüs â Numitor ,
Réinus dit à ce prince : » Je ne te cacherai rien
j: de tout ce que tu me demandes,. car tu me
» paroîs plus digne d’ être roi que ton frère » ; ce
fingulier Tu a plus de grâce que Vous', à çaufe
du caraCtère de Rémus, qui a été élevé parmi les
pâtres, qui eft vaillant & fougueux, & qui doit
témoigner de i ’mtrépidité & de l ’audace.
Lorfque Caton dit â Célar , Tiens, Ivrogne ,
en lui rendant la lettre de fa faeur, il n’y auroit
rien de plus froid que de lui foire dire, Tene\ ,
Ivrogne. Quand Léonidas parle à Alexandre, &
qu’il lui dit : » Lorfque vous aurez conquis la
» région qui porte ces aromates » ; Vous eft la
bien meilleur que Tu : mais quand Alexandre ,
après avoir conquis l ’Arabie, écrit à Léonidas :
» Je t’envoie une bonne provifion d’encens & de
t» myrrhe » ; je t envoie vaut mieux que je vous
envoie. De même, quand le prophète de Jupiter
Ammon dit à Alexandre ; » Ne blalphême pas ,
» tu n’as point de père mortel » : le mot Vous
rendroit la réponfe foible & languiffante ; c’eft un
prophète qui parle , & il parle avec autorité. .
Vaugelas , dans fa Traduction de Q. Curce,
a toujours oblèrvé ces différences avec beaucoup
de raifon & de jugement : Alexandre dit V o u s ,
en parlant à la reine Sifigambis ; & la reine Sifi-
gambis dit Tu , en parlant à Alexandre : Sc cela
eft néceffaire pour conferver le caractère étranger.
Cette différence de Tu à Vous donne à la Traduction
de Lucien , par d’Ablancourt, une grâce que
l ’Original ne peut avoir : car que le philofophe
cynique dife Tu â Jupiter , & que tous ceux de la
même feéfce fe tutoyent ; cela peint leur caractère,
ce que le grec ne peut faire. Qu’on mette Vous
au lieu de T u chez des cyniques , toute la gen-
tilleffe fera perdue. ( Le chevalier D E Ï a U~
C O U R T . )
TUDESQUE ( l a ng u e ), H iß . des lang. '
mod. Langue que l’on parloit â la Cour apres
rétabliffement des. francs dans les Gaules ; elle fe
nommoitaufli Franïïheuch , Théotifte , Théotique, ou Thivil. Mais quoiqu’elle fut en règne fous
les deux premières races, elle prenoit de jour en
jour quelque chofe du latin & du roman, en leur
communiquant aulïi de fon côté quelques tours ou
expreflions. Ces changements même firent fentir
aux francs la radeffe & la difette de leur langue ;
leurs rois entreprirent de la polir , ils l’enrichirent
de termes nouveaux ; ils s’aperçurent aufli
qu’ils manquoient de caractères pour écrire leur
langue naturelle, & pour rendre les fons nouveaux
qui s’y introduifoient. Grégoire de Tours & Ai-
Gramm. e t Lit t é r a t . Tom, I I I ,
U D
mbin patient de plufieurs ordonnances de Chilperic
touchant la langue. Ce prince fit ajouter à 1 alphabet
les quatre lettres grèques O, 'F, Z, H ; c eft
ainfi qu’on les trouve, dans Grégoire de Tours.
Aimoin dit que c’étoient ©, 'P, X, SI ; & Fauchet
prétend, fur la foi de Pilhou & fur celle d un
manuforit qui avoit alors plus de foo ans, que
les caractères qui furent ajoutés à l ’alphabet étoient
Va des grecs ; le n > le b , ; fc le t des hébreux :
c’eft ce qui pourroit faire penfer que ces caractères
furent introduits dans le franClneuch pour des
fons qui lui étoient particuliers , & non pas pour
le latin , à qui fes caractères fuffifoient. Il ne feroifc
pas étonnant que Chilperic eut emprunte des caractères
hébrèux , fi l ’on fait attention qu’il y avoit
beaucoup de juifs à fa Cour, & entre autres un nommé
Prilc , qui jouïffoit de la plus grande faveur auprès
de ce prince.
En effet, il étoit néceffaire que les francs, en
enrichiffant leur langue de termes & de fons nouveaux,
empruntaient aufli les caractères qui e»
étoient les lignes & qui manquoient a leur langue
propre, dans quelque alphabet qu ils fe trou-
vaffent. Il feroit à délirer, aujourdhui que notre langue
eft étudiée par tous les étrangers qui recherchent
nos livres , que nous euflions enrichi notre
alphabet des caraCteres qui nous manquent, furtout
lorfque nous en confervons de fuperflus; ce qui
fait que notre alphabet pèche à la fois par les
deux contraires , la difette & la lurabondance : ce
feroit peut-être l ’unique moyen de remédier aur
défauts & aux bizarreries de notre Orthographe f
fi chaque fon avoit fon caraCtère propre & particulier,
& qu’il ne fût jamais poflible de PempLoyec
pour exprimer un autre fon que celui auquel i l auroit
étédeftiné. * ,
Les guerres continuelles dans lefquelles les rois
furent engagés , fulpendirent les foins qu ils auroient
pu donner aux Lettres & â polir la langue : d ail-
I leurs , les francs ayant trouvé les lois & tous les
aCtès publics écrits en latin, & que les myfteres
de la religion le célébroient dans cette langue >
ils la confervèrent pour les mêmes ufages , fans
l ’étendre à'celui de la vie commune; elle per doit
au contraire tous les jours , & les eccléfiaftiques*
furent bientôt les feuls qui l ’entendirent. Les langues
romane & tudefque , tout imparfaites qu’elles
étoient, l ’emportèrent, & furent les feules en
ufage jufqu’au règne de Charlemagne. L a langue
tudefque fubfifta même encore plus long temps a
la Cour, puifque nous voyons que , cent ans après,'
en 948 , les lettres d’Artaldus , archevêque de
Rheims , ayant été lues au Concile d’Ingelheim
on fut obligé de les traduire en théotijque, afin
qu’elles fuffent entendues par Othon, roi de Germanie,
& par Louis d’Outremer, roi de France,
qui fe trouvèrent à ce Concile. Mais enfin la langue
romane, qui fembloit d’abord devoir céder à
la tudefque , l’emporta infenfiblement ; & fous la
troifième race , elle fut bientôt la feule & donna
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