
^ La Tétralogie d’Euripide, dont nous avons parlé
ci-deffus, fut jouée dans la 87e. olympiade, fous
l’archonte Pythiodore, & l’auteur ne fut couronné
?ue le troifième ; car on ne décemoit, dans tous
es combats littéraires, que trois couronnes. On
fait qu’elles étoient de feuilles d’arbre , comme
celles des combats gymniques : mais quelle autre
récompenfe eût-on employée , fi l’cn confidère la
qualité des concurrents qui étoient quelquefois des
rois , des empereurs , des Généraux d’armée, ou
les premiers magiftrats des républiques» Il s’agif-
foit de flatter l’amour propre des vainqueurs , &
I on y réuflit par là merveilieufement. Aufli les
poetes couroient après ces fortes de couronnes avec
une ardeur dont nous n’avons point d’idée. Quand
Sophocle, tout jeune , donna fa première pièce ,
la chaleur des Ipeétateurs , qui étoient partagés
entre lui & fes concurrents , obligea Cimon d’entrer
dans le théâtre avec fes collègues, de faire des:
libations à l’honneur des dieux, de choifir pour,
juges dix fpeâiateurs choifis de chaque tribu , Sc de
leur faire prêter le ferment avant qu’ils adjugeaf-
fent la couronne. Plutarque ajoute , que la dignité
des juges échauffa encore l’efprit des fpeétateurs &
des combattants ; que Sophocle fut enfin déclaré
"Vainqueur; &qu’Efchyle, qui étoit un de fes rivaux,
en fut fi vivement piqué, qu’il fe retira en Sicile ,
ou il mourut peu de temps après.
Les romains n’imitèrent jamais les Tétralogies
*^es j5reÇs » vraifemblablement l ’execution» Il arriva même dpaanrs llaa dfiuffiitceu, ltéc hedze
les grecs, foit que les génies fe fuffent épuifés ,
foit que les athéniens euffent conferve un goût
continuel pour des ouvrages de leurs anciens poetes
tragiques ; il arriva dis-je , qu’on permit aux auteurs
qui leur luccédèrent, de porter au combat les
pièces des anciens poètes corrigées. Quintilien affûre
que quelques modernes, qui avoient ufé de cette
permiffion fur les tragédies d’Efckyle, s’étoient
tendus , par ce travail,- dignes de la couronne ; &
c’eft peut-être aufli la feule à laquelle nous pouvons
afpirer. {Le chevalier d e J a u c o u r t .)
TÉTRAMÈTR E, fi m. Littérat. Dans l’ancienne
Poéfie grèque & latine , c’étoit un vers ïambe
cumpofé de quatre pieds. Voye^ Iambique.
Ùt mot eft formé du grec tta. , quatre, 8c de
AtîTpot, mefure. On ne trouve de ces vers que dans
les poètes comiques , comme dans Térence. [ A n o n
y m e . )
TÉTRASTIQUE , fi m. Belles-Lettres. Quatrain
, fiance , épigramme , ou autre petite pièce
de quatre vers. Voye\ Q u a t r a in . ( A n o n y m e . )
THÉÂTRE ITALIEN, Littérature. L’on trouvera
, aux articles P o è m e d r a m a t iq u e , T r a g
é d i e , C o m é d i e , P a s t o r a l e , P o è m e l y r i q u e , ce qui concerne notre Théâtre; nous allons parler,
dans cet article , du Théâtre italien..
Beaucoup de gens fe perfaadent que totite la
richeffe du Théâtre iralien confifte dans la Mérope
de Maffei, & que nous ne fautions sommet deux
comédies qui vaillent la peine d’ être lues ou repré-
fentées. Pour détruire cette opinion, j’entreprends
de donner des éclairciffements fur la matière dont
il eft queftion ; mais auparavant i l convient de
retracer fuccinétement l ’origine , les progrès., Sc
l ’état aâuel du Théâtre ita lien , Sc de donner une
efpèce de catalogue de nos pièces les plus célèbres.
La Comédie eû ancienne parmi nous.; on en
fait communément remonter l ’origine jufqu’au Dante.
Ce fut en i j o i , qu’ayant été exilé de Florence,
i l compofa fon fameux poème qu’il intitula lui-
même Comédie. Je n’examinerai point fi. ce titre
convient à fon ouvrage , Sc fi le paradis , le purgatoire
, & l ’enfer peuvent fournir des' fujets de
comédie : cette queftion a été déjà difeutée. On
a dit , en faveur du Dante, que la la:ire & le ridicule
répandus dans fon poème fuffifoient pour en
juftifier le titre. Bocace appela de meme fon Amet
une comédie , quoique ce ne foit qu’une narration,,
& qu’il n’y ait oblervé aucune des règles de la.
Poéfie dramatique. Mais pour arriver au véritable
genre dont il s’a g it, c’eft vers le milieu du quinzième
fièçle que les farces commencèrent en Italie.
On n’y avoit pas encore vu de Poéfie en fcènes ,
ni de théâtre dreffé. Ces batelages firent l’amufe-
ment du pêuple jufqu’au dix-feptième fiècle, fans
garder cependant toujours la. même forme. Après
les bateleurs , les bohémiennes montèrent fur le
théâtre. Toutes ces farces fe jouèrent long temps
à Rome & dans toute l ’Italie, non feulement fous
le raafque , mais à vifagë découvert,, avec une eipèce
de chânt , fans accompagnement. Enfin l ’Ariofte
v int, qui donna dés règles & des grâces à la Comédie.
Avant lui cependant il en avoit paru quelques
unes raifonnabies , comme la Calandre du
cardinal Bibiena , & ï A ntitié de Jâques Nardo;
mais le fiècle de l ’Arioftefut le fiècle d’or de notre
Théâtre. C ’eft alors que l ’Italie vit éclorre ce
nombre d’excellents poèmes, qui mirent fa gloire
& fa réputation au niveau ,de celle des grecs & des
latins. Je citerai nos meilleurs auteurs pour garants
de cette comparaifon. L ’I ta lie , dit Crefcimbeni .r
a porte la perfection de la Comédie au point de
le difputer à la Grèce & à Vancienne Rome. Je
rappellerai le fentiment de G ravina, dont le
goût & le difeernement ne font fufpeétx nulle part.
Les italiens , dit - il dans fa Poétique, ont un
grand nombre de comédies fa ite s fu r le modèle'
des anciens; maïs i l n’y en .a point bit l’on
retrouve plus le fe l & la force comique de Plaute,
que dans celles de VAriofle, de Machiavel, de
L’A ré tin , de Bibiena , & du Triffin. J’ai raporté
le jugement de ces deux perfonnages , moins par
une vaine affectation de vouloir faire l ’éloge de notre
Comédie , que pour les oppofer aux dédains de ceux
qui prononcent fi légèrement contre 1éThéâtre itulieiu
Mais, pour reprendre le cours de l’hiftoire , cfeft
dans ce temps de richeffe & de fécondité que l ’Italie
aquit un nouveau genre de Poéfie dramatique ; je
veux dire la Paftorale , qui fut inventée par lé
Sintio, Sc portée par le Taffe à fa dernière perfection
prefque dès fon origine. A la vérité nous
avions déjà vu quelque ébauche de Paftorale dans
des églogues & des comédies champêtres; mais ces
pièces étoient fi dépourvues d’ordonnance Sc d’aétion,
que, fi on excepte la pureté de la langue & quel-?
ques faillies, elles n’avoient rien de ce qu’il faut
pour le Théâtre. A l’exemple des bergers, on
introduifit des pécheurs fur la Scène. Bernardin Rota,
napolitain, fut l ’auteur de cette nouveauté. On-
garo , qui fit repréfenter Ion Alcée en i58 z , y
répandit toutes les grâces Sc toute la beauté dont
ce genre étoit fufceptible. Enfin on fit entrer la
Mufique dans les drames : ce fut l ’époque de la
corruption & de la décadence du Théâtre italien.
Bientôt l ’envie de flatter les rois Sc de nourrir la
vanité des courtifans, fit ^imaginer des héros d’une
eipèce aufli bizarre que nouvelle ; les décorations
Sc les machines achevèrent de fubjuguer la Poéfie;
cette reine du Théâtre devint l ’efclave de la Mufique
, de la v Perfpettive , & de tous les arts qui
lui dévoient être lubordonnés. On récitoit aupara-
ravant, on ne fit plus que chanter. L e Jafon de
Cigognini, qui parut à Venife en 1644 , fut le
premier drame de cette efpèce exécuté publiquement
; mais l ’invention de la Tragédie en mufique
apartient à Rinuccini. Le Théâtre a toujours été
depuis inondé de ces pjèces monftrueufes. Apoflolo
Z en o , dont on connoît la réputation fupérieure ,
& l ’abbé Métaftafe , poète impérial, ont réufli à
réconcilier Polymnie avec Melpomène ; ils ont
banni du Théâtre les monftres & les démons “qui
les défiguroient, pour y fubftituer le charme du
fentiment au merveilleux de la magie. Mais tel
eft cependant l ’effet de leurs brillants ouvrages,
que l ’enchantement de la mufique , la pompe des
décorations , Sc la richeffe des habillements ont
répandu un dégoût général fur le plaifir honnête
de la Tragédie fimple. Notre Théâtre eff tellement
perverti à cet égard, c^u’il n’y a plus d’efpérance
que le bon goût y ramene la majefté du véritable
héroïque, ni la décence de la faine Comédie.
Joignez à cela que la Comédie eft chez nous
entre Tes mains de charlatans, fans efprit & fans
aucune efpèce d'érudition , qui rempliffent à J’in-
promptu un canevas deffiné a la hâte , & dont tout
l ’art confifte à varier des grimaces pour faire rire ;
tandis que les meilleurs génies fe font épuifés des
mois entiers , & même des années , avant d’y reuflîr.
L ’entrée de la Comédie eft d’ailleurs à fi bas prix
en Italie , que les honnêtes gens , ceux dont le
^out Sc le fuftrage pourroient le plus contribuer
a former & à épurer le Théâtre , n'y vont point
& que ces fortes de fpeélacies ne font fréquentés
que par la plus groflière populace, toujours contente
, pourvu que tous les actes finiffent par une
bâftonade d’Arlequin, & la pièce par un double mariage.
Mais revenons à la Tragédie.
Elle a commencé par la repréfentation des évènements
de i ’Hiftoire feinte. La plus ancienne de
ces reprélentaiions eft celle d’Abraham & Ifaac*
Belcari eft l'auteur de cette pièce, qui fut jouée
pour la première fois en 1445?« La fécondé qui
parut fut celle de S. Jean Sc 6’. P a u l , com-
pofée par le vieux Laurent de Médicis. Ces pièces-
étoient affûrément de la plus grofliere {implicite j
mais ifr fpeétacle étoit aufli magnifique qu’on pou-
voit l ’attendre de ces temps-là. Les joutes , les
bals, les feftins, le changement des décorations,
les perfonnages muets , tout concouroit à la folen-
nîté de ces repréfentations , qui fe fefoient la plupart
du temps dans les églifes ou dans les couvents
dé moines. Rien de plus extravagant & de plus
curieux, par le ridicule, que ces fortes de fpec-
tacles , où l ’on voyoit Jéfus-Chrift , les anges, la
Vierge , & les diables jouer des rôles fort indécents.
Je ne cacherai pas que j’ai dans ma.biblio-
thèque environ trois cents pièces de ce genre bur-
lefque , toutes des plus anciennes éditions, & qu’i l
y-en a bien autant & peut-être davantage à Pa-
doue , chez M. Cempo de S. P ie tro , gentilhomme
de mes amis, dont i ’efprit eft très-cultivé, & que
je nomme à titre d’homme de mérite. L a Tragédie
étoit dans cet attirail bizarre, lorfqu’en i$x5> *
George TriJJin fit imprimer à Rome fa Sophonisbe*
Les beautés de cette pièce firent voir dès lors que
notre langue & notre Poéfie étoient fufeep-
tibles de tous les gençes de perfe&ion , quoique
les Critiques prétendent que nous femmes bien
inférieurs aux grecs & aux latins du côté de la
Tragédie. J’avoueTai même que c’eft le fentiment
de Crefcimbeni ; mais j’ajouterai ce qu’il dit, qu’au
jugement des plus fages connoijfeurs les autre#
nations font auffi loin des italiens à cet égard r
que les italiens font près des anciens. Notre
Tragédie commença à déchoir vers le dix-feptième
fiècle , & la,corruption des temps l ’a toujours fait
dégénérer depuis. Ce feroit ici le lieu de parler
des Oratorio Sc des Cantates, efpèce moderne de-
Poéfie dramatique ; mais outre qu’elle n’a point de
raportavec le Théâtre , cet examen me mèneroit trop-
loin : ainfi, je vas paffer au catalogue de nos meilleures
tragédies & comédies.
Je pourrois indiquer d’abord celui’ qu’en a donné
Léon A la c c i dans fa Dramaturgie ; mais malgré
Pimmenfité de cet index , il a fait des omiflions
innombrables. 1 9 Lravaillokaux fupplémsnts
j’ignore s’il les a finis. J’y renvoie ceux dè nos
Critiques qui aeeufent encore leur Théâtre d’indigence.
Quant à ceux qui font moins prévenus Sc
mieux difpofés à nous rendre juftice , il leur fuifira-.
de connoître nos plus fameufes pièces , pour avoir
une idée générale de notre Littérature à cet égard.
La première qui fe préfente eft &àtinie~; comédie
de Polenton, de Padoue , imprimée en 1400^
. fi. je ne me trompe , ï/1-4,0, en très-beau caractère: