J?8 T R K
honteufe. La Mon eft lé terme commun de fout
ce qui eft animé fur la terre. Toute fucbefliori n?eft
ouverte qu’au moment du Décès.
Le "Trépas ne préfente rien de laid à l'imagination
; il peut même faire envilager quelque
chofe de gracieux dans l ’éternité. Le Décès ne
fait naître que l ’idée d’une peine , çauféê par la
réparation des cHofes auxquelles on étoit attaché.
JVlais la Mort préfenté quelqiie chofe de laid &
d’affreux, ( L'abbé GlRARD.) .
Nous ajouterons i° . que Mon s’emploie au
ftyle fimple & au ftyle figuré , 8c que Décès &
Trépas ne s’emploient qu’au ftyle fimple ; z°. que
Trépas-, qui eft noble dans le, ftyle poétique , a
fait Trépajfe , qui ne s’emploie point dans le ftyle
noble. .Ce-n’eft pas la feule bizarrerie de notre langue,
.(D ’ A l e m r e r t . )
(N .) T R È S . Particule ampliative, que la
langue françoife a.empruntée, ou matériellement
du latin très ( trois ) , ou en francifant l’adverbe
ter ( trois fois ). Voye\ A mpliatif & A mplia-t
tion.
L ’expreffion la plus énergique du fens ampliatif
fe fefoit chez les Anciens par une triple répétition
du mot. De là le triple que,.. no.u.s
chantons dans, nos églifes, pour donner plus d’énergie
à notre invoeati ml ; ,8c le triple Sanctus ,
pour mieux peindre la profonde adoration des elprits
céleftes.
L ’idée de cètte^ répétition ampliative n’étoit pas
inconnue aux latins : le' Térgemînis toljeré ho-
horibus i d’Horace1; fon Robur & <es triplex. ; le
Terveneficus de Plaute , pour fignifier un grand,
empoifotineur ; fon Trifur , voleur fieffé ; fon
Triparcus, exceflivement mefquin ; le mot de
Virgile , O terque quaterque beati , répété par
Tibulle , O felicem ilium- terque quaterque diem ,
& rendu encore par Horace fous i une, autre forme ,
Felices ter & ampliks ; tout-cela & mille autres
exemples démontrent allez que l ’ulàge de cette
lano-ue attàchoit un fens véritablement ampliatif
furtout à la triple répétition du mot. Nonparum
hanc fententiam juvat , dit Volfius (D e Ana-
log . II. 1 3 ) , qûod fuperlativi, in antiquis inf-
criptionibus , pofitivi geminatione exprimi-joie
ant : ita , B B in iis notât b e n è BENÈ, hoc eft,
OPTIMÈ ; item B B , BONIS BONIS, hoc eft ,
OPTIMIS ; & F F , FOR TISSIMI iFBLICISSIMI i
item L L , LIBE N T I S S I M È ,* MM, MERl TISSIMO,
étiam MA LUS MALUS , hoc e ft , PESSIMUS.
Voflius cite Gruter pour fon garant, & j’y renvoie
avec lui.
Cet ufage de répéter le mot pour en amplifier
le fens n’étoît pas ignoré des grecs : ce n’eft pas
qu’ils le répétaient en effet ; mais ils en îndi-
quoient la répétition. T fis pAKccptt J'ava.ol TÉ—.
1fdv.it ( OdylL V ) , Ter beati d'anal &
ouater* On peut obferver que le furnona de Mercure
T R È
Trifmégifte v r\ui/UyarU, a par emphàfe line double
ampliation -, puifqu’i l -lignifie littéralement .Ter
maximus.
Ne fommes-nous pas autorifés à croire que notre
particule Très n’a été introduite dans notre langue
, que. comme le l’ymbole de la triple répétition?
L’ufage où- nous* fo mines de lier Très au
mot pofîtif par un tiret , eft fondé fans doute fur
l ’intention de faire fentir , que Très n’eft point
un mot qui faffe une partie-analytique de la
phrafe , que c’eff luie-addition purement• matérielle,
qu’elle n’empêche pas i’unic-é du njot, qu’elle en
indique lêulement la triple' répétition ou du moins
le fens ampliatif que lui donneroit cette triple répétition.
Remarquons à ce fujet que l ’on trouve ■ dans
Clément Marot, un fön f i très - folacieux , en
termes f i très-clairs , de ß très - près; tour
que nous avons abandonné , & peut - être mal à
propbs. Nos grammairiens nous ont d it, i° . que
très-folacieux , très-clairs , font au fuperlatif ;
z°. que le fuperlatif eft le plus haut ’ degré de
comparaifon.ron'en a conclu que, rien ne pouvant
ê.tre ajouté au plus haut degré , le fuperlatif n’ëtoit
plus .liilcèptib,ie d’aùcuqe'modification; & Ton a
cenfuré , rejeté , &abandonné f i très folacieux , fi
très-clairs, &c.1 - 1 '
J’âi prouvé ailleurs ( voye\ S u p e r l a t i f ^ , que
le véritable fuperlatif fuppofe & exprime une çom-
paraifon, ,& que le fuperlatif de fupériorité défigne
en effet lé plus haut degré ; un degré par confé-
quent au deffus duquel il n’y eri a point d’autré ;
& c,e degré s’exprime par le plus , la plus ,
&c y le plus favant des hommes , la plus'aimable
des femmes.. Mais Très ne marque rien de
femblable, il défigne feulement la qualification
de l ’adje&if ou. de l ’adverbe portée à un degré
éminent ; comme il n’y a rien dans ce tour
qui borne la gradation , rien , n’empêche aufli qu’on
ne puifle ajouter, à l ’ampliation marquéè ' par Très.
S i três-fûlqcieux, f i très - claïr , vouloit dire ,
très-folacieux > tris-clair à tel pbint que ; c étoit
une phrafe plus abrégée, paf coriféquerit plus
énergique, & préférable à notre circonlocution
moderne. Nos préjugés contre l ’Archaïfme nous
ont foüvent rendus, jene dis'point 'trop délicats,
mais trop maladroitement délicats. ( ikf, B e a u -
z é e . )
.( N. ) TRIBRACHE ou TRIBRAQUE , f. m.
Terme de la Profodie grèque & latine, qui défigne
un pied fimple de trois fyllabes brèves, comme
ànïmàf, legèré, dominus , &c.
Ce mot eft compofé des deux mots grecs rptîf i
trois y & , bref ; en forte que le niot énonce
en, même temps le nom & la définition de la
chofe.
Selon cette étymoldgie , il ne faudroit écrire
que Tribrache, à caufe dux grec ; mais l'équivoque
T R ï
de la prononciation de notre ch , qu*il feroit fi
aiféde lever ( V o y e\ N é o g r a p h i s m e V., a déterminé
pl ufieurs grtimmairiens à écrire T r ib ra q u e .
( M. B E A U z é e . )
(N .) TRlHÉMIMÈRE’, ad). Semiternarius,
Qui a la moitié de trois parties , ou Qui eft à la
moitié de trois parties. . Mot compofé dès 'trois
mots grecs , rptîs , trois ÿ. npicrvs, demi y 8C ptf os-,
partie. On nomme ainfi une céfure qui fe trouve
au milieu des trois premiers pieds d’un vers, c’éft
à dire , qui fait la première moitié du fécond pied ;
exemples :
Arma vfiumçue cano, Trojce qidprimus ab oris
Ital'um fato profugus Lavinaque venit
Littora.
V o y e \ C é s u r e , E n n é h é m im è r è , H e p h t h é m i -
m è r e . (M. B e a u z é e .) .
T R IM È T R E , f. m. P r o fo d ie la t in e . N e t s
ïambique. La viteffe de l ’ïambe a, fait que , quoique
ce vers foie de'fix pieds,/on l’appelle T r i -
mètre , vers de trois pieds,, par,ce qu’en lé Icàn-
dant on a joint deux pieds enfemble,, les brèves
donnant cette facilité : ainfi, dans ce vers ïambique
de Térentianus ,
Adefio ïambe preepes & tui tenax ;
au lieu de le mefurer en fix,
Ade\Jl,iam\bè pra\pes & | tui\ tenax J f
On l ’a mefuré en-trois ,
Ad e ji’iam \ be preepes & | tui tenax |
J u g a t i s p e r d ip o d iam b in is p ed ib ù s ', ter f e ’r ita r ,
ait Vidorinus. \ L e ch e va lie r D E J A U C O U R T . )
T R IO L E T , P o e f i e f r a n ç . Les françois nomment
ainfi une pièce de huit vers fur deux rimes;
& la,bonté de la pièce confifte dans l ’application
heureufe -qui fe fait des deux premiers vers, .qui font
comme un réfrein. Il faut pour cela qu’ils-rentrent
bien dans le R o l e t , qu’ils tombent au, vrai lieu
des paufès-, dit Saint Amant, qui a expliqué les
règles auftères du T r io le t dans un T r io le t même.
Comme le caractère de cette efpèce de, rondeau eft
d’être plaifant & naïf, on n’en fait guère, pour des
éloges ou fur des fùjets graves ; mais on l’emploie
volontiers pour un trait de fatite -ou de raillerie.
Exemple :
Que vous montrez de jugement,
De prévoyance 8c.de courage 1
Vousi allez au feu rarement;
Que. vous montrez de jugement î
Mais on ,vqus vçitv avidement
Courir des premiers atfpillagè ;
Qüe vous montrez de jugeipent,, • ,
De prévoyance 8c de courage !.
T R I 179
Voici un Triolet d’un goût encore préférable ;
c’eft le-joiiTriplet de Rancnin :
Le premier jour du mois de Mai
Fut Je plus heureux de ma- vie>
.Le beau deffein que je formai ,
• Le premier jour du moi de Mai !
. Je v.ous. vi,s & je v,ous aimai :
Si ce deflein vous plut, Sylvie ,
Le premier jour du mois de Mai
; Fut le 'plus- «heureux. de ma vie.
Rien n’eft di doux, ni fi naïf. ( Le chevalier DE
J A U c o u r t )
■ • (.N. ) T R IPH TH O N G U E , f. f. Mot formé
des deux mots grecs , rpiîs , trois , & cpboyjos , fon.
Selon cette étymologie , une Trip.hthongue eft
line fÿllabe qui fait entendre 1 trois1 fons , trois
v oix , en une feule émiflion. Il peut y avoir des
Triphthongues dans certaines languès ; mais il n’y
en a point • dans la langue françoife,- quoiqu’il y
ait des fyllabes écrites avec trois voyelles. Dieu ,
lieu , n ia is , ne font que des diphthongues, parce
qu’on n’y entend que deux voix, i-euÿ i-a i ,• Août
eft monophthongue, parce qu’on n’y entend que
la voix fimple ou. ( M. B e a u z é e . )
( N. ) TRIS SYL LA B E , TR IS SY L LA B IQU E ,
adj. Dans le Diélionnaire ràifonné des fciences ,
& c , on donne ces deux mots comme fynôniymes;
e’eft une erreur.^
Trijfyllabe lignifie Cômpofé de trois fyllabes :
par ' exemple , Imparfait, Refolu , Souverain ,
Vanité, Aimera, font des mots trijfyllabes ; on
dit rüêhïe que ce font des' Trisyllabes, en prenant
l’adjeâif fubftantivement, bu plus tôt en fouf-
entendânt.le nom.mor.
Trijfyllabique , dérivé de Trijfyllabe, avec une
terminaifon qui défigne un caraélère. particulier ,
lignifie Caradérifé par des mots trijfyllabes : en
ce feris on peut nommer, Trijfyllabique on vers ,
une période , où il n’entreroit que des mots trijfyl-
labes. '
Lorfque La Fontaine dit,
La Cigale ayant1 chanté
Touc J ’ été ;
le fécond vers, Tout Vête , eft Trijfyllabe, parce
qu’il n’eft cbmprofé qué dé trois'fyllabes ; biais il
n’eft point Trijfyllabique,
Ptfilqùç j’en ai Toçcafion,' je remarquerai qu’on
écrit avec deux [ f lés mots Dijfy llàbe, TrijfyT
lq.be., & avec une feule f lés mots Monojyllabe,
Pvly{yllab.e , quoiqu’on prononce partout une
feulé f forte .qu’on ait des. deux parts les mêmes
raifons. pour orthogiraphier de - la' même manière.
Ne rougira - t - on jamais de'ces inconféquences ?
I Les défendra-t-on toujours par l’autorité de I’Ufage,